Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 04:55

Luke Paige est originaire de Grenville, une bourgade sans aucun charme d'Alabama. Il n'y est plus retourné depuis qu'un drame secoua sa famille, une vingtaine d'années plus tôt. Après ses études supérieures, il est devenu enseignant au Clarkston Collège. Il n'a jamais changé d'établissement. Il a été marié à Julia Bates, qui a repris son métier d'infirmière depuis leur divorce, et vit à Chicago. Il possède une petite notoriété en tant qu'écrivain sous son nom complet, Martin Lucas Paige. Ses livres traitent d'épisodes marquants dans l'histoire des États-Unis. Luke admet n'avoir jamais eu la carrière qu'il espérait en tant qu'auteur, sans doute faute d'un talent puissant. Il se contente d'être juste publié.

Au moins a-t-il échappé définitivement à la ville étriquée de son enfance. Certes, il était proche de sa mère, Ellie. Il lui semblait qu'elle n'était pas véritablement heureuse. Car son père Doug fut un personnage fantasque, qui n'accorda guère d'attention à Luke. Il tenait une boutique, le Variety Store, toujours plus ou moins au bord de la faillite. Il subvenait à peine à leurs besoins. C'est Ellie qui encouragea son fils à faire de brillantes études. Elle avait un album familial baptisé “Le voyage de Luke”, recensant les épisodes méritoires de sa vie. Tel ce jour où il fit un discours remarqué dans son école, un exposé s'inspirant de formules trouvées dans un livre de référence, à vrai dire. Trop rustre, peu cultivé, son père ne s'intéressait pas à cet album, selon le souvenir de Luke.

Alors qu'il donne une conférence dans un musée, une femme aborde Luke. Visiblement, elle cherche à avoir une conversation avec lui. Il s'agit de Lola Faye Gilroy, aujourd'hui âgée de quarante-sept ans. Elle fut au cœur de l'affaire meurtrière qui se déroula jadis. Elle était la maîtresse de son père. Informé, Woody Gilroy, le mari de Lola Faye, abattit un jour Doug Paige, avant de se suicider. Du moins, telles furent les conclusions logiques du shérif Tomlinson. Lola Faye n'avait pas d'alibi sérieux. Luke non plus, parti se balader dans la région en voiture. Les faits restaient peu contestables. Native comme son mari d'un bled dans la montagne, Plain Bluff, Lola Faye n'avait déjà pas une réputation excellente. Le drame faisant bientôt d'elle une paria, elle dut quitter Grenville.

Suite au crime, la mère de Luke tomba dans la dépression. D'autant que, alors qu'ils devaient payer les dettes de Doug Paige, les trente mille dollars que son père avait réussi à préserver des créanciers étaient introuvables. Cet argent, avait-il prévu de le dépenser en s'en allant avec Lola Faye ? Bien que suivie médicalement et protégée par son fils, Ellie Paige décéda quelques temps plus tard. Malgré la sympathie de leur voisin, le bijoutier Klein, et l'amour que la jeune Debbie Todd éprouvait pour Luke, c'était l'occasion pour lui de réaliser ses rêves. Égoïstement, peut-être. Même si Lola Faye, avec ce prénom de bouseuse, est loin d'être aussi cultivée que lui, leur rencontre prend la forme d'un bilan...

Thomas H.Cook : Dernière conversation avec Lola Faye (Points, 2014) – Inédit – Coup de cœur –

Qu'il s'agisse d'un roman noir, aucun doute. Car cette longue conversation évoque la vie d'une poignée de personnes dans une ville modeste du sud des États-Unis. Grenville ne possède aucun attrait aux yeux du héros. Dans un décor dénué d'intérêt, sa population est trop terre-à-terre, vit trop simplement, à l'image de ses parents ou de Lola Faye. Même le drame qu'il a traversé dépasse la mesure de cette bourgade tranquille. Le temps a passé, les deux protagonistes survivants de l'affaire ont vécu chacun une existence sûrement moins satisfaisante qu'ils l'auraient souhaité. Après s'être renseignée avec précision via Internet, Lola Faye vient faire le point sur de possibles “apparences trompeuses”.

Pour autant, ce n'est pas exactement l'aspect criminel qui prime ici. Avec la subtilité qu'on lui connaît, Thomas H.Cook suggère qu'une autre version de l'histoire rendrait davantage responsable tel ou tel. Il s'amuse même avec la notion de “films noirs”, puisque subsistent des ombres et que Lola Faye est idéale dans le rôle de la femme fatale. Meurtre, suicide, argent disparu, décès prématuré de la mère du héros, jamais ni le sordide ni le mélo n'ont leur place dans le récit. Toutefois, le thème principal est ailleurs, en filigrane.

Ce dont nous parle l'auteur, c'est de l'ambition parfois excessive, de la réussite sociale et personnelle. Être un brillant étudiant, viser une carrière supérieure, pourquoi pas ? Mais, ce ne doit pas être au détriment de soi-même et des autres. Être aveuglé par son but, au point de mépriser ses origines, ça ne rend sûrement pas heureux, épanoui. La psychologie est un des points forts de ce roman (inédit), comme généralement chez cet auteur. Cette longue et riche “dernière conversation avec Lola Faye” nous offre aussi une réflexion sur la vie de chacun d'entre nous. Oui, à l'évidence, Thomas H.Cook est un grand écrivain.

Partager cet article
Repost0
14 juin 2014 6 14 /06 /juin /2014 04:55

Détective au Quai des Orfèvres sous l’autorité du commissaire Dubœuf, Alexis Duquel a souvent affronté le criminel Machin. Bien que Machin ait été exécuté un an plus tôt, il semble être impliqué dans une nouvelle série de meurtres. Ses empreintes en témoignent. Il utilise un 24x36, arme de précision. Duquel pense qu’il rôde dans un congrès d’auteurs de S.F., tenant ses assises à Assise (Italie). Quatre écrivains seraient en danger : Dumoral, Ducid, Dufrein, et Dural. Ce dernier est abattu. De son côté, le commissaire Dubœuf disparaît un temps dans la nature. La mort d’un nommé Dutronc en serait la cause.

Au congrès, miss Farfrom est victime de Machin. L'écrivain Dumoral et elle furent élevés par la même nourrice – avec d’autres enfants, dont un muet. Menacé, l’auteur de S.F. échappe à un meurtre. Séquestré par un “déjanté ravisseur”, le détective Duquel se libère. Il retrouve la trace du criminel en Occitanie, mais l’homme est déjà parti. Pour Duquel, Machin et le nourrisson muet élevé par Mme Dubon ne pourraient faire qu’un. Plusieurs personnes s’appelant Machin sont tuées, comme s’il s’agissait de brouiller les pistes. A Angers, Duquel a rendez-vous avec l’instigateur de cette affaire. Désorienté, il s’enfuit en empruntant un train-fantôme.

Intervient une pause où Duquel “digressait abusivement, profitant d’un moment d’inattention des lecteurs pour s’éloigner de la solution…” Et quand il s’offre des vacances, les lecteurs protestent. Finalement, Duquel obtient des éclaircissements sur les victimes de Machin, élevées ensemble. Chez la nourrice, Duquel espère découvrir toute la vérité, y compris sur sa propre enfance. Quant à l’assassin, saura-t-on jamais qui il est ?...

Hurl Barbe : Alice crime (Ed.Gingko, 2004)

Il s’agit d’un polar expérimental, dont la première édition confidentielle date de 1979. Réédité depuis 2004 par l'éditeur Gingko, ce livre est toujours disponible. Peu importe que quelques références semblent un brin obscures au lectorat actuel. Car c'est un “petit joyau [qui] rappelle le Boris Vian juvénile de Vercoquin et le plancton selon Michel Lebrun (L’Almanach du Crime, 1980).

Un roman singulier, quasiment mythique. Sa pagination à rebours va de la fin au début. La numérotation des chapitres s’inverse au 17e. L’évolution du récit apparaît extravagante, burlesque, loufoque, mais merveilleusement maîtrisée. Les mésaventures d’un héros amateur d’Alka-Seltzer à la chantilly sont forcément originales. Il suffit de se prendre au jeu du non-sens pour apprécier cette curiosité stylistique. Puisque ce livre est encore diffusé, que les amateurs de hors norme ne se privent pas de le découvrir.

Partager cet article
Repost0
13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 04:55

Au Québec, le village de Malabourg s'étend quelque part au nord de la Baie des Chaleurs. Ce n'est pas au bord de la mer, mais puisque le lac est salé, on l'appelle la mer. Depuis une affaire criminelle, le lac est surnommé “la Tombe”. Malgré sa jeunesse, Mina n'est pas une fille séduisante. Nul ne s'intéresse tellement à elle, on s'en méfie un peu. L'isolement lui convient assez bien. Mina n'a pas le menton en galoche, caractéristique de la population locale. Peut-être l'héritage de sa grand-mère Cécile, qui vivote dans la réserve indienne de Mowebaktabaak, non loin de là. Âgé d'une petite vingtaine d'années, Alexis a le menton en galoche et ne se passionne que pour ses fleurs. Il reste amoureux de la belle Geneviève, même si celle-ci est morte.

C'est elle qui a été la première des trois victimes. Âgée de dix-sept ans, bien plus jolie que Mina, Geneviève est alors enceinte, et ne veut surtout pas le montrer aux autres. Elle a une relation avec un homme mûr, notable de Malabourg. C'est le père de sa meilleure amie, Liliane. Quand Geneviève est assassinée, son cadavre demeure introuvable pendant quelques temps, avant que des plongeurs de la Sécurité du Québec ne le retrouvent dans le lac. En lisant le journal intime de son amie, Liliane ne tarde pas à comprendre ce qui s'est produit. Une pression émotionnelle trop lourde pour une jeune fille comme elle. On l'envoie en pédo-psychiatrie à Québec. Dans le service traitant les folles de son espèce, Liliane y sympathise avec Maria, hantée par des voix.

Au seuil du Nouvel An, Liliane et Maria sont à Malabourg. Elles vont être assassinées par celui qui a déjà tué Geneviève. La solitaire Mina est témoin du meurtre de Maria. Elle espère même la sauver, mais c'est trop tard. Face au criminel, Mina sait bien qu'elle ne pourra pas le dénoncer. Les cadavres des deux victimes ne seront retrouvés qu'à la mi-mars, dans le lac. Pendant plusieurs semaines, Mina a évité de fréquenter le centre-ville où elle risque de croiser l'assassin intouchable. Finalement, elle se décide à l'affronter, cherchant à obtenir des aveux. Tout en s'occupant de sa grand-mère, Mina économise pour pouvoir poursuivre des études à Montréal. Alexis, lui, va réaliser son rêve, apprendre le métier de créateur de parfums en France, à Grasse...

Perrine Leblanc : Malabourg (Éd.Gallimard, 2014)

Il s'agit d'un roman littéraire, pas d'un polar à suspense. D'ailleurs, le nom du meurtrier nous est révélé tôt. Ce qui n'enlève rien à la noirceur de cette intrigue, au contraire. Les scènes d'agressions ou face au tueur sont empreintes d'une réelle tension. Car la frontière est mince, quasi-inexistante entre les genres romanesques, on le sait. Dans sa troisième partie, mettant en scène Mina et Alexis, la suite de l'histoire aborde une autre tonalité, c'est vrai. Pourtant, le dénouement a un rapport direct avec le triple crime.

Si le récit devient bientôt fascinant, c'est certainement parce qu'il n'a rien de linéaire. On suit Mina, on se met dans la peau de Geneviève ou de Liliane, on entend parler Maria, on voyage en bus jusqu'à Montréal, on va même jusqu'à New York, on se souvient de Grasse. L'auteure est directe en évoquant le corps des jeunes femmes, sans érotisme flagrant. En exprimant pourtant une belle sensualité. Une poignée de personnages annexes retiennent l'attention. La grand-mère de Mina, bien sûr. La singulière Madame Ka, patronne d'un bar local. Son client de Segabun, aux manières de brutes, mais pas si méchant. Sans oublier Sam, frère de Liliane et intime avec Mina, ou l'ombre de ce vagabond, vague suspect.

Le style narratif est souple et subtil. Parfois enjoué, ou bien plus mordant, en décrivant par exemple la psychiatrie pour les mineurs : “L'hôpital évoquait à certaines patientes le presbytère beigeasse de leur paroisse, à celles qui ne jouaient pas le jeu des médecins il fait penser à une prison... Ces fous n'ont pas encore le droit de vote, ils ne peuvent ni fumer, ni se soûler légalement, ils n'ont pas encore compris comment rentrer dans les rangs et la cage du monde pour être comme les autres, mais ils sont là, fatigués et vivants.” Jeune romancière québécoise récompensée pour son précédent titre, Perrine Leblanc mérite d'être adoptée par les lecteurs français, car elle ne manque pas de talent.

Ce roman de Perrine Leblanc était un des deux finalistes du Prix Françoise Sagan, attribué le 12 juin 2014 à "Buvards" de Julia Kerninon (Ed.Le Rouergue). Les autres sélectionnés étaient : Lola Lafon, Anne Plantagenet, Céline Minard, Gwendoline Hamon, Françoise Cloarec, Philippe Lacoche, Baptiste Rossi, Gilles Sebhan, Nicolas Clément.

Partager cet article
Repost0
12 juin 2014 4 12 /06 /juin /2014 04:55

Mario Leroux est policier dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec. Âgé de cinquante-quatre ans, Leroux est divorcé d'avec Myriam, enseignante à l'Université Laval, depuis cinq ans. Une rupture pas seulement due à cette affectation au Lac, sans doute. Sa compagne actuelle se prénomme Caroline, barmaid et vaguement étudiante, nettement plus jeune que lui. Ils n'affichent pas leur liaison amoureuse. La réputation de leurs deux métiers, policier et barmaid, contribue à cette discrétion.

Le seul collègue de Leroux qui soit au courant de ça, c'est le sergent-détective Dave Rathé, aussi nommé Yawatha. “Il avait une belle figure d'Indien, un sourire à un million de dollars, et la carrure d'un ancien joueur de défense qui se serait relâché à l'entraînement… Tout dépendant du point de vue, Yawatha était la pire ou la meilleure police du Québec. Ce séducteur ayant cultivé un vaste réseau d'indic, “personne ne trouvait plus rapidement d'informations que Yawatha”.

Un crime sanglant a été commis au village de Saint-Léandre (rebaptisé Villeneuve, nom qui n'est pas du goût de Leroux). Les Fortin, un vieux couple de fermiers sans enfants, ont été massacrés chez eux. Des sexagénaires bien intégrés dans leur village près du Lac. “Il y avait un genre d'énigme autour du double meurtre de Saint-Léandre. Dans la cave de la maison, on avait trouvé un coffre-fort, fermé et barré. C'était un vieux coffre, à clé, pas à combinaison... C'était sans doute la chose que Leroux détestait le plus au monde : un mystère. Un faux-mystère, en plus.”

Le policier chevronné est sûr que deux agresseurs ont attaqué ce couple âgé. Rien ne prouve qu'ils aient emporté une grosse somme. Autour de Leroux, ses collègues jouent aux limiers façon Columbo, émettant les plus absurdes hypothèses. De toutes façons, le coffre-fort était vide. Les victimes avaient un petit-neveu, Martin Gagnon. Ce jeune repris de justice purgeait sa peine au moment du crime, au pénitencier fédéral de Donnacona, à l'ouest de la ville de Québec. Il s'y trouve toujours. “Martin Gagnon avait exactement l'air auquel Leroux s'était attendu. Un petit toffe [dur] qui essayait très fort d'avoir l'air plus toffe et plus vieux qu'il n'était en réalité” constate le policier.

Le détenu ne se montre pas coopératif. Ça n'empêche pas Leroux de quitter le pénitencier avec des certitudes. En particulier, qu'il n'y avait “pas une cenne [centime] chez les Fortin”. Par ailleurs, on a découvert des empreintes sur le lieu du massacre. Ce sont celles d'un malfaiteur répertorié, Benoît Gamache. Ce voyou médiocre serait impliqué dans un trafic avec des Hell's. Leroux est confiant : c'est dans ces circonstances-là que Yawatha, le champion de la traque, est capable de montrer tout son talent. Il repère bientôt le suspect et son complice, pas du genre à effrayer l'Indien...

Samuel Archibald : Quinze pour cent (Éd.Le Quartanier, 2013)

Strictement polar, ce roman québécois d'une soixantaine de pages ? C'est effectivement d'une affaire criminelle et d'une enquête, dont il est question. Toutefois, les étiquettes n'ont aucune importance quand il s'agit d'un bon roman. À travers le contexte évoqué et le portrait du policier Leroux, c'est aussi de la société de son pays dont nous parle l'auteur. Si les lecteurs québécois sont sûrement plus habitués aux décors, cette histoire est également l'occasion pour les Français d'une visite dans des paysages différents.

D'un œil parfois rêveur, l'enquêteur observe autant le Québec qu'il se fie à son instinct, à son expérience. On lira -page 55- une définition juste du rôle d'un policier : “Leroux avait toujours été lucide sur ses propres motivations à faire son travail. Il n'avait jamais pensé qu'il travaillait à protéger les innocents contre les méchants. Il n'était pas idiot. En vieillissant, il se rendait compte qu'il était payé surtout pour empêcher deux communautés de se rencontrer...” La vie privée de Leroux n'est pas moins intéressante que l'aspect professionnel. Il forme avec la jeune Caroline un couple encore incertain. Doit-il être jaloux des clients du bar qui l'emploie, et du beau Yawatha ? Un court roman diablement sympathique.

Partager cet article
Repost0
11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 04:55

Maurice Morrigane est inspecteur de police au 36 Quai des Orfèvres, dans le service du commissaire Blondeau. Il habite seul rue du Pré-Saint-Gervais, dans le 19e, avec son chat Marlowe. Il reste marqué par le souvenir de son grand amour, Elena, une Russe au visage de madone. Fatale passion, digne des romans de Dostoïevski ou de Tolstoï. Désabusé, il mène ses enquêtes sans précipitation, au gré de son inspiration. Il ne manque jamais son rendez-vous du soir à La Comète, le bistrot de Fernande. Il y retrouve ses amis, le notaire plutôt droitiste, et Alain, jeune médecin juif qui croit encore en son métier. Les problèmes de santé de Fernande les unissent, car ils ne tiennent pas à perdre celle qui leur mitonne de bons petits plats. Le livre de référence de Maurice, c'est “Les souffrances du jeune Werther”, l'œuvre de Goethe, histoire d'amour dépourvue de médiocrité.

L'acteur Fred Morange a été assassiné, décapité chez lui à Neuilly. “La tête de l'acteur était coupée et posée sur une table basse, tandis qu'un grand tableau accroché au mur était bariolé de sang, comme si quelqu'un avait eu l'intention de repeindre ce salon dans une couleur plus gaie.” L'inspecteur Morrigane n'est pas tellement cinéphile. L'agent de l'acteur rappelle à Maurice que Fred Morange fut le fiancé de Simone Vitelli, comédienne décédée encore jeune deux ans plus tôt. Quant à ceux qui n'appréciaient guère le défunt, Maurice n'a qu'à traîner du côté des studios d'Épinay. Là-bas, dans la loge de la victime, il trouve une photo de Simone Vitelli, que l'acteur semblait ne pas avoir oubliée. La nostalgie du Paris d'avant déprimant quelque peu Maurice, il ne se bouscule pas pour enquêter.

C'est grâce à une piécette de monnaie italienne que le policier avance d'un grand pas. Il s'aperçoit que Simone Vitelli était le sosie de Simonetta Vespucci. À Florence, au glorieux temps des Médicis, la jeune fille fut le modèle préféré de Sandro Botticelli. Pour sa beauté remarquable, les Florentins la surnommèrent “la Senza Paragoni”, la sans pareille. Elle fut l'épouse de Marco Vespucci, mais aussi l'amante de Julien de Médicis. Ce qui entraîna certains drames, dont la grande famille de Florence était coutumière. Un rapprochement autour de la date du 26 avril pousse Maurice à s'interroger. Simone et Simonetta, deux jolies femmes qui avivent en lui l'image perdue d'Elena. Il balade sa nostalgie dans les parcs parisiens, avant d'être invité au Festival de Cannes...

Guy Marchand : Calme-toi, Werther ! (Éditions Neige / Gingko, 2014)

Guy Marchand fait partie de ces artistes populaires du cinéma et de la télévision, connu aussi comme chanteur à la voix de crooner. Il a parfois joué des flics à l'écran, en particulier dans “Garde à vue” (de Claude Miller, 1981), qui lui a valu le César du meilleur acteur dans un second rôle. Pendant une douzaine d'années, Guy Marchand incarna dans une série-télé de trente-neuf épisodes le rôle de Nestor Burma, le détective créé par Léo Malet. Sans nul doute, un personnage qui a contribué à sa notoriété, encore que ça ne résume pas sa longue carrière depuis 1970. S'il affiche volontiers un dilettantisme mêlé d'un brin de cynisme, il n'en reste pas moins un comédien qu'on apprécie. Auteur, il a obtenu un certain succès avec “Le soleil des enfants perdus” (Gingko, 2011), récompensé par le Prix Jean Nohain.

Ce n'est pas un roman policier balisé que nous propose ici Guy Marchand. Son enquêteur baigne dans une mélancolie quasi-permanente : “Le printemps murmurait de l'optimisme qui ne l'atteignait pas.” Ce flic préfère circuler à pied dans Paris, occasion d'observer sa ville, d'en respirer l'ambiance et de se remémorer des images. Les comédiens sont aussi évoqués dans cette histoire, méritant un hommage : “Merveilleux menteurs que ces acteurs. Mensonges sincères. Ils commençaient à lui plaire, les acteurs. Parce qu'après tout c'était des désennuyeurs au milieu d'un monde d'emmerdeurs... Pas facile de jouer la comédie, pensa Maurice, normal qu'on les décore, même si ça peut défriser les militaires qui défendent la nation, les acteurs eux la défendent contre l'ennui.” Côté vie privée, il y a encore ses rares amis, et Fernande qui leur donne du souci. Ce sont tous ces éléments qui, outre le suspense, offrent à ce roman une très agréable tonalité. Voilà un polar à l'écriture fluide qui se lit avec un réel plaisir.

Partager cet article
Repost0
10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 04:55

Ce week-end de Pentecôte, deux festivals sont simultanément organisés en Bretagne. Saint-Malo avec “Étonnants Voyageurs” est géographiquement à l'opposé de Penmarc'h avec “Le Goéland Masqué”, ciblé polars et romans noirs. Après la journée du samedi 7 juin consacrée au premier, l'après-midi du dimanche 8 juin se devait de s'intéresser au second.

Direction la pointe du Pays Bigouden, où la mer signe le terminus.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Roger Hélias, président de l'association organisant l'évènement, m'explique pourquoi il a invité Nicolas Mathieu, auteur de “Aux animaux la guerre” (Actes Noirs). Si je fus le tout premier à chroniquer ce roman, avec un Coup de cœur, il a aussi séduit immédiatement Patrick Raynal. “Un roman noir français d'une qualité que je n'ai pas trouvée depuis longtemps”, estime ce dernier. Un des meilleurs titres de 2014, c'est évident.

Ci-dessous, Nicolas Mathieu.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

L'écrivain Jean-François Coatmeur, 89 ans, parrain du Prix du Goéland Masqué pour la dernière année, a eu de sérieux soucis de santé l'an passé. À cause des traitements médicamenteux, il se sentait parfois Dr Jeckyll et Mr Hyde, d'humeur extrême. Bien qu'affaibli, il se sent mieux et son moral est meilleur. Ce qui fait grand plaisir à ses amis et admirateurs.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Claude Mesplède, encyclopédiste de la littérature policière, a repris lui aussi du poil de la bête. Après quelques contrariétés, le voilà aussi percutant que possible. Bonne nouvelle, pour tous ses amis présents.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Parmi les auteurs internationaux, Petros Markaris (publié chez Seuil) est venu présenter ses romans, dont ceux qui évoquent la crise grecque (Liquidations à la grecque - Le Justicier d’Athènes - Pain, éducation et liberté), mais aussi ses titres disponibles chez Points.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Non loin de là, l'auteur roumain George Arion s'est fait connaître cette année avec “Cible royale” (Editions Génèse), un suspense où se confrontent plusieurs services secrets autour du possible retour de l'ancien roi de Roumanie.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Ci-dessous, Max Obione côtoie Carlos Salem, habitué de ce festival.

 

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Là-bas, Nadine Monfils signe plein de dédicaces, près de Gilles Del Pappas.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Gilles Bornais (auteur confirmé, publié chez Fayard à la rentrée 2014) et Thierry Bourcy (auteur de polars sur fond de guerre 1914-18).

 

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Deux barbus souriants : Yvon Coquil, auteur d'une nouvelle aventure de Léo Tanguy (aux éditions La Gidouille), et Arnaud Le Gouefflec, auteur et scénariste de BD, qui finalise un projet avec l'éditeur Gingko.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs

Reportage réalisé au festival Le Goéland Masqué, à Penmarc'h,

le dimanche 8 juin 2014.

Le Goéland Masqué 2014 à Penmarc'h – des images, des auteurs
Partager cet article
Repost0
9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 05:30

Samedi 7 juin, 15 H. Rendez-vous avec Chris Womersley au bar de l'hôtel Oceania, qui jouxte le Palais du Grand Large, siège d'Étonnants Voyageurs. J'ai quitté à la hâte le stand de mes amis Québécois, j'y retournerai. Miracle, je suis à l'heure.

Après “Les affigés”, l'auteur australien Chris Womersley vient de publier “La mauvaise pente” chez Albin Michel, dans la collection dirigée par Francis Geffard. Merci à ce dernier d'avoir planifié cette rencontre. Il est vrai que je n'ai pas caché mon enthousiasme autour de ce roman supérieur. Chris Womersley s'avance vers moi, souriant, main tendue. Nous serons bientôt rejoints par une charmante jeune traductrice. Ça vaut mieux, même si je comprends à peu près l'Anglais et si je le baragouine vaguement. Interview ou rencontre entre un auteur et un lecteur, ce sera autant les deux approches.

Chris Womersley "Les affligés"

Chris Womersley "Les affligés"

Le thème de “Les affigés”, son précédent titre que je n'ai pas encore lu, c'étaient les séquelles de 14-18. Une question sur ce livre : Chris Womersley me confirme que oui, les Australiens se souviennent et commémorent toujours leurs 70.000 soldats engagés dans le premier conflit mondial. Peut-être une des raisons du succès de ce roman.

L'essentiel de l'entretien concerne “La mauvaise pente”, premier roman écrit par l'auteur, mais le second paru en français.

Chris Womersley assume de ne pas avoir situé géographiquement l'histoire. “Nowhere and everywhere” (nulle part et n'importe où), c'est ce qu'il a souhaité. Aucune arrière-pensée de placer plus aisément ce roman chez des éditeurs, ni de viser un plus vaste public du fait de son universalité, comme je l'ai suggéré par taquinerie. Un vrai choix, donc.

Il est question d'une somme de 60.000 dans ce roman, pas une fortune puisqu'il s'agit de trafics. Dans la V.O., il semble que ce chiffre soit plus clairement affiché en dollars, ce qui apparaît moins dans la traduction française (excellente, néanmoins).

Une scène qu'il a voulu forte dans ce roman ? Au motel, alors qu'un couple est plein de vie, le jeune Lee agonise (blessé par balle au ventre) dans la chambre de l'autre côté du mur. Symbolique d'une situation quasi-désespérée, dans l'indifférence, tandis que le monde continue à tourner.

Chris Womersley "La mauvaise pente"

Chris Womersley "La mauvaise pente"

Le jeune Lee, le Dr Wild en fuite, le vieux truand Joseph : Chris Womersley n'a pas voulu les présenter comme des héros positifs. Non, il y a nettement plus de mauvais que de bon en eux. Le seul qu'on puisse un peu défendre, c'est le médecin, pour sa naïveté. Il a commis une faute par négligence, avec ses antécédents de drogué, mais ce n'est pas un criminel. Les deux autres sont de véritables malfaiteurs. Bien sûr, le lecteur peut leur accorder une certaine sympathie. Mais l'auteur estime trahir l'idée s'ils s'en sortent trop bien. Lecteur et auteur savent qu'il s'agit d'une fiction. Toutefois, pour convaincre, l'auteur doit rester dans une logique réaliste, être juste.

Surtout, Chris Womersley ne raconte pas simplement une histoire. Il tient à ce que son écriture soit la plus belle possible. Même si la brutalité domine le récit, évidemment. Sur ma suggestion, il admet que règne ici un climat fatalement sale, “dirty”.

Sur le stand Albin Michel, Chris Womersley et Paul Lynch ("Un ciel rouge, le matin")

Sur le stand Albin Michel, Chris Womersley et Paul Lynch ("Un ciel rouge, le matin")

Les héros de “La mauvaise pente” peuvent rappeler ceux de David Goodis, face à leur sombre destin. En fait, Chris Womersley se sent plus proche du cinéma de Jean-Pierre Melville, avec des personnages ténébreux, parlant peu mais ayant un passif chargé. Tel “Le Samouraï” (1967, avec Alain Delon).

Pour Chris Womersley, dans le roman noir, ce sont avant tout des héros corrompus (“corrupted”, à traduire plus sûrement par : viciés, pervertis, gangrénés). Ils vivent une chute morale, donc probablement sans retour. Une version jusqu'au-boutiste du roman noir, vers le “darkness”, l'obscurité.

J'espère ne pas avoir trahi ni la pensée, ni les réponses de ce remarquable écrivain australien. Très belle rencontre, avec un auteur qu'il faut lire absolument. Merci encore à Chris Womersley, à notre traductrice, et à Francis Geffard.

Partager cet article
Repost0
8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 07:05

Voilà plusieurs années que je n'étais plus retourné à Saint-Malo, pour le festival Étonnants Voyageurs. Mon billet de train indique que ce n'est qu'à 227 km de chez moi. Cela sans compter les vingt minutes de marche à pied vers le site, et retour. Sous un soleil de plomb, et il n'y avait même pas un brin de vent ce samedi. Rare à Saint-Malo, un tel manque d'air. Disons que j'ai accepté ce sacrifice afin d'en rapporter deux reportages. Arrivée sur place vers 11 H du matin. Pour commencer, je vais chercher mon accréditation. Pas facile de trouver la salle, mais c'est l'occasion d'y apercevoir le boss, Michel Le Bris, dans d'ultimes préparatifs avec des collaborateurs.

Étonnants Voyageurs samedi 7 juin 2014 : la fête culturelle (1)
Les débats au palais du Grand Large

Les débats au palais du Grand Large

Muni du sésame, premier tour de piste. Dans le Palais du grand Large, se succèdent en cette fin de matinée les débats animés par Maette Chantrel et d'autres. Près du bar, des espaces destinés aux expositions. L'une d'elles concerne “Caricaturistes, fantassins de la démocratie” d'après l'initiative et le film de Radu Mihaileanu, Plantu et Kofi Annan. Elle est plutôt attirante, visiblement. Quand je reviens en tout début d'après-midi au palais du Grand Large, la foule fait la queue devant le grand auditorium. Pour voir (je crois) un film inédit sur le Brésil, un de thèmes de l'évènement. Pour ma part, je n'ai pas trop le temps de suivre débats et animations, dont beaucoup sont pourtant attrayants.

"Caricaturistes, fantassins de la démocratie"

"Caricaturistes, fantassins de la démocratie"

La foule fait la queue

La foule fait la queue

Premier passage au salon du livre, en face. C'est chouette d'arborer un badge de presse, pas l'habitude des entrées gratos. Je salue Didier Daeninckx qui, à ce moment-là, est au stand Cherche-Midi/Sonatine, où il présente “Le tableau papou de Port-Vila”. Sur un autre, ce sera pour “1914-1918, La pub est déclarée”. Sachant qu'il participe également à des animations par ailleurs, Daeninckx est très occupé, mais toujours prêt à échanger. Salutations et discussions avec mon ami Hugo Buan, dont les enquêtes du commissaire Workan sont aujourd'hui publié aux Éditions du Palémon. Par ailleurs, je repère les stands où je pourrai peut-être croiser des auteurs. Pour Ron Rash, faut pas trop espérer, il est annoncé en fin de journée. Comme une auteure québécoise publiée chez Gallimard, Perrine Leblanc. On aura l'occasion de reparler d'elle : j'ai acquis son dernier roman.

Le salon du livre

Le salon du livre

À propos de Québécois, La Librairie du Québec est présente. C'est un de mes objectifs du jour, je ne le cache pas aux hôtesses très sympas. Car, en début d'après-midi, je m'y pointe de nouveau. Un bonhomme de ma carrure arrive derrière moi. “Dis-moi, Michel Vézina, tu peux lire ce qu'il y a d'écrit sur mon badge de presse ?” Bonne nature, l'auteur s'exécute... et nous tombons fraternellement dans les (gros) bras l'un de l'autre. Nous avons été longuement en contact mais c'est notre première rencontre. Comme disait l'autre écoloenhélico, “séquence émotion” (ce qui explique que j'ai raté la plupart des photos de mon pote). Les hôtesses de La Librairie du Québec rigolent, Michel et moi passons vite à la complicité qui, dès le départ, nous a unis. C'est même lui qui va choisir deux bouquins québécois, dont je ferai la chronique un de ces jours. Michel sera le dernier que je saluerai avant de devoir quitter la fête, plus tard.

Michel Vézina

Michel Vézina

J'ai un rendez-vous à honorer. Il en sera question dans un second reportage.

Retour au stands, comme chez les vroum-vroum. Un petit bonjour à Emmanuel Grand, qui cartonne avec “Terminus Belz”. Il prévoit déjà un autre roman, bonne nouvelle. Pas une suite de celui-là, merci pour l'info. Courte discussion avec mon camarade Alain Emery, auteur de nouvelles et de romans, au talent indiscutable. Conversation avec Dragan Brkic, dont le nom rappelle ses origines balkaniques. Prof de sport en Bretagne depuis plusieurs décennies, il a publié “Footness” chez PubliBook. Un roman sur la manipulation à tous les niveaux dans les milieux sportifs. Avis aux amateurs de suspenses sur ce thème !

Emmanuel Grand

Emmanuel Grand

Ah, mister Jérémie Guez est enfin disponible. Notre jeune auteur (“Le dernier tigre rouge” chez 10-18) a l'air bien content de me voir. Ce qui est réciproque, n'en doutez pas. Il est heureux que j'ai apprécié et chroniqué (par deux fois) son nouveau titre. Qui a dit que les jeunes étaient les plus ingrats ? Pas moi. Un romancier à suivre de près, un large potentiel d'écrivain, Jérémie Guez, on ne le répétera jamais assez.

Jérémie Guez

Jérémie Guez

Voilà un aperçu de mon passage à Étonnants Voyageurs, le samedi 7 juin 2014. Rendez-vous pour la suite, ma rencontre avec Chris Womersley.

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/