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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 05:55

Le commissaire divisionnaire Robert Laforge et son adjoint Étienne Brunet en ont vu “des vertes et des pas mûres” en trente ans de carrière. Pourtant, dans cette affaire-là, ils sont “restés comme deux cons”. Le rondouillard et caractériel Laforge autant que le grand et fidèle Brunet, ils croyaient tenir le coupable dès le départ. Élodie Favereau, vingt-sept ans, prof de français, a été assassinée chez elle avec une hachette. Le tueur l'a mutilée, posant en vue la tête décapitée de la jeune femme. Mise en scène sordide, perverse. Grâce à des caméras de surveillance, le suspect est très vite identifié. Antoine Deloye, vingt-huit ans, est le fiancé d’Élodie. Il a des vêtements identiques à ceux des vidéos, et son ADN est sur les lieux du crime. Pas d'empreintes, à cause dune maladie génétique, l'adermatoglyphie. Les yeux très clairs d'Antoine, captés en vidéo, suffiraient presque de preuve.

Bientôt arrêté et interrogé, le suspect accuse son frère Franck. Ce serait un être malsain, jaloux, qui aurait autrefois tué un chien à la hache, et entraîné la mort prématurée de leurs parents. Ce Franck est effectivement son jumeau, à l'identique : les policiers en sont tout surpris quand il se présente à leurs bureaux. Franck a l'air affable, bouleversé quand il apprend le crime. Quand le commissaire Laforge se montre affirmatif, Franck refuse de croire en la culpabilité de son frère Antoine. Non seulement ils ont le même ADN, mais le jumeau n'a pas d'empreintes non plus. Pour Laforge et Brunet, les deux pistes sont autant valables, à suivre à égalité. Franck est pris en filature par un flic. Si Antoine réclame son avocate, rien d'urgent pour Laforge. D'abord comprendre comment le tueur a éliminé tout le sang qui a dû gicler sur lui, et pourquoi il est entre-temps sorti acheter des roses.

Le lieutenant Hervé Pauchon, trente-et-un ans, blessé en service, est un maladroit aux yeux du colérique Laforge. Brunet l'envoie dans l'immeuble d’Élodie pour une enquête de voisinage. L'appartement de la jeune femme donne une impression d'abandon. Ça faisait plusieurs jours qu'elle en était absente. Les Marchand, couple de vieux voisins, ont-ils vraiment eu le pressentiment qu'un malheur devait arriver à côté ? Pauchon persiste à chercher témoignages et éléments sur place, tandis que Laforge consigne noir sur blanc pour son équipe tout ce qu'on sait déjà. Un des deux frères a un alibi : il a passé la soirée dans un bar avec Fabrice Peyrot, collègue d'Antoine, connaissant également Franck.

Sans doute les policiers ignorent-ils que, dès l'enfance, les jumeaux se montrèrent plutôt joueurs, mais aussi très turbulents. Ils brouillaient les pistes pour que leurs parents ne puissent pas les identifier. À l'âge de cinq ans, ils eurent une sœur, Claire, dont le décès subit ne leur causa pas d'émotion visible. En grandissant, les parents ne furent plus en mesure de maîtriser Antoine et Franck, sans qu'on sache lequel était le plus méchant. Le docteur Catherine Daout, gynécologue aujourd'hui âgée, avait fini par être effrayée par cette famille, par ces jumeaux monstrueux. Pour les policiers, le premier face-à-face des frères ne sera guère concluant, chacun accusant toujours plus ou moins vivement l'autre…

Jacques Expert : Deux gouttes d'eau (Sonatine Éditions, 2015)

Dans la réalité, ce type d'affaire serait un casse-tête pour n'importe quel enquêteur. Nul doute qu'un vrai policier ou un juge d'instruction n'auraient qu'une envie, être dessaisi du dossier au plus vite. Peut-être même, de quitter le métier. Tenir le coupable, tout en étant dans l'impossibilité de désigner lequel d'eux, terrible dilemme. Mais l'expérimenté Robert Laforge n'est pas de ces flics qui renoncent, quitte à éclater de rage ou a accuser un de ses subordonnés (ici, le jeune Pauchon) quand le cas est difficile à résoudre. Son adjoint ne sait trop sur quel pied danser, non plus. L'un et l'autre ont un suspect différent.

Le théoricien du polar S.S.Van Dine recommandait (règle n°20, alinéa F) d'éviter comme procédé de présenter “le coupable frère jumeau du suspect ou lui ressemblant à s'y méprendre”. Certes, mais en affichant cette gémellité ou l'aspect identique dès le début, on contourne aisément ladite règle. G.J.Arnaud le démontra déjà dans “Les imposteurs” (Fleuve Noir, 1980). Notons la présence furtive d'un Professeur Mesplède (spécialiste des maladies orphelines), ce qui ressemble fort à un clin d'œil à Claude M. On l'aura compris, c'est la notion de jeu que Jacques Expert cultive dans cette histoire. Jeu entre l'auteur et le lecteur, entre le commissaire Laforge et ses collègues, et bien sûr entre les jumeaux. Bien malin qui dira quel est le criminel. Une intrigue solidement racontée, ce qui n'exclut pas de belles occasions de sourire.

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 17:00

Admirateur de San-Antonio et de Joël Houssin, Pascal Candia débuta en 2007, ses premiers polars étant publiés aux Editions du Valhermeil. D'excellents romans d'action. On apprend tardivement le décès de ce jeune romancier né en septembre 1968, décédé fin juillet 2014. Retour sur ses deux premiers titres.

“Argenteuil, c'était un accident” - Cette nuit-là, Christian cause l’incendie accidentel du pavillon familial, ce qui provoque la mort de ses parents. Après son hospitalisation, l’orphelin sympathise avec le commissaire Lambrosi. Ayant eu un passé perturbé, celui-ci se montre protecteur. Christian doit habiter chez sa tante, qu’il connaît à peine, et son oncle irascible. Heureusement, leur fille Valérie est amicale avec son cousin Christian. Leroy, le fourbe assureur, fait preuve d’hostilité. Il met en doute la vérité de l’accident, afin de ne pas payer. Christian s’énerve contre Leroy, bien que Lambrosi tente de le calmer. Dans la maison sinistrée, l’orphelin récupère un coffret contenant les économies de son père. Un inconnu l’agresse, et lui dérobe l’objet. Lambrosi et Christian identifient le voleur, Leroy. Celui-ci s’enfuit, prenant Valérie en otage. Le policier repère la planque de l’assureur, qui s’échappe. Leroy est un individu dangereux. Il essaie d’attaquer chez eux Christian et Valérie. L’orphelin bouscule l’ex-associé de l'assureur pour le faire parler. Leroy continue à harceler Christian, qui est bientôt aidé par son ami Yvan...

Hommage à Pascal Candia (1968-2014)

“Chefs d'oeuvres meurtriers” - Christian et Yvan ont dû se cacher en Espagne, suite à leurs précédents ennuis. Par besoin d’argent, et parce qu’il n’oublie pas Valérie, Christian estime qu’il est temps de retourner dans la Val d’Oise. Chauffeur-livreur ami d’Yvan, Arnaud leur propose un coup fructueux. Il va transporter en toute discrétion un lot d’œuvres d’art, dont le Portrait du docteur Gachet de Van Gogh. L’opération préparée par un nommé M. Joshua consiste à intercepter le convoi. Ensuite, un commanditaire paiera leurs services, une fois les toiles réceptionnées par M. Joshua. En réalité, cet ancien mercenaire (Kleiner, de son vrai nom) a l’intention de se débarrasser des trois complices sans payer. Le braquage effectué, Christian et ses amis (dont Valérie, qui les a rejoints) sont méfiants. La livraison tourne mal : Kleiner tire sur Arnaud, file avec les toiles, tandis qu’Yvan et Christian doivent fuir. Lambrosi espérait retrouver Christian avant qu’il n’aille trop loin. Informé de la disparition de Valérie et du vol des tableaux, il comprend que son jeune protégé est dans de sales draps. Le Japonais qui a assuré la sécurité du convoi traque, lui aussi, les coupables...

Pascal Candia en publia un troisième "Danse avec les flics", avec les mêmes personnages. Puis c'est aux Éditions Sirus qu’il signe le premier opus de la collection Régio-police, "Au-delà du périph". Chez le même éditeur, il sera l'auteur de deux épisodes de Blade "Les lions ailés de Janthor", et "Le secret des lions ailés", n°205 et n°206, puis d'un épisode de Kira B, "Crisis". Récemment, il publia "Le boucher du Capitole", un polar historique aux éditions Marabout.

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 06:40

Février, à l'époque de la Saint-Valentin. Roger Broome est un gros costaud de vingt-six ans passés. Il habite Carey, un village de la montagne, avec son frère Buddy, vingt-deux ans, et leur mère Dorothy. Ils y fabriquent des bibelots en bois, des ustensiles de cuisine. Plusieurs fois par an, Roger Broome parcourt deux cent quatre-vingt kilomètres de Carey jusqu'ici, pour venir les vendre en ville. Cette fois, il a loué une chambre meublée pas chère chez l'aimable Mme Dougherty. Ce matin, Roger compte s'adresser aux policiers du 87e District d'Isola. Devant le commissariat, il hésite. Il croise le repris de justice Clyde, qui lui explique les pratiques des flics. Ce qui fait encore reculer Roger.

Quand il fait la connaissance de Ralph, un drogué traficoteur récidiviste, ça ne s'arrange pas. Ils tombent sur l'inspecteur Andy Parker, du 87e. Ce que préférerait Roger, c'est de discuter avec un flic plus sympa que celui-là. Auquel il parlerait de la rousse Molly Nolan, âgée de trente-trois ans, originaire de Sacramento. Une femme pas si attirante au départ, à vrai dire, qu'il a rencontrée dans un bar. Téléphoner à la police ? Pour leur dire quoi, finalement ? Il vaut mieux que Roger passe du bon temps avec la jolie vendeuse noire du drugstore, Amelia Perez. À vingt-deux ans, Amelia a déjà une maturité certaine. Flâner ensemble et s'embrasser sur la Promenade au bord de l'eau, une parenthèse agréable.

Malgré tout, il faut bien que Roger retourne sur Grover Avenue, au 87e. Il y remarque un inspecteur qui a l'air ouvert, un prénommé Steve. Roger l'observe dans ce restaurant français, ou Steve déjeune avec son épouse pas causante. De retour à sa chambre meublée, Roger constate que sa logeuse a appelé la police pour un cambriolage. On lui a volé un vieux réfrigérateur poussiéreux remisé à la cave. Les inspecteurs Hal Willis et Cotton Hawes interrogent les clients de Mme Dougherty, y compris Roger. Ce montagnard n'a pas le profil pour commettre ce genre de larcin. Quand même, il est prudent que Roger brûle un foulard compromettant, avant de retrouver la jolie Amelia…

Ed McBain : Entre deux chaises (Série Noire, 1965)

Il s'agit du dix-neuvième titre de la série consacrée au commissariat du 87e District. Peut-être un des plus originaux, car Steve Carella et ses collègues policiers n'y apparaissent qu'en tant que seconds rôles. C'est Roger Broome, brave jeune campagnard, candide car peu habitué à cette liberté que lui offre son séjour en ville, qui est le héros de l'affaire. On comprend bien que ce garçon soit si hésitant pour contacter la police, lui dont la place est dans son petit village, auprès de sa mère et de son frère.

À l'opposé de ce côté naïf, Ed McBain témoigne d'une autre réalité : la relation entre un homme blanc et une femme noire. À l'époque, au milieu des années 1960, c'est encore très inconvenant. La jolie Amelia confie même à Roger un épisode malsain de sa prime adolescence. C'est là tout le charme des romans de cet auteur, approcher les réalités de son temps, montrer de vraies facettes de l'Amérique. Cette histoire ne manque pas d'une ironie bienvenue. Un des excellents suspenses de cette série.

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 05:55

En Finlande, le terrain de camping de Vehmerranta appartient au couple Kilkki. Situé au bord du poissonneux lac de Pyhäjärvi, ouvert pour l'été à partir de mai, il se compose seulement d'une demie-douzaine de bungalows. Ces chalets sont principalement loués d'avance par des habitués. Il s'agit de passionnés de pêche, tel le fluet et taciturne Ilpo Kauppinen accompagné de son épouse Hilkka. Bientôt retraité, il y passe ses journées jusqu'à l'automne, le matin près de la rive, l'après-midi en eaux plus profondes, pêchant à la ligne ou au lancer. Il alerte la police ce matin-là, après avoir reçu sur sa barque un message de détresse par CB de Hilkka, restée au bungalow. Le quadragénaire capitaine Sudenmaa est chargé de l'affaire, l'épouse d'Ilpo ayant effectivement disparu du chalet.

Même si une battue avec des volontaires ne la retrouve pas, le policier préfère considérer que Hilkka est encore en vie. Nul cadavre noyé dans le lac, non plus. Tout en enquêtant, Reijo Sudenmaa garde un œil sur sa fille adolescente Mariska, qu'il élève seul car sa mère Irene n'est guère exemplaire. Le policier s'aperçoit que Ilpo Kauppinen divorça de la robuste Seija Kauppinen, avant de se remarier à la sœur de celle-ci, Hilkka, bien plus terne. Telle une furie mal contrôlable, l'amazone Seija accuse son ex-mari Ilpo d'avoir assassiné sa femme, sa sœur à elle. Ils n'ont été mariés qu'un an, mais les obsessions halieutiques du pêcheur exaspéraient Seija. Celle-ci est la seule à parler d'une mésentente dans le couple Hilkka et Ilpo. Sa sœur a souscrit une assurance-vie en faveur de Seija.

Osmo Kilkki, fils des propriétaires du camping, fait un possible suspect. Âgé de vingt ans, défiguré lors d'un incendie durant son enfance, il apparaît assez simplet. Ce bricolo sans vraie activité n'a pas d'alibi sérieux. Il fut accusé d'une tentative de viol sur une femme mûre, par le passé. Sudenmaa visite l'appartement des Kauppinen, où rien ne semble manquer parmi les affaires personnelles de Hilkka. Il remarque les trophées de Ilpo, ses “crânes”, têtes de poissons correspondant à ses records de pêche.

Au camping, un voisin habitué aussi du lac admet ne pas avoir de relations avec Ilpo. Un coin de la propriété abrite une décharge puante, remplie de poissons mort, futurs appâts pour Kauppinen. Ilpo continue à passer une grande partie de son temps sur le lac. “L'eau, perfection incarnée”, indispensable pour lui. Ignorant toujours si Hilkka est vivante ou défunte, Reijo Sudenmaa espère que cesseront les addictions de son ex-femme Irene, pour l'équilibre de Mariska. Par contre, le policier n'empêchera certainement pas une nouvelle disparition...

Martti Linna : Le royaume des perches (Babel Noir, 2015)

Il paraît que la Finlande compte 187.888 lacs, la plupart assez petits : c'est dire que Martti Linna a choisi le décor le plus typique de son pays. En conséquence, on imagine que les pêcheurs finlandais sont très nombreux. Probablement pas tous aussi obsédés par les gardons, les brochets et surtout les perches, que Ilpo Kauppinen. Ça reste une activité saine, proche de la nature. Sauf, peut-être, quand on s'entraîne à la pêche au lancer dans une piscine. La psychologie du mari de la disparue fait parfois sourire, disons-le.

Quant à l'enquêteur Sundemaa, il a son lot de soucis privés, ce qui influe finalement peu sur le rythme de ses recherches. Il n'irait pas plus vite, ne serait pas plus efficace, s'il n'y avait le cas de son ex-épouse, divorcée depuis neuf ans. Le contexte agreste incitant à une agréable lenteur, l'intrigue avance sans précipitation. Déterminer les circonstances de la disparition, établir une petite liste de suspects, comprendre la relation de couple chez les Kauppinen, l'enjeu est classique et non dépourvu d'intérêt. Tout ça se passera dans le climat de plénitude où baigne ce roman. Par sa tonalité, ce suspense de Martti Linna est doté d'un charme évident.

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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 05:55

Parmi les polars disponibles en format poche dès ce mois de janvier 2015, en voici deux qu'il faut absolument retenir.

Zygmunt Miloszewski : "Les impliqués" (Pocket, 2015)

Varsovie, juin 2005. Magistrat âgé d'environ trente-cinq ans, Teodore Szacki a déjà les cheveux blancs. Il est marié depuis dix ans à Weronika, conseillère juridique employée à l'hôtel de ville, et passionnée de football. Ils ont une fille de sept ans, Hela. Teodore Szacki n'est, en tant que procureur, qu'un des modestes rouages de la justice polonaise. Avec son ami policier Oleg, ils se complètent fort bien. Les dossiers ne manquent pas, dont beaucoup en attente de CSS, classement sans suite. Il parvient parfois à en relancer un, tel le viol et le meurtre d'une ado disparue, dont le cadavre fut enterrée dans une cour d'école. L'affaire sera semi-élucidée. Dans un autre cas, face à une meurtrière ayant tué son mari non sans raison, le procureur Szacki ne retiendra qu'un crime accidentel.

Le docteur Cesary Rudzki a organisé durant le week-end un exercice thérapeutique pour quatre de ses patients, louant des locaux à l'église de la Vierge Marie de Czestochowa. Le dimanche matin, le cadavre d'Henryk Telak est découvert, tué d'un coup de broche à rôtir dans l'œil. Une affaire à sensation, sur laquelle la belle journaliste Monika voudrait obtenir des détails. Bien que mari fidèle, Szacki s'avoue désirer une relation intime avec Monika. Selon le premier rapport d'Oleg, le psy Rudzki ferait un bon suspect. Szacki interroge les patients, la prof Hanna, la comptable Barbara, et Ebi Kaim. Le docteur Rudzki explique au procureur la méthode utilisée pour cette thérapie, des jeux de rôles très intenses. Henryk Telak était le cas principal, ce week-end. Car l'ambiance familiale de la victime est assez mortifère. Jadwiga Telak, l'épouse de la victime, confirme. Le fils de quatorze ans, malade en sursis, est également interrogé. Sur son dictaphone, Henryk Telak enregistra entre autres un message d'adieu...

Bien que l'énigme soit le moteur de ce premier roman de Zygmunt Miloszewski traduit chez nous, on trouve ici bien d'autres aspects passionnants. D'abord, à travers la personnalité du procureur. Il sait que sa fonction est sans prestige, exigeant pourtant un discernement humaniste. Outre qu'il a d'autres dossiers en cours, on le voit troublé à la fois par cette curieuse thérapie qui entraîna un meurtre, et aussi par sa relation avec une journaliste. Dans un cas criminel, le doute habite toute personne sensée : le portrait nuancé de ce magistrat enquêteur s'avère très réussi. Ce qui distingue un roman noir, c'est son contexte. Nous sommes ici dans la Pologne postcommuniste, une quinzaine d'années après l'avènement de la démocratie. À travers le métier de Weronika, l'épouse du héros, on constate que des lourdeurs administratives restent présentes. Le procureur gagne correctement sa vie, mais semble attentif à ne pas gaspiller d'argent… Voilà un suspense noir qui ne possède que des atouts très favorables.

Polars poche 2015 : Zygmunt Miloszewski (Pocket) - Walter Mosley (Babel Noir)

Walter Mosley : "Les griffes du passé" (Babel Noir, 2015)

Âgé de cinquante-quatre ans, Leonid McGill a longtemps participé au plus sales activités de la vie new-yorkaise. Ce Noir encore athlétique, boxeur amateur, a tourné la page en devenant détective privé. Ses relations avec les flics restent diverses. À son égard, la policière Bonilla fait preuve d’empathie, mais l’inspecteur Kitteridge espère toujours le coincer pour ses méfaits passés. Quant au capitaine Charbon, c’est l’adversaire le plus dangereux du détective. Côté familial, pas brillant non plus pour McGill. Son épouse Katrina et lui sont aussi infidèles l’un que l’autre. McGill reste obsédé par la belle métis Aura Ullman. Elle l’a quitté pour le directeur financier gérant l’immeuble prestigieux où il a ses bureaux.

Sur le conseil de son fils, le détective engage la toute jeune Mardi Bitterman. Celle-ci ayant déjà connu de lourdes épreuves, elle va se montrer une secrétaire efficace. McGill connaît des contrariétés avec ses garçons. Twill, le fils très débrouillard de Katrina, et Dimitri, l’ombrageux fils de McGill, se sont entichés de filles de l’Est. Ils ont disparu avec elles, restant vaguement en contact. Katrina s’inquiète à juste titre. Pas sorcier d’imaginer que ces trop jolies filles appartiennent à un réseaux mafieux. En l’occurrence, celui d’un slave nommé Gustav. Si McGill ne craint guère les sbires de ce type retors, une explication invoquant une erreur ne suffit pas à régler la situation. Alphonse Rinaldo, conseiller spécial de la ville de New York, est en réalité un caïd mafieux auquel McGill ne peut refuser aucun service. Sans s’expliquer, Rinaldo exige que le détective retrouve et protège Angélique Tara Lear. C’est d’abord sur un double meurtre que tombe McGill. Une certaine Wanda Soa, fille de riches parents brésiliens, a été assassinée avec violence. Son meurtrier, un inconnu, est également mort dans la même pièce. Les flics étant sur l’affaire, ils posent d’embarrassantes questions à McGill. L'affaire s'annonce pleine de coups tordus...

Après “Le vertige de la chute”, la deuxième aventure de Leonid McGill, aussi excitante que la première. De plus en plus foisonnante, même. Le fil conducteur étant l’enquête autour d’Angie, le détective utilise ruse et force pour progresser. L’univers de McGill est bien loin d’investigations linéaires, ponctuées de quelques effets et de révélations soudaines. Son expérience s’est construite sur des erreurs, il le sait trop bien. Si son existence est encore plus compliquée que pour la moyenne des new-yorkais, McGill s’en accommode. Il se souvient chaque jour des leçons que lui inculqua son père idéaliste. Son principal enseignement étant, sans doute, qu’il faut toujours trouver un moyen de se sortir des situations périlleuses. C’est un pur bonheur de suivre les nouvelles tribulations de Leonid McGill, véritable héros humaniste de roman noir.

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 05:55

À Londres, James Trelawney et Andrew Singleton ont acquis une belle réputation en tant que “détectives de l'étrange”. En cet automne 1938, la paix n'est que relative en Europe après les fallacieux Accords de Munich. S'il ne renonce pas à prévoir un séjour sur le continent, le duo s'accorde d'abord quelques vacances aux États-Unis. Ils y retrouveront un ancien compagnon d'université, Stuart Latham Dauncey. Comédien sans avenir, celui-ci s'est reconverti comme rédacteur au “Hollywood Citizen-News”. Échotier du cinéma, où la production très active de films entraîne infos et rumeurs, Stuart Dauncey connaît sa part de notoriété. La villégiature des détectives est programmée de fin-novembre à mi-décembre.

C'est au “Mayflower Hotel” de Los Angeles qu'ils louent une suite. Ainsi James Trelawney peut-il fréquenter les soirées mondaines, espérant y côtoyer les stars féminines du monde hollywoodien, tandis qu'Andrew Singleton va passer son temps à la bibliothèque, la Los Angeles Public Library. Il y étudie la vie et l'œuvre de Jack London, ainsi que les troublants mouvements eugénistes qui se sont créés en Californie. La sélection génétique apparaît tel un symbole de modernité, légitime à cette époque. Au soir d'une journée festive, le duo se trompe de route pour regagner la ville, se perdant dans les brumes de Mulholland Highway. Du côté de Malibu Lake, leur automobile heurte un effrayant personnage, qui s'enfuit.

“C'était une sorte de créature fantastique mi-homme, mi bête, échappée tout droit d'un conte populaire, et dont les yeux ténébreux étaient fixés sur moi. Sa face toute entière, ses oreilles, son cou, de même que l'extrémité de ses membres, tout chez lui était recouvert d'une épaisse fourrure.” Singleton et Trelawney pensent avoir vu une sorte de loup-garou. À moins qu'il ne s'agisse d'un canular, d'une opération publicitaire en ces temps où les films d'horreur font la fortune des studios de Hollywood ? Si le duo est perturbé, l'histoire amuse leur ami Stuart Dauncey. Néanmoins, on apprend qu'une jeune femme a été sauvagement égorgée ce soir-là vers minuit près de Malibu Lake.

Stuart identifie rapidement la victime, Innes Crowrie, serveuse dans un cabaret, l'Angels Club. Singleton et le journaliste partent à la découverte de l'établissement, qui s'avère singulier. On peut y assister à des spectacles avec des artistes genre sœurs siamoises, des Freak Shows. Le couple de propriétaire, Sam Llewellyn et sa femme Eileen, prétendent ainsi protéger ces monstres humains. Innes Crowrie avait aussi sa particularité physique. Ils suspectent un des deux nains ayant rôdé récemment autour du club. À la bibliothèque, Singleton s'informe plus tard sur le syndrome d'Ambras, possible explication concernant le lycanthrope qu'ils pensent avoir vu cette nuit-là.

De retour sur Mulholland Highway, Trelawney et Singleton explorent les alentours du cottage du crime. C'est en face, dans Malibu Lake, qu'ils découvrent le cadavre de leur loup-garou. Ils alertent la police, en la personne du sergent Terrence Latimer. Le capitaine Chambers serait, lui, d'avis de clore cette affaire. Le défunt lycanthrope possédait un livre de Victor Hugo, “L'homme qui rit”, qui fut adapté au cinéma. L'aide de Random et Brisbee, le duo de nains suspecté par Llewellyn sera fort utile aux deux détectives. C'est dans le désert Mojave qu'ils trouveront des réponses, dans un “castello” de style mauresque...

Fabrice Bourland : Hollywood Monsters (Éd.10-18, 2015)

Lorsqu'on veut faire évoluer des héros dans un contexte aussi complet que possible, il est indispensable de se documenter très précisément. Ce qu'à fait l'auteur, pas uniquement sur le cinéma ou au sujet des phénomènes de foire appelés Freaks, mis en valeur par le célèbre film de Tod Browning. Les décors et la géographie de Los Angeles et de sa région sont aussi évocateurs, ainsi que l'ambiance festive en ces temps de Prohibition. Parmi les mouvements intellectuels, la Société Théosophique et ses théories raciales sont également esquissées. Depuis peu, c'est le triomphe pour les adaptations des romans noirs tels ceux de Raymond Chandler, avec Humphrey Bogart ou autres “gueules” du grand écran.

Toutefois les films d'horreurs séduisent encore. Si la carrière du cinéaste Tod Browning se termine presque, Boris Karloff, Basil Rathbone, Lon Chaney Jr, Lionel Barrymore ont toujours un public. C'est dans cette ambiance-là que débarque ce duo d'enquêteurs, plutôt dans la tradition de Holmes et Watson. Ils sont davantage habitués à une part de mystère irrationnel, que leurs confrères américains. Leur ami reporter Stuart Dauncey fait le lien entre les deux cultures. Hommage est rendu aux monstres humains exhibés dans les Freak Shows, tandis que Trelawney et Singleton sont plongés dans une aventure aussi palpitante que troublante. Un riche et captivant suspense !

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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 20:15

Un communiqué des amis de Régis Messac, qui portent aujourd’hui le deuil de l’un des leurs : l’écrivain Michel Jeury, mort jeudi 8 janvier. Il avait 80 ans. Ses obsèques, à caractère civil, ont eu lieu mercredi 14 janvier au cimetière de Villedieu (Vaucluse), près de Nyons (Drôme).

Auteur notamment d’Aux étoiles du destin (1960), du Temps incertain (1973), de May le monde (2010), Michel Jeury fut en 2010 l’invité d’honneur des 7e Rencontres de l’imaginaire, à Sèvres. Les amis de Régis Messac saluent la mémoire de celui qui fut considéré dans les années 1970 comme le chef de file du renouveau de la science-fiction française. Ils saluent l’écrivain, l’écrivain-paysan, le poète, le romancier, l’essayiste, le travailleur qu’il fut, l’instituteur aussi, l’homme humble, leur ami. Les amis de Régis Messac s’associent à la douleur de ses proches et de ses amis. À sa femme, Nicole, et à sa fille, Dany, ils adressent l’expression de leur infinie tristesse.

Le romancier Michel Jeury est décédé
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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 05:55

J'avais commandé assez tôt au Père Noël sept bougies aux couleurs variées, afin d'illustrer l'anniversaire d'Action-Suspense. Arrivée après les fêtes, la livraison était erronée : ce sont sept bouteilles colorés que j'ai reçues. Et vides, qui plus est. Ce foutu Père Noël est un crétin, c'est certain. À cause de lui, je vais moi aussi passer pour un imbécile. Un lot de bouteilles au lieu de bougies, c'est ridicule. Tant pis, on va faire avec ce dont on dispose.

Ça fait déjà sept ans que ça dure ? Ben oui, Action-Suspense a 7 ans !

Action-Suspense a donc sept ans. L'Histoire humaine n'en sera pas bouleversée. On retiendra plutôt d'autres chiffres sept, tels les sept jours de la semaine, les sept péchés capitaux, les sept merveilles du monde, les sept branches du chandelier des Hébreux, la Menorah. Ou encore "Sept ans de réflexion" avec Marilyn Monroe, et toujours au cinéma "Les sept samouraïs" et "Les sept mercenaires", voire les noces de laine au bout de sept ans.

Inutile de dresser l'historique d'Action-Suspense (qui débuta le 16 janvier 2008), ni d'étaler un bilan chiffré (très satisfaisant). Chaque jour, les lectrices et les lecteurs de polars trouvent ici de quoi alimenter leurs envies de lecture. Des nouveautés de belle qualité, que j'essaie de présenter avec la plus grande honnêteté. Des suspenses plus anciens, qu'il est plutôt sympathique de relire ou de découvrir. Car les littératures policières, ça ne se réduit pas à des titres actuels, aussi excellents soient-ils. L'essentiel étant, on ne le répétera jamais assez, le plaisir de lire et l'envie de découvrir les aspects les plus divers de cette thématique. La “culture polar” est tellement variée !

Une fois de plus, visiteurs occasionnels ou réguliers, habitués fidèles ou non d'Action-Suspense, merci à chacune et à chacun. Ce qui me ravit, c'est que la plupart d'entre vous ont compris ma démarche de partage, ma volonté de prouver au quotidien la diversité du polar. J'espère continuer aussi longtemps que possible...

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