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2 novembre 2017 4 02 /11 /novembre /2017 05:55
Joseph Incardona récompensé par le Prix du polar romand

La deuxième édition du Festival de polar Lausan'noir se tenait du 27 au 29 octobre au théâtre 2.21 de cette ville suisse. À cette occasion, a été créé le “Prix du polar romand”. Récompense qui a été décerné à Joseph Incardona pour son roman "Chaleur", publié chez Finitude en janvier. Il avait été sélectionné pour le Grand Prix RTL-Lire 2017.

C’est un jury expérimenté qui a sélectionné ce titre de Joseph Incardona (Pascal Kneuss, blogueur polar et sergent à la police cantonale de Fribourg ; Valérie Dätwyler, blogueuse polar et professionnelle de la médecine scientifique ; Cécile Lecoultre, journaliste et critique polar à 24Heures ; Stéphanie Berg, libraire, responsable du rayon polar à Payot Pépinet Lausanne et Michel Sauser, directeur du Théâtre 2.21 à Lausanne). Ils ont retenu ce polar "pour son écriture soignée et personnelle, son originalité et son rythme soutenu". Deux autres romans étaient proposés : ceux de Marie Javet avec "La petite fille dans le miroir" (Plaisir de Lire) et de Marc Voltenauer avec "Qui a tué Heidi?" (Slatkine & Cie).

Le festival a accueilli une soixantaine d'auteurs dont Nicolas Feuz, Marc Voltenauer, Marie Javet, Catherine May, Sébastien Meier, Marie-Christine Horn, Sire Cédric, Xavier-Marie Bonnot, Maud Tabachnik, Ariane Gélinas, Valerio Varesi, Romain Puértolas, Hannelore Cayre, Olivier Sillig, le cuisinier Thierry Marx (qui a écrit un roman policier avec Odile Bouhier), Cédric Fabre, Marie Vindy, Mathieu Neu et Janis Otsiemi.

(source Livres Hebdo, Thomas Vincy).

Félicitations à Joseph Incardona, déjà mis à l’honneur par de précédents prix : le Grand Prix de Littérature Policière 2015, et le Prix du Roman noir du festival de Beaune 2011. Cliquez ci-dessous pour lire ma chronique sur l’excellent “Chaleur”…

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9 février 2017 4 09 /02 /février /2017 05:55

Ce roman a été récompensé par le Grand Prix de Littérature Policière 2015. Ceux qui ont suivi depuis quelques années l’œuvre de Joseph Incardona n’ont pas été tellement surpris par cette consécration. Heureux que cette prestigieuse distinction lui soit attribué, c’est certain. Car c’est un écrivain qui ne se contente pas d’exploiter de noirs sujets, d’aborder des thématiques souvent sombres. On retient en priorité son écriture, ce titre montrant à que point elle peut s’avérer puissante, percutante. Électrochoc qui va troubler une partie des lecteurs, en effet. Perfectionniste, Joseph Incardona peut ainsi revendiquer son propre style, sa tonalité.

Dans son roman “Autoroute” (1977, Rivages/Noir n°165), Michel Lebrun nous montra déjà quel enfer pouvait devenir ces grands axes routiers. Incardona nous invite à revisiter la question. Autour de ce qui, dans la fiction comme dans la vraie vie, attire un mélange de sentiments, l'enlèvement d'enfants. Avec sa dose de curiosité : “Pierre se faufile jusqu'au bar. Derrière lui, d'autres gens affluent. Les curieux. Ceux qui passent par là et ont su par la radio que c'est à l'aire des Lilas que se trouve le "spot". Au cœur de l'événement. Le centre du monde. Surfer sur le pli de la vague. L'attrait du morbide. Peut-être quelques bonnes âmes parmi eux. Des sincères, des généreux, des Mère Térésa. Ou alors ni l'un, ni l'autre. Une exception. Un exalté…”

Un polar métaphysique, dans le sens où il interroge sur les comportements humains, sur les réactions en lien ou sans rapport avec un drame ? Sans doute, oui. Si le récit apparaît saccadé, c'est en partie pour extérioriser ce que chacun des protagonistes garde en soi-même. Ce qui se transformerait en hurlements, dans certains cas, si nous n'étions pas civilisés. Telle semble être l'ambition de l'auteur, montrer une noirceur intime. Nous connaissons le criminel, mais saurons-nous discerner son état d'esprit ? En suivant Pierre dans ses investigations, ou la gendarme Julie Martinez, plus quelques autres personnages, comprendrons-nous les tourments qui les agitent ? Tout cela dans un décor contradictoire, vivant et artificiel. Loin du simple cas de kidnapping, une intrigue singulière…

Joseph Incardona : Derrière les panneaux il y a des hommes (Pocket, 2017)

Le regard de Pierre se pose sur les deux gendarmes que le grouillement de personnes semble agacer. L’attroupement se fend d’un passage au fur et à mesure qu’ils traversent la cafétéria. Une femme et un homme. Ils passent si près de lui qu’il peut sentir leur odeur de sueur mélangée à un léger parfum, déodorant, eau de Cologne. Leurs insignes disent capitaine et lieutenant. Trois et deux bandes sur les épaulettes. Il a eu le temps d’apprendre. Il entend la femme appeler son collègue "Gaspard".
Gaspard, putain.
Pierre les suit, voit les fesses musclées et le bassin un peu trop large du capitaine, ses jambes épaisses qu’il devine solides sous le treillis. La crosse du pistolet dépasse du baudrier, côté gauche de sa hanche. Juste le flingue et le téléphone portable. Rien d’autre du fatras habituel qu’ils trimballent à leur ceinture. Un minimaliste.

Une autoroute longue de quelques dizaines de kilomètres, dans le Sud-Ouest de la France. Un axe routier avec son bitume, son béton, ses ponts appelés “ouvrages d'art”, ses aires de repos et ses aires de service, ses restaurants, ses parkings. Ce ne sont pas seulement des milliers de véhicules qui transitent par l'autoroute, ce sont des quantités de personnes qui passent ou qui y sont employées. Malgré tout, un ressenti d'anonymat, où des drames se produisent quelquefois, en plus des accidents de la circulation. Des gens disparaissent, des jeunes filles. Comme Catherine Mangin, en septembre dernier. Comme Lucie Castan, en janvier. Comme aujourd'hui, en ce week-end du 15 août, la petite Marie Mercier, âgée de douze ans, qui s'était éloignée de ses parents ayant une discussion d'adultes.

Pierre Castan, la cinquantaine, a été médecin légiste pendant dix-sept ans. Si la mort de sa fille est probable, ça ne lui fait pas peur. Voilà plusieurs mois qu'il erre, d'aire en aire, allant et venant sur ce ruban bitumé, à la recherche d'un indice, du prédateur. Pendant ce temps, son épouse Ingrid se morfond chez elle, confinée dans la solitude, mélangeant une flopée de sentiments. Pierre observe ceux qui passent, ceux qui restent. Une pute trans telle que Lola, car le sexe a toute sa place autour de l'autoroute. Une femme étrange, Tía Sonora, plus ou moins devineresse. Des tas de couples tous différents, bien sûr, dont un voyageant en side-car. Les gens qu'il remarque le moins, c'est le personnel de restaurants, évidemment. Il croit davantage en son instinct que dans un soutien psychologique.

Alerte-enlèvement pour Marie Mercier. C'est la capitaine de gendarmerie Julie Martinez qui est chargée de l'enquête. Avec son collègue Thierry Gaspard. Les parents, Sylvie et Marc Mercier, ils sont déboussolés, ils culpabilisent à mort. Déjà que leur couple battait de l'aile. Le duo de gendarmes n'obtient que peu de collaboration de Gérard Lucino, le directeur des restaurants de l'autoroute. Il a d'autres chats à fouetter, un peu de coulage dans le stock, et surtout un chiffre d'affaire en berne. Il y a un moment où Lucino risque de réaliser qu'il n'est qu'un rouage, pas à la hauteur, qui ferait aussi bien de foutre le camp. Les vidéos de surveillance, ça n'aidera pas vraiment les deux gendarmes. Il s'aperçoivent qu'il y a des caméras factices, et des angles morts permettant au ravisseur de sévir impunément.

Tandis que le journaliste Chacal bénit ce fait divers, la gendarme Julie Martinez fatigue de ne pas venir à bout de l'enquête. Quelqu'un qui connaît les leurres des caméras, c'est qu'il travaille ici, mais qui ? Pierre poursuit sa traque d'indices, sous la chaleur, et malgré une grève créant des embouteillages…

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16 janvier 2017 1 16 /01 /janvier /2017 05:55

La Finlande, pays scandinave si souvent présenté comme exemplaire ! Gérer 5,5 millions d’habitants n’est pourtant pas comparable à des nations au moins dix fois plus peuplées. Entre forêts et lacs omniprésents, la vie des Finlandais apparaît harmonieuse. Pourtant, il faut croire qu’ils s’ennuient quelque peu. Au point d’égayer leur vie en organisant chaque année un Championnat du Monde du Sauna. C’est dans la petite ville d’Heinola, vingt mille habitants, que ça se passe. Par assonance, ce nom fait penser à Enola Gay, l’avion qui largua la première bombe atomique. Même si la population s’éclate lors de ces festivités, rien d’aussi dramatique lors de la compétition. Encore que des services de secours soient prêts à intervenir lorsque les concurrents subissent des malaises.

Depuis trois années, le champion incontesté, c’est Niko Tanner. Ce Finlandais de quarante-neuf ans est aussi très connu pour ses prestations dans des films pornographique. C’est un "hardeur" qui fait fantasmer les femmes, y compris les jeunes filles. La seule qui soit parvenue à s’accrocher à lui, c’est sa compagne Loviisa Foxx, pro débutante du X. Ce qui ne signifie pas qu’il lui soit fidèle sexuellement. Continuant à s’alcooliser et à forniquer, Niko ne semble pas se préparer au championnat de sauna. Néanmoins ce costaud possède un bon mental et des réserves physiques qu’il sait entretenir.

Âgé de soixante ans, Igor Azarov est depuis trois ans le finaliste perdant du championnat de sauna d’Heinola. D’un petit gabarit, cet ancien militaire russe fit carrière dans les sous-marins puis dans le Renseignement. Veuf, Igor est le père d’Alexandra Azarov, trente-sept ans, juriste auprès du Conseil Européen à Bruxelles. Depuis longtemps, elle a rompu tout lien avec son père. Sa propre vie manquant d’équilibre, d’ailleurs. Igor et Niko éprouvent une estime mutuelle, mais sans concession. Pour le Russe, ce sera la dernière tentative de remporter le titre de champion de sauna. Des raisons personnelles l’amèneront à utiliser certains produits illicites, avec la bénédiction d’un ami médecin compatriote.

Les qualifications et le premier tour du championnat sont quasiment une formalité pour les plus sérieux concurrents. Toutefois, Niko et Igor ne prennent pas les choses à la légère. Quelques adversaires, tels le Révérend, le Turc ou l’Outsider, ont aussi leurs chances. Il ne reste plus que cinquante-trois candidats à la veille du deuxième tour, ce qui explique une sacrée tension chez certains d’entre eux. Cela échappe probablement au public comme aux médias, la bonne humeur étant toujours de mise. Tandis qu’Igor est miné par un doute grandissant, Niko assume son statut de favori alors qu’arrive la demie-finale. Les deux rivaux ont bien l’intention de rester seuls à s’opposer…

Joseph Incardona : Chaleur (Éd.Finitude, 2017)

Le "Révérend" est un adversaire sérieux, un candidat pour la finale. L’année précédant le premier sacre de Niko, il avait manqué le titre de peu, et ce trou du cul de pasteur suédois est de retour. Mais au fond, c’est cela qu’il respecte : savoir durer dans un monde où tout vous pousse vers l’éphémère. Il a pris maintes fois le temps de l’expliquer à Loviisa, comment monter en puissance par paliers, et d’une certaine façon, il veut bien admettre que Dieu est une constante. Travail et pugnacité, il n’y a pas de secret. Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte à son sujet : ses talents naturels, Niko les a toujours soumis à une discipline qui compense ses excès.
Quoi qu’il en soit, ce fils de pute est là. Le problème avec ce genre d’adversaire, c’est que Dieu est son pote, et que sa résistance dépend beaucoup de combien Dieu désire s’inviter dans la boîte avec eux.

Récompensé par le Grand Prix de Littérature Policière 2015, Joseph Incardona figure parmi les stylistes inspirés, les créatifs perfectionnistes. Qu’il prenne pour base un accident qui s’est réellement produit en août 2010 en Finlande ne signifie nullement qu’il se contente de relater ce fait divers, ni même qu’il extrapole l’histoire. Il "personnalise" entièrement l’intrigue, concoctant un scénario à suspense maîtrisé à souhaits. D’une situation que l’on pourrait trouver grotesque ou absurde, il glisse vers un récit humanisant les protagonistes et "situant" le contexte.

En complément, on se doit de préciser que la tonalité d’écriture de Joseph Incardona est percutante, ravageuse, frontale. Ici, Niko est un étalon du porno finlandais. Logiquement, il faut s’attendre à une approche directe du sexe. Idem pour les particularités d’Igor, son adversaire. Normal aussi, puisque tout ça se passe sur fond de compétition. Pour autant, si le ton peut heurter les plus prudes, cela n’exclut pas une véritable finesse narrative. Une fois encore, Joseph Incardona nous propose un roman diablement palpitant.

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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 04:55

André est âgé de douze ans en 1978. Il habite dans le canton de Genève, en Suisse. Il est le fils de Jeanne, trente-quatre ans, et de Carlo Pastrella, Sicilien d'origine. Celui-ci n'a pas encore obtenu un permis de séjour définitif, mais doit se contenter d'un permis renouvelé chaque année. Chez les Pastrella, on garde une relation forte avec la famille, en Sicile. Ils déménagent toutes les fois où le père trouve un nouvel emploi. Ce qui ne simplifie ni la scolarité d'André, élève de niveau correct, ni ses relations avec les autres gamins. Est-ce que ça le perturbe ? Pas forcément davantage que les torgnoles dont son père n'est pas avare. L'école, la classe d'Olga Schanz, est juste un mal nécessaire. Imaginatif, André Pastrella se fabrique des imitations en bois d'armes à feu, et sait jouer seul.

Avec Akizumi Miyu, un des élèves, est né un étrange accord entre un Rital et un Japonais. Il est vrai que la mère de son ami est une personne singulière, qui va le faire frissonner. Le seul plaisir collectif d'André, c'est le football. Son père parie sur les matchs italiens. Pour la Coupe du Monde en Argentine, la Squadra Azzura a ses chances. Au pied des HLM où ils vivent, l'équipe de Carlo et de son fils est offensive, mais pas vraiment gagnante. Le problème actuel d'André, ce ne sont ni les tensions internes à sa famille, ni d'éventuels incidents avec Mme Schanz. C'est une bande de cinq ados violents qui ont pris pour cible le petit Rital qu'il est. Ils l'ont déjà roué de coups, mais André sent que la menace devient de plus en plus sérieuse. Avoir peur d'eux, est-ce réellement de la lâcheté ?

Arrive le temps des vacances estivales, ce qui offre à André un répit concernant le Chef et sa bande. Long voyage routier depuis la Suisse jusqu'au ferry qui, de Calabre, permet de rallier la Sicile. Là-bas, se trouve le village où habite toute la famille de Carlo. C'est surtout leur séjour dans une maison des Pastrella du bord de mer qui donne à André un sentiment de liberté. Redevenir un “chasseur-cueilleur” dans la tradition ancestrale ? Selon le vieil Armando : “C'est ça être un homme, créer sa journée, inventer sa vie, et tu recommences tous les matins jusqu'à ta mort. Ne l'oublie pas, c'est la seule manière de garder tes couilles, figliolo, crois-moi.” Ce séjour en Sicile fera très légèrement progresser la sexualité d'André, sujet qui trotte fatalement dans la tête d'un garçon de son âge.

Au retour, il entame sa dernière année en école primaire, avec un nouvel enseignant peut-être plus attentif que Mme Schanz. Tandis que ses parents frôlent le divorce, il se fait un nouveau copain, Étienne. Il est un peu meilleur en tout qu'André, mais sans aucun mépris, donc ils s'accordent bien. Le duo d'amis devient trio avec la belle Schéhérazade, originaire de Tunisie. Si André ne se cherche pas d'autres copains en classe, leurs mères à tous les trois n'ont pas la moindre chance de s'entendre. Hélas, le Chef et sa bande vont reprendre les hostilités, encore plus violentes qu'avant les vacances. Il faudra bien qu'André trouve un moyen de se venger…

Joseph Incardona : Permis C (Éd.BSN Press – coll.Fictio, 2016)

Joseph Incardona a été récompensé en 2015 par le Grand Prix de Littérature Policière, et par le Grand prix du roman noir à Beaune en 2011. Toutefois, ce n'est pas un roman doté d'une stricte intrigue policière qu'il nous présente avec ce nouveau titre. André Pastrella est quelque peu l'alter-ego fictionnel de l'auteur. Il revient ici sur l'enfance du personnage. Donc, sur une époque de sa propre vie, vers l'âge de douze ans. Fils d'une Suissesse et d'un Sicilien, André peut se sentir déraciné, voire apatride. Qu'on soit enfant d'Italien ou pas, c'est une période de la vie où la virilité d'un jeune garçon doit s'exprimer par des faits concrets. Sexuels, un peu. Pugilistiques, surtout. Quand vos ancêtres sont Siciliens, la vengeance fait obligatoirement partie de votre code génétique.

L'action se situe en 1978, lointain temps si différent d'aujourd'hui. Ni meilleur, ni pire, ce n'est pas tant la question. Les problèmes paraissaient peut-être moins insurmontables ; le divorce n'étant pas inéluctable, par exemple. Pour ce môme, le moment est venu de commencer à s'affirmer, de “grandir”. Sans abuser de la nostalgie, c'est avec souplesse et naturel que l'auteur retrace le passage qui conduit, au final, vers l'âge adulte. Que l'on ne s'y trompe pas : cette fluidité narrative doit tout au talent de l'écrivain. Joseph Incardona est un perfectionniste, accordant de l'importance à chaque scène et à chaque sentiment, pour que ses romans expriment le “vivant”. Encore une très belle réussite de cet excellent auteur !

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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 15:00

Le Grand Prix de Littérature Policière est un prix littéraire fondé en 1948 par le critique et romancier Maurice-Bernard Endrèbe, afin de récompenser les meilleurs romans policiers français et étrangers publiés dans l'année. C'est un jury d'experts qui se réunit pour déterminer les vainqueurs. En cette année 2015, ils avaient retenu 28 titres (11 français, 17 étrangers) pour leur sélection finale.

Le Grand Prix de Littérature Policière 2015, domaine français et domaine étranger, a été attribué officiellement ce mercredi 23 septembre 2015 aux romans suivants :

Prix roman français : “Derrière les panneaux il y a des hommes”, de Joseph Incardona, Éditions Finitude [Le Bouscat, Gironde], 2015 – devant : “Une valse pour rien”, de Catherine Bessonart, Ed. de L'Aube (coll.L'Aube noire), 2015.

Prix roman étranger : “Toutes les vagues de l'océan”, de Victor del Arbol, Actes Sud (Actes noirs), 2015 – devant : “Le moineau rouge”, de Jason Matthews, Le Cherche Midi (Thrillers), 2015.

Félicitations aux gagnants de ce Grand Prix de Littérature Policière 2015.

Grand Prix de Littérature Policière 2015 : les vainqueurs
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16 avril 2015 4 16 /04 /avril /2015 04:55

- Grand Prix de Littérature Policière 2015 -

Une autoroute longue de quelques dizaines de kilomètres, dans le Sud-Ouest de la France. Un axe routier avec son bitume, son béton, ses ponts appelés “ouvrages d'art”, ses aires de repos et ses aires de service, ses restaurants, ses parkings. Ce ne sont pas seulement des milliers de véhicules qui transitent par l'autoroute, ce sont des quantités de personnes qui passent ou qui y sont employées. Malgré tout, un ressenti d'anonymat, où des drames se produisent quelquefois, en plus des accidents de la circulation. Des gens disparaissent, des jeunes filles. Comme Catherine Mangin, en septembre dernier. Comme Lucie Castan, en janvier. Comme aujourd'hui, en ce week-end du 15 août, la petite Marie Mercier, âgée de douze ans, qui s'était éloignée de ses parents ayant une discussion d'adultes.

Pierre Castan, la cinquantaine, a été médecin légiste pendant dix-sept ans. Si la mort de sa fille est probable, ça ne lui fait pas peur. Voilà plusieurs mois qu'il erre, d'aire en aire, allant et venant sur ce ruban bitumé, à la recherche d'un indice, du prédateur. Pendant ce temps, son épouse Ingrid se morfond chez elle, confinée dans la solitude, mélangeant une flopée de sentiments. Pierre observe ceux qui passent, ceux qui restent. Une pute trans telle que Lola, car le sexe a toute sa place autour de l'autoroute. Une femme étrange, Tía Sonora, plus ou moins devineresse. Des tas de couples tous différents, bien sûr, dont un voyageant en side-car. Les gens qu'il remarque le moins, c'est le personnel de restaurants, évidemment. Il croit davantage en son instinct que dans un soutien psychologique.

Alerte-enlèvement pour Marie Mercier. C'est la capitaine de gendarmerie Julie Martinez qui est chargée de l'enquête. Avec son collègue Thierry Gaspard. Les parents, Sylvie et Marc Mercier, ils sont déboussolés, ils culpabilisent à mort. Déjà que leur couple battait de l'aile. Le duo de gendarmes n'obtient que peu de collaboration de Gérard Lucino, le directeur des restaurants de l'autoroute. Il a d'autres chats à fouetter, un peu de coulage dans le stock, et surtout un chiffre d'affaire en berne. Il y a un moment où Lucino risque de réaliser qu'il n'est qu'un rouage, pas à la hauteur, qui ferait aussi bien de foutre le camp. Les vidéos de surveillance, ça n'aidera pas vraiment les deux gendarmes. Il s'aperçoivent qu'il y a des caméras factices, et des angles morts permettant au ravisseur de sévir impunément.

Pascal Folier, trente-et-un ans, quasi-sourd mais lisant sur les lèvres, cuisinier et employé modèle des restaurants de Lucino. Il habite dans son combi Volkswagen aménagé, propret et mobile s'il doit changer d'aire de service pour son poste. À l'opposé de tant d'autre sur cette autoroute, Pascal n'est pas un sexuel. Parfois, ça devient confus dans sa tête, que l'on a réparée aussi bien que possible. Tandis que le journaliste Chacal bénit ce fait divers, la gendarme Julie Martinez fatigue de ne pas venir à bout de l'enquête. Quelqu'un qui connaît les leurres des caméras, c'est qu'il travaille ici, mais qui ? Pierre poursuit sa traque d'indices, sous la chaleur, et malgré une grève créant des embouteillages…

Joseph Incardona : Derrière les panneaux il y a des hommes (Éd.Finitude, 2015)

Dans son roman “Autoroute” (1977, Rivages/Noir n°165), Michel Lebrun nous montra déjà quel enfer pouvait devenir ces grands axes routiers. À sa manière, dans un style qui peut rappeler son titre “Trash Circus” (2012, Éd.Parigramme), Joseph Incardona nous invite à revisiter le sujet. Autour de ce qui, dans la fiction comme dans la vraie vie, attire un mélange de sentiments, l'enlèvement d'enfants. Avec sa dose de curiosité : “Pierre se faufile jusqu'au bar. Derrière lui, d'autres gens affluent. Les curieux. Ceux qui passent par là et ont su par la radio que c'est à l'aire des Lilas que se trouve le "spot". Au cœur de l'événement. Le centre du monde. Surfer sur le pli de la vague. L'attrait du morbide. Peut-être quelques bonnes âmes parmi eux. Des sincères, des généreux, des Mère Térésa. Ou alors ni l'un, ni l'autre. Une exception. Un exalté…”

Un polar métaphysique, dans le sens où il interroge sur les comportements humains, sur les réactions en lien ou sans rapport avec un drame ? Sans doute, oui. Si la tonalité du récit apparaît saccadée, c'est en partie pour extérioriser ce que chacun des protagonistes garde en soi-même. Ce qui se transformerait en hurlements, dans certains cas, si nous n'étions pas civilisés. Telle semble être l'ambition de l'auteur, montrer une noirceur intime. Nous connaissons le criminel, mais saurons-nous discerner son état d'esprit ? En suivant Pierre dans ses investigations, ou la gendarme Julie Martinez, plus quelques autres personnages, comprendrons-nous les tourments qui les agitent ? Tout cela dans un décor contradictoire, vivant et artificiel. Loin du simple cas de kidnapping, une intrigue singulière par sa narration, son écriture.

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5 novembre 2014 3 05 /11 /novembre /2014 05:55

Les Jensen forment une famille genevoise aisée. Paul et Iris, les parents, ont quarante et trente-sept ans. La fille Lou et le fils Stanislas sont âgés de quatorze et neuf ans. Le père fait carrière dans la finance. La mère se remet oisivement de certains problèmes de santé. L'adolescente Lou entretient un esprit rebelle et possède déjà un corps de petite femme. Très intelligent, le jeune Stanislas apparaît assez malingre pour son âge, ainsi que plutôt craintif. Paul est un homme athlétique. Iris espère dégager encore le charme de la maturité. Ont-ils besoin de vacances exotiques tous quatre ensemble ? Iris estime que c'est le cas, et réserve un séjour dans l'île de Nomad Island, du côté de l'Océan Indien.

Après “vingt heures de carlingues, de salles d'attente, de lumières artificielles, de sons ouatés, d'air frelaté”, le long trajet s'achève sur le petit aéroport de l'île volcanique. Où un personnage unisexe arrive en retard pour les prendre en charge. Pour rejoindre le Resort, ils vivent un parcours quelque peu agité. Le résultat en vaut la peine : de leur bungalow au crépuscule, c'est un panorama magnifique qui s'offre aux Suisses. Le séduisant Mike explique à la famille Jensen quelques règles de la vie sur place. C'est à dire dans l'enceinte étendue du domaine dont les Résidents sont priés de ne pas sortir. Bien qu'un peu directif, Iris trouve ce beau Mike à son goût. Sa fille Lou se dévirginiserait volontiers avec lui.

Le premier jogging intensif de Paul le mène jusqu'à la clôture du domaine, avec un retour plus harassant. Stanislas et ses nouveaux copains Charlotte et Hugo ne se sentent guère d'affinités avec cette Denise qui leur enseigne la plongée de base. Au beach-volley, Lou se fait vaguement des amies parmi les filles de son âge. Iris suscite la curiosité des autres Résidentes en testant le Little Market du Resort. Le Centre de Bien-être lui conviendrait sans doute davantage. Les Jensen sont conviés par Mike à un pot de bienvenue au Club. Rien d'antipathique, mais l'ambiance reste peu excitante pour Paul, qui boit trop. Tous ces gens en blanc semblent conditionnés, oubliant qu'ils sont dans un décor paradisiaque.

Les Jensen ont, comme les autres, perdu la notion des jours, du temps qui passe. Seuls Stan et ses deux amis, se réfugiant dans un Éden secret, en sont conscients. Si sa femme et sa fille sont ensorcelées par cette vie enchanteresse, Paul et son fils conservent encore une lucidité. Malgré les drones survolant l'île, Paul se munit d'une combinaison néoprène et d'un fusil de chasse sous-marine pour explorer les possibilités de fuir. Au risque de croiser d'hostiles sauriens. Stan, Charlotte et Hugo tentent une voie souterraine. Alors que les forces invisibles de l'île se rapprochent, Paul et les enfants ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s'évader…

Joseph Incardona : Aller simple pour Nomad Island (Seuil, 2014)

C'est une histoire extrêmement troublante que nous raconte Joseph Incardona. Un sombre roman d'aventures, puisque les péripéties s'y succèdent sur un tempo soutenu. On se dit qu'on va sourire des déboires de cette petite famille en vacances. Pourtant non, même si pointe parfois une certaine drôlerie, on comprend très vite dans quel guêpier ils se sont fourrés. Dans la réalité déjà, les clubs de vacances exotiques prennent en main les loisirs des touristes, qui ensuite se déclareront ravis de n'avoir eu qu'à se laisser vivre. Ici, on peut craindre l'assujettissement de ceux qui posent le pied sur Nomad Island.

Face à l'envoûtement, les quatre membres de la famille réagissent différemment. Chacun sa psychologie personnelle (peut-être ambiguë) au gré des évènements : voilà ce qui fait la force du récit. Joseph Incardona fait partie de ces romanciers qui “écrivent”, peaufinant les nuances des intrigues. Sommes-nous tellement pressés d'aller au Paradis, d'y mener une existence idéalisée ? Qu'on ne cherche pas une stricte morale, l'auteur n'est pas un donneur de leçons. Il crée une ambiance qui fait penser aux séries télévisées d'antan, “L'Île fantastique” et “Le Prisonnier”. Laissons-nous séduire par ce bon scénario, à défaut d'apprécier le climat de cette île de malheur.

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27 août 2014 3 27 /08 /août /2014 04:52

En ce début des années 2000, André Pastrella est âgé de vingt-deux ans. Suisse d'origine italienne habitant Genève, il ambitionne une carrière d'écrivain. Vivotant grâce à des jobs incertains et de courte durée, André garde l'espoir de publier ─ s'il parvient à venir au bout d'un premier livre. Ces derniers temps, il s'est trouvé le modèle parfait. “La volonté portait désormais un nom : Arturo Bandini, alias John Fante. J'avais trouvé mon alter ego. Les mots n'étaient plus une supposition, ils existaient, on pouvait les écrire comme ça.” Il dispose même d'un semblant d'univers stable, en la personne de sa voisine âgée aveugle. Mais celle-ci va être bientôt hospitalisée. André engage une jeune femme pour lui faire la lecture. Il s'avoue ne pas être insensible à la belle Karla, une Polonaise.

Le décès de la vieille voisine correspond à la fin de son job du moment. André voudrait bien rester en contact avec l'attirante Karla. Un soir, quand son voisin Bernard – un foutu taré qui parle de lui à la troisième personne, Bébert – est agressé par deux Colombiens, André intervient. Ce qui lui vaut quelques bosses : “Je me sentais comme Philip Marlowe quand il est amoché. Le style en moins.” Pour éviter d'autres ennuis, Bébert cache chez lui un paquet de drogue. Voilà André receleur, encore qu'il se sente surtout pigeon. Tandis que s'installe à côté une nouvelle voisine, la jeune pianiste Juliette, André gagne quelques sous comme figurant sur un tournage. C'est dans un club à strip-tease qu'il retrouve “sa” Karla. Mais elle fuit tout rapprochement avec lui, ne montrant aucun sentiment.

La jeune femme ayant vite disparu du club, André aidé par Bébert doivent secouer le personnel pour obtenir des infos. Hélas, Karla est déjà en partance. En manque de femme, André va rencontrer des prostituées toutes nommées Cindy. La manière directe est plus efficace et excitante que la mélancolie avec les putes, il s'en aperçoit. Car ce n'est pas dans ses boulots qu'il peut s'éclater, ni avec sa voisine Juliette. Des soirées traînassantes, où ils ne partagent que de l'alcool et des joints, ça ne fait guère évoluer leur improbable relation intime. On a cru Bébert mort, il s'est réfugié sous le soleil de Miami. Laissant ainsi son paquet de drogue à la disposition d'André. Le pactole ? Après une hospitalisation pour occlusion intestinale, les galères continent pour l'écrivain en herbe…

Joseph Incardona : Le cul entre deux chaises (BSN Press, 2014)

Avec des romans noirs singuliers tels que “Remington” (2008), “220 volts” (2011), “Trash circus” (2012) ou “Misty” (2013), Joseph Incardona s'est taillé une belle réputation chez les lecteurs de polars. L'éditeur suisse BSN Press a l'excellente idée de rééditer son tout premier titre, datant de 2002, dans une version entièrement révisée. C'est un bon moyen de redécouvrir les débuts de cet auteur plein de talent. De la fantaisie, il n'en manquait déjà pas, on pourra le vérifier ici.

André Pastrella, l'anti-héros, est quelque peu le double d'Incardona (comme Bandini, pour John Fante). Il serait très facile de le qualifier de loser, de ne voir qu'une facette, celle de l'éternel perdant. Avec son voisin Bébert, ils font la paire dans le genre vaincus d'office. En réalité, André accumule les expériences de vie, certes rarement florissantes. Dans ses boulots de grouillot, ça ne va jamais très loin. Avec les femmes, ce n'est pas une réussite. La seule qui l'aimait bien était aveugle, c'est dire. Ces ratages divers et variés, voilà ce qui rend évidemment sympathique le pauvre André, circulant dans sa Fiat hors d'âge. Et ça nous fait beaucoup rire. Par exemple, quand il se retrouve à l'Hôpital Cantonal, il espérait mieux : “Je ne sais pas, moi, la clinique Rothschild, l'hôpital Beaulieu, un truc classe, des infirmières roulées comme des pin-up et des mousses diététiques au dessert.” Un roman animé diablement agréable, aucun doute.

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