Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 05:55

L’assassinat d’un Immortel – Un écrivain a été tué chez lui, dans son bureau. Le policier interroge son employée (d’origine arménienne), la nièce du défunt (qui le considérait comme vaniteux et prétentieux en privé), son éditeur (qui lui apprend que l’écrivain postulait pour l’Académie d’Athènes), la critique littéraire Mme Kouranu (sévère sur le talent relatif du mort). Son adversaire pour l’Académie, l’écrivain Romylos apparaît modérément motivé. Il faudra probablement se souvenir d’un autre meurtre dans le milieu littéraire, cinq ans lus tôt, qui présente des similitudes avec celui-ci…

En terrain connu – Un Turc s’est installé de longue date en Allemagne. Son fils, policier formé en Allemagne, parti vivre en Turquie, vient découvrir la maison actuelle de son père. C’est ainsi qu’il apprend le meurtre du voisin et meilleur ami de son paternel. Ce dernier projetait de bâtir une mosquée locale, qui échapperait à la montée des intégrismes religieux. En effet, deux fanatiques de l’Islam l’aurait menacé. Parfois, les intérêts de ces islamistes ultras et de l’extrême droite allemande convergent. La police ne s’est guère éternisée sur ce crime, considérant qu’il s’agissait juste d’une affaire "entre Turcs".

Trois jours – 1955. Vassilis est un commerçant qui fait partie des Grecs de la Ville à Istanbul. Sa famille avant lui a souvent subi le sort chaotique des Grecs installés ici. Lui-même est proche de la ruine. Sous l’influence d’Atatürk, le nationalisme turc se fait de plus en plus exigeant dans le pays. Son ami commissaire prévient Vassilis que la situation est en train d’empirer pour les Grecs de la Ville. Les Turcs alimentent le conflit chypriote, et un attentat (certainement simulé) visant la maison d’Atatürk ne font qu’aggraver les choses. Avec la complicité des forces de l’ordre, des émeutes entretiennent le chaos. Les Grecs de la Ville sont visés par le vandalisme. Vassilis n’y échappe pas. C’est ainsi qu’il découvre un squelette dans la cave (invisible d’accès jusqu’à là) de sa boutique. Un mystère qui réveillera son passé familial…

Le cadavre et le puits – Quand le cadavre d’un homme de trente-cinq ans est découvert dans un puits, ça entraîne une enquête de police. D’autant que la victime avait des idées de gauche, était même syndiqué. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Une mise en scène meurtrière peut induire en erreur les enquêteurs…

Ulysse vieillit mal – Un Athénien s’est pris de sympathie pour un petit commerçant d’Istanbul faisant partie des Grecs de la Ville. Toutefois, le septuagénaire Ulysse sent le besoin de quitter la Turquie. Il va finalement habiter dans un hospice, en Turquie, où l’Athénien lui rend quelquefois visite – rarement, car leur relation n’est plus la même. Tardivement, il apprend la mort d’Ulysse. Rien de suspect, c’est un infarctus suite à un ultime "coup de sang" de révolte…

L’arc de Pompéi – En Grèce, le père Ioannis est très actif dans l’aide aux nécessiteux et aux migrants. Ce que lui reproche un comité nationaliste grec, des enragés hostiles à sa généreuse démarche. Mais le père Ionnais n’est pas de ceux qui cèdent aux pressions, il persistera. Sans doute ne mesure-t-il pas que ses ennemis (il ne s’agit plus de simples adversaires) sont des jusqu’au-boutistes…

Tentative tardive – En juillet 1944, le couple Krull accorde toujours sa confiance à Hitler. Ceux qui ont organisé un attentat raté contre le Führer sont, pour les Krull qui refuse d’y voir le début de la fin, des traîtres – qu’on va bien vite juger et condamner mort. Malgré la fermeté toujours affichée par le Reich, l’Histoire est en marche…

Crimes et poèmes – Le commissaire Charitos enquête sur un meurtre commis au cœur de la nuit près d’un café-librairie, suite à une soirée de danse à laquelle participèrent le policier et son épouse. La victime est un cinéaste connu, actuellement sur un projet de nouveau film. Si Charitos interroge un modeste marchand de fleur, c’est davantage en tant que témoin que comme suspect. Le policier comprend de plus en plus mal son pays : “Les metteurs en scène se font tuer, les flics écrivent des poèmes, les maisons d’édition se changent en bistrots, la Grèce est mal barrée.”

Petros Markaris : Trois jours (Seuil, 2019)

En marge des enquêtes du commissaire Charitos, ce recueil de huit nouvelles offrent une autre facette du talent de Petros Markaris. On y retrouve la même lucidité de l’auteur sur son pays (à la fois Istanbul dont il est natif, et la Grèce) et son histoire. C’est particulièrement vrai dans “Trois jours” qui illustre la position souvent incertaine des Grecs d’Istanbul. Il traite aussi de sujets de société d’aujourd’hui, avec la radicalisation contre les immigrés en Grèce, et l’Islam qui installe ses théories fortes y compris en Allemagne. Par ailleurs, ce sont des enquêtes de police plus classiques qu’il nous invite à suivre – soulignant quand même la déliquescence de la culture en Grèce. Ces crimes ne relèvent pas de la tragédie, dont ce pays fut autrefois maître en la matière. Markaris ne manque pas de nous faire sourire dès que s’en présente l’occasion. Comme dans ses romans, on savoure son regard sans préjugé.

Voilà quelques nouvelles de Petros Markaris qu’on a grand plaisir à lire.

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2017 2 04 /07 /juillet /2017 04:55

Le jour de son anniversaire, voilà une farandole de tracassins pour le commissaire Salvo Montalbano. Ça commence chez lui, à Marinella, entre un poulpe menaçant et un coup de ‘tiliphone’ orageux avec sa fiancée Livia. Ça continue en route vers Vigàta, quand il se fait agresser par un jeune conducteur nerveux. Ce Strangio, il est le fils d’un politicard de la région. Alors, forcément, il y a un avocat qui vient le défendre presto. À peine arrivé au commissariat que Montalbano doit s’occuper d’un cambriolage dans un supermarché. On y a volé la recette de la veille, mais d’effraction sur les locaux, il n’y en a pas du tout.

Le directeur semble franchement inquiet. Il est vrai que ce supermarché, il appartient à une famille mafieuse, les Cuffaro. Vraiment anxieux, le directeur devait l’être, car il se suicide le soir-même. Bonne occasion pour certains médias proches du pouvoir d’accabler Montalbano et les policiers. Quand même officieusement, le docteur Pasquano, le légiste, il pense que le directeur a été étranglé avant d’être pendu, et que c’est donc un meurtre. Le Questeur, chef de la police, est contrarié par la tournure de cette affaire. Il peut imaginer le poids de la mafia. La disparition du gardien de nuit de la banque à côté du supermarché confirme, sans doute, que le cambriolage ne s’est pas déroulé comme on le leur a dit.

Calmé depuis leur altercation, le jeune Strangio contacte Montalbano. À son retour de Rome, il vient de découvrir sa fiancée assassinée chez eux. L’assassin s’est acharné sur cette séduisante étudiante. Il ne l’a pas violée, mais il lui a asséné quarante-sept coups de couteau. L’irascible docteur Pasquano apprend à Montalbano que la victime était enceinte de deux mois. Il apparaît qu’elle recevait un amant, lorsque son fiancé Strangio était en déplacement. Quant à l’alibi du jeune homme, il est assez relatif. Le compétent policier Fazio note des approximations dans les horaires. Mais il y a sûrement une explication.

Si l’agent de police Catarella est la maladresse incarnée, il se débrouille correctement en informatique. Malgré tout, il y a une embrouille entre les deux ordinateurs du directeur du supermarché. Par contre, Catarella saura peut-être décrypter son enregistreur numérique. Le ‘catafero’ du vigile de nuit de la banque, on le retrouve abattu façon mafia. L’affaire est de plus en plus sensible, c’est pourquoi Môssieur le Questeur fait preuve d’une courtoisie exceptionnelle envers Montalbano. “Cet homme était prêt à tout pour sauver ses fesses”, ‘se pinsa’ le commissaire, se méfiant de son attitude.

De son côté, le procureur en est plus que sûr : c’est le jeune Strangio qui a assassiné sa fiancée. Montalbano est perplexe quant au scénario du crime, lui. Le témoignage de la meilleure amie de la victime va offrir des indices capitaux au commissaire…

Andrea Camilleri : Une voix dans l’ombre (Fleuve Éd., 2017)

Au lieu de retourner à son bureau, il préféra rester dehors à se fumer une cigarette. Le geste de Strangio ne l’avait nullement perturbé. Il avait très bien compris qu’il ne s’agissait pas d’une impulsion soudaine, dictée par la douleur, le désespoir ou le remords, ou allez savoir quel autre motif.
Non, ça avait été un geste exécuté de sang-froid, ‘pinsé’ et calculé au millimètre. À ce moment-là, Strangio n’avait pas perdu la tête, même s’il voulait apparaître dans cet état. Il avait à l’évidence l’intention d’obtenir un certain effet. Lequel ?
C’était le geste typique du coupable qui veut paraître innocent. C’était comme mettre sa signature sur un assassinat. Il soutiendrait avoir voulu se jeter sous la voiture par désespoir d’avoir perdu sa fiancée. Néanmoins, il décida d’arrêter d’y réfléchir, pour ne pas se faire d’idées préconçues.

Salvo Montalbano a-t-il pour tous les lecteurs le visage du comédien Luca Zingaretti, qui l’a incarné dans les adaptations télévisées ? À dire vrai, chacun se forge une image de ce commissaire sicilien. S’il se montre quelquefois grognon, c’est qu’il supporte mal l’idée de vieillir. Ses houleux échanges téléphoniques avec son éternelle fiancée, ça le maintient en forme, certainement. Les humeurs du légiste joueur de poker Pasquano, ça le ferait plutôt rire. Et les bévues patronymiques de ce brave Catarella, tout autant ! Quoi qu’il en soit, l’âge ne fera pas renoncer Montalbano à ses plaisirs de gastronome. La cuisine de son employée Adelina ou la trattoria chez Enzo, c’est un bon moyen de marquer une pause au milieu d’enquêtes énigmatiques, même lorsque plane l’ombre de la mafia.

C’est un bonheur renouvelé que de suivre Salvo Montalbano à Vigatà, entouré de son adjoint Mimì Augello, de l’enquêteur chevronné Fazio qui a “déjà fait” d’avance ce que va lui demander son supérieur, de l’irrésistible Catarella, et de tout ce petit monde. L’intrigue énigmatique est de forme classique, mais c’est évidemment la tonalité du récit qui ravit les lecteurs. Comment ne pas se sentir proches de ces personnages ? Et puis, on retient ce langage sicilien si particulier, qui nous charme toujours. Avec “Une voix dans l’ombre”, le maestro Camilleri fait mouche une fois encore.

Partager cet article
Repost0
10 août 2016 3 10 /08 /août /2016 04:55

Bientôt âgé de quarante-cinq ans, Salvo Montalbano est commissaire de police à Vigàta, en Sicile. Il habite en bord de mer, dans sa villa de Marinella. Salvo entretient une relation complexe avec sa compagne. Âgée de trente-trois ans, Livia Burlando vit à Boccadasse, près de Gênes. Elle le rejoint ponctuellement en Sicile. Mais son métier est ce qui occupe en priorité le commissaire Montalbano. Entouré de son adjoint Mimì Augello, des policiers Gallo et Galluzzo, de l’enquêteur Fazio, et de l’agent de police gaffeur Catarella, il n’est pas exempt de brusquerie lorsqu’il mène ses enquêtes. Il sait aussi se montrer plus subtil, faire preuve d’empathie envers les protagonistes. Il reste méfiant vis-à-vis des autorités, d’une partie de la hiérarchie, tout en respectant à peu près la loi de manière juste. Salvo est également un fin gourmet, jamais repu des meilleurs plats siciliens.

Cette affaire d’un Tunisien abattu lors d’une sortie en mer sur un bateau de pêche, il sent que c’est une embrouille puante. Il la laisse à Mimì Augello, et puisque c’est Mazàra le port d’attache du bateau, Salvo s’arrange pour que la police de Vigàta se désiste sur ce coup-là. Néanmoins, puisqu’il est ami avec Valente, le vice-Questeur de Mazàra, il garde un œil sur ce sac-de-nœuds. Montalbano se charge d’un crime commis à Vigàta : M.Lapecora, un sexagénaire, a été mortellement poignardé dans l’ascenseur de son immeuble en ce jeudi matin. Commençant par une enquête de voisinage, il s’aperçoit que plusieurs personnes ont vu le cadavre, avant que ne soit alertée la police. Des lettres anonymes ont été adressées à l’épouse de Lapecora, absente pour la journée. On attend le retour de la veuve pour explorer l’appartement. On constate que la victime possédait un pistolet.

Bien que retraité, Lapecora avait conservé ses anciens bureaux. Ça devient intéressant : il avait là des relations intimes avec sa femme de ménage tunisienne Karima Moussa. On y voyait aussi le brun "neveu" de Lapecora… sauf qu’il n’avait pas de neveu. Le fils pédiatre de la victime, un égoïste, n’était pas intervenu quand il eût récemment des problèmes. Il semble que les lettres anonymes aient été composées dans le bureau de Lapecora. C’est en relisant un passage du roman “L'appel du mort” de John Le Carré, que Montalbano va mieux comprendre. Quand les policiers arrivent au domicile de Karima, ils n’y trouvent que la vieille Aisha. Karima et son fils de cinq ans, François, ont décampé. Outre des photos, les policiers découvrent que l’épargne bancaire de Karima était très élevée.

Alors que Livia passe quelques jours à Marinella, Salvo mobilise tous ses policiers : il s’agit de retrouver un gamin qui a frappé des mômes de son âge pour voler leurs goûters. C’est évidemment le petit François, seul et affamé. Enlevée par le nommé Fahrid, Karima a sans doute été supprimée. Quand l’enfant est récupéré, on le met à l’abri chez Montalbano. Au risque que Livia s’attache à François, un gamin fort intelligent. Celui-ci reconnaît son oncle Ahmed Moussa sur une photo : c’est le Tunisien abattu sur le bateau de pêche de Mazàra. Un appel à témoin via la télé, concernant Karima et Ahmed, ne sera pas inutile. Bien qu’il ait l’immatriculation de la voiture de Fahrid, Salvo reste dans une impasse. Après qu’il ait fait avouer l’assassin de M.Lapecora, pour affronter un colonel minus, il doit ruser…

Andrea Camilleri : Le voleur de goûter (Fleuve Noir, 2000 – Pocket)

Après “La forme de l'eau” (1998, Prix Mystère 1999) et “Chiens de faïence” (1999), “Le voleur de goûter” (2000) est la troisième enquête du commissaire Salvo Montalbano. On n’a pas besoin de souligner la qualité des suspenses du maestro sicilien, Andrea Camilleri. Cet épisode joue moins sur l’humour (l’irritable Docteur Pasquano est peu présent, mais l’agent Catarella est toujours très drôle). L’auteur n’oublie pas la gastronomie, dont Salvo est si friand. Il s’agit probablement de l’intrigue la plus "personnelle" autour du policier. On y parlera de son propre père, et surtout de la place d’un enfant dans sa relation avec sa compagne. Il n’est pas rare que, au fil des romans, Salvo se questionne sur sa vie.

Quant aux sinueuses investigations criminelles, elles concernent deux affaires – pas aussi distinctes qu’il y paraît, bien sûr. Camilleri se souvient des rapports anciens entre Siciliens et Arabes, quand il évoque le quartier de Kerkent (du 9e au 11e siècle). Si l’endroit est devenu Villaseta, il exista effectivement jadis près d’Agrigente, à Porto Empedocle, ville natale de l’auteur, rebaptisée par lui Vigàta. Cette histoire peut aussi rappeler l’occupation italienne en Tunisie, au temps de Mussolini, et les mauvais liens entre les deux pays. Un roman captivant, comme toutes les aventures de Montalbano.

 

Toutes mes chroniques sur les romans d'Andrea Camilleri, dans cette rubrique :

Partager cet article
Repost0
18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 05:55

Alors, que se passa-t-il du côté de Vigàta, en Sicile ? Il y a qu'à Marinella, là où habite le commissaire Salvo Montalbano, s'installèrent depuis cinq mois de nouveaux voisins. Pas tellement le mari, Adriano Lombardo, quarante-cinq ans, vendeur exclusif d'une marque d'informatique. Lui, il est fantomatiquement absent. Sa femme Liliana, la belle brune de trente-cinq ans, est employée dans un magasin de vêtements à Montelusa. Voilà qu'elle a de sérieux tracassins, qu'on lui a saboté le moteur de sa voiture. Peut-être la vengeance d'un malfaisant qui la harcela au "tiliphone" ? Car des amants, Salvo Montalbano est sûr qu'elle en aurait plusieurs. Dont Arturo Tallarita, jeune collègue de travail de Liliana.

Salvo est flatté de véhiculer la jeune femme en panne, oui. Mais il ne se laisse plus trop embobeliner par les séductrices genre femmes fatales. Quand en public Liliana fait comme s'ils étaient intimement proches, quand elle joue sur leur voisinage pour l'exciter avant de l'inviter chez elle, le commissaire a des raisons à la circonspection. Surtout qu'il a trouvé la preuve qu'Arturo la rejoint chez elle la nuit. Tout ça promet un drôle de pastis ! Même jusqu'à des cameramen de la télé qui essaieront de filmer les ébats avortés de Salvo avec Liliana. Pas dupes, avec son fidèle Fazio, ils ont prévu la parade. Puis brusquement, Arturo disparaît, et bientôt Liliana pareillement. Sûrement qu'il y a un rapport direct avec une autre affaire en cours, aussi incompréhensible.

Là, c'est une bombinette qui explosa devant un commerce vide d'une rue peu fréquentée de Vigàta. Pas trop de dégâts, mais ça signifie quoi ? Une pression de la Mafia en rapport avec des habitants de l'immeuble contigu ? On raconte que Tallarita (c'est le père d'Arturo dont la famille habite là, en effet) il accepterait de collaborer avec les Stups pour alléger sa peine de prison. Dans ce cas, pourquoi l'explosion d'une deuxième bombinette devant un autre magasin vide ? Par ailleurs, il y a cet impact de balle sur le siège passager de la voiture de Salvo. Le carrossier qui répare le problème explique que ce n'est pas ce qu'a cru le commissaire. Le projectile fut tiré un précédent soir où il "s'atrouvait" en compagnie de Liliana, avec une arme de précision. Possible qu'elle en eût été la cible.

L'embrouille a-t-elle un lien avec le matériel informatique de Lombardo, le mari, dont on ne sait pas où ils sont, lui et ses appareils ? Salvo a compris depuis le début qu'on cherche à l'éblouir avec un jeu de miroirs : “Une fois, j'ai eu l'occasion de voir un film d'Orson Welles dans lequel il y avait 'ne scène qui se déroule dans une pièce aux murs couverts de miroirs, et on ne comprenait plus où on s'atrouvait, on perdait le sens de l'orientation et on croyait parler à quelqu'un devant soi alors qu'il était derrière. Il me semble qu'avec nous, ils veulent jouer exactement au même jeu, nous emmener dans une pièce aux murs de miroirs… Il faudrait qu'à partir de maintenant, ce soit nous qui prenions l'initiative.”

Quelles "pirsonnes" suspecter, et ce serait pour masquer quoi ? Quand l'agent Catarella annonce qu'on a découvert “un mort en état de cadavre” dans une voiture brûlée, et lorsque les pompiers interviennent à la villa de Liliana, ça sent les méthodes de mafiosi. Pour le commissaire, l'essentiel est qu'on ne le fasse pas passer pour un imbécile. Et qu'à la fin de la conclusion, justice soit faite…

Andrea Camilleri : Jeu de miroirs (Fleuve Éditions, 2016)

Ce résumé personnel parodie quelque peu la tonalité narrative des péripéties traversées par Salvo Montalbano dans cette nouvelle aventure. Car, si l'intrigue est aussi tortueuse et mystérieuse que les précédentes dans la série, Andrea Camilleri "besogne" autant sur le langage. Merci au traducteur de nous offrir ces nuances qui participent à notre plaisir, de conforter ainsi une ambiance qui nous devient familière. Ce qui nous fait sourire quand il s'agit de certaines descriptions, de dialogues ou des approximations de l'agent Catarella.

C'est un peu moins amusant, sans nul doute, lorsqu'est évoqué "l'incaprettato", technique meurtrière de la Mafia. Nous restons dans un véritable roman criminel : malgré l'humour, on ne l'oublie pas. L'irascible docteur Pasquano aura, lui aussi, à exercer son métier de légiste le moment venu. Argumenter, faire l'éloge d'un roman d'Andrea Camilleri ? Ce n'est probablement pas indispensable. Préciser qu'on adhère vite à l'univers du commissaire ? Ce serait également superflu. Dès que l'on a goûté au récit des tribulations savoureuses de Montalbano, on les déguste toujours avec une infinie délectation.

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 05:55

À Vigàta, le commissaire sicilien Salvo Montalbano a prévu de passer quelques jours avec sa fiancée Livia, venue le rejoindre. Pas vraiment d'enquête en cours, ça devrait bien se passer. Un problème, quand même : on est sans nouvelle du brigadier Fazio, le policier le plus consciencieux et efficace de l'équipe. Si Salvo rassure son épouse inquiète avec des calembredaines, il cherche dans les cliniques de Montelusa si Fazio s'y trouve. Un témoin a entendu des coups de feu sur le port, la nuit passée. Ça concerne certainement Fazio, le commissaire et son adjoint Mimì Augello en sont convaincus. On envoie des plongeurs afin de savoir si un corps n'a pas été jeté à la mer. Ils ne trouvent rien.

Grâce à un ami journaliste, qui le met en contact avec un homme en cavale, Salvo obtient un renseignement capital. C'est du côté de la montagne Scibetta que la police devrait aller fouiller. En effet, il y à là-bas trois profonds puits à sec, servant de tombes anonymes. Un cadavre gît dans l'un de ces puits depuis déjà quelques jours, et encore un autre dans un second puits, précipité au fond plus récemment. Aucun d'eux n'est Fazio, heureusement. Bien qu'harassé de fatigue, Salvo repère aux alentours un tunnel assez large pour y pénétrer en voiture. C'est là-dedans que s'est réfugié Fazio pour échapper à ses ravisseurs. Il est traumatisé, en état de choc. On va l'hospitaliser à Fiacca, pour plus de sécurité.

Avec tout cela, Salvo a complètement oublié Livia. Elle est partie mais, contrairement à ce qu'il craignait de sa fiancée prompte à s'énerver, elle ne paraît pas lui en tenir rigueur. Le commissaire gagne du temps vis-à-vis de sa hiérarchie, tant qu'il ne sait pas exactement sur quoi Fazio enquêtait réellement. Sa première visite à l'hôpital est brève, minutée par une stricte infirmière pète-sec, digne d'une gardienne de prison. Toutes ne sont pas aussi rebutantes. À l'opposé, le charme de Salvo semble opérer sur la belle infirmière Angela. Un peu remis, même si sa mémoire est fragile, Fazio indique que c'est son ami Manzella qui avait des soupçons sur une affaire de contrebande. Ce qui entraîna son enquête.

Encore faut-il savoir où dénicher ce Manzella ! Salvo constate qu'il paraît avoir quitté son appartement. Il y a laissé une paire de jumelles de marine, et une longue-vue braquée en direction du port. Salvo se rend chez l'ex-épouse de Manzella. Elle confirme que celui-ci, un homme au caractère instable, avait pour manie de surveiller les autres. À l'hôpital, où semblait rôder un criminel, on a jugé préférable de placer Fazio dans une chambre moins exposée. Pour le commissaire, les choses avancent bien avec l'infirmière Angela. Passer la soirée ensemble, c'est sympathique, mais Salvo n'est pas si naïf. Quand la concierge de l'immeuble de Manzella est abattue, il est temps s'activer pour faire cesser ces meurtres. Au final, Salvo et son équipe ont des chances de pêcher un gros poisson…

Andrea Camilleri : La danse de la mouette (Pocket, 2016)

Autour du commissaire Montalbano, les personnages récurrents sont sa fiancée Livia, les policiers Mimì Augello, ainsi que Gallo et Galluzo, le grognon Docteur Pasquano joueur de poker, le brave gaffeur Catarella à l'accueil du commissariat, le restaurateur Enzo. Et puis le brigadier Fazio, celui qui généralement fait avancer les enquêtes. Si on est coutumier des aventures de Salvo Montalbano, c'est un personnage que l'on apprécie, pour son sérieux et sa complémentarité avec son chef. Cette fois, c'est pour Fazio que l'on a des raisons de s'inquiéter. Certes, on va le retrouver et le soigner, mais l'affaire ne s'arrête pas là. Car, en Sicile, il est rare qu'un caïd mafieux ne soit pas impliqué dans des méfaits.

De l'humour, cet "épisode" n'en manque pas. Pas tellement à cause de Catarella qui, au contraire, est plutôt à la hauteur. Mais, entre les barrages routiers des carabiniers, son supérieur auquel il raconte des carabistouilles, et une très jolie infirmière à dénuder, Salvo nous fait sourire plus d'une fois. Les lecteurs d'Andrea Camilleri connaissent parfaitement les qualités du maestro. Quant aux autres, qui n'ont pas encore exploré son œuvre, ils se privent de grands moments de plaisir.

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2015 3 09 /09 /septembre /2015 04:55

Le séjour en Sicile de Livia, la fiancée du commissaire Salvo Montalbano, s'est plutôt bien passé. Non sans quelques accrochages et une part de jalousie, car le policier a imaginé qu'elle le trompait avec un certain Carlo. Il s'est senti cerné par les Carlo. Tandis qu'elle s'en retourne chez elle, Montalbano est occupé par une série de cambriolages à Vigàta et dans ses alentours. Ce serait le rôle de son collègue Augello, mais selon l'agent Catarella, il a été congédié. En somme, il est juste en congés. Donc, c'est Salvo Montalbano qui s'y colle. La manière des voleurs est particulière. D'abord, ils pénètrent dans une résidence secondaire où les propriétaires sont en train de dormir. Ils y dérobent des objets de valeur, et surtout les clés du principal logement des victimes, à Vigàta. Avec la voiture des gens volés, ils vont jusqu'à l'adresse de ces personnes et cambriolent les lieux.

Selon le commissaire, ils doivent être trois pour opérer. Le fils de sa bonne Adelina croit savoir que c'est une bande venue d'une autre partie de la Sicile, dirigée par quelqu'un de Vigàta. Montalbano dispose d'une liste de dix-huit noms, appartenant au même cercle d'amis. Hormis ceux déjà visés, autant de victimes potentielles. D'ailleurs, à son tour cible des voleurs, le plombier Incardona conforte l'impression du policier. Avec son efficace adjoint Fazio, ils ne tardent pas à repérer le receleur des voitures volées en ces occasions. Mis sous surveillance, il est bientôt arrêté. Ce qui ne solutionne rien : le trio d'exécutants reste non-identifié et le "cerveau" annonce de futurs cambriolages par un courrier adressé à Montalbano. En effet, la trentenaire blonde Angelica Cosulich, employée de banque, est également victime d'un double vol selon la même méthode.

À cinquante-huit ans, Salvo Montalbano n'est pas à l'abri d'un coup de foudre. Angelica lui fait penser à l'Orlando Furioso, le magistral poème épique de l'Arioste, avec son héroïne portant le même prénom. Angelica semble attirée elle aussi, et elle partage le même goût que Salvo pour les bons repas et les généreuses doses de whisky sec. Il vaut mieux s'en tenir à une version corrigée du cambriolage, sans parler du baisodrome de la demoiselle, où se passa la première étape du vol. Ça pourrait valoir quelques ennuis au commissaire, quand son supérieur le Questeur est informé des faits complets, par une lettre anonyme parvenue à la Télévision officielle. Le policier plaide la calomnie. Peu après, Montalbano est bloqué par une entorse, ayant voulu donner un coup de main à Angelica. La jeune femme risque des ennuis à la banque, une mutation, à cause de cette affaire.

Les prochaines victimes, la police les a identifiées. Tout est mis en place pour entraver les projets du trio opérant pour Monsieur Z, ainsi que Montalbano à baptisé le cerveau. Salvo comprend qu'il doit mettre fin à son idylle avec la belle Angelica. Celle-ci lui a donné deux noms de suspects : une vérification s'impose, même si elle est vaine. Un nouveau vol avec indice, un cadavre blessé puis achevé par balles, un suicidé par pendaison, des coups de feu visant la jeune femme, autant d'éléments nouveaux sur lesquels le commissaire doit baser sa réflexion pour dénicher le coupable…

Andrea Camilleri : Le sourire d'Angelica (Fleuve Éditions, 2015)

Une vingtaine d'aventures de Montalbano, se lisant avec un plaisir toujours renouvelé : tel est le seul constat qu'on puisse faire une fois encore. Des romans d'enquête dans le décor sicilien ? Certes, on suit les diverses investigations du policier quinquagénaire. Pourtant, au-delà de la pure recherche criminelle, on se régale à observer ce héros. Dans sa vie de policier, entouré du professionnel Fazio (passionné par l'état-civil des protagonistes d'un dossier, et plutôt inspiré dans l'action) et de l'inénarrable agent Catarella (qui ne retient jamais les noms exacts de ceux qui téléphonent, mais s'avère doué en informatique). Dans sa sphère privée, également, avec son éternelle fiancée Livia (pas toujours de bonne humeur), ses repas gastronomiques chez Enzo, et ses déboires dès qu'il approche d'autres jolies femmes (souvent avec une part de maladresse ou de naïveté).

Les romans d'Andrea Camilleri ne déçoivent jamais ses lecteurs, et ce n'est pas ce nouvel opus savoureux des enquêtes de Salvo Montalbano ("Il sorriso di Angelica", 2010) qui démentira cette évidence. Puisque le maestro Camilleri vient tout juste d'atteindre 90 ans ce 6 septembre 2015, adressons-lui nos vœux de bonne santé. Sans doute est-ce un peu égoïste, mais on souhaite qu'il continue encore longtemps à nous régaler de ses fictions et de ce langage qui contribue tant au charme de ses livres.

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 05:55

À Vigàta, en Sicile, un couple frère-sœur de vieux calotins enfermés dans leur immeuble s'est mis à menacer tout le monde. Le commissaire Salvo Montalbano, forcément, il a été obligé d'intervenir. Malgré ses cinquante-sept ans, il a eu fière allure sur la grande échelle des pompiers, à l'assaut du bâtiment. Les deux Palmisano, il n'a pas fallu longtemps pour les arrêter. Quand même, Montalbano s'est retrouvé au milieu d'une forêt de crucifix, puis face à des pianos où un rat jouait de la musique, à la lumière tremblotante d'une lampe à pétrole, puis en présence d'une poupée gonflable très usagée appartenant au propriétaire des lieux. Un reportage de TéléVigàta a témoigné du capharnaüm où vivait le couple de bigots, internés depuis, en s'attardant perversement sur la poupée décrépite.

Montalbano, le légiste Pasquano et toutes les autorités sont alertés quand on en retrouve bientôt une deuxième, une poupée gonflable identique. Le commissaire organise un genre de confrontation des deux, qui datent d'une trentaine d'années. La seconde a été copiée, pour les défauts dus au vieillissement de l'objet, mais des différences existent. La pauvre Adelina, chargée du ménage et de la cuisine chez Salvo, risque d'être épouvantée par ces deux faux cadavres. Un vieux neveu des deux dévots cinglés s'informe déjà, quant à un possible héritage. Par ailleurs, Montalbano a reçu un courrier qui l'invite à un jeu de piste. Dès la deuxième étape, il doit récupérer la copie des plans de Vigàta, afin de s'y repérer. Il suit à la lettre le chemin indiqué, trouvant une baraque où son image est omniprésente.

Les poupées causent à Salvo des tracassins en cascade. Il se demande s'il est bien utile de persévérer dans cette chasse au trésor insoluble. Arturo, un ami étudiant de sa copine Ingrid Sjostrom, voudrait connaître les méthodes d'investigation du commissaire. Avec ses airs d'Harry Potter, celui-là pourrait l'aider pour les indices du jeu de piste. Et en voilà un autre, un gros paquet qui ne contient pas d'explosif mais une tête. L'adversaire prend-il Salvo pour un agneau ? Le nouveau texte mène Montalbano à un profond étang, du côté de Gallotta. Son collègue Fazio "s'arappelle" qu'il s'y produisit jadis un drame familial.

Cette drôle d'histoire n'arrange guère les rapports, téléphoniques et déjà tendus, de Salvo avec sa fiancée Livia, là-bas à Boccadasse, dans la région de Gênes. Survient alors la disparition d'une jeune fille, Ninetta. Peut-être une "fuitina", fugue amoureuse ? C'est plus sûrement un enlèvement, car elle a été précédemment agressée. Et probablement une erreur, vu que Ninetta ressemble beaucoup à une autre femme, prostituée. S'il y a un lien, le curieux jeu de piste commencerait-il à prendre un tour plus cruel ? C'est bien un duel, les motivations de l'adversaire visant Montalbano "pirsonnellement en pirsonne", comme dirait le brave agent Catarella…

Andrea Camilleri : La chasse au trésor (Fleuve Éditions, 2015)

Lorsqu'on veut s'offrir une lecture garantie sans déception, il suffit de suivre Montalbano dans ses aventures. Roman d'enquête ? La formule ne s'applique que dans un sens large, avec cette nouvelle affaire. Il s'agirait plutôt d'un puzzle, où s'entrecroisent la vie privée du commissaire sicilien et son métier. Ensuqué par le manque d'action, ayant moins d'appétit, rousinant volontiers et ronchonnant souvent, le célèbre habitant de Marinella n'a guère le sentiment d'être au cœur d'un problème criminel, jusqu'à ce que…

Un strict "jeu de piste" serait déjà assez sympathique. On peut compter sur la virtuosité du Maestro Camilleri pour y apporter une tonalité plus alléchante encore. Le récit est enjoué, émaillé de scènes souriantes. Normal quand tout commence par des poupées gonflables, fussent-elles usagées. On aura même droit à un délicieux quiproquo, le fils d'Adelina ayant mal compris le souhait du commissaire. Autour de Salvo, on retrouve avec grand plaisir les policiers Fazio, Mimì Augello, Gallo et Galluzzo. Sans oublier notre désopilant ami Catarella, ainsi que l'attirante suédoise Ingrid. Encore un fort excitant et amusant épisode dans l'univers de Montalbano.

 

- "La chasse au trésor" d'Andrea Camilleri est disponible dès le 8 janvier -

Partager cet article
Repost0
13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 05:55

 

1929, le régime fasciste est désormais installé en Italie, idolâtrant son clairvoyant chef Mussolini. En Sicile, l’École des Mines de Vigàta comptera dès cette rentrée un étudiant Noir, venu y poursuivre sa scolarité. CAMILLERI-2013-FayardLa prudence s’impose au sujet de prince Ghrané Solassié, neveu du Négus d’Éthiopie, Haïlé Sélassié. Le Duce ayant des vues expansionniste sur l’Abyssinie, il convient de traiter avec grands égards cet étudiant. Nul ne voit d’inconvénient à le côtoyer, sauf M.Müller, Allemand nazi de la première heure, inquiet d’une telle fréquentation pour son fils. L’information a circulé à Vigàta comme à Montelusa, entre École des Mines, préfecture, siège local du parti, commissariat de police, et dans l’ensemble de la population. On a trouvé une pension de famille qui va héberger l’étudiant, au frais de l’État. C’est qu’on espère qu’il vantera la générosité des Italiens auprès de son oncle.

À son arrivée, le prince Ghrané est sous surveillance policière. Débarquant du train sans bagages, pauvrement vêtu, il affirme avoir été détroussé à bord par deux voyageurs. Un geste politique, estime le parti fasciste local. Ce qui ne va pas empêcher Ghrané de faire un détour par le principal bordel de Vigàta, sans payer les passes. Le commissaire Spera comprend tôt qu’il s’agit d’une source d’ennuis. Peu après, le prince est hospitalisé, souffrant d’inappétence. Là encore, on peut vérifier son goût pour les belles femmes. On comprend que Ghrané a besoin d’une famille d’accueil. Âgée de dix-sept ans, vivant avec son père veuf, amoureuse du beau prince Noir, Ninetta (Antonietta) est ravie de l’accueillir chez eux. Pas bien difficile de deviner la combine qu’ils ont monté, mais les officiels n’y voient que du feu. Et continuent à financer tous les besoins du neveu du Négus.

De grosses sommes sont dilapidées dans l’opération autour du prince. Puisqu’on insiste pour qu’il écrive à son oncle une lettre favorable au régime italien, Ghrané négocie et dépense énormément. Hormis ces tractations tous azimuts, il trouve de l’argent auprès du fils Müller, homosexuel épris de lui. Une rencontre à Rome avec le Duce serait un grand projet, mais le prince n’y tient guère. S’il arrange un mariage pour le père de Ninetta, c’est qu’il a son idée. Il cause quelques troubles çà et là, mais préfecture et parti fasciste local s’arrangent pour éviter le scandale. Quand on pense que la mine locale est ensorcelée, un simulacre d’exorcisme suffit à calmer les rumeurs, bien qu’on puisse soupçonner le prince. Il sème encore la pagaille au Cercle des Nobles de Montelusa, qui feraient mieux de ne pas réagir. L’étudiant finit par prendre le train pour Rome, où il doit rencontrer Mussolini…

 

À l’origine de cette histoire, il y a un fait réel, un neveu d’Haïlé Sélassié ayant réellement étudié dans une École des Mines sicilienne à l’époque. Andrea Camilleri a entièrement réinventé cet épisode, qui ne causa nul troubles comparables avec ceux de sa fiction. C’est sous forme de pièces du dossier (et non d’un roman linéaire) qu’il nous présente la curieuse affaire. Échanges de conversations, de courriers, de rapports, de télégrammes, d’impressions, qui nous permettent de cerner les faits. Avec une ironie grinçante, il nous montre la bureaucratie fasciste dans toute sa ridicule splendeur, avec ses combinaisons politicardes, sa certitude de tout contrôler. Au final, une opération aussi onéreuse que chimérique.

Bien avant le célèbre policier Salvo Montalbano, il existait déjà un commissaire de police très compétent à Vigàta. Giacomo Spera n’est jamais vraiment dupe du jeu auquel s’amuse Ghrané Solassié, rusé prince abyssin. Une lucidité de l’enquêteur qui lui fera risquer des sanctions… Même en connaissant son œuvre, on ne peut qu’être admiratifs devant la virtuosité d’Andrea Camilleri. Car l’intrigue n’a rien de simpliste et, si la tonalité nous fait sourire, la caricature de l’imbécillité générale apparaît fort juste. Ce n’est pas encore cette fois que le Maestro sicilien décevra ses admirateurs.

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/