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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 05:55

 

À Vigàta, le yacht Vanna ramène au port un cadavre récupéré dans un canot à la dérive. C’est bien un meurtre : le Dr Pasquano, légiste, détermine que l’homme a été empoisonné, avant d’être défiguré. Il ne semblait pas être un marin. Le canot étant neuf, ça n’aide guère les experts de la police. Par contre, son trajet peut indiquer qu’il s’éloignait du port, y revenant à cause de la forte houle. CAMILLERI-2013Propriétaire du yacht Vanna, la presque quinquagénaire Livia Giovannini ne cache pas son agacement de devoir prolonger son escale à Vigàta. Cette riche veuve navigue avec équipage à longueur d’année, autour de la Méditerranée, jusqu’au sud de l’Afrique. C’est un peu le cas aussi du yacht voisin d’amarrage, l’As de Cœur. Le mort est bientôt identifié, un Français venant de s’installer dans un hôtel local.

Cette affaire-là, elle ne concernerait pas tellement Salvo Montalbano. Sauf que le matin même, sous une météo épouvantable, il a rencontré une jeune femme prénommée Vanna. La petiote prétendit être la nièce de Mme Giovannini. Vite, il comprit que c’était un mensonge. [Elle] devait se bidonner intérieurement devant ce commissaire qu’elle manœuvrait comme une marionnette ! Mais pour quelle raison lui avait-elle raconté cette montagne de carabistouilles ? Un motif, elle devait bien en avoir un, mais lequel ? S’il y a un marin qui s’appelle comme elle Digiulio sur le yacht, ça ne prouve rien du tout. Quand Salvo Montalbano fait la connaissance de la ravissante lieutenant Laura Belladonna, un officier du port, c’est le coup de foudre immédiat. Pourtant, leur relation sera assez trouble, car Salvo est quelque peu maladroit, et Laura parait ne pas vouloir s’engager.

C’est Fazio, l’adjoint de Montalbano, qui (au risque de se faire cogner) surveille l’équipage du Vanna, remarquant le cas d’Ahmed Chaikri. L’identité du Français, Salvo la découvre, et il réalise finalement d’où vient ce faux nom. Sûrement pas un type honnête, ce grand voyageur venu échouer là. Il y a bientôt une nouvelle victime, pas morte de façon si accidentelle qu’on veut le faire croire. Il faudrait s’infiltrer à bord du Vanna pour tenter d’en apprendre davantage. Une mission qui conviendra à Mimì Augello, collègue et ami de Montalbano, séducteur notoire. Le commissaire sent bien que le Questeur n’est pas à l’aise avec cette affaire, l’en déchargeant avant de la lui redonner. Tandis que Salvo s’interroge toujours sur sa relation avec Laura Belladonna, le retour de l’énigmatique petiote Vanna pourrait accélérer le dénouement de l’enquête…

 

Ne boudons pas notre plaisir, car c’en est un de retrouver périodiquement le petit monde de Montalbano, notre policier sicilien préféré. Dans cet épisode, Fazio n‘a rien perdu de son professionnalisme, Augello se plait à charmer une navigatrice mature, Catarella est toujours aussi approximatif, et le caractériel Dr Pasquano s’avère plus coopératif que souvent. En privé, Salvo est confronté à une subtile relation amoureuse bien incertaine, suscitant malgré tout une jalousie possessive. Humour et sentiments, évocation également des migrants espérant débarquer en Sicile, et même une vraie-fausse menace mafieuse. Néanmoins, Andrea Camilleri n’en oublie pas une intrigue polar diablement passionnante, un vrai suspense.

Si à cinquante-huit ans Salvo est encore athlétique, il reste un grand gourmand, chez lui comme au restaurant d’Enzo : Il acommença par les hors d’œuvres de la mer. Comme le fretin frit était vraiment croquant, il s’en fit porter une petite assiette supplémentaire à part. Il continua par un robuste plat de spaghetti au noir de seiche. Et termina par une double portion de rouget et de marbré. Quand il sortit, il convint de la nécessité absolue d’une promenade nocturne jusque sous le phare… Nous aussi, c’est en nous délectant que nous dévorons à chaque fois les enquêtes de Montalbano. Et celle-ci est aussi savoureuse que les précédentes.

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 05:48

 

Ce n’est pas en Sicile qu’Andrea Camilleri situe l’intrigue de Intermittence, mais dans l’Italie actuelle. Un suspense disponible désormais en poche, chez Points.

CAMILLERI-2012PointsMalgré la crise économique, le groupe Manuelli reste une des puissantes sociétés italiennes. Âgé de soixante-quinze ans, même s’il a encore un certain prestige, son fondateur ne la dirige plus. Le vieux Manuelli a réservé un poste supérieur plutôt fictif à son fils quadragénaire Beppo au sein de l’entreprise. Les vrais directeurs généraux sont Mauro de Blasi, et son adjoint Guido Marsili. Le projet qu’ils mènent à bien actuellement, c’est le rachat de la société Artenia. Son président, Birolli, a commis trop d’erreurs pour continuer. Cela va entraîner une sévère casse sociale, une multitude de licenciements. En présentant positivement les dégâts, Mauro et Guido sont sûrs qu’il n’y aura pas trop de contestation. D’autant qu’on peut compter sur le soutien politique d’un député sous-ministre, qui dira ne voir dans ce rachat que des avantages pour l’emploi. Birolli va toucher le pactole pour ses actions, ce qui l’aide à taire ses scrupules.

La vie privée des deux directeurs n’est pas exactement sereine. Marisa de Blasi est une jolie femme, assez instable quant à ses amours. Elle a quitté le policier Formiggi pour épouser Mauro, il y a quelques années. Si Marisa a connu depuis des amants de passage, elle se croit maintenant éprise de Guido Marsili. Celui-ci l’a charmé grâce à la poésie, qu’il aime à lui susurrer tendrement, au point que Marisa songe à quitter Mauro. Cette perspective n’enchante guère Guido, qui tient plus à son poste qu’à cette amourette. Alors qu’ils doivent passer le week-end au chalet de Guido, il la largue en pleine montagne après l’avoir maltraitée.

Mauro a des soupçons sur la fidélité de sa femme. Aussi a-t-il demandé à son chef de la sécurité d’enquêter discrètement. Ce dernier piste la jeune femme, sans définir réellement qui est l’amant. Guido se montre prudent, plus proche que jamais de Mauro de Blasi, lui préparant son discours pour un congrès à venir. Toutefois, Mauro n’est pas irréprochable. C’est que la belle et intelligente Licia Birolli est fort attirante. Âgée de vingt-cinq ans, employée par un autre patron de grosse société, la blonde petite-fille du président de la société Artenia l’a invité à ce congrès de décideurs économiques. Il espère que, malgré ses légers soucis de santé, ce sera une occasion pour devenir intimes. Beppo Manuelli a des soupçons concernant la régularité du rachat de la société de Birolli, tandis que Marisa de Blasi cultive sa rancune contre son amant et son mari…

 

On peut dénoncer brutalement le monde des affaires, les dirigeants décomplexés des grandes entreprises agissant avec le plus arrogant cynisme. Andrea Camilleri préfère illustrer leur état d’esprit en finesse. Pendant la crise économique, les malversations entre combinards de haut niveau continuent. Le pire étant que, en parallèle, ces gens tiennent des discours publics moralisateurs. Sur le thème Responsabilité sociale et éthique de l’entreprise, ils se déclarent vertueux et irréprochables, participant activement au sauvetage des sociétés en péril, se souciant du personnel. Pendant ce temps, des sommes énormes transitent entre eux, illégalement et en secret.

La force de Camilleri consiste y à associer leur vie privée, afin de présenter une vraie intrigue à suspense. Car leurs comportements ne sont pas plus propres que dans leurs professions. Et les femmes gravitant dans ces milieux, ici une séductrice et une jeune femme intelligente, ne sont pas plus morales que ces hommes d’affaires. C’est une jungle où elles doivent se montrer sans pitié, comme les mâles, se sachant meilleures comédiennes qu’eux. Les péripéties ne diluent pas le propos de l’auteur, bien au contraire. C’est une façon de montrer que cet univers est foncièrement pourri. La secrétaire de direction en fait l'amère expérience. Intermittence est un roman qui vise juste, tout en nous offrant une passionnante histoire.

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 07:33

 

Andrea Camilleri, Carlo Lucarelli et Giancarlo de Cataldo figurent parmi les auteurs majeurs du roman noir italien daujourd’hui. Les voici réunis autour d’un même thème, Les Juges. Dans ce recueil, chacun présente une longue nouvelle, à sa manière. Tous trois avec la justesse, la finesse, le talent qui les caractérisent.ITALIENSx3

 

Andrea Camilleri : Le juge Surra. Fin 19e siècle dans l’Italie unifiée, le juge Surra a pour difficile mission de réorganiser le tribunal de Montelusa. Ici, certains comportements qui, aux yeux d’un non-Sicilien, peuvent paraître carrément criminels sont en fait souvent dictés par un profond sens de l’honneur et d’une justice qui ne coïncide pas toujours, malheureusement, avec celle du code pénal. Venu de Turin, il est observé par les notables locaux. Le juge apprend que les dossiers de quatre futurs procès ont été dérobés. Puisque c’est Emanuele Lonero, dit don Nené, qui les possède depuis ce vol, le juge les lui réclame publiquement. Pour le mafioso, c’est une vraie déclaration de guerre, tandis que la population admire le courage du juge. Plutôt candide et fin gastronome, le magistrat réalise à peine qu’il échappe de peu à un attentat. Il est prudent de mettre les quatre dossiers, restitués par don Nené, dans une armoire close du tribunal. Le juge ne semble pas s’émouvoir d’une nouvelle menace du caïd mafieux. Son adversaire cherchera à détruire définitivement les fameux dossiers judicaires…

Carlo Lucarelli : La Gamine. L’été 1980, à Bologne. Valentina est une juge âgée de trente ans, mais qui en parait beaucoup moins. À son insu, au tribunal, on l’a surnommée La Gamine. C’est le vieux brigadier de police Ferro qui est chargé de sa protection. L’affaire de malversations qu’elle traite en ce moment ne lui semble pas sensible. Néanmoins, elle est visée par un attentat, blessée et hospitalisée. L’instinct de flic de Ferro ne le trompe pas. Quand on cherche à éliminer Valentina à l’hôpital, il la soustrait aux tueurs et la confie à un certain Sanna. Ce médecin clandestin est équipé pour la soigner. Tandis que Valentina est supposée avoir été enlevée par Ferro, la jeune juge finit par sortir du coma. Dès que sa santé le lui permet, elle se transforme en juge d’instruction clandestine. On a voulu la tuer à cause des magouilles financières sur lesquelles elle enquêtait. Avec l’aide de Sanna et d’une paire de truands, la juge va tenter d’éclaircir cette affaire…

Giancarlo de Cataldo : Le triple rêve du procureur. Étant scolaire, Ottavio Mandati connut l’expérience de la relativité démocratique, face à la tricherie caractérisée. Il est devenu procureur, en poste aujourd’hui dans sa ville natale, Novere. Ottavio n’ignore pas pourquoi cette charmante commune s’est transformée et enlaidie au fil des ans. Immeubles envahissants, cliniques privées, tout cela résulte des opérations financières plutôt frauduleuses menées par le maire actuel Pierfiliberto. Ils se connaissent depuis toujours, et l’élu apprécié de la population a souvent tenté de soudoyer Ottavio. Le procureur rêve de prouver la culpabilité du maire, à moins que le magistrat ne soit lui-même accusé à son tour. Car un attentat visant la voiture de luxe de Pierfiliberto, suivi de deux autres tentatives, il est bien obligé d’enquêter sur cette curieuse affaire. Or, le procureur a de moins en moins le sentiment de pouvoir faire confiance à son entourage…

 

La corruption omniprésente et le non-respect permanent de la Loi, tel est le mal qui gangrène depuis bien longtemps l’Italie. Ces trois écrivains l’ont souligné dans leurs romans, n’oubliant pas la violence qu’engendre le mépris des règles. Pour les textes de ce recueil, un subtil humour perce dans la noirceur. Le juge d’Andrea Camilleri fait preuve d’une tranquille naïveté qui devrait lui réussir, la jeunette de Lucarelli utilise des méthodes illégales pour que la légalité s’impose, le magistrat respectable et un peu couillon dessiné par De Cataldo se sert de ses rêves afin de résoudre le problème. Ironie bienvenue des situations, percutantes péripéties, contextes évocateurs d’épisodes historiques, et surtout une très belle qualité d’écriture chez ces maîtres du polar italien.

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 06:00

 

Lire un roman d’Andrea Camilleri, c’est du plaisir assuré. Le coup de filet, son nouveau titre publié chez Fayard, le démontre une fois de plus.

CAMILLERI-Fayard-2012En Sicile, de nos jours, Michele Caruso est directeur du journal télévisé de la RAI. Un poste où il convient d’observer une prudente neutralité, concernant les infos sensibles. Son beau-père et protecteur, le sénateur Gaetano Stella, garde un œil sur lui, par l’intermédiaire de son homme de confiance, l’avocat Totò Basurto. Ce dernier, jouant les conspirateurs, agace Caruso : Il n’avait pas besoin qu’on lui dicte sa conduite. Il ne supportait plus ce contrôle perpétuel, ça lui tapait sur les nerfs. À la première occasion, il en parlerait au vieux.

Bien qu’ils vivent séparés, Caruso est toujours l’époux de Giulia, fille du sénateur. Tandis qu’elle a désormais pour compagnon l’avocat Troina, Caruso habite dans une résidence hôtelière. Il est l’amant de Giuditta, épouse du présentateur du journal télévisé. Une rumeur prétend qu’elle aurait un autre amant, mais elle reste ardente avec Caruso.

Une affaire de meurtre touchant la famille d’un politicien, c’est fatalement un cas à traiter avec des pincettes pour Caruso. Fils d’un député vaguement de gauche, Manlio Caputo est inculpé pour le meurtre de sa fiancée, Amalia Sacerdote, vingt-trois ans, étudiante en droit. Elle était la fille d’un haut responsable du Parlement régional, dont le demi-frère est Filippo Portera, un chef mafieux. Manlio découvrit le meurtre en rejoignant Amalia à son appartement à elle. Pas d’empreintes du jeune homme, sauf sur le cendrier ayant frappé mortellement la victime. N’ayant pas d’alibi, il est défendu par l’avocat Troina, compagnon de Giulia Caruso. Les témoignages de Stefania et Serena, deux proches amies d’Amalia, n’éclairent pas vraiment l’enquête. Les commissaires qui se sont succédés sur le dossier ont fait de leur mieux, mais la culpabilité de Manlio Caputo reste fort incertaine.

Le journaliste Resta, de la télévision privée concurrente, parait mieux informé et moins timoré que l’équipe de Michele Caruso. Pourtant, on pourrait faire pression sur lui en kidnappant brièvement sa gamine de cinq ans, tel un avertissement. Gabriele Lamantia est un informateur bien renseigné. Caruso l’engage afin qu’il recueille des infos exclusives sur la victime et son entourage. Un boulot très bien payé, mais loin d’être sans risque dès qu’on touche à la politique autant qu’à la mafia. Dans une grande banque sicilienne ainsi qu’au Parlement régional, on note divers mouvements parmi les dirigeants. Peut-être aucun rapport direct avec la mort d’Amalia, mais Caruso suit ça avec circonspection. Il doit louvoyer, pour ne pas déplaire au sénateur Stella. Gérer sa rédaction télé, tout en gardant une vie intime, ne fait que compliquer son quotidien…

 

Les enquêtes du commissaire Salvo Montalbano nous sont familières. Camilleri écrit d’autres romans, d’ironiques comédies policières. On s’en doute, le Maestro sicilien est parfaitement convaincant dans ces suspenses. Le traitement de l’info est au centre de la présente histoire, en partie inspirée d’un crime réel.

En Italie comme partout, les médias ne sont jamais si indépendants qu’ils veulent le laisser supposer. C’est généralement à cause des politiques et des financiers que les journalistes sont sous influence. L’auteur montre que se tissent aussi des liens subtils, plus personnels ou plus carriéristes. Un panier de crabes, où déontologie et honnêteté sont des valeurs parfois relatives. Si le vocabulaire est moins imagé ici que pour les aventures de Montalbano, on sourit néanmoins beaucoup. Regard sur l’hypocrisie ambiante, mais l’intrigue criminelle n’est pas négligeable; c’est le fil conducteur du roman. Est-il encore besoin de souligner le talent de Camilleri ?

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 06:42

 

Disponible chez Pocket, La patience de l’araignée d’Andrea Camilleri nous offre l’occasion d’un nouveau rendez-vous avec Salvo Montalbano…

CAMILLERI-2012pocketLe commissaire Montalbano fut blessé à l’épaule à l’issue de sa précédente enquête, celle du tour de la bouée. Afin de prendre soin de lui pendant sa convalescence, sa compagne Livia s’est installée chez lui à Marinella. Ce qui fait qu’Adelina, l’employée de maison qui n’apprécie guère Livia, ne prépare plus les plats préférés de Montalbano. Sa compagne n’est pas un cordon bleu : C’est pas qu’elle cuisinait très mal, mais elle avait tendance à tomber dans l’insipide, dans le peu d’assaisonnement, dans le très léger, dans le goût qui est là sans y être. Plutôt que cuisiner, Livia évoquait la cuisine […] À part que les pâtes étaient un peu trop cuites et la sauce acide, à part que la viande ressemblait à un morceau de carton et en avait même la saveur, le dîner préparé par Livia ne pouvait être considéré comme une instigation au meurtre. C’est un peu pour ça que, quand la disparition d’une belle jeunette est avérée, Salvo rejoint ses collègues.

Étudiante, Susanna Mistretta est la fille d’un géologue qui a exercé son métier à l’étranger. Aujourd’hui, la famille connaît un revers de fortune, en témoigne leur belle villa qui manque d’entretien. Giulia, la mère de Susanna, est mourante, ce qui pèse encore sur les Mistretta. L’oncle de la jeune fille est médecin, mais ne semble pas pouvoir guérir sa belle-sœur. Quand la moto de Susanna a été retrouvée, le père, l’oncle et le fiancé de la jeune fille se sont mobilisés. Aucune autre trace de Susanna, qui avait choisi ce soir-là un trajet différent pour rentrer à la villa. Enlèvement à caractère sexuel ou possible demande de rançon, on ne sait encore rien. C’est le policier Minutolo, expert en kidnapping, qui est chargé de l’affaire. Il est efficace, mais quand même les adjoints de Salvo, Fazio et Mimì Augello, ne seront pas de trop pour l’aider. En espérant que les ravisseurs de manifestent bientôt, qu’on en sache plus sur leurs intentions.

Salvo, il la mène aussi, son enquête. Il vérifie l’emploi du temps de Susanna, qui est passée à la banque, et avait une grosse somme sur elle. Salvo rencontre l’étudiante Tina, une de ses admiratrices, amie de la disparue. Et Francesco, le fiancé de Susanna, qui du bon sens pour adevenir policier. C’est lui qui pose la question du trajet et du casque de la jeune fille. Mais peut-être qu’il y a là trop de théories pour obtenir des réponses. Les ravisseurs prennent contact, par un enregistrement téléphonique. Si ce ne sont pas des pros, il y a plus de risques pour la séquestrée. Le casque, on le trouve, et le sac-à-dos c’est les carabiniers qui le découvrent, indices trop dispersés. L’oncle médecin explique à Salvo ce qui causa la ruine du géologue Mistretta et l’état de santé de son épouse. Il ne suffit pas que la rançon demandée soit réunie pour que l’affaire soit résolue…

 

Inutile de vanter une fois encore les mérites des romans d’Andrea Camilleri, ni le plaisir qu’on éprouve en lisant les enquêtes de Montalbano. Humour et langage en sont deux caractéristiques essentielles. Par exemple, quand Salvo rencontre une singulière prostituée vendeuse d’œufs, comment ne pas s’en amuser. Quant au comportement de Livia, son compagnon le saisit toujours aussi difficilement.

On aime aussi les coups de griffes contre les mauvais côtés de l’Italie, et des médias : Montalbano n’en finissait jamais de s’émerveiller de comment étaient faits les gens qui besognaient à la télévision. Ils te montraient les images d’un tremblement de terre avec des milliers de morts, des villages entiers disparus, des minots blessés et en larmes, des cadavres en morceaux, et tout de suite après : «Et maintenant, voici de belles images du Carnaval de Rio». Chars colorés, allégresse, samba, culs.

Le vocabulaire est aussi délicieux, avec des mots rares tels la draille (chemin cahoteux) ou le verbe rousiner (perdre son temps sans rien faire d’utile). Sans oublier les expressions encore plus siciliennes. Cela ne doit pas masquer la belle qualité de l’intrigue criminelle, ses mystères et ses hypothèses, ses drames, ainsi que les multiples péripéties qui jalonnent cette histoire. Encore et toujours, on se régale avec Montalbano.

 

Quelques titres d'Andrea Camilleri : "Le camp du potier" (2012) - "Meurtre aux poissons rouges" (avec Carlo Lucarelli, 2011) - "La piste de sable" - "Le tailleur gris" - trois enquêtes de Montalbano ("La forme de l'eau", "Le tour de la bouée", "La lune de papier").

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 06:34

 

Le nouveau titre d’Andrea Camilleri Le champ du potier est publié chez Fleuve Noir (dès le 12 janvier). Et comment je vous la résume cette fois-ci, l’histoire ? À Vigàta, en Sicile et ailleurs, tout le monde connaît déjà le commissaire Salvo Montalbano, oh que oui. Célèbre, il l’est pour ses emportements, sa crainte de vieillir et son amour de la bonne cuisine. Le monde actuel, il le trouve parfois désespérant : Montalbano s’arappela qu’à une époque désormais lointaine la mer, quand elle se retirait, ne laissait sur le sable que des algues parfumées ou de très beaux coquillages, comme un cadeau que les ondes laissent aux hommes. À présent, [polluée de déchets] elle nous rendait nos propres cochonneries. Sa compagne Livia qui vit à Boccadasse, du côté de Gênes, on ne la présente pas non plus, avec son caractère soupçonneux.

CAMILLERI-2012L’adjoint de Montalbano c’est le consciencieux Fazio, que tous les détails de l’enquête c’est lui qui s’en charge, comme toujours. Il ne livre ses trouvailles qu’avec parcimonie : Ce devait être très intéressant pour que Fazio se fasse sortir les réponses au tire-bouchon. Chaque fois qu’il devait lui dire quelque chose d’essentiel pour une enquête, il se munissait d’un compte-goutte. Il y a aussi le Dr Pasquano, le légiste qui furibonde pour se défouler, lui ne change surtout pas. Enfin, il y a le collègue policier du commissaire, Mimì Augello. Lui, on ne le voit pas beaucoup dans cette histoire, à part au début de l’enquête. Impliqué dans l’affaire, il l’est pourtant. Il a sorti des calembredaines à sa femme Beba, laquelle en a parlé à Livia, qui a transmis à Salvo. Et voilà un tracassin supplémentaire pour le commissaire.

 

Un souci de plus, oh que oui, car on a découvert un cadavre non-identifiable dans un terrain argileux sous la pluie. C’est qu’il est découpé en trente morceaux, le catafero. L’irascible légiste affirme qu’il s’agit d’une exécution, avec découpe méthodique du corps. Mais Fazio ne trouve aucun porté disparu correspondant à la victime. Par contre, il identifie bientôt une jeune femme qui a peut-être été agressée par une voiture, la nuit. Cette Dolorès Alfano s’adressera à Montalbano, mais ça c’est plus tard. Entre-temps, Salvo demande un petit service à son amie Ingrid (Le mari d’Ingrid était connu pour être un bon à rien, il était donc logique qu’il se soit consacré à la politique). Elle doit surveiller ce séducteur de Mimì Augello, pour savoir ce qu’il mijote. Car les courriers plutôt énigmatiques qu’il transmet à Montalbano, celui-ci ne sait pas du tout comment les interpréter.

Un roman d’Andrea Camilleri et, surtout, l’évangile selon Matthieu offrent à Salvo un début d’explication sur le cadavre inconnu. De quoi penser que la Mafia joue un rôle mortifère dans le meurtre. Les flics de l’anti-mafia, ils ne prennent pas au sérieux les hypothèses de Montalbano, tant pis pour eux. La belle Dolorès Alfano, la revoilà. Son mari qui est embarqué sur un navire marchand, elle n’en a plus aucune nouvelle depuis deux mois. Elle s’inquiète, la pauvrette, c’est normal. D’autant que son mari, vérification faite par Salvo, il n’a pas pris son poste sur le bateau comme prévu. Et que dans le studio de Messine d’où il est parti, il y a des indices possiblement suspects. La concierge (monarchiste) est une précieuse alliée pour Salvo. Quant au cadavre, il est très probable qu’un grand chef de la Mafia ait ordonné son exécution…

 

Et l’agent Catarella, qu’est-ce qu’il fut pour lui ? Glissades dans la boue d’argile. Transmission approximative des messages et des noms. Des problèmes avec la porte du bureau de son supérieur, aussi : Dottori, j’étais en train de pinser que peut-être bien qu’il m’aconvient de frapper avec le pied, vu qu’avec la main je ne contrôle jamais. Non, il vaut mieux que tu utilises le système que je te dis: quand tu es derrière la porte, au lieu de frapper avec la main, tu sors le revorber et tu tires en l’air. Tu feras sûrement moins de bruit. Brave Catarella, sans lequel une aventure de Montalbano perdrait tant de sa saveur… En conclusion, car il est temps : au summum de son écriture, le maestro Camilleri nous régale une fois encore, avec une histoire ciselée alliant intrigue et humour.

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 06:30

 

Coup de cœur. Quand Andrea Camilleri et Carlo Lucarelli écrivent à quatre mains Meurtre aux poissons rouges (Fleuve Noir), ça donne un singulier roman...

CAMILLERI-LUCARELLI-2011À Bologne, la policière Grazia Negro enquête sur une curieuse affaire, si bizarre qu’elle a besoin des conseils du commissaire sicilien Salvo Montalbano. Sans en référer à leur hiérarchie, l’inspectrice adresse par courrier la copie des éléments du dossier à son collègue. Montalbano décline cette collaboration, autant à cause de la jalousie de sa compagne Livia, que de la surveillance dont tout policier est l’objet en Italie. En réalité, Grazia et Montalbano vont quand même correspondre par courrier, officieusement, en prenant de grandes précautions. Utiliser divers subterfuges est parfois hasardeux, surtout si Montalbano confie cette mission à cet imbécile de Catarella ou à ce dragueur de Mimì Augello. La policière Balboni, collègue lesbienne de Grazia, leur apportera sans doute un meilleur soutien.

Qu’en est-il de ce meurtre bolognais ? Un nommé Arturo Magnifico été retrouvé mort chez lui, étouffé par un sac plastique ayant peut-être contenu ces poissons rouges découverts près du cadavre. Il gisait dans sa cuisine, habillé, seule une de ses chaussures ayant disparu. Ses cheveux et la partie supérieure de sa chemise étaient humides. On ne relève pas de vraies traces de luttes. Certains détails de l’autopsie n’ont, toutefois, pas été transmis clairement à Grazia. Salvo Montalbano lui indique les bonnes questions à se poser dans cette enquête. Il semble bientôt que les investigations de Grazia dérangent des gens, car elle est blessée dans un accident de voiture. Malgré la menace, elle maintient le contact avec son collègue sicilien, plus prudemment que jamais.

Une espèce très particulière de poissons rouges offre au deux policiers une piste, qui les oriente vers une jolie femme vite surnommée Gros Nichons. Un sobriquet machiste, mais justifié. Il peut exister un lien entre le meurtre de Magnifico et les carabiniers. En effet, le suicide du brigadier Pesci est troublant, vu l’endroit où on a découvert son corps. L’ombre d’une discrète équipe des Services Secrets italiens semble maintenant planer sur ces morts. Nos deux limiers sont certains d’avoir identifié la bonne suspecte, encore faut-il trouver le moyen de la piéger. Séparément, Montalbano et Grazia Negro vont séjourner à Milano Marittima. Si le Sicilien croit encore que leur suspecte ignore son rôle, il doit déchanter. Car les fiches des deux policiers se trouvent dans le sac à mains de Gros Nichons…

 

Andrea Camilleri et Carlo Lucarelli étant des virtuoses du polar, cet exercice de style s’avère remarquable. Dans l’épilogue, l’éditeur nous explique dans quelles circonstances ce roman les a réunis. Avant d’apprécier ce final, il faut savourer la maestria des auteurs. Des mois durant, ils ont joué ensemble à composer cette intrigue. Avec malice, certes, mais surtout en rivalisant de trouvailles pour que le résultat soit à la hauteur.

L’histoire se présente sous la forme de pièces du dossier, avec l’échange de courriers ainsi que d’autres documents. Les héros respectifs des deux romanciers sont face à un dossier criminel très sérieux. À ne pas traiter à la légère, car l’adversaire élimine facilement les gêneurs. Camilleri et Lucarelli mesurent les imperfections de leur pays, et y font allusion.

Ceux qui aiment Montalbano retrouveront en filigrane son équipe, non sans sourires, et la jalouse Livia : Catarella a balancé que j’étais là [à Milano Marittimo]. Elle m’a appelée, furibonde. Elle est convaincue que je suis là à cause d’une aventure et menace de débarquer d’un moment à l’autre. Donc, il faut se dépêcher. L’entourage de Grazia Negro dont son concubin, enseignant aveugle est également évoqué. Entre ces deux grands du polar, une belle complicité que le lecteur partage avec délices. Ce qui mérite forcément un Coup de cœur.

 

Mes chroniques sur les enquêtes de Salvo Montalbano : "La piste de sable", "Les ailes du Sphynx". Un autre article évoque trois autres affaires du policier sicilien : "La forme de l'eau", "Le tour de la bouée", "La lune de papier". Hors série, ma chronique sur "Le tailleur gris".

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 06:46

 

Si Montalbano est le héros d’une grand partie des romans d’Andrea Camilleri, le Maestro sicilien est tout autant passionnant quand il raconte d’autres histoires. En voici un exemple avec Le tailleur gris désormais disponible chez Points (dès le 3 mars 2011).

En Sicile, ce banquier entame une nouvelle période de sa vie, la retraite. Ne s’y étant nullement préparé, il est quelque peu désorienté. Il ne voit guère de loisir pouvant lui convenir. Sa séduisante épouse Adele, de vingt-cinq ans sa cadette, est toujours occupée par les divers comités qu’elle préside. Veuf dix ans plus tôt, père d’un fils parti s’installer à Londres, il s’est remarié avec la jeune femme. Elle-même s’était trouvée veuve quelques mois après avoir épousé un collègue débutant du banquier. Le jeune mari était mort suite à un accident de moto. Des hommes courtisèrent certainement la belle veuve d’à peine trente ans. Mais ce fut le banquier prévenant qu’elle choisit. Côté sexuel, ce fut l’extase. Elle faisait l’amour avec une totale absence d’inhibition, avec une fougue bouleversante, sans aucune vergogne, prête à tout, sans avoir jamais envie d’arrêter. À la fin de chaque nuit, il était épuisé, elle fraîche comme une rose.

CAMILLERI-PointsToutefois, le banquier n’est plus dupe des infidélités d’Adele depuis plusieurs années. Il en fut témoin un jour, où il passait près du minable motel Regina. Son épouse y retrouvait fort discrètement un beau sportif. Aucune ambiguïté, aucun doute sur la nature de leur rendez-vous. Elle a cessé de le voir, ayant trouvé une solution à domicile. Voilà un certain temps que Daniele, le neveu d’Adele, est hébergé chez eux. Auparavant, la jeune femme avait fait réaménager la disposition des pièces de la maison, en particulier des chambres. À l’heure de la retraite, il s’interroge sur le caractère profond de l’insensible Adele. N‘était-ce pas elle-même qui le lui avait dit, quand elle s‘était comparée à un désert qu‘il était inutile d’arroser ? Bien sûr, à ce moment, elle parlait du fait qu‘elle ne pouvait avoir d’enfants. Mais la stérilité n‘était pas seulement dans son ventre. C’était elle, dans son entièreté, qui était stérile, aride.

Le banquier se voit proposer un poste de direction par un homme d’affaire dont il connaît bien le père. Son expérience peut encore servir. Sans doute est-ce Adele qui a soufflé cette idée à la famille en question. Il ne dit pas non, sachant quand même que la Mafia n’est jamais loin des groupes financiers locaux. Toutefois, il a un problème de santé à régler avant de s’engager pleinement. Suite à des analyses assez inquiétantes, son urologue l’adresse à un spécialiste. Un séjour en clinique, une intervention chirurgicale, et le convalescent sera bientôt confié aux bons soins d’Adele. Il se rend compte qu’elle fait un peu de mise en scène pour valoriser son rôle auprès de lui. Son état de santé peut les rapprocher…

 

Ce roman est bien moins linéaire que ne peut le suggérer ce résumé succinct. La construction scénaristique est d’une finesse magistrale. La tonalité s’avère plus sombre, les dialogues étant moins humoristiques qu’avec Salvo Montalbano. Néanmoins, l’ironie malicieuse est bien présente dans les circonstances décrites. On nous dessine le portrait nuancé d’un couple imparfait. Non pas à cause de l’écart d’âge, qui n’a pas empêché l’harmonie sexuelle. La jalousie étant un sentiment trop commun, ce n’est pas ce qui motive le récit. Amour et confiance ne sont pas les maîtres mots d’Adele et de son mari. C’est dans leur manière d’être, dans le caractère de chacun, que réside en grande partie la subtilité de leurs rapports. Voici ce qui crée l’ambiance délicieusement viciée de ce roman savoureux.

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