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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 17:00

Pour la 47e année, le Prix Mystère de la Critique 2018 a été décerné à deux lauréats sélectionnés par un jury de trente spécialistes du polar. Il sera officiellement remis aux gagnants le vendredi 23 mars.

Ces récompenses étant attribuées à des romans très réussis, possédant chacun une tonalité personnelle, on ne peut que s’en réjouir. Un grand bravo aux vainqueurs. Il suffit de cliquer pour lire mes chroniques sur ces titres.

Les vainqueurs du Prix Mystère de la Critique 2018

Franz BARTELT : “L'Hôtel du Grand Cerf” (Coll.Cadre Noir, Ed.Seuil)

Colin O'SULLIVAN : “Killarney Blues” (Ed.Rivages)

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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 05:55

Destiné aux amateurs de textes courts, le coffret “Autour de minuit” propose – dans une présentation soignée et originale – quatre livrets qui sont autant de nouvelles. Écrites par des auteurs qui comptent dans le monde du polar noir : Carlos Salem, Marin Ledun, Elena Piacentini et Anne-Cécile Dartevel. Quatre univers différents, mais une même volonté de sortir du lot, grâce à des nouvelles de qualité supérieure.

"La nuit de Valentín", de Carlos Salem : Poe reste fidèle à sa réputation de pilier de bistrot, amateur de galipettes avec des serveuses pas farouches. Cette nuit-là, c’est une blonde armée d’un flingue qui va diablement l’exciter. L’érection magistrale devient rare chez Poe. Par contre, cette femme fatale, c’est le summum de ses fantasmes. Elle dit avoir besoin de lui pour retrouver son ex-amant, Valentín. C’est typiquement le genre de séducteur qui fascine ses conquêtes, inexplicablement. Le duo commence la tournée des maîtresses de Valentín, d’Almudena à Marlene, ce qui ne se passera pas sans heurts. L’érection de Poe ne faiblit pas, mais il n’est pas près de comprendre la psychologie féminine.

Il vaut mieux conserver son sang-froid dans certaines circonstances. “Marlene regarde la blonde. La blonde regarde Marlene. Elle fait deux têtes de plus qu’elle, et la chanteuse paraît plus chétive et fragile que jamais, comparée à cette féroce walkyrie. Au lieu de répondre, Marlene fait volte-face et se dirige vers sa loge, après nous avoir invités d’un geste à la suivre. La blonde lève l’arme et la lui appuie sur la nuque. Marlene continue à marcher de ce pas aérien qui me rendait fou. Dans sa loge, elle nous sert des verres, sans un regard pour l’énorme automatique logé entre les mains de la blonde.”

"Wild Girl", d’Anne-Céline Dartevel : Mona est une drôle de fille. Avec son amant Fred, elle habite dans une caravane défraîchie, pour ne pas dire miteuse. Se shootant aux pétards et à la vodka, Fred écrit au kilomètre des romans que personne ne veut publier. Mona est une artiste. Ces temps-ci, elle se produit sur scène au Paloma Café. Déguisée en Debbie Harry, elle interprète les chansons de Blondie, dans un spectacle de transformistes. Mona est un homme, oui. Ce soir-là, ses parents septuagénaires ont assisté au show. Les Vieux, Mona n’en garde vraiment pas de bons souvenirs. Enfance chaotique, maltraitance. Un pèlerinage chez eux ne serait certainement pas une bonne idée pour Mona.

Sur scène, elle donne le maximum. “Je me déhanche au rythme un peu mollasson de la batterie. Ma cape en fausses plumes est la première à voler dans le décor. Je défais ensuite ma jupette d’un geste sec et l’envoie valdinguer côté jardin. Dans le public, ça siffle et ça gueule à tout va. J’enchaîne sur Atomic mais le batteur, frappé d’apathie, me bousille l’intro. J’ai beau me démener comme une bête de somme, ça ne sonne pas aussi rock que je le voudrais. Je finis par Denis, le moins connu des titres de Blondie…”

Coffret “Autour de minuit” (Éditions In-8, 2017)

"Gasoil", de Marin Ledun : La station-service de Victor fait partie du paysage local, et elle est plutôt bien située. Depuis trente-deux ans, trimant du matin au soir, Victor se montre arrangeant avec la clientèle, sympa envers les jeunes. Mais il est conscient que ça ne va pas durer éternellement. La concurrence est acharnée sur les carburants, les commerciaux de l’enseigne sont impitoyables dans des cas comme le sien. Il veut encore y croire. S’il ne s’était pas produit un accident la nuit précédente, ça aurait été sûrement possible. Victor n’en est pas responsable, il n’a fait que son métier. Aussi dramatique soit-elle, l’histoire pouvait s’arrêter là. Mais le destin choisit souvent la plus noire des solutions.

Le pompiste pouvait-il agir autrement ? “Victor ne disait jamais rien. Il les aimait bien, les gosses comme Ziber parce qu’ils étaient nés au même endroit que lui et qu’il avait été comme eux. Pas trop d’avenir, pas assez de fric, juste le présent à vivre, quelques pièces à mettre dans un réservoir et que le monde aille se faire foutre ! Voilà comment il s’était retrouvé mécano, puis pompiste. Voilà comment Ziber s’était retrouvé dans un ravin. Victor avait eu plus de chance, si l’on peut dire…”

"Le dernier homme", d’Elena Piacentini : Ce hameau presque mort, ces quelques maisons vides, ça fait une trentaine d’années que Horace les connaît. Jeune instituteur, il enseigna dans une classe unique qui accueillait une douzaine d’enfants venant des villages environnants. À l’époque, il remarqua deux frères, les Cafani, très dissemblables parmi les élèves. Séverin, un gamin taciturne et rêveur, était l’opposé de son cadet de deux ans, Antoine, extraverti et volubile. Pour la retraite, Horace est venu s’installer dans une des maisons de ce hameau fantomatique. Le cas de Séverin l’intéressait toujours, trois décennies plus tard, pour son caractère anthropologique.

L’enseignant pense être lucide. “Certains ont déclaré que la vie les avait séparés. Ils ont tout faux, ils confondent l’effet et la cause. À la naissance, les frères étaient antipodes, la logique voulait qu’ils suivent des trajectoires opposées. Antoine a quitté le hameau à sa majorité et a ouvert un bar sur la côte. Séverin est resté. Ce n’était pas un choix par défaut, mais une vocation et une affinité qu’il portait en lui depuis l’enfance. Il était de ce royaume, fait par lui et pour lui. En osmose avec la plus infimes de ses composantes… La vie de Séverin était là. Le bruit, les espaces confinés, les lumières artificielles, il en aurait crevé.”

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 05:55

Est-il vraiment indispensable de créer un nouveau parc de vacances et de loisirs, en lieu et place d’une forêt, à Châtel-Gérard, du côté de Montretout ? C’est un projet controversé, mais soutenu par des groupes de pression, et par le préfet Chouyet en personne. De nos jours, ces situations conflictuelles entraînent souvent la mobilisation des réfractaires. Là comme ailleurs, une ZAD a vu le jour. Dans la Zone À Défendre, on affiche une opposition plutôt festive, en organisant un pique-nique militant aux abords de la forêt. Mais le préfet décrète qu’il s’agit de troubles de l’ordre public. Ce ne sont pas ces zombies gauchos qui vont contrarier les enjeux financiers du futur parc, quand même ! Dirigeant la manœuvre, le préfet lance l’assaut pour les déloger, usant et abusant des grenades lacrymogènes. Au final, on retrouve un mort. Il est vêtu d’une tenue de grognard, de grenadier napoléonien.

Magali Bourgeade, environ trente ans, est pigiste pour une revue francilienne. Côté vie privée, elle a pour confident et amant occasionnel Raphaël Cineux, dit Racine, historien et libraire, aujourd’hui expert auprès du Crédit Municipal. Cultivé, il possède des relations en divers milieux. Sous le titre "L’insurrection qui revient ?", Magali est chargée d’une enquête journalistique autour des mouvements actuels de rébellion. Une nouvelle phase de la contestation s’installe-t-elle, avec des jeunes générations radicales ? Phénomène qui mérite d’être analysé, sans doute. La ZAD de Châtel-Gérard fournit un bon exemple. Elle se rend sur les lieux, rencontrant des militants méfiants autant qu’enthousiastes. Ils ont même récupéré le coûteux drone que le préfet Chouyet utilisa pour l’assaut. Les zadistes affirment ne pas connaître le mort déguisé en soldat de l’époque de Napoléon.

Lors d’une conférence de presse, le préfet confirme que la victime, Claude Ropert, n’avait rien à voir avec les olibrius de la ZAD. Ce sexagénaire, un haut-fonctionnaire membre de la Chambre des Comptes, faisait partie d’une association d’admirateurs de Napoléon. Ce qui n’explique pas totalement qu’on l’ait trouvé en tenue de grognard. L’arme à feu avec laquelle il a été abattu est un objet historique, dont étaient dotés les soldats d’alors. On a du mal à imaginer qu’il ait pu se suicider grâce à un tel fusil… Le préfet ne perd pas de vue son objectif : les jours suivants, il fait évacuer manu militari la ZAD. Magali retourne dans ce secteur. Si les contestataires ont été déplacés, ils ne semblent pas démoralisés. L’un d’eux, celui qui avait chopé le drone du préfet, manque à l’appel. Convaincue qu’il en sait beaucoup sur le meurtre de Claude Ropert, Magali tente de le retrouver.

Est-ce à cause de sa vie intime plus que tumultueuse et perverse, que l’on a supprimé l’amateur de déguisements napoléoniens ? Possible, mais il faudrait surtout s’intéresser au cursus de la victime. Et au manuscrit dans lequel Ropert racontait des souvenirs, évoquait des amitiés de longue date, où pouvoir et finances étaient mêlées. Le témoignage d’un de ses anciens amis éclairera les secrets de la victime…

Gérard Streiff : Grognards.net (Éd.Helvétius, 2017)

Un instant, elle hésita. Y aller ou pas. Elle repensait à ce que lui avait dit le commerçant barbu, l’autre jour, sur Ropert et ses histoires de libido.
Magali avait fait le premier déplacement sur la ZAD pour son boulot, certes, mais aussi en pensant trouver dans l’incident de Montretout, cette mort d’homme, une forme moderne de lutte des classes, une contestation radicale de l’ordre. Et elle était tombée, probablement, sur une histoire de coucheries. Claude Ropert était un addict du sexe qui s’était mis le canton à dos, façon de parler… Tout ça l’intéressait moyennement. Bref, elle était déçue mais par solidarité, par curiosité aussi, elle reprit son bâton de pèlerin.

Manifester en bon ordre, de façon plus ou moins solidaire, avec des slogans trop souvent répétés, c’est devenu inefficace, selon l’opinion d’un certain nombre de citoyens. Certains optent alors pour des actions concrètes, telle l’occupation de locaux vides pour héberger des personnes ayant besoin d’un toit. D’autres organisent des Zone À Défendre, des ZAD. On comprend en partie leurs arguments : est-il nécessaire de détruire des lieux naturels pour bétonner partout ? On admet aussi que certains projets ont un sens économique, et sont pourvoyeurs d’emplois. Vaste débat, où la complexité des dossiers ne permet pas toujours de se faire une idée juste de la question. Opposants et partisans campent sur leurs positions, pas moins agressifs les uns que les autres. Chaque camp gardant une part d’opacité sur ses motivations réelles, on le remarquera.

C’est ce contexte d’actualité qui sert de toile de fond à l’histoire racontée ici par Gérard Streiff, qui connaît fort bien les sujets sociaux. Un roman qui prend des allures de "conte moderne", car l’auteur ne prétend pas y refléter une réalité, mais un type de situation se produisant de nos jours. Certes, les temps changent, les combats se réorientent, mais les crapuleries de quelques élites n’évoluent pas tellement. Et quand on met le nez dans les "réseaux" de ce petit monde se croyant supérieur, ça sent toujours mauvais. Moins de transparence qu’on nous le dit, peut-être. C’ est avec un sourire quelque peu ironique, que l’on se doit d’observer tout cela, sans être dupes. Un roman fort sympathique.

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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 05:55

Marié depuis un an à la ravissante Stella, Dany Lorton est armateur à Liverpool. Pour leur anniversaire de mariage, plusieurs proches amis sont réunis chez le couple : un colonel retraité de l’armée des Indes avec son épouse, un jeune officier de la marine de guerre, et Joë Burton, un riche dilettante explorant le monde au gré de ses voyages sur son voilier. Dany Lorton raconte ses mésaventures à ses invités. Alors que son trois-mâts-voiles le Taï-Wan doublait le cap de Bonne-Espérance, le premier officier de bord Hapgate s’aperçut de la disparition du capitaine Miller, commandant du navire. Étrange, car la porte de sa cabine était hermétiquement close, et le hublot bien fermé. Hapgate trouva un message, de la main du capitaine : "Cette nuit du 28 juin, par X degrés de longitude est, et X degrés de latitude sud, le capitaine Miller a disparu."

Le Taï-Wan est malgré tout rentré à Liverpool, mais le Tribunal Maritime hésite à donner son aval pour la continuation de son activité. D’une part, le capitaine Miller n’avait pas la réputation d’être suicidaire ; d’autre part, dans le milieu maritime, on ne se fie plus guère aux bateaux sur lesquels s’est produit un drame. Néanmoins, l’armateur Dany Lorton va pouvoir organiser un prochain voyage, avec le capitaine Watson pour commandant. Grand amateur de mystères, Joë Burton se joindrait volontiers à l’expédition, mais il a déjà prévu une traversée jusqu’au Brésil en vue de découvrir l’Amazone. Quant à leur ami officier de marine Jacky Pootwick, il doit regagner son bord. L’essentiel, c’est que l’expérimenté capitaine Watson soit prêt à quitter pour quelques mois son douillet cottage côtier.

Certains incidents se produisent en parallèle. Un veilleur de nuit est agressé dans un entrepôt de fret maritime. Il semble qu’un inconnu s’était entre-temps caché dans une caisse déposée dans ce hangar. Par ailleurs, à Carnavon, le policier local est avisé qu’on a découvert un cadavre sur la plage. L’homme n’est pas identifiable. C’est le second corps venu s’échouer là depuis un an… Les mois ont passé. En mer, le Taï-Wan est sur le trajet du retour vers Liverpool. Au cap de Bonne-Espérance, l’officier de bord Hapgate redoute ce qui va effectivement se produire : le capitaine Watson disparaît. Peu après, un passager clandestin apparaît, souffrant de fièvres délirantes. Il va s’en remettre, mais on compte le confier à la police sitôt l’arrivée au port. Hélas, pas avare de fourberie, l’inconnu s’échappe bientôt, et causera même la mort d’un jeune agent de police.

L’inspecteur de police Francis Annemary est un enquêteur chevronné de Scotland Yard. Il renonce aux vacances auxquelles il a droit, pour s’intéresser à la double disparition des capitaines du Taï-Wan. En compagnie de Dany Lorton et de Joë Burton, il commence par explorer le navire. Il ne tarde pas à dénicher une partie de l’explication. Il va poursuivre ses investigations à Carnavon, réquisitionnant deux chalutiers pour mettre la main sur des éléments capitaux. Mais Francis Annemary n’est pas à l’abri du danger : on va tenter de l’empoisonner dans un restaurant. Néanmoins, il saura piéger le coupable…

Maurice Tillieux : Le navire qui tue ses capitaine (Éd.de l’Élan, 2017)

La nuit à bord du Taï-Wan se passa, très calme.
John Hapgate avait pris son quart à deux heures du matin et il allait bientôt en être six. Il bailla et pensa qu’il allait pouvoir dormir dans quelques instants, et il n’en était pas fâché. Mais il faisait si chaud qu’il était certain de ne pas bien dormir, et il désira un peu de fraîcheur. L’air stagnait littéralement autour de lui ; l’atmosphère était lourde, pesante, pas un souffle ! On étouffait. Le soleil se levait et teintait l’horizon de nuances pâles […]
Il se demanda soudain si le capitaine avait disparu cette nuit ? Cette pensée, qu’il trouva ridicule, le fit rire. Pourquoi le capitaine eût-il disparu ? C’était la conversation d’hier qui lui mettait ça en tête. Voyons, quelle heure était-il ?

Cet unique roman publié de Maurice Tillieux (1921-1978), auteur belge de BD, parut en 1943 aux Éditions A.Maréchal, de Liège, dans la collection Le Sphinx. À l’automne 2017, les Éditions de l’Élan l’ont réédité, reprenant le texte d’origine. On y trouve également des illustrations dessinées spécialement par René Follet pour cette nouvelle édition. S’y ajoute un double dossier illustré de documents d’époque : le premier sur le jeune Tillieux et ses débuts, par Daniel Depessemier ; le second sur les romans policiers belges durant la seconde guerre mondiale, par Étienne Borgers. Une curiosité littéraire fort intéressante, ce roman n’ayant plus été publié depuis la première édition.

Toutefois, il ne faut pas s’attendre à roman exceptionnel. On est loin des ambiances de ports telles que décrites par Pierre Mac Orlan, ou même Georges Simenon. Située vers 1927, l’intrigue rappelle les suspenses anglais de l’époque. Des disparitions énigmatiques en mer, quelques faits suspects en Grande-Bretagne, un jeune armateur et son entourage, un policier émérite, l’auteur utilise avec un certain talent les codes du genre. Il est habile à dresser le portrait des personnages, y compris des intervenants annexes tels le sergent de police Templeton, le réceptionnaire d’entrepôt Old Nick Fidler, l’agent Anthony Pucky, etc. L’aspect maritime est très bien mis en valeur, comme il se doit. Et la nature criminelle ou mystérieuse des situations s’avère évocatrice. On sourit parfois, entre amis, comme il est de bon ton au sein de la distingué société britannique d’alors.

Nous sommes là dans la tradition du roman d’enquête de bon aloi, distrayant et d’un niveau très satisfaisant. C’est donc une excellente initiative de proposer aux lecteurs de redécouvrir ce livre oublié de Maurice Tillieux, qui deviendra un grand nom de la BD.

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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 05:55

Comme chaque année, voici ma sélection des vingt meilleurs polars pour 2017. C’est toujours un crève-cœur de devoir écarter certains auteurs et des titres d’excellent niveau. Des valeurs sûres telles que Thomas H. Cook (Danser dans la poussière, Éd.Seuil) ou Andrea Camilleri (Une voix dans l’ombre, Fleuve Éd.), des auteurs français tels que Olivier Barde-Cabuçon (Le moine et le singe-roi, Actes noirs) ou Franz Bartelt (Hôtel du Grand Cerf, Éd.Seuil) auraient assurément leur place parmi les romans de l’année.

Un Top20 se doit de miser sur des tonalités singulières, sur ce qui ajoute une excitation à la lecture. Ce peut être une "bonne surprise", un sujet inattendu, une force narrative, une ambiance. France, États-unis, Italie, Argentine, Irlande, Pakistan, Espagne, pays Arabes, Finlande, le voyage est géographique, temporel et humain à travers ces huit titres français et douze titres étrangers. (Cliquez sur les titres pour lire mes chroniques).

Les 20 meilleurs polars de 2017 – la sélection de l’année
Les 20 meilleurs polars de 2017 – la sélection de l’année
Les 20 meilleurs polars de 2017 – la sélection de l’année
Les 20 meilleurs polars de 2017 – la sélection de l’année
Les 20 meilleurs polars de 2017 – la sélection de l’année

Cliquez sur les titres pour lire mes chroniques.

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12 décembre 2017 2 12 /12 /décembre /2017 05:55

À Boston, en 1951. Cal O’Brien et Dante Cooper sont deux amis d’enfance, aujourd’hui âgés d’une petite trentaine d’années. Marié à Lynne, revenu amoché de la guerre, Cal a été flic durant quelques temps. Il dirige maintenant la Pilgrim Security, petite société de sécurité employant des vigiles. S’il force un peu sur l’alcool, sa santé est moins atteinte que celle de son copain Dante. Car celui-ci est un toxicomane incapable de décrocher. Son épouse Margo est morte d’une overdose voilà plusieurs mois. Dante habite avec sa sœur Claudia, végétant chez eux, tout aussi fauchée. Plus grave pour lui, il s’est endetté pour acheter de la drogue, et les sbires du caïd Sully mettent la pression pour être remboursés. Dante promet de payer, et même d’arrêter de se shooter, mais comment le croire ?

Sheila Anderson était une jolie fille de vingt-trois ans. Son cadavre a été retrouvé sur une plage de Boston, celle où Cal et Dante jouaient étant mômes. Sheila a été violentée et martyrisée, ce qui laisse penser qu’elle est une nouvelle victime d’un tueur en série appelé le Boucher de Boston. L’instinct de flic de Cal lui indique que ce n’est pas obligatoirement la bonne version. Sheila était la jeune sœur de Margo. Dante veut absolument savoir qui l’a tuée. Cal est d’accord pour s’impliquer dans une enquête. S’il n’y a pas de traces sur la plage, il remarque les camionneurs livrant non loin de là, en interroge un. Cal suppose qu’un criminel peut utiliser une remorque pour maltraiter ses victimes. Ce qui le met sur la piste d’un chauffeur, Scarletti, dont le camion n’est pas revenu à son entrepôt.

Dante retourne au foyer où Margo et Sheila habitèrent il y a quelques années. Il trouve certains éléments, dont des photos dénudées et érotiques de Sheila. L’endroit a été fouillé avant son passage, et les visiteurs ont supprimé M.Baxter, propriétaire de la maison. Il existe donc assurément des secrets autour de Sheila. D’ailleurs, Cal apprend qu’elle avait très récemment accouché, peu de jours avant le crime. D’autres pistes seraient à suivre : le Pacific Club, dont Sheila était une habituée, où elle fut vue avec un mystérieux ami ; où le très coûteux hôtel Emporium, où la jeune femme fut invitée. De loin, Cal observe les succès d’un autre de leurs copains d’enfance, Michael Foley. Député, il mène campagne pour accéder au poste de sénateur. Ayant de puissants alliés, il semble sur la bonne voie.

Par contre, le jeune frère du député, Blackie Foley, a des fréquentations plus brutales. Il fait partie du gang de Sully, s’affichant parmi les plus féroces de la bande. Ceux-ci n’en ont pas fini avec Dante, qui a du mal à tout rembourser. Parmi les objets chez Sheila, il y avait des billets de banque neufs, sans nul doute issus du braquage de la Brink’s, dont on n’a encore pas retrouvé le butin. Un prêtre irlandais indique à Cal une adresse où des filles enceintes peuvent trouver quelque secours. Même si, dans le cas de Sheila, le bébé était mort-né. L’enquête de Cal et Dante avance vraiment quand ils découvrent la remorque de camion où fut suppliciée Sheila. Avec ou sans Owen, le cousin flic de Cal, ils vont pouvoir cerner les protagonistes concernés par ce meurtre…

Thomas O’Malley – Douglas Graham Purdy : Les morsures du froid (Éd.10-18, 2017)

Il revoyait sa mère debout au coucher du soleil, les mains en porte-voix pour les appeler d’abord en italien, ensuite en anglais, et lui s’élançant sur la plage vers la petite péninsule envahie par les herbes folles, comme s’il s’agissait d’un lieu magique et non d’une décharge pour les usines construites près de la baie.
Dante souffla dans ses mains en se tournant de nouveau vers les cabines obscures. En hiver, la puanteur de la merde s’y mêlait à celle des cigares bon marché. L’endroit avait été visité récemment, par des clochards ou peut-être par des jeunes qui avaient bu, fumé et fait ce qu’on fait généralement à cet âge. Il s’engagea dans le passage étroit entre les cabines de toilettes et les vestiaires. Des planches en contreplaqué occultaient en partie les deux fenêtres, ne laissant filtrer qu’un peu de grisaille…

De Dennis Lehane, avec son tandem de détectives privés Kenzie et Gennaro, jusqu’à Todd Robinson (“Une affaire d’hommes”, Gallmeister 2017), l’agglomération de Boston a souvent inspiré les auteurs de romans noirs. Thomas O’Malley et Douglas Graham Purdy s’inscrivent de belle manière dans cette lignée. Que les auteurs se soient parfaitement documentés sur cette ville autour de 1950, on s’en doute. Mais restituer l’ambiance d’un passé révolu n’est jamais chose facile. En entraînant les lecteurs dans les quartiers de Dorchester, Scollay Square, Roxbury ou Savin Hill, ils nous font réellement partager des images d’alors. Celle d’une ville qui, en cet après-guerre, traverse une crise économique fortement destructrice au niveau social, comme on le voit avec les nombreux sans-abris.

Cal O’Brien et Dante Cooper forment un duo d’amis d’enfance qui ont, tous deux, subi de lourdes épreuves. Si l’épouse de Cal lui apporte un semblant de stabilité, Dante culpabilise au sujet de la mort de sa femme, et maintenant de sa belle-sœur. Leurs faiblesses ne les rendent pas pitoyables, malgré tout. Parce que Cal reste un enquêteur dans l’âme, et que le triste exemple de sa sœur Claudia peut inciter Dante à sortir du marasme. Également parce que, entre un ex-ami devenu politicien et les milieux interlopes du banditisme, le duo opère en territoire connu. Interroger un chauffeur de camion, le proxénète Shea Mack ou le clochard J.J., c’est plus simple pour eux dans la mesure où ils ne sont pas flics. Tarder à alerter sur une "scène de crime" n’a aussi que des conséquences limitées.

Le coupable est-il ce Boucher de Boston, tueur en série qui rôde et massacre des jeunes femmes ? On peut penser que les auteurs ont pris pour modèle l’Étrangleur de Boston, qui a sévi une dizaine d’années plus tard, au début des années 1960. Cet Albert de Salvo (1931-1973) fut un personnage plus que troublant, effectivement. “Les morsures du froid” étant une histoire digne de la meilleure tradition du roman noir, c’est un titre à ne pas manquer.

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10 décembre 2017 7 10 /12 /décembre /2017 05:55

Henry Pelham et Celia Harrison sont tous deux quadragénaires. Désormais mariée à Drew Favreau, mère de deux enfants en bas-âge, Celia habite en Californie, à Carmel-by-the-Sea. Si elle mène une vie ordinaire dans cette charmante petite ville, cela contraste avec sa vie précédente. Elle fut longtemps agent de la CIA, se retrouvant en poste à Vienne. Au sein de l’équipe intégrée à l’ambassade, Celia était proche de son supérieur, Bill Compton, par ailleurs mal marié. En 2006, si elle occupait une fonction en retrait qui ne l’amenait pas "sur le terrain", Celia était parfaitement informée des secrets politiques européens. Le FSB de Vladimir Poutine inquiétait, sachant qu’on pouvait leur attribuer l’exécution d’Anna Politkoskaïa et l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko, entre autres.

Agent secret pour le même service à Vienne, Henry Pelham était alors plus impliqué dans l’action, les réseaux d’espionnage. Celia et lui devinrent amants, bien que leur couple ait été un peu bancal, à cause de leur métier incertain. Un jour, l’équipe de Celia reçut une alerte à prendre au sérieux. Un avion en provenance d’Amman, en Jordanie, fut piraté par des terroristes islamistes. Il y avait cent vingt passagers à bord, dont quelques Allemands. Sans grande surprise, les djihadistes réclamaient la libération avant quarante-huit heures de cinq prisonniers, deux en Autriche, trois en Allemagne. Autour de Bill Compton, tout le monde fut mobilisé. Celia se renseigna après de son contact Aighar Mansur, mais cette Arabe ne savait rien sur l’opération terroriste en cours.

Les services secrets américains avaient toutefois un allié parmi les otages. Cet Ahmed Najjar parvint à transmettre quelques détails. On avait des précisions sur les djihadistes à l’origine de ce détournement d’avion. Dans l’univers des agents secrets, la manipulation est omniprésente : il reste très compliqué de décrypter les renseignements obtenus, de définir le rôle des interlocuteurs. On sait que le nommé Ilyas Shishani fut impliqué dans la suite d’événements en question, mais pour qui travaillait vraiment ce Tchétchène ? Certes, les Russes du FSB combattaient son peuple, mais avait-il plus intérêt à faire confiance à la CIA ? Sur l’aéroport de Vienne, tout cela se termina par un carnage.

Cinq ans plus tard, Henry Pelham renoue avec Celia, à l’occasion d’un voyage aux États-Unis. Ils se donnent rendez-vous pour dîner dans un restaurant de Carmel. Henry prétexte un vague rapport de conclusion sur ce dossier qui provoqua la démission et le changement de vie de Celia. Elle confirme avoir choisi de rompre avec cette vie-là, d’évacuer le passé – d’ailleurs, elle évitait déjà de s’encombrer de souvenirs à cette époque. Bien que Celia se comporte avec naturel, Henry n’oublie pas qu’elle est très rusée, habile à noyer le poisson. Lui-même n’est pas forcément adroit ou subtil dans sa manière de l’interroger. Pourtant, il faudra bien que soient éclaircis les points obscurs de cette dramatique affaire…

Olen Steinhauer : À couteaux tirés (Éd.Pocket, 2017)

Notre spécialiste de la programmation et du cryptage, Owen Lassiter, est assis dans un coin, sous un petit nuage noir. Non content de tirer en permanence une tête de six pieds de long, il cligne beaucoup des yeux comme s’il venait toujours d’émerger d’un univers sombre, foisonnant de zéro et de un et résonnant de bips. On dirait un fêtard sortant d’une boîte de nuit au petit matin. J’aimerais avoir de la sympathie pour lui – nous en sommes tous là, j’imagine – mais il ne nous facilite pas les choses.
Ce n’est pas le genre de personne dont je rechercherais la compagnie si j’avais le choix et, en des moments pareils, j’en viendrais presque à regretter de ne pas être encore dans la rue. Henry, lui, est probablement en train de boire un café avec une source, d’échanger avec elle blagues et cigarettes. En même temps, je sais pertinemment que je suis faite pour la vie de bureau et le chauffage central. Henry et moi sommes à nos places respectives.

Né en 1970, Olen Steinhauer s’est imposé depuis le début des années 2000 comme un maître du roman d’espionnage (La variante Istanbul, Le touriste, L’issue, L’étau). Ce genre d’intrigues ayant connu ses heures de gloire au temps de la Guerre Froide, on pouvait penser que les histoires d’agents secrets passeraient de mode. Si quelques potentats se montraient trop dictatoriaux, ça ne perturbait guère les grandes puissances. Mais le 11-septembre 2001 fit de nouveau surgir une menace internationale. Ce qui alimente depuis des scénarios-catastrophe de fiction, hélas parallèles à de véritables actes terroristes.

Si “À couteaux tirés” se base sur un sujet d’espionnage, l’auteur nous présente ici un suspense que n’aurait certainement pas renié Alfred Hitchcock. Car la structure narrative est magistrale. Elle donne alternativement la parole à Henry et à Celia. N’exerçant pas les mêmes fonctions au moment des faits évoqués, ils ont logiquement chacun leur version. Ce qui permet aux lecteurs d’approcher l’état d’esprit qui les animait, de comprendre les choix de vie de l’une comme de l’autre. Sans omettre le contexte géopolitique tendu entre Ouest et Est, ainsi que l’essor du djihad en ces années-là (Anna Politkoskaïa, Alexandre Litvinenko, Tchétchènes provoquant les Russes, projet d’un califat islamiste…). C’est avec une superbe finesse qu’Olen Steinhauer nous embarque dans un roman impeccable.

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8 décembre 2017 5 08 /12 /décembre /2017 05:55

Frédéric Le Cairan est un trentenaire qui habite le centre-ville de Rennes, au début des années 2000. Il vivote sans job précis, mais réussit à publier ponctuellement une revue, L’Ankou Magazine. Avec la complicité d’un vieil imprimeur gauchiste, tandis que c’est son amie Alice Arbizu qui se charge des photos. Si, comme son frère Martial, elle vit au Pays Basque, la jeune femme garde des attaches en Bretagne. Pour l’anniversaire de Fred, elle le rejoint à Rennes. Et lui offre une boîte à chaussure avec quelques cadeaux. Dont un livre de Lacenaire, un revolver Smith & Wesson, et un carnet bleu "mode d'emploi". Fred a utilisé le flingue pour abattre son voisin d’immeuble, le député Philippe Rogemoux. Ils n’avaient guère de contact, mais la victime se tenait alors près de sa fenêtre.

Les parents de Fred sont décédés et il ne connaît quasiment pas ses frères et sœurs. Sauf la petite Mathilde, cinq ans, dont la garde lui a été refusée par la Justice. Ce sont les Viocs, leurs grands-parents fortunés, qui sont les tuteurs de la fillette. Ce qui fait enrager Fred, mais il n’y peut rien. Suite à la mort du député, Fred et Alice sont en cavale, dans la Poubelle leur servant de voiture. Ils comptent faire croire qu’ils sont juste en vacances. Ils se dirigent vers la région du Conquet, en Finistère, à la pointe de la Bretagne. Un ami de la jeune femme leur prête sa maison en son absence. Mais le revolver offert à Fred appartient à Luis Dominguez, un féroce terroriste basque. Accompagné de Martial, le frère d’Alice, il arrive en Bretagne pour récupérer l’arme, et ne fera pas de cadeau, lui.

Lieutenant de police, Mc Cash est Irlandais d’origine. Quinquagénaire, sa vie de couple n’a pas été brillante. Ce grand gaillard continue à abuser de stupéfiants et d’alcools. Si on lui confie une enquête, il applique sa méthode personnelle avec sa propre morale. Outre sa stature, Mc Cash est plutôt repérable car il est borgne, avec un bandeau sur l’œil. Quand la commissaire lui demande d’investiguer sur Frédéric Le Cairan, ça n’a rien à voir avec le meurtre du député. Mais puisque l’appartement du suspect a été fouillé, ça pourrait bien être l’œuvre de la DST. Ses collègues penseraient donc que le crime est dû à un activiste régionaliste, ce que n’est pourtant pas vraiment Fred. Ayant compris qu’Alice et Fred sont ensemble, Mc Cash suit une autre piste, qui le mène vers Le Conquet.

Le couple remarque le flic aux airs de cyclope, et prend la fuite. Un périple chaotique à pieds et à vélo, sans trop d’argent même si une copine de Fred lui en donne un peu. Le duo Luis-Martial est également à leurs trousses : même retardé, le Basque ne renoncera jamais. Mc Cash tente de faire parler la voisine de Fred, mais sans doute s’y prend-il mal, lui qui est si maladroit face aux femmes. Bientôt, il s’aperçoit que Fred et Alice ont pris le bateau reliant Lorient à l’île de Groix, où la jeune femme avait un autre ami. Le flic arrive trop tard, quand le couple braque un voilier – dont le propriétaire est très coopératif. Direction Belle-Île-en-mer, c’est tout proche, de même que les îles d’Houat et d’Hoedic. Il vaudrait mieux que ce soit Mc Cash qui les retrouve en premier…

Caryl Férey : Plutôt crever (Folio)

Par une sorte de curiosité malsaine, [Mc Cash] s’était procuré le dernier rapport de police concernant le meurtre qui défrayait la chronique. D’après celui-ci, Philippe Rogemoux avait été touché au cœur, blessure qui avait provoqué la mort, quasi-instantanée. L’homicide avait eu lieu au domicile de la victime dans la nuit de samedi à dimanche, à trois heures et quart du matin, sans qu’aucun témoin n’ait pu établir le portrait d’un suspect […] Il pouvait s’agir d’un règlement de comptes ou d’un acte terroriste : l’Armée Révolutionnaire Bretonne avait fait sauter plusieurs perceptions ces derniers temps et l’on prêtait des intentions belliqueuses à plusieurs groupuscules régionalistes, en plein revival depuis l’avènement de la mondialisation.
Les résultats de la balistique corroboraient cette piste. D’après l’expertise, l’arme du crime, de calibre.44, était probablement issue du lot de Smith & Wesson détourné quinze jours plus tôt au Pays basque espagnol.

Caryl Férey : Plutôt crever (Folio)

Parmi les lecteurs de Caryl Férey, les plus intransigeants ne citeront que ses romans noirs les plus denses, les plus violents (Haka, Utu, Zulu, Mapuche, Condor), dont on ne saurait nier la force. Ces titres lui ont valu un vrai succès, de nombreux prix littéraires, et même une adaptation cinématographique. Néanmoins, il serait stupide de minorer la qualité de ses autres romans, dont les enquêtes de Mc Cash, “Plutôt crever” (2002) et “La Jambe gauche de Joe Strummer” (2007). D’autant que le flic borgne sera de retour en 2018 dans “Plus jamais seul”, une troisième aventure sûrement pas moins agitée que les précédentes. En outre, “Plutôt crever” ayant été réédité au printemps 2017 chez Folio policier, pourquoi ne pas redécouvrir cette histoire ?

Pour le personnage de Mc Cash, Caryl Férey s’est inspiré d’un ami proche, Lionel C., qui l’a d’ailleurs récemment accompagné en Russie, comme il le raconte dans “Norilsk” (2017). C’est un anti-héros qui est à l’opposé du "socialement inséré", qui a choisi d’observer un décalage avec les réalités d’un monde trop lisse à son goût. Mc Cash n’est pas un rebelle, il est juste indifférent aux ordres et aux règles. Il ne se laisse impressionner par personne, fussent-ils haut-placés. On le constate par son attitude face à la commissaire Trémaudan, sa supérieure hiérarchique. Quant aux coupables, il a aussi ses propres critères. Peut-être parce qu’il lit les écrits du philosophe Nietzsche, qu’il n’approuve pas toujours. Son nom pourrait se lire tel "cash" (direct) ou "macache" (rien du tout).

Dans cette intrigue, nous suivons la cavale – façon road movie – d’un jeune couple. S’ils sont déterminés à s’en sortir, ne les imaginons pas tels Bonnie & Clyde. Car s’il y a de la rage chez Fred, il est conscient de ses faiblesses, et n’a aucun instinct de tueur. Quant à Alice, la liberté est une nécessité vitale pour elle, et on la sent plus forte que Fred. De Rennes à la pointe nord-finistérienne, puis de la presqu’île de Crozon vers les îles du Ponant en Bretagne-sud, c’est à une balade bretonne que nous invitent les tribulations du couple. Un territoire que l’auteur connaît bien, moins exotique que ses voyages au bout du monde, mais dont il se sert d’une manière qu’on pourra trouver malicieuse. Louvigné-du-Désert, Trégarvan ou Locmaria-Plouzané valent bien d’autres destinations.

La tonalité rythmée, c’est toujours un atout favorable pour un polar. Elle est servie ici par un découpage scénique qui nous permet de suivre le couple, Mc Cash et Luis le Basque. Malgré ses côtés sombres, c’est finalement un récit enjoué et souple qui nous est raconté. Dans un genre différent des best-sellers de Caryl Férey peut-être, mais pas moins réussi. On a hâte de retrouver prochainement l’insolite Mc Cash.

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