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8 septembre 2016 4 08 /09 /septembre /2016 04:55

Publié dans le format semi-poche inédit en 2015, “Le couloir des ténèbres” d’Anne Perry est désormais disponible en format poche, chez 10-18. C’est la 21e aventure de William Monk, policier de la brigade fluviale de Londres. Son épouse Hester, infirmière, est très impliquée dans cet épisode, et même victime.

« Londres, 1870. Magnus Rand, un médecin rusé, et son frère Hamilton, un chimiste de génie, sont prêts à tout pour remédier à la fatale maladie du « sang blanc ». Mais dans une annexe de l’hôpital de Greenwich où exercent les frères Rand, l’infirmière Hester Monk découvre avec horreur que des enfants sont détenus à des fins expérimentales. Les frères Rand sont trop près de leur but pour permettre à quiconque de révéler leurs expériences, et Hester est enlevée avant d’avoir pu les dénoncer. William Monk et ses fidèles amis – l’avocat Oliver Rathbone et l’ancien tenancier de bordel Squeaky Robinson – se lancent dans une course éperdue à la recherche d’Hester, sachant que le temps leur est compté. » Le couple Monk peut compter sur le jeune Scuff, l’enfant des rues qu’ils ont adopté. Cette affaire précède “Vengeance en eau froide” (2016).

Anne Perry : Le couloir des ténèbres (Éd.10-18, 2016)

Scuff prit ses responsabilités très au sérieux. En y réfléchissant, il se rendait compte que non seulement Monk lui avait témoigné de sa confiance, mais qu’il lui avait offert l’opportunité de faire pour Hester ce qu’elle avait fait pour lui quelques années plus tôt.
Encore maintenant, il lui arrivait de rêver qu’il était de retour dans la cale du bateau de Jericho Phillips.
Hester éprouvait-elle la même peur que lui ? Elle était si forte, si intelligent qu’il avait peine à l’imaginer aussi impuissante, aussi vulnérable, aussi aisément vaincue. Peut-être était-il mieux à même de l’aider que Monk, justement parce qu’il était passé par là. Il savait ce qu’il en était. Il ne l’oublierait jamais, quoi qu’il arrive. Même s’il devenait aussi costaud que Monk, qu’il apprenne à se battre, qu’il trouve un vrai travail et gagne sa vie, ce souvenir serait toujours présent en lui, derrière une porte qu’il n’ouvrirait pas, à moins d’y être obligé.
Dès que Monk fut parti, il attisa le feu et fit chauffer la bouilloire. Hester pliait du linge dans la buanderie, là où se trouvaient les deux grandes cuves à laver les draps. Il y avait du cake dans le garde-manger. Il le sortit et le mit sur la table, puis alla la rejoindre.
Il la vit en ouvrant la porte. Debout, un drap propre à la main, elle semblait réfléchir, comme si elle était perdue dans ses pensées ou qu’elle ne savait plus comment le plier…

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22 juillet 2016 5 22 /07 /juillet /2016 04:55

À Vannes, dans le Morbihan. L’agence de l’UBO, Union des Banques de l’Ouest, est dirigée par Charles Lebas. Âgé de trente ans, Francis Gosciniak est marié à Carine, une femme sans véritable charme, avec laquelle il mène une vie routinière. À la banque, jeune cadre arriviste, Francis ne doute guère de séduire un jour son assistante Nadia Charier. Il émane d’elle une sensualité troublante. Le poste d’un collègue futur retraité sera prochainement à pourvoir : Francis compte bien l’obtenir. Prétentieux, pressé et orgueilleux, il pense tenir un atout capital, le dossier Cayez. Les comptes de Nathalie Cayez ne sont pas aussi clairs que Charles Lebas veut le faire croire. Francis imagine des détournements de belles sommes, au détriment de personnes âgées.

D’après ce qu’on en sait, Nathalie Cayez est mariée avec Bruno Cayez, homme d’affaire de quinze ans son aîné. Sans doute le mari, complaisant par intérêt, se considère-t-il comme son pygmalion, manœuvrant en coulisse afin de masquer l’escroquerie. Il est, de longue date, ami avec le procureur Gilles Santier, une relation qui peut s’avérer fort utile. Francis suppose que le couple et Charles Lebas sont complices, et ne manque pas de suggérer à son directeur qu’il “sait des choses”. Ce soir-là, après avoir joué au dragueur avec Nadia Charier, pas pressé de rentrer auprès de son épouse, Francis Gosciniak s’alcoolise quelque peu dans un bar vannetais. En sortant, il déambule avant d’être heurté mortellement par un véhicule qui prend la fuite. On retrouvera la voiture carbonisée, pas le chauffard.

L’hypothèse qu’il ne s’agisse pas d’un banal accident de la circulation ne peut être exclue. Le policier Gaël Kerzhéro, de la Brigade Criminelle, mène l’enquête. “Costume dépareillé, col de chemise ouvert et cravate relâchée, cheveux rares et décoiffés”, un peu bedonnant, ce flic apparaît en décalage avec le milieu sélect et ouaté des banques. Après les obsèques de Francis, il interroge son successeur Jérémie Gaist. Celui-ci est franc quant aux défauts du défunt. Le policier rend aussi visite à Nadia Charier, peintre amateur inspirée par le pays bigouden et la pointe du Raz. L’assistante de Francis Gosciniak émet une prudente opinion sur lui. Kerzhéro s’invite également chez la veuve, Carine. Il remarque qu’elle vient de rendre au directeur Charles Lebas le double du dossier Cayez.

Cette curieuse affaire rend perplexe le policier Kerzhéro. Dans cette bourgeoise préfecture paisible, une ville où les crimes sont rares, difficile de penser qu’un tueur avec une voiture volée ait guetté sa cible, dans le but d’éliminer le témoin gênant d’une escroquerie. Carine Gosciniak et Jérémie Gaist lui ont apporté des éléments à considérer, néanmoins. Scénario délirant dont Francis a été le pivot, peut-être ?…

Hervé Huguen : Au bout du compte (Sixto Éditions, coll.Le Cercle)

Si Vannes n’est pas la ville la plus connue de Bretagne, il semble qu’Hervé Huguen en soit assez familier, car il campe le décor avec une justesse certaine. Pour évoquer une histoire autour du monde bancaire, l’ambiance du chef-lieu du Morbihan convient plutôt bien. Les faits (une éventuelle escroquerie) et les comportements (non dénués d’hypocrisie) sont parfaitement crédible, probablement ici plus qu’ailleurs. Bien entendu, ça reste une fiction. Chacun sait que le milieu financier est sain, jamais entaché du moindre scandale. Que les banques s’occupent de notre argent dans notre unique intérêt. Bien sûr, la “cavalerie” et autres détournements sont de simples vues de l’esprit, comme diraient Charles Ponzi et Bernard Madoff. Non, rien à craindre pour nos économies et nos placements, promis-juré.

Il s’agit d’un très bon roman à suspense, digne de la meilleure tradition. On peut émettre de très légères réserves sur les intermèdes pas indispensables figurant entre les chapitres. Ces courts passages s’expliquent, si l’on veut, mais cette figure de style n’ajoute rien à l’intrigue. Pour le reste, c’est un polar très bien pensé, captivant à souhaits. L’enquête policière n’est, au final, pas le moteur principal du récit, on le constatera. Le récit alterne les protagonistes, donc les points de vue. Si on a lu Louis C.Thomas ou Boileau-Narcejac, on retrouve un climat un peu similaire. À découvrir !

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20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 04:55

L'univers de Romain, ce sont les rues parisiennes. Pas exactement en flâneur appréciant le décor, car il est aujourd'hui SDF, à quarante-neuf ans. Romain a tenu une librairie rue de Charenton, avec Virginie, et repense parfois à cette période heureuse de sa vie. Il fait la manche, s'alimente dans des commerces où la bière est moins chère. S'il est basé dans le 4e arrondissement, c'est aux bains-douches publics du 5e qu'il s'efforce de rester propre. Grâce à la complicité de Sarafina, native du Liberia. Des putes venant des pays de l'Est, il en côtoie sur les trottoirs. Il n'a sympathisé qu'avec Yuliya, une Biélorusse tapinant depuis deux ans dans le secteur. Elle a perdu ses illusions, elle aussi, son proxénète Danik usant parfois de méthodes radicales. Il paraît très mécontent que la jeune femme fréquente des clodos tels que Romain.

Le capitaine Thiéré, du commissariat de police du 4e, a compris que Romain était un SDF moins déclassé que les autres. Pas question de jouer les indics pour autant, mais il n'est pas mauvais de garder de bonnes relations avec un flic. D'autant que Paul, clochard bègue du quartier, vient d'être abattu par des types dans une grosse bagnole. Pas vraiment de témoins : “Un SDF qui s'effondre… Il faut un moment pour que ça commence à émouvoir quelqu'un...” résume le policier Thiéré. Peu après, c'est un autre clodo prénommé Richard qui est retrouvé assassiné, cramé dans son caddie. Romain les connaissaient assez bien tous les deux. Il n'est pas suspecté, mais le flic aurait besoin d'infos. Le cadavre d'une troisième victime, encore un SDF, est repêché au bout du port de l'Arsenal, au niveau de l'écluse du Pont Morland.

Avant même cette série de meurtres, Romain pressentait le drame : “Il y a cette odeur aigre du danger, son imminence que la rue vous enseigne. Sans pouvoir en déterminer les causes et les effets, je sais qu'il rôde.” Ces crimes, il pense en discerner le motif, et ne se trompe probablement pas quant aux exécutants. Il sait à qui s'adresser pour en obtenir confirmation. Quand un Nigérien est agressé, Romain intervient contre les tueurs. Mais l'Africain apeuré, sans aucun statut légal, a rapidement fui les lieux. Il ne s'agit pas d'une simple altercation, d'un incident sans conséquence. Même si ce n'est pas de gaîté de cœur, Romain ayant été repéré par la vidéo-surveillance, il n'a pas d'autre choix que d'aider la police. Toutefois, il ferait mieux de ne pas revenir dans certains endroits. Pour les tueurs patibulaires, il risque de devenir une cible à son tour…

Jean-Luc Manet : Trottoirs (Éditions In-8, 2015)

Retour sur une novella publiée à l'automne 2015 dans la collection dirigée par Marc Villard aux Éditions In-8. Il s'agit là d'un texte d'une soixantaine de pages, une longue nouvelle de Jean-Luc Manet, qui en a publié beaucoup. C'est dans le Paris des laissés-pour-compte qu'il nous entraîne. En filigrane, on aperçoit "un accident de la vie" qui a obligé son héros à descendre l'échelle sociale. Pas de misérabilisme caricatural, néanmoins, car Romain est de ceux qui essaie de conserver une allure présentable. Et un cerveau actif, pas trop embrumé par l'alcool. Comme tant de ses congénères, il survit dans la rue, gardant malgré tout une dignité.

Le style narratif fluide et imagé est fort séduisant. En témoigne ce passage, où Romain vient d'être tabassé : “Je me relève encore un peu groggy. Je rassemble mes neurones, mes fringues aussi, disséminées sur le trottoir par l'ouragan. Mes côtes résonnent un peu. La répartition des douleurs a au moins le mérite de me faire oublier l'abcès qui me chatouille les molaires. Un rétroviseur me répond que je n'ai pas reçu de heurts trop flagrants.” Qualité d'écriture non négligeable, qui permet une tonalité enjouée : “On n'est loin des hymnes d'Hugues Auffray, n'empêche que dans un wagon de métro aussi, on tient bon la barre et tient bon le vent.” Le fond de l'intrigue offre une noirceur criminelle, bien sûr. Excellente histoire, dans un format court idéal pour ce genre de récit.

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19 juin 2016 7 19 /06 /juin /2016 04:55

Fondé en 1948 par le critique et romancier Maurice-Bernard Endrèbe, le Grand Prix de Littérature Policière est une institution dans l'univers du polar et du roman noir. Il suffit de consulter la liste des lauréats pour admettre que de nombreux auteurs majeurs ont été honorés par ce prix. Il récompense les deux meilleurs romans policiers, français et étrangers, publiés durant l'année. Actuellement, la sélection se fait en juin, par le jury composé de dix personnes. La liste officielle du Grand Prix de Littérature Policière 2016 présente ses 35 titres (15 Français, 20 Étrangers). Les vainqueurs dans les deux catégories seront désignés en septembre 2016.

LES GAGNANTS 2016 DU GRAND PRIX DE LITTERATURE POLICIERE SONT ICI :

Grand Prix de Littérature Policière 2016 – les sélectionnés

Les auteurs et romans français :

Frédéric Andréi : BadLand – Albin Michel, mars 2016

Morgan Audic : Trop de morts au pays des merveilles – Rouergue Noir, 2016

Jacques Bablon : Rouge écarlate – Jigal, janvier 2016

Franck Bouysse : Plateau – La Manufacture de livres, déc. 2015

Luc Chomarat : Un trou dans la toile – Rivages/Noir, mars 2016

Marc Fernandez : Mala Vida – Prélude Ed., octobre 2015

Emmanuel Grand : Les salauds devront payer – Liana Lévi, 2016

Pierric Guittaut : D'ombres et de flammes – Série Noire, mai 2016

Louise Mey : Les ravagées – Fleuve Editions, mai 2016

Alexis Ragougneau : Evangile pour les gueux – Viviane Hamy, janvier 2016

Sébastier Raizer : Sagitarius – Série noire, fév. 2016

Louis Sanders : Auprès de l'assassin – Rivages/Noir, mai 2016

Jean-Marc Souvira : Les sirènes noires - Fleuve Editions, novembre 2015

Elisa Vix : Ubac (Rouergue Noir, janvier 2016) 

Ahmed Tiab : Le Français de Roseville - Ed.L'Aube noire, janvier 2016

( http://www.action-suspense.com/2016/06/ahmed-tiab-le-francais-de-roseville-ed-l-aube-noire-2016.html )

 

 

Les auteurs et romans étrangers :

Jon Bassoff : Corrosion – Gallmeister, 2016

Alex Berg : Ta fille morte – Ed.J.Chambon, janvier 2016

William Boyle : Gravesend – Rivages/Noir, mars 2016

Gordon Ferris : Les justiciers de Glasgow – Seuil, Mars 2016

Castel Freeman : Viens avec moi – Sonatine, janvier 2016

John Harvey : Ténèbres, ténèbres – Rivages/Thrillers, novembre 2015

Joseph Kanon : Berlin 49 – Seuil, février 2016

Un-Su Kim : Les planificateurs – L'Aube noire, févier 2016

Iain Levinson : Ils savent tout de vous – Liana Levi, octobre 2015

Jo Nesbo : Soleil de minuit – Série Noire, mars 2016

Jo Nesbo : Le fils – Série Noire, octobre 2015

Nele Neuhaus : Des vivants et des morts – Actes Noirs, février 2016

Leif G.W.Persson : Celui qui terrasse le dragon – Rivages/Thrillers, 2016

Marisha Pessl : Intérieur nuit – Gallimard, juin 2015

Boris Quercia : Tant de chiens – Asphalte, novembre 2015

Dolores Redondo : Une offrande à la tempête – Mercure noir, mars 2016

Markus Sakey : Un monde meilleur (2 tomes) – Série Noire 2015-2016

Mark Haskell Smith : Ceci n'est pas une histoire d'amour – Rivages, juin 2016

Jan Costin Wagner : Le premier mai tomba la dernière neige – Ed.J.Chambon, octobre 2015

Carlos Zanon : J'ai été Johnny Thunders – Asphalte, mars 2016

- Cliquez sur les titres en caractères bleus pour accéder à mes chroniques sur ces livres -

N'ayant pas lu la totalité de ces 35 titres, je ne peux recommander que les romans chroniqués chez Action-Suspense, dans l'ordre de mes préférences :

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31 janvier 2016 7 31 /01 /janvier /2016 05:55

Un homme et un enfant attendent un avion à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal, le jour de la Saint Jean-Baptiste, date de la fête nationale du Québec. Ils sont en avance, le vol n'arrivera qu'à 16h30. Elias est un colosse décharné, probablement âgé d'une quarantaine d'années. Avec lui, un gamin blond de sept ans à l'air angélique, portant un sac à dos vert : le petit Sasha. Ils ne sont visiblement pas très argentés. Dans l'atrium, l'enfant lit le livre qu'il a apporté avec lui, tandis qu'Elias se débrouille pour lui trouver à manger. Puis tous deux se cachent quelques minutes dans un local de service. Afin de se laver tant soit peu, et le temps de vérifier que la blessure d'Elias n'a pas suppuré.

Car l'homme et l'enfant qu'il protège sont en fuite. Ils ont vécu durant plusieurs années au cœur des bois, dans une cabane isolée. Abandonnant sa vie précédente, Elias Wallach a élevé Sasha aussi correctement qu'il le pouvait, lui inculquant une éducation de base. Les voix intérieures qui hantent Elias le culpabilisent parfois. Il se souvient que même avec sa compagne Suzanne, dans la banlieue de Washington, il avait beaucoup de mal à laisser poindre des sentiments affectueux. Dans son métier, Elias était le meilleur. Ça n'autorisait pas à manifester la moindre émotion. Et puis, il promit à Luana, la mère de Sasha, qu'il s'occuperait de l'enfant le temps qu'il faudrait. Parce que cette fois, il le fallait.

Ce jour-là, elle doit revenir auprès d'eux, mais sera-t-elle au rendez-vous ? “Luana avait manqué les deux rencontres précédentes, la première dans un petit aéroport du Vermont, la seconde dans une ville obscure du Missouri. Montréal était le dernier point de chute qu'ils avaient établi avant de se séparer.” Brièvement esseulé, Sasha est repéré par un agent de l'aéroport, l'androgyne Henri. Il le conduit à son collègue de la sécurité, le vieux Paul. Pas si grave, puisque l'enfant et Elias sont clairement un fils et son père. Mais il faut des pièces d'identité que l'adulte ne possède plus. Ils vont bénéficier des circonstances, tandis qu'Henri leur offre ce qu'il peut. Une sorte de porte-bonheur, peut-être ?

Toutefois, l'attente de Sasha et d'Elias risque de se prolonger. Elias a certainement besoin de se requinquer avec un peu de nourriture. Autant du fait de sa blessure qu'à cause de la nervosité qu'il éprouve. Il se peut que Luana ait oublié cet ultime rendez-vous. Surtout, il est bien conscient d'avoir encore des gens à leurs trousses. Ceux qui les pourchassent ne renoncent jamais : ayant été des leurs, il le sait parfaitement. Si on l'attaque par surprise, il espère être en mesure de réagir, de protéger Sasha, encore et toujours…

Martin Michaud : S.A.S.H.A. (Kennes Éditions, 2015)

Né en 1970 à Québec, vivant à Montréal, Martin Michaud a été récompensé par le Prix Saint-Pacôme en 2011 et en 2013, par le Prix Tenebris en 2014. Il apparaît comme un des plus solides auteurs québécois d'aujourd'hui. Ses livres sont désormais bien diffusés en Europe francophone.

Ce roman court est un bon moyen de découvrir son œuvre. Selon la quatrième de couverture : “une intrigue au confluent du roman noir et de la science-fiction” ? Pas exactement, il s'agit d'un suspense anxiogène. Rapidement, on comprend que le sort d'un enfant, peut-être un peu différent de la moyenne, est en jeu. Les portraits de Sasha et celui d'Elias se dessinent progressivement, grâce à des retours sur leur passé. On se gardera d'en dire trop là-dessus, bien sûr. Condensée sur quelques heures, en un seul lieu (l'aéroport de Montréal), la narration à la fois fluide et percutante offre une tonalité fort excitante à cette histoire.

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14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 05:55

À Vigàta, le commissaire sicilien Salvo Montalbano a prévu de passer quelques jours avec sa fiancée Livia, venue le rejoindre. Pas vraiment d'enquête en cours, ça devrait bien se passer. Un problème, quand même : on est sans nouvelle du brigadier Fazio, le policier le plus consciencieux et efficace de l'équipe. Si Salvo rassure son épouse inquiète avec des calembredaines, il cherche dans les cliniques de Montelusa si Fazio s'y trouve. Un témoin a entendu des coups de feu sur le port, la nuit passée. Ça concerne certainement Fazio, le commissaire et son adjoint Mimì Augello en sont convaincus. On envoie des plongeurs afin de savoir si un corps n'a pas été jeté à la mer. Ils ne trouvent rien.

Grâce à un ami journaliste, qui le met en contact avec un homme en cavale, Salvo obtient un renseignement capital. C'est du côté de la montagne Scibetta que la police devrait aller fouiller. En effet, il y à là-bas trois profonds puits à sec, servant de tombes anonymes. Un cadavre gît dans l'un de ces puits depuis déjà quelques jours, et encore un autre dans un second puits, précipité au fond plus récemment. Aucun d'eux n'est Fazio, heureusement. Bien qu'harassé de fatigue, Salvo repère aux alentours un tunnel assez large pour y pénétrer en voiture. C'est là-dedans que s'est réfugié Fazio pour échapper à ses ravisseurs. Il est traumatisé, en état de choc. On va l'hospitaliser à Fiacca, pour plus de sécurité.

Avec tout cela, Salvo a complètement oublié Livia. Elle est partie mais, contrairement à ce qu'il craignait de sa fiancée prompte à s'énerver, elle ne paraît pas lui en tenir rigueur. Le commissaire gagne du temps vis-à-vis de sa hiérarchie, tant qu'il ne sait pas exactement sur quoi Fazio enquêtait réellement. Sa première visite à l'hôpital est brève, minutée par une stricte infirmière pète-sec, digne d'une gardienne de prison. Toutes ne sont pas aussi rebutantes. À l'opposé, le charme de Salvo semble opérer sur la belle infirmière Angela. Un peu remis, même si sa mémoire est fragile, Fazio indique que c'est son ami Manzella qui avait des soupçons sur une affaire de contrebande. Ce qui entraîna son enquête.

Encore faut-il savoir où dénicher ce Manzella ! Salvo constate qu'il paraît avoir quitté son appartement. Il y a laissé une paire de jumelles de marine, et une longue-vue braquée en direction du port. Salvo se rend chez l'ex-épouse de Manzella. Elle confirme que celui-ci, un homme au caractère instable, avait pour manie de surveiller les autres. À l'hôpital, où semblait rôder un criminel, on a jugé préférable de placer Fazio dans une chambre moins exposée. Pour le commissaire, les choses avancent bien avec l'infirmière Angela. Passer la soirée ensemble, c'est sympathique, mais Salvo n'est pas si naïf. Quand la concierge de l'immeuble de Manzella est abattue, il est temps s'activer pour faire cesser ces meurtres. Au final, Salvo et son équipe ont des chances de pêcher un gros poisson…

Andrea Camilleri : La danse de la mouette (Pocket, 2016)

Autour du commissaire Montalbano, les personnages récurrents sont sa fiancée Livia, les policiers Mimì Augello, ainsi que Gallo et Galluzo, le grognon Docteur Pasquano joueur de poker, le brave gaffeur Catarella à l'accueil du commissariat, le restaurateur Enzo. Et puis le brigadier Fazio, celui qui généralement fait avancer les enquêtes. Si on est coutumier des aventures de Salvo Montalbano, c'est un personnage que l'on apprécie, pour son sérieux et sa complémentarité avec son chef. Cette fois, c'est pour Fazio que l'on a des raisons de s'inquiéter. Certes, on va le retrouver et le soigner, mais l'affaire ne s'arrête pas là. Car, en Sicile, il est rare qu'un caïd mafieux ne soit pas impliqué dans des méfaits.

De l'humour, cet "épisode" n'en manque pas. Pas tellement à cause de Catarella qui, au contraire, est plutôt à la hauteur. Mais, entre les barrages routiers des carabiniers, son supérieur auquel il raconte des carabistouilles, et une très jolie infirmière à dénuder, Salvo nous fait sourire plus d'une fois. Les lecteurs d'Andrea Camilleri connaissent parfaitement les qualités du maestro. Quant aux autres, qui n'ont pas encore exploré son œuvre, ils se privent de grands moments de plaisir.

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11 janvier 2016 1 11 /01 /janvier /2016 16:40
Avez-vous lu ces excellents polars parus en 2015 ?

L'actualité du polar nous entraîne déjà en 2016...

Avez-vous lu tous les excellents titres de 2015 ? Pour vous rafraîchir la mémoire, n'hésitez pas à consulter ma sélection des 15 meilleurs polars de 2015.

Cliquez sur le lien ci-dessous.

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2 janvier 2016 6 02 /01 /janvier /2016 05:55

À l'origine, un fait divers vécu par Dashiell Hammett, à l'époque où il était détective chez Pinkerton, lui inspira son célèbre roman “Le faucon maltais” (1930), qui consacra son talent. L'affaire criminelle remontait au printemps 1922, à San Francisco. Il transforma les noms des protagonistes : son coéquipier Mike Arnette devint Miles Archer, la secrétaire Evie LeFabre de l'agence Pinkerton étant changée en Effie Perine, tandis que la coupable Moira O'Shea serait désormais Brigid O'Shaughnessy. Quant à Sam Spade, il offrit au détective privé son premier prénom, Samuel. Le séducteur Hammett éprouva-t-il des sentiments amoureux envers Moira O'Shea ? Sans doute préféra-t-il que le tribunal la condamne à un internement psychiatrique plutôt qu'à de la prison. Pour le reste, la vie de l'écrivain se poursuivit, aux côtés de sa maîtresse, la dramaturge Lillian Hellman.

En 1933, après onze ans en psychiatrie, Moira s'arrange pour retrouver Hammett. La rousse aux yeux bleus et aux longues jambes admet n'avoir guère changé : “Je suis une garce sournoise, y a pas à tortiller là-dessus.” Renouer intimement avec l'écrivain ? Il n'en est question ni pour lui, ni pour elle. Moira souhaite juste récupérer la fausse statuette du Faucon noir, qu'Hammett possède maintenant. Pour se débarrasser d'elle, il la lui donne. Une erreur, peut-être, si cet objet de pierre date bien du temps des Croisés, si c'est une sorte de talisman aux vertus magiques. Par la suite, il n'écrira plus de roman, mais Dash va croiser bien des gens qui lui parleront de la statuette. Si le cinéaste John Huston sait d'avance que sa carrière va décoller, grâce à son adaptation avec Humphrey Bogart et Mary Astor, d'autres gardent un certain antagonisme envers l'écrivain.

À San Francisco, quatorze ans après les faits, il rencontre Evie LeFabre. L'ex-secrétaire de chez Pinkerton, insatisfaite de son personnage dans le roman, est sur la mauvaise pente. En 1948, Hammett donne des cours à la Jefferson School for Social Sciences, non sans but politique. Il reçoit la visite de son ancien coéquipier Mike Arnette. Qui lui en veut toujours pour le rôle qu'il lui attribua dans “Le faucon maltais”. Et alors ? Malade, Mike n'enquêta pas, et Sam sauta sa femme, en effet. Le détective ne cache pas qu'il est au service du sénateur Joseph McCarthy : trois ans plus tard, ça vaudra quelques semaines de détention à Hammett. Dans sa prison du Kentucky, se trouve un des coupables de l'affaire de 1922. Plus étonnant, en 1942, s'était produit un face-à-face entre l'écrivain et quelqu'un laissé pour mort dans cette histoire. Qui cherchait lui aussi la fameuse statuette.

À la Saint-Sylvestre 1959, Hammett n'en a quasiment plus que pour une année à vivre, il en est conscient. La réponse à toutes ses interrogations sur le sens mystique, et les vertus bénéfiques ou maléfiques du Faucon Noir, il espère la trouver au domicile de Mme Paxton, une riche veuve de médecin. À condition qu'elle ne soit pas devenue amnésique…

Owen Fitzstephen : Le dossier Hammett (Rivages/Noir, 2015)

Attention, la quatrième de couverture peut induire en erreur : “Pourquoi Dashiell Hammett a-t-il cessé d'écrire ? […] "Le dossier Hammett" lève le voile sur les causes de cette terrible malédiction.” Il eût été bon de préciser qu'il s'agit d'une fiction, d'un roman autour de l'écrivain et du "Faucon maltais", d'une sorte de biopic dirait-on pour le cinéma. Et non d'un "dossier" documentaire, comme le laisse supposer le titre. Certes, l'auteur évoque des épisodes avérés du parcours de Dashiell Hammett, mais il introduit surtout des scènes imaginées pour alimenter l'intrigue. Sympathique jeu littéraire : on apprécie par exemple les romans de Gyles Brandreth dont Oscar Wilde est le héros.

Un mystère Hammett sur sa “panne d'inspiration qui allait s'éterniser jusqu'à la fin de sa vie”, pourquoi pas ? On sait que Joe Gores (1931-2011) exploita les mêmes principes avec “Hammett” (1975), “Spade et Archer” (2009). Que l'on n'espère pas retrouver dans cette fiction le style d'Hammett, ce béhaviorisme qui constate les faits et les comportements. Sur la base d'un puzzle d'éléments, on tente de reconstituer le lien entre la statuette et l'écrivain. Il n'est pas indispensable d'avoir lu “Le faucon maltais” pour suivre ce roman.

L'auteur respecte l'authenticité de l'univers de l'écrivain : “Hammett acquiesça. Il aimait "Dashiell" sur les couvertures de ses livres. Dans la vie, il préférait Sam. Mais Lily lui disait "Dash" et à présent, tous ses amis à New York et à Hollywood, avaient adopté ce prénom.” Ambiance durs-à-cuire, comme il se doit, exempte de violence véritable. Si toutes les scènes ont leur charme, ou sont explicatives, on peut éprouver un petit penchant pour la rencontre avec John Huston et la visite des studios de tournage du film. Ce polar noir (inédit) est un bel hommage au maître, Dashiell Hammett.

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Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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