Décembre neigeux, aux confins de l’Alsace et des Vosges, du côté du col de Bussang. Il y a là un petit village appelé Pierre-Fendre : une demie-douzaine de maisons autour d’une modeste chapelle. Et une place où l’on trouve un bar-hôtel sans prétention, chez Ladier, le maire de la commune. Pour l’heure, on ne peut pas dire "il gèle à pierre-fendre" : c’est une tempête de neige qui obscurcit la contrée en cette fin de journée. Par contre, si la ligne téléphonique a été coupée, ce n’est pas à cause de la neige, mais une "précaution" de deux étrangers au village qui débarquent ici. Que sont-ils venus attendre ? Peut-être leur présence a-t-elle un lien avec le hold-up qui s’est produit le même jour, dans une banque de Mulhouse, qui n’est qu’à environ cinquante kilomètres.
De son vrai nom Jean-Georges Albimi, Go est l’organisateur du braquage. Le butin est à la hauteur des risques encourus : cent millions de centimes. Sauf que, dès leur sortie de la banque, des flics sont intervenus. Ils ont pourchassé la voiture des complices de Go. Lui et son comparse Sorin ont rejoint la fourgonnette qui va leur permettre de passer inaperçus. Go continue seul, mais la tempête de neige le contraint à stopper vers le col de Bussang. Prélevant un cinquième du pactole, il arrive à pied à Pierre-Fendre. Échange immédiat de tirs avec le duo qui l’attendait : Go est blessé à la jambe, les autres sont morts. Branle-bas au bar-hôtel du village. Faute de pouvoir téléphoner à la police, un des administrés de Pierre-Fendre propose d’évacuer Go dans la vallée, à cheval, malgré la neige.
Cet homme, c’est David Corte, trente-sept ans, marié à Madeleine, vingt-huit ans. Depuis sept ans, ils ont créé ici un haras pour les touristes. Quatorze chevaux de selle et trois juments poulinières, dont David s’occupe avec son employé local Adelin. Pas la fortune, plutôt des emprunts à rembourser pour longtemps. Ça vaut toujours mieux que sa vie d’avant. Dix ans plus tôt, avant de tourner la page, il fricotait dans le petit banditisme, avec Go. Ils se connaissent, et c’est pourquoi David l’a fait quitter le village. Pour qu’il ne parle pas de leur passé en commun, et peut-être en souvenir de leur amitié. La tentation de récupérer le butin du hold-up de Mulhouse ? Ce serait la fin de ses soucis financiers, en effet. En chemin, Go cogite sur le temps-qui-passe et sur les motivations de David.
Un chasse-neige a été réquisitionné afin que des flics puissent approcher de Pierre-Fendre. Ces policiers arrivent finalement chez Madeleine, où Adelin est resté en cas de problème. Ils semblent tout savoir concernant le braquage de Mulhouse, et être bien renseignés sur le pedigree de Go et de David. Un groupe va braver la neige, se composant de Madeleine, Adelin et des trois flics. Du côté des hommes à cheval, Go craint une trahison de David, mais il a besoin d’un guide pour sortir de cette équipée forestière sous la neige…
On aurait tort de sous-estimer ce suspense de Pierre Pelot, qu’il signa sous le pseudo de Pierre Suragne en 1974. D’abord, parce qu’il est bon de noter "l’unité de temps" : toute l’histoire se passe en quelques heures, de la fin d’après-midi au milieu de la nuit suivante. Ce qui assure un tempo narratif idéal. S’il y a des "pauses", sans lenteur néanmoins, elles sont consacrées à la réflexion de David ou de Go, élément essentiel pour la crédibilité du récit.
Ensuite, on comprend que Pierre Pelot connaît à la perfection les décors qu’il décrit : c’est chez lui ! Plus exactement, dans le massif du Ballon d’Alsace, à la frontière entre Alsace et Lorraine, non loin de la source de la Moselle. Les routes sinueuses aux virages en lacets, les chemins étroits avec leurs raccourcis entre forêt et montagne : on les imagine aisément enneigées, la nuit.
L’intrigue n’est pas loin de celle des westerns – deux cavaliers avançant dans un paysage désolé, après un braquage de banque, lequel s’en tirera : aucun, peut-être, s’ils se tirent mutuellement dessus à la fin ? Impression logique, puisque Pierre Pelot était l’auteur de la série Dylan Stark, dans l’ambiance Far-west. L’action et la psychologie (y compris pour Madeleine) vont de pair dans cette histoire fiévreuse. Un roman qu’on ne lâche pas si facilement, qu’on lit volontiers d’une traite. Il est encore disponible, sous forme d’EBook, produit par les éditions Milady, publié sous le nom de Pierre Pelot.
Dans les décors de ce roman : la source de la Moselle, ci-dessus, se trouve à quelques centaines de mètres du Col de Bussang.
Ci-dessous, les montagnes entourant Bussang... sans neige.