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8 août 2016 1 08 /08 /août /2016 04:55

Décembre neigeux, aux confins de l’Alsace et des Vosges, du côté du col de Bussang. Il y a là un petit village appelé Pierre-Fendre : une demie-douzaine de maisons autour d’une modeste chapelle. Et une place où l’on trouve un bar-hôtel sans prétention, chez Ladier, le maire de la commune. Pour l’heure, on ne peut pas dire "il gèle à pierre-fendre" : c’est une tempête de neige qui obscurcit la contrée en cette fin de journée. Par contre, si la ligne téléphonique a été coupée, ce n’est pas à cause de la neige, mais une "précaution" de deux étrangers au village qui débarquent ici. Que sont-ils venus attendre ? Peut-être leur présence a-t-elle un lien avec le hold-up qui s’est produit le même jour, dans une banque de Mulhouse, qui n’est qu’à environ cinquante kilomètres.

De son vrai nom Jean-Georges Albimi, Go est l’organisateur du braquage. Le butin est à la hauteur des risques encourus : cent millions de centimes. Sauf que, dès leur sortie de la banque, des flics sont intervenus. Ils ont pourchassé la voiture des complices de Go. Lui et son comparse Sorin ont rejoint la fourgonnette qui va leur permettre de passer inaperçus. Go continue seul, mais la tempête de neige le contraint à stopper vers le col de Bussang. Prélevant un cinquième du pactole, il arrive à pied à Pierre-Fendre. Échange immédiat de tirs avec le duo qui l’attendait : Go est blessé à la jambe, les autres sont morts. Branle-bas au bar-hôtel du village. Faute de pouvoir téléphoner à la police, un des administrés de Pierre-Fendre propose d’évacuer Go dans la vallée, à cheval, malgré la neige.

Cet homme, c’est David Corte, trente-sept ans, marié à Madeleine, vingt-huit ans. Depuis sept ans, ils ont créé ici un haras pour les touristes. Quatorze chevaux de selle et trois juments poulinières, dont David s’occupe avec son employé local Adelin. Pas la fortune, plutôt des emprunts à rembourser pour longtemps. Ça vaut toujours mieux que sa vie d’avant. Dix ans plus tôt, avant de tourner la page, il fricotait dans le petit banditisme, avec Go. Ils se connaissent, et c’est pourquoi David l’a fait quitter le village. Pour qu’il ne parle pas de leur passé en commun, et peut-être en souvenir de leur amitié. La tentation de récupérer le butin du hold-up de Mulhouse ? Ce serait la fin de ses soucis financiers, en effet. En chemin, Go cogite sur le temps-qui-passe et sur les motivations de David.

Un chasse-neige a été réquisitionné afin que des flics puissent approcher de Pierre-Fendre. Ces policiers arrivent finalement chez Madeleine, où Adelin est resté en cas de problème. Ils semblent tout savoir concernant le braquage de Mulhouse, et être bien renseignés sur le pedigree de Go et de David. Un groupe va braver la neige, se composant de Madeleine, Adelin et des trois flics. Du côté des hommes à cheval, Go craint une trahison de David, mais il a besoin d’un guide pour sortir de cette équipée forestière sous la neige…

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)

On aurait tort de sous-estimer ce suspense de Pierre Pelot, qu’il signa sous le pseudo de Pierre Suragne en 1974. D’abord, parce qu’il est bon de noter "l’unité de temps" : toute l’histoire se passe en quelques heures, de la fin d’après-midi au milieu de la nuit suivante. Ce qui assure un tempo narratif idéal. S’il y a des "pauses", sans lenteur néanmoins, elles sont consacrées à la réflexion de David ou de Go, élément essentiel pour la crédibilité du récit.

Ensuite, on comprend que Pierre Pelot connaît à la perfection les décors qu’il décrit : c’est chez lui ! Plus exactement, dans le massif du Ballon d’Alsace, à la frontière entre Alsace et Lorraine, non loin de la source de la Moselle. Les routes sinueuses aux virages en lacets, les chemins étroits avec leurs raccourcis entre forêt et montagne : on les imagine aisément enneigées, la nuit.

L’intrigue n’est pas loin de celle des westerns – deux cavaliers avançant dans un paysage désolé, après un braquage de banque, lequel s’en tirera : aucun, peut-être, s’ils se tirent mutuellement dessus à la fin ? Impression logique, puisque Pierre Pelot était l’auteur de la série Dylan Stark, dans l’ambiance Far-west. L’action et la psychologie (y compris pour Madeleine) vont de pair dans cette histoire fiévreuse. Un roman qu’on ne lâche pas si facilement, qu’on lit volontiers d’une traite. Il est encore disponible, sous forme d’EBook, produit par les éditions Milady, publié sous le nom de Pierre Pelot.

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)

Dans les décors de ce roman : la source de la Moselle, ci-dessus, se trouve à quelques centaines de mètres du Col de Bussang.

Ci-dessous, les montagnes entourant Bussang... sans neige.

Pierre Suragne (Pierre Pelot) : Du plomb dans la neige (Fleuve Noir, 1974)
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23 juillet 2016 6 23 /07 /juillet /2016 04:55

Août 1980, la chaleur pèse sur Vizentine, village de deux mille habitants dans les Vosges. La famille Leheurt est d’ici depuis toujours. Maria, la mère, vivait dans leur maison, avec Maurice, surnommé Mo, son fils de cinquante-quatre ans. Le cerveau de Mo ne fonctionne plus depuis quatre décennies, du jour où une grenade a explosé, le blessant à la tête. Son frère Stéphane, qu’on appelle Fane, était présent : il perdit quatre doigts d’une main. Fane est aujourd’hui âgé de quarante-sept ans. Il habite à Saint-Miehl, ne revenant à Vizentine que de temps à autres. Fane est maintenant en couple avec la très belle Lilas, vingt-deux ans. Elle était la compagne de leur voisin, Claude Shawenhick, mais cet alcoolo brutal la battait. Alors que Fane, même s’il boit aussi beaucoup et s’emporte parfois, est bien plus gentil. Surtout, s’afficher avec une fille jeune et si séduisante, ça flatte Fane.

Maria est décédée dans un accident de la route, à cause d’un camion. Quand Lilas et Fane débarquent en 2CV au village ce vendredi-là, on ne les a même pas prévenus que c’était aujourd’hui, les obsèques. Il va devoir se charger de Mo, qui n’a qu’une hantise : ne pas aller à l’hôpital. Fatigué, Fane doit réfléchir à la suite. Même si son frère qui a des "cases emmêlées" l’agace, il ne l’enverra pas à l’hôpital, non. Ils resteront ici, dans la maison de leur famille, tous les trois : Fane, Mo et Lilas. Et puis Fane écrira des romans policiers. Il en a lu des tas, c’est pas compliqué d’écrire un polar. Puisqu’il sera tranquille, il va pouvoir se consacrer à l’écriture. D’ailleurs, il ne tardera pas à acheter une machine, rien qu’à lui. Tant pis s’il "rame" pour s’en servir, au début. Mo s’occupera de la maison, Lilas lui montrera comment faire, et Fane picolera sa bière en écrivant des polars.

De part et d’autre de la maison des Leheurt, il y a les deux bâtiments du garage Voke. Olivier Voke et son cadet André sont de la même génération que Fane, des quadras. Pour agrandir leur garage, ils veulent racheter la maison de Maria. Désormais, c’est jouable, car André Voke en est certain : Fane avec sa pute et son frère taré, ils ne lui feront pas bien longtemps barrage. Minable séducteur, André essaie d’approcher Lilas, mais Mo veille et la jeune femme n’est pas stupide. Elle a réussi a gagner la confiance de Mo : quand il est triste, Lilas se montre rassurante. Et déterminée envers et contre tous : “La vérité, c’est que je vais me marier avec Fane, et que ça embêtera tous ceux qui le prennent pour un bon à rien. Mais il est intelligent. Il a la maison et la tranquillité. Il va écrire des livres, et moi je serai mariée avec lui, et on gardera Mo dans la maison.”

Fane est allé déménager les maigres affaires qui étaient restées à Saint-Miehl. Il a la mauvaise idée de ramener Claude Shawenhick avec lui, pour montrer sa maison à l’ex de Lilas. Ça boit encore beaucoup, en cette occasion. Même si Lilas garde ses distances avec Shawenhick, cet imbécile insistera fatalement. Et Fane s’énervera, tout aussi logiquement. Du côté Voke, ça ne s’arrange pas non plus pour Fane. Peut-être a-t-il une idée, si cruelle soit-elle, pour contrer les Voke…

Pierre Pelot : L’été en pente douce (Fleuve Noir, 1981)

Difficile, et même impossible, de dissocier ce roman de l’excellent film de Gérard Krawczyk (1986), qui en est l’adaptation. Jean-Pierre Bacri est exactement Fane, Jacques Villeret incarne parfaitement Mo, Guy Marchand est un André Voke idéal, et Jean Bouise aussi en jouant son frère Olive, Jean-Paul Lilienfeld convainc dans le rôle du lourdaud Shawenhick. Et surtout, on ne peut oublier la magnifique prestation de la regrettée Pauline Lafont. Elle “est” totalement Lilas, compréhensive avec Mo, patiente avec Fane, rugueuse face aux hommes qui ne voient que son corps. Oui, c’est Lilas qui est au cœur de l’affaire, radieuse et consciente de la fragilité de la situation. Pauline Lafont le démontra avec talent. Le film fut tourné dans la région toulousaine, mais dans le livre, Pierre Pelot s’inspire pour Vizentine de sa commune : Saint-Maurice-sur-Moselle.

Pour la petite histoire, Pierre Pelot raconta dans le magazine Fiction (n° 317, avril 1981) que ce roman faillit ne jamais être correctement publié. Le manuscrit fut refusé par tous les grands éditeurs français : “Résultat, ce bouquin termine sa carrière avant de la commencer – j'en suis certain – aux éditions Kesselring qui sont en train de sombrer... qui, en tout cas, remuent une merde noire. Fermons la parenthèse, sur le néant total des articles de presse concernant à ce jour et à ma connaissance ce roman – sauf un rot délicat d'un mongolien quelconque dans une revue chatoyante que je ne citerai pas : donc, comme je le disais, le néant.” (source Ecrivosges.com). C’est sa publication dans la collection Engrenage du Fleuve Noir qui va lancer ce roman. Il est réédité par cet éditeur à la sortie du film, puis paraît chez J’ai Lu, avant de figurer au catalogue Folio policier.

L’adaptation cinéma fut très proche du scénario du roman, sauf pour les scènes finales. Il n’est pas indispensable de souligner le savoir-faire de Pierre Pelot : il donne une tonalité, une force à cette histoire simple. À travers les portraits de ses personnages, mais autant en évoquant la méchanceté autour d’eux. Y compris celle des enfants, qui se moquent de Mo. Fane ne veut pas d’enfant, Lilas en voudrait naturellement. C’est aussi un des thèmes abordés. Le climat de bêtise, de jalousie, attisé par les garagistes voisins, contribue au malaise. Un roman noir de premier ordre, à redécouvrir, à relire.

Bienvenue dans la commune de Pierre Pelot.

Bienvenue dans la commune de Pierre Pelot.

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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 05:13

 

C’est “Roman de gare” de Pierre Pelot qui conclut la collection Petits polars du Monde, proposée depuis juillet par Christine Ferniot.

PELOT-2012-ppmVoilà trois jours qu’il est là, attablé à la terrasse du buffet de la gare, observant les voyageurs, tous ces gens qui arrivent et disparaissent. Ils passent, enfermés dans leur bulle invisible, la normalité de leur vie et du quotidien. Peut-être qu’ils ne sont réels que parce qu’il regarde ces inconnus. Qu’ils existent “partiellement, furtivement, sur le bord d’un coup d’œil qui les frôle. Ils sont des laps d’existence.” Tant de gens qui coulent à flot continu, dans cette gare comme dans notre monde surpeuplé. Spectacle incessant, qui lui permet de s’imaginer autre chose qu’eux. De penser qu’il est capable de faire disparaître n’importe qui grâce à l’intensité de son regard. Tel ce gros homme déplaisant, dont il ne voyait pas les yeux derrière des lunettes opaques. Élégant, mais sûrement un salaud, qu’il aurait été capable de supprimer s’il n’avait pas quitté les lieux.

Tiens, il remarque ce type au profil grec, mais c’est un homme trop tranquille pour lui vouloir du mal. Voilà le quatrième jour qu’il est là. Le dernier jour, car malgré son anonymat, il y aurait probablement danger à continuer. C’est pourtant si bon de fantasmer sur les voyageuses, en particulier. Telle cette jeune femme, une “longue rousse, la peau laiteuse de son visage et de ses jambes, dans ce tailleur vert, jupe étroite et courte, talons hauts qui élançaient encore sa silhouette.” En tomber amoureux, la suivre dans un train, l’approcher au wagon-restaurant, être déçu sans doute. Dans la gare, enfin de l’inattendu, de la vraie surprise : une femme connue, accompagnée d’une paire de grizzlys en guise de gardes du corps. Il y en aurait des scénarios à imaginer autour d’elle et de son comportement outrancier, des histoires et des ragots à inventer…

 

Le plus merveilleux des postes d’observation, l’endroit où poser un regard sur nos contemporains, c’est effectivement une gare. Toutefois, si l’on s’amuse à ce jeu, restons plus lucides que le personnage chtarbé que nous présente Pierre Pelot. Un solitaire, dont l’équilibre mental s’avère plutôt bancal. Plus drôle encore, l’auteur dresse un portrait ironique de la célèbre Paulette Galichtré. Elle est très connue, la capricieuse et vindicative ex-députée de Vézelise (Lorraine). Bien que gaffeuse, ce n’est pas une pucelle dans sa catégorie. On n’aura aucun mal à situer cette habituée des émissions politiques à la télévision ou à la radio. Pelot lui offre une autre identité, n’ignorant pas qu’elle est prompte à traîner en justice quiconque la contrarie. Une histoire courte et enjouée, vraiment “écrite”, par un de nos grands romanciers populaires. Un clin d’œil : Pierre Pelot apparaît dans l’illustration de couverture, dessinée par Chauzy.

Les treize titres de cette collection : Didier Daeninckx (Les négatifs de la Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), Franck Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

D'autres titres de Pierre Pelot : Givre noir - Maria - Le méchant qui danse - Les normales saisonnières - Une autre saison comme le printemps.

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 06:38

 

Dans la collection Vendredi 13 des Éditions La Branche, Givre noir est l’œuvre d’un romancier chevronné, Pierre Pelot.

On imagine une grande maison bourgeoise, où règne pourtant un certain laisser-aller. Par exemple, un réseau de train électrique encombre quelque peu le salon. Le septuagénaire Stany, propriétaire des lieux, y déambule vêtu d’une épaisse robe de chambre, trop chaude pour cette soirée d’été caniculaire. PELOT-2012-1Casquette sur la tête, aussi. Il est riche, possède des usines, ce bonhomme fantasque à l’air mou. C’est un passionné de paléontologie et des serpents, en plus des trains électriques et des casquettes. Il est marié à Mado, une veuve plus jeune et dynamique que lui. Un second mariage, quelques que soient leurs différences. Âgée de vingt ans, Nell, nièce de Mado, vit avec eux. Très excitante en petite culotte, avec un maillot sportif trop évasé, une tenue minimum par cette chaleur estivale. Nell est contrariée. Car son petit ami Arnaud, ouvrier dans un garage, l’a laissée tomber.

Mado est de retour à la maison avec un invité. Ce Dustin Georges était autrefois un ami du fils suicidé de Mado. Ils se sont retrouvés par hasard. Ce soir, il y a eu une bagarre dans le bar où ils se trouvaient. Dustin a la mâchoire assez abîmée, mais reste séduisant aux yeux de Mado. Il n’y a qu’à l’héberger dans la vétuste chambre d’amis, puisqu’il n’a pas de voiture pour se déplacer. Stany observe cet invité, amusé mais pas vraiment dupe. Fut-il jadis un ami de Mathieu, le défunt fils de Mado ? Employé dans une entreprise industrielle, selon ses dires, Dustin manque sérieusement d’éducation. Un type plutôt jeune, un peu rustre, comme les aime assurément Mado. Dès le lendemain matin, Dustin et Nell semblent avoir fraternisé. Sans doute ont-ils comparé leurs malheurs réciproques cette nuit-là. Des malheurs et des drames, il s’en produira d’autres entre ces quatre-là.

À Épinal, le journaliste Gerbois suit une affaire concernant quelques étudiants de l’École de l’Image. Habitué du bar du Commerce, il connaît bien Mitidjène. Un peu moins les autres : la possessive Ladidi, le frimeur Jean Maurice Maurice, Marani et la belle Veline. Depuis son arrivée à l’École de l’Image, cette dernière cultive une part de mystère. Que Mitidjène soit amoureux de Veline depuis qu’il l’a vue, ce n’est pas un secret, même si ça perturbe peut-être leur groupe. Des coups de feu ont été tirés au Commerce en cette soirée pluvieuse. Il ne suffit probablement pas d’interroger Mitidjène pour comprendre l’origine de l’altercation sanglante. Il faut aussi se souvenir de l’élection de Miss Image, d’une photo. Ainsi que d’une autre affaire, plus ancienne…

 

Pierre PELOTEst-il réellement indispensable d’ajouter une opinion ? Dans chaque petit groupe, couve un possible drame. En elle-même, l’intrigue n’est pas donc compliquée. Les projets de Mado sont entravés par une petite garce aux dents pointues. Tension sourde et hypocrisie entraînent une issue criminelle. Le talent de cet auteur confirmé qu’est Pierre Pelot consiste à triturer le sujet, à y placer des méandres poussant à s’interroger. Cette histoire a été publiée dans une première version, transformée en un noir roman énigmatique. On suppose qu’il a peaufiné les portraits, rendant plus incertains ces personnages. Cette part fantomatique est d’ailleurs un atout favorable que l’on trouve dans beaucoup de ses livres. La tonalité du récit semble naturelle, familière, malgré ses faces cachées et son lien indéfini entre deux époques. Pierre Pelot montre une fois encore qu’il est un fascinant conteur.

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 05:34

 

Parmi les romans noirs de Pierre Pelot, Le méchant qui danse est une de ses histoires parmi les plus intenses. Publié au Fleuve Noir en juin 1985, ce roman a été réédité chez Rivages/Noir en septembre 2000. Aujourd’hui encore, la force de cette intrigue vient certainement de son contexte quotidien. L’héroïne en est une femme qui a vécu un premier mariage dramatique, quelque part en France. Elle aspire à la paix, alors que d’autres continuent toujours à lui faire la pire des réputations. Rancune absurde et injuste d’un clan qui l’a mal traitée. Pour elle, l’heure des comptes est venue. Une réaction humaine et logique, puisqu’on la prive du bonheur tranquille qu’elle espérait. C’est aussi une réaction exacerbée, car cette femme est enceinte. PELOT-1985S’agit-il d’absoudre son comportement violent ? Non, puisque son fils va tenter de l’empêcher d’aller trop loin. Non, car il peut y avoir une explication différente à ce qui s’est produit ce jour-là.

Pour des gens normaux, mais sachant d’avance qui sont leurs adversaires (ou le supposant), une telle situation exceptionnelle ne se gère pas de façon aseptisée. Elle se règle face à face, dans un tourbillon de colère ou de rage, sans temps de réflexion. Dans la vraie vie, l’essentiel des actes criminels émanent de l’entourage des victimes, dans un sens plus ou moins large. Pierre Pelot ne l’oublie pas, il en fait même la base de cette affaire (et son dénouement).

Un roman puissant, tel un de ces faits divers où un dérapage fatal a entraîné une situation hors norme. Lecteurs, donc témoins, nous n’avons nullement le droit de juger les actes. Ceux-ci se déroulent dans une unité de temps, la soirée et la nuit qui suit. Histoire de mort et de vie, où le Mal et la haine cédent peu de place à l'espoir...

  

Saint-Hiel est un village des Vosges, dans la région de Remiremont. Ce samedi de fin d’été, la fête locale bat son plein au parc Buche. Menuisier charpentier âgé de trente-huit ans, Jocco est occupé dans son atelier. En présence de son père, le Vieux, il bricole pour son ami Jean-Marie, dit Pépète. Enceinte proche d’accoucher, son épouse Marie-Ange (Mi-Ange, du même âge que Jocco) se repose dans leur maison attenante. Nés de son premier mariage, les enfants de celle-ci (Nicolas dit Col, Fany et Toni) sont à la fête de Saint-Hiel. Soudain, Jocco est abattu d’un coup de feu, qui brise une vitre de son atelier. Un tir à longue distance, voilà ce que diront plus tard les gendarmes. S’apercevant de la mort du paisible Jocco, son ami Pépète alerte Mi-Ange. Elle téléphone bientôt aux secours. Il faut aussi prévenir ses enfants qui sont au village, ce dont se charge Pépète.

En ce début de nuit, Mi-Ange part en guerre, à bord de sa voiture, une arme dans la boite à gants : Elle reprit pied dans la colère de cette idée fixe qui la portait depuis quelques heures, vivante, en équilibre, et qui devait encore la soutenir le temps nécessaire. Tout ce qu’elle devait faire s’inscrivit en clair, avec une netteté extraordinaire, dans son cerveau. Son fils aîné Col (Nicolas, 19 ans) et sa fiancée Annette ont rejoint les proches de Jocco et Mi-Ange dans la maison familiale. Tous sont déboussolés, à commencer par Pépète. Col a déjà compris les intentions de sa mère. Elle a de bonnes raisons de soupçonner les trois frères du défunt Gérard, père de ses trois premiers enfants. La famille Malheur, une tribu qui n’a jamais pardonné à Mi-Ange la mort de Gérard. Elle a été jugée et acquittée, mais ils ont proclamé qu’ils élimineraient cette salope.

PELOT-RIV370Col n’ignore pas la mauvaise réputation de sa mère. On lui a assez seriné qu’elle couchait avec tout le monde. Mi-Ange, la fille Donas, c’était pas grand-chose de bon. Elle avait refait sa vie avec Jocco, brave type pacifique et sérieux, que les enfants de Malheur appréciaient. Aucune raison de le buter, c’est ce que pensent Pépète et le Vieux. Mi-Ange se rend dans un quartier HLM de Remiremont, chez l’oncle Joseph Malheur. Elle affronte la compagne de celui, car il est absent. De son côté, sa fille Fany (et son jeune frère Toni) recherchent leur oncle Marcel-Paul, entrevu à la fête de Saint-Hiel. Col espère retrouver Mi-Ange avant qu’elle ne commette un carnage. Pendant ce temps, au village, un quadragénaire solitaire et misogyne n’aime guère ces festivités qui troublent son quotidien. Après une altercation stupide, il apprend le meurtre de Jocco…

 

Quatre autres titres chroniqués de Pierre Pelot :

"Les promeneuses sur le bord du chemin" - "Les normales saisonnières" - "Une autre saison comme le printemps" - "Maria" (2011).

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 08:20

 

Publié chez Denoël en 1995, Une autre saison comme le printemps est un roman de Pierre Pelot qui n’a jamais été réédité depuis. C’est regrettable, car l’intrigue oscille avec finesse entre plusieurs genres. Il ne s’agit pas d’une enquête ordinaire, ni même d’une simple histoire "façon détective". Car, avec sa merveilleuse virtuosité, Pierre Pelot parsème l’ambiance d’élément appartenant au genre Fantastique (thème de la collection Présences). Ainsi, on va croiser des personnages qui ne sont peut-être pas tous encore vivants. L’écriture de l’auteur nous épargne un banal scénario avec des revenants plus ou moins zombis, qu’on se rassure ! Grâce à une habile construction, l’auteur introduit progressivement tous les détails (passés et présents) qui offrent force et crédibilité au récit. Si on aime les étiquettes, on peut qualifier ce roman de "polar-fantastique", puisqu’il réunit les deux. Un roman à redécouvrir, c’est certain !

 

PELOT95Romancier américain et scénariste de télévision, Dorall Keepsake est l’invité d’honneur du Festival du roman et du film noirs de Metz. Il laisse pour quelques jours dans l’Oregon sa compagne Syane, à Crane Point. Le temps fort de sa présence au Festival sera sa conférence sur le thème de "La disparition". En effet, son détective de fiction enquête sur ce genre de cas, l’auteur s’inspirant de dossiers réels. Pour le reste, encadré par la blonde attachée de presse Amanda, Keepsake passe le temps en sirotant des verres d’alcool, fuyant admirateurs et mondanités. En réalité, et ce n’est pas un secret, le romancier se nomme François Doralli. Il est parti s’installer quelques années plus tôt aux Etats-Unis, où il a acquis une belle notoriété.

Cette nuit-là, Dorall est contraint de monter dans la voiture d’un certain Georges Laval. Ce dernier le conduit jusqu’à Saint-Orch, commune dont il est le maire. Il est aussi le compagnon d’Élisa Rambert, une amie d’autrefois de François Doralli. Marié jeune, divorcée à l’âge de vingt-trois ans, elle est aujourd’hui veuve de son second mari depuis un an et demi. Elle est la mère d’un gamin de neuf ans, Nathaniel. L’enfant a disparu récemment à la sortie de son école. La situation de Georges et Élisa étant fort compliquée, le couple n’a pas prévenu les gendarmes. Rendre service à cette amie ? Si Dorall hésite, ce n’est pas seulement parce qu’il n’a pas les compétences d’un vrai détective. C’est aussi à cause du fait d’avoir perdu leur bébé avec sa compagne Syane.

Surtout, revenir dans sa région d’origine n’est pas un retour aux sources si agréable. Les paysages ayant changé, sa maison familiale a disparu. Et puis, ça oblige Dorall à se remémorer les doux moments qu’il passa avec son amoureuse, Kaye. Souvenirs pénibles, puisque Kaye est décédée d’une chute accidentelle. Disposant de menus indices, Dorall va quand même partir vers le Sud à la recherche du petit Nathaniel. Une curieuse auto-stoppeuse prétend avoir croisé l’enfant et son kidnappeur, qui ressemble beaucoup au défunt père de Nathaniel. La piste entraîne le romancier du côté de Draguignan…

Mes autres chroniques concernant Pierre Pelot (cliquez sur les titres) : "Maria" - "Les normales saisonnières" - "Les promeneuses sur le bord du chemin".

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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 07:45

 

Aux Éditions Héloïse d’Ormesson, vient de paraître Maria, le nouveau roman de Pierre Pelot. Nous sommes dans les Vosges. Après Remiremont, une longue vallée s’étire jusqu’à Bussang, en passant par Le Thillot et Saint-Maurice-sur-Moselle. De part et d’autre, un paysage de montagnes rondelettes couvertes de sapins. C’est une région dont l’histoire est riche, depuis le lointain temps des froustiers et des ducs de Lorraine, avec ses annexions et ses époques de disette. Sur Radio Vallées et Chaumes, une vieille érudite raconte régulièrement ces temps anciens, autant de faits marquants vécus par la population de cette "Montagne des Bœufs Sauvages". La conteuse se nomme Maria Lœwell.

PELOT-MariaNée en 1921, Maria est maintenant âgée de 85 ans. Elle réside depuis quelques années à la maison de retraite du Thillot, où elle fut employée de service pendant une longue période. Dans sa jeunesse, Maria a été institutrice dans sa bourgade natale. Elle était l’épouse de Jean Tobé, qui tenait un café-épicerie. Son mari s’occupait du bistrot. C’était la grande Louisette, une costaude âgée de seize ans, qui se chargeait de l’épicerie.

En octobre 1944, la guerre n’était pas terminée en Lorraine. Les occupants allemands espéraient y installer une ultime ligne de défense. Les maquis de la Résistance restaient ici peu nombreux, peu actifs. Le 2 octobre, soixante-trois hommes de Saint-Maurice furent arrêtés par la Gestapo, torturés avant d’être envoyés dans les camps de la mort. Seulement quelques-uns survécurent. On les avait dénoncés, dans une listée détaillée. Les maquisards non raflés n’eurent bientôt plus de doute sur celui qui les avait trahis. Un courrier anonyme désignait Jean Tobé, l’époux de Maria.

Dramatique fin de guerre pour la jeune femme, maltraitée par les hommes du maquis, veuve d’un traître, exclue de son poste d’institutrice. Maria s’occupa du café-épicerie, mais les rancunes tenaces de certains la décidèrent à s’exiler. Quelques kilomètres plus loin, Le Thillot. S’il ne la laissa pas dans le besoin, son fils quitta tôt la région. La vie foraine l’excitait davantage que ce froid pays vosgien. Aujourd’hui, n’ayant rien perdu de son caractère volontaire, la vieille dame raconte à la radio l’histoire de la vallée, de la Lorraine, jusqu’au 18e siècle. Quand se produit un décès à la maison de retraite, elle assiste aux obsèques, sans se mêler des conversations à ce propos. Maria a 85 ans, l’hiver approche…

 

Pourquoi perdre son temps à chercher des qualificatifs, des définitions, pour évoquer l’œuvre de Pierre Pelot ? C’est un grand écrivain populaire, voilà tout. Après avoir publié quantité de livres dans divers genres littéraires, il est encore et toujours capable de nous captiver. Même avec un sombre épisode de la guerre, sujet si souvent traité ? Oui ! Même à travers le destin maudit de Maria ? Oui ! Même en s’attardant sur la longue histoire de sa région ? Oui ! Magistrale souplesse narrative de Pierre Pelot, fascinante force du récit. Cet apparent minimalisme est un leurre. Tout est dit avec justesse et précision, sans effets factices ni aucune lourdeur. Quant aux amateurs de romans criminels, cet aspect est également présent ici.

 

Cliquez pour mes chroniques des romans de Pierre Pelot :

Les normales saisonnières - et - Les promeneuses sur le bord du chemin.

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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 07:13

 

Depuis l’automne 2009,Les normales saisonnièresde Pierre Pelot est disponible chez Pocket. Voilà une nouvelle occasion de saluer le talent de cet écrivain.

Vers la Pointe du Raz et la Baie des Trépassés, non loin du port d’Audierne, la petite ville de Pont-Croix est la capitale du Cap Sizun. C’est dans un hôtel de cette bourgade tranquille que séjourne Datier. “C’était un homme d’une cinquantaine d’années, avec des épaules voûtées, trapu, les avant-bras couverts de poils sombres épais. Il avait des cheveux châtains foncés, quelques fils argentés sur le haut des tempes mais pas davantage, pas tellement. Une légère surcharge pondérale le ceignait. Un visage carré, des pommettes hautes et des yeux très enfoncés, un regard doux dans cette architecture faciale plutôt rude.” PELOT-2009.JPGDatier se prénomme Cochise “…ce prénom de malheur dont son père cinglé de western avait tenu à l’affubler et que l’État-civil avait accepté”. Solitaire, adepte des longues marches, Datier va se promener sur les côtes ventées du Finistère-sud. Il y croise une fille inconnue, qui semble attendre quelque chose. À l’hôtel, il sympathise sans se livrer avec la patronne, Marina. Le soir, il sort comme un vacancier voulant découvrir les petites rues historiques de Pont-Croix.

Une seule adresse intéresse Datier : 9 rue du Goyen. Il repère dans cette rue calme la maison anonyme, l’observe depuis un petit refuge mitoyen. Une nuit, il pénètre clandestinement à l’intérieur. Une femme le surprend, s’interpose. Armé, Datier tire à deux reprises, blessant gravement Alicia Largo. C’est un accident, il ne voulait aucun mal à cette personne. Il s’enfuit, se cache dans son abri voisin, tandis qu’arrivent les secours. Le lendemain, Datier se balade à la Pointe du Van, quand un sportif en 4X4 le menace, exigeant qu’il oublie la fille qu’il a croisé ici. Sortant son arme face à l’excité, Datier réplique qu’il n’est pas concerné par leur histoire. Pourtant, plus tard, il rencontre de nouveau la fille. Anne cherche le moyen de fuir Cool (le sportif) et Benji. Petite pute cinglée ou femme en péril ? Datier pense qu’elle dit la vérité. Il va l’aider.

L’agression nocturne au 9 rue du Goyen reste incompréhensible, attribuée à un rôdeur venu cambrioler. Mme Largo est dans le coma. Datier est allé à l’hôpital, l’a approchée, a vu ses proches, mais ne peut rien pour elle. À l’hôtel, l’aimable client esseulé n’est pas suspecté. Son séjour en Bretagne se terminant, il annonce son prochain départ. Il prend un taxi, qui le dépose en gare de Quimper. Toutefois ce n’est que simulation, car Datier n’en a pas fini avec l’habitant de la rue du Goyen. Il est venu pour l’effacer, pour gommer un épisode douloureux du passé. Peu lui importe que l’homme soit ou non en état de se défendre, Datier doit nettoyer une image salie…

D’accord, ce n’est pas un polar. Datier le précise : “Sa cible. C’est ça, sa cible… Essaie de ne pas me parler comme dans un polar. On n’est pas dans un polar.” Certes, ce n’est pas un roman criminel. Pourtant, il y a bien une victime dans le coma, une fille fuyant des types menaçants, et un règlement de comptes vengeur. Avec maestria, Pierre Pelot joue sur plusieurs tonalités dans cette histoire d’un noir romantisme. Notons, quand même, des allusions souriantes : il fut l’auteur des aventures de Dylan Stark, son héros a écrit celles de Red Bridge. Ou encore, dans un Salon du livre : “Elle dépote en rafale, la vache, et moi je suis à côté et je me fais suer, personne ne me voit, ils viennent en hordes faire signer la grosse qu’ils ont vu à la télé.” Néanmoins, c’est évidemment l’ambiance énigmatique qui prime, renforcée par de curieux intermèdes-dialogues, dont le sens apparaît bientôt. L’écriture est très visuelle, riche en détails précis autant qu’en interrogations. Une narration envoûtante, dont cet auteur a le secret depuis bien longtemps. Ce suspense original est un pur régal.
Une autre chronique concernant Pierre Pelot, cliquez ici. ("Les promeneuses sur le bord du chemin")

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