Chaque mois de décembre, Action-Suspense vous présente une sélection de ses meilleurs polars de l'année. Cette fois, il y en aura douze. Sélectionner, c'est se montrer subjectif. Choisir, c'est éliminer et garder, en restant le plus honnête possible. À contre-cœur, se résoudre à limiter, afin d'éviter une liste pléthorique qui n'aurait plus aucun sens. Quels critères ? Quelques-uns de ces titres-là ont très probablement eu moins d'écho en 2014, ou trop brièvement. D'autres possèdent une force flagrante ou une originalité bien réelle. Et puis proposer des univers différents, des tonalités personnelles, un certain sens de la narration ou de l'écriture. Six Français, six Étrangers, la diversité est toujours le maître-mot. Y compris en ce qui concerne les éditeurs, onze pour douze titres.
Avant de découvrir cette liste, un tir groupé pour saluer l'excellence d'un auteur hors sélection. Avec ses trois titres publiés en 2014, “Dernière conversation avec Lola Faye” (Points) - “Le dernier message de Sandrine Madison” (Seuil) - “Le secret des tranchées” (Ombres Noires), Thomas H.Cook reste un écrivain remarquable, supérieur. Lui qui débuta par d'aimables romans dans la Série Noire, a affiné son style au fil des ans et des romans. On le pressentait avec “Les rues de feu” (1992), il l'a confirmé avec chacun de ses titres suivants, jusqu'à aujourd'hui encore. Plus que jamais, si ce n'est pas encore le cas, voilà un écrivain à lire. En marge de cette sélection, il méritait un hommage particulier.
Les 12 meilleurs polars de 2014 :
Shannon Burke « 911 » (Ed.Sonatine)
Alain Gagnol « Un fantôme dans la tête » (Ed.Le Passeur)
Norman Spinrad « Police du peuple » (Ed.Fayard)
Nicolas Mathieu « Aux animaux la guerre » (Ed.Actes Noirs)
Dan Fante « Point Dume » (Ed.Seuil)
Elena Piacentini « Des forêts et des âmes » (Ed.Au-delà du Raisonnable)
Chris Womersley « La mauvaise pente » (Ed.Albin Michel)
Franck Bouysse « Grossir le ciel » (Ed.La Manufacture de Livres)
Marco Malvadi « La briscola à cinq » (Ed.10-18/Christian Bourgois – inédit)
Jacques-Olivier Bosco « Quand les anges tombent » (Ed.Jigal)
Håkan Nesser « Un été avec Kim Novak (Ed.Seuil)
Patrick Caujolle « Beau temps pour les couleuvres » (Ed.du Caïman)
Shannon Burke « 911 » (Ed.Sonatine) : En 1993, Oliver Cross débute comme ambulancier à la Station 18 de Harlem. Il compte de nouveau tenter l'examen d'entrée en médecine. Ce qui lui vaudra d'être surnommé “Le Légiste” par ses collègues. Ollie admet être moins combatif que sa petite amie Clara, déjà admise en médecine. Chez les urgentistes new-yorkais, il va devoir s'accrocher. D'abord, éviter d'être éjecté… Se servant de sa propre expérience d'ambulancier à New York, Shannon Burke va très loin dans le réalisme. Une histoire puissante, un témoignage sans lyrisme excessif, un roman remarquable.
Alain Gagnol « Un fantôme dans la tête » (Ed.Le Passeur) : Le commissaire Massé, son supérieur, n'ignore pas l'impétueuse nature de Marco Benjamin, flic lyonnais quadra. Il l'a pourtant désigné comme chef de groupe, pour enquêter sur un tueur en série qui s'attaque à des adolescentes. Le coupable est un cruel sadique qui torture à mort ses victimes. La dernière disparue est âgée de seize ans, Jennifer. Il retrouve son corps ensanglanté. Plutôt que de sombrer dans la déprime, il créé le personnage de Suicide-Man. Il applique des méthodes pouvant laisser perplexes sa hiérarchie et ses collègues. Il s'embarque dans de passionnantes aventures et mouvementées.
Norman Spinrad « Police du peuple » (Ed.Fayard) : À La Nouvelle-Orléans, après l'ouragan Katrina, parce qu'il faut reconstruire et relancer l'économie locale, l'argent afflue et le crédit permet de croire en un avenir plus serein. Quand les financiers risquent de ruiner la ville, un jeune policier et un patron de bordel prennent la tête de la rébellion, avec une célèbre prêtresse vaudoue comme icône. Malgré les pressions et les élections en cours, ils ont de bonnes chances de transformer les flics locaux en Police du Peuple, et de faire régner ici une fête permanente. Un roman très excitant, imaginant un utopique nouveau départ sur des bases saines, après la catastrophe et malgré le pouvoir de l'argent.
Nicolas Mathieu « Aux animaux la guerre » (Ed.Actes Noirs) : Dans les Vosges, aujourd'hui. Martel est syndicaliste à l'usine Velocia, fabriquant des fournitures pour l'automobile. La crise s'y fait de plus en plus sentir, confortant son rôle social. Même si, par besoin d'argent, il se livre à des activités illégales. Rita Kleber est inspectrice du travail. Elle exerce son métier avec fermeté, mais humainement, sans chercher à nuire aux entreprises de la région. C'est de La Ferme de Pierre Duruy, ancien de l'OAS, que s'est échappée la jeune Victoria. Rita préfère éviter de la confier à la police… Un véritable «roman social» comme on n'en écrit plus guère, hélas. Un des titres marquants de 2014.
Dan Fante « Point Dume » (Ed.Seuil) : Retour au bercail pour JD Fiorella, 44 ans. Il a exercé plusieurs jobs à New York, dont celui de détective. Cet ex-alcoolo migraineux désargenté sujet à des cauchemars est revenu s'installer chez sa mère, à Point Dume. Longtemps isolé, ce quartier de Malibu héberge d'anciennes gloires d'Hollywood, friquées mais pointant comme lui aux réunions des Alcooliques Anonymes. Son pote Woody lui a trouvé un boulot de vendeur à la concession Toyota du coin. Mais les ennuis vont vite se bousculer sur son parcours… Dans la meilleure tradition du roman noir,où le héros loser est confronté à des aventures mi-sombres, mi-amusantes.
Elena Piacentini « Des forêts et des âmes » (Ed.Au-delà du Raisonnable) : Experte en informatique, la frêle Aglaé Cimonard appartient à l'équipe du commandant Pierre-Arsène Leoni, à la Brigade criminelle de Lille. Elle est dans le coma, victime d'un accident avec une voiture pendant son jogging. Tandis que Mémé Angèle la réconforte, Leoni et la médecin légiste Éliane Ducatel vont enquêter dans les Vosges… Nul favoritisme dans le choix de ce polar, car l'auteure nous a concocté un suspense impeccable, prouvant là qu'elle figure parmi les meilleures romancières françaises du moment.
Chris Womersley « La mauvaise pente » (Ed.Albin Michel) : La première mission importante du jeune Lee, malfaiteur âgé d'une vingtaine d'années, consistait à intervenir chez la famille Stella, mêlée au trafic du caïd Marcel. Ils lui ont tiré dessus, puis ils ont déposé son corps dans un motel miteux, avec la valise de Lee contenant 6000 $. Wild est un médecin quinquagénaire aux yeux bleus, à l'allure fatiguée. Morphinomane, il a plusieurs fois tenté de décrocher, sans succès. Sa dépendance lui a fait commettre une erreur médicale. Ayant tout quitté, il s'est arrêté dans ce même motel minable où Lee gît, gravement blessé. Ils auront bientôt aux trousses le vieux truand Josef… Parfait exemple du roman noir, où le Destin des protagonistes est implacable.
Franck Bouysse « Grossir le ciel » (Ed.La Manufacture de Livres) : Quinquagénaire célibataire, le paysan Gustave Targot (dit Gus) vit dans la ferme héritée de sa famille, avec son chien Mars, dans les rudes montagnes des Cévennes. Son voisin, c'est le veuf Abel Dupuy, dans les 70 ans. Tous deux sont un peu chasseurs, bien sûr. Ils ne se fréquentent pas tellement. En ce froid hiver neigeux, Gus est triste d'apprendre le décès de l'Abbé Pierre. Ce jour-là, il entend cris et coups de feu du côté de chez Abel. Il y a des traces de sang dans la neige. Ce n'est pas son voisin qui lui fera des confidences… Intrigue à suspense et écriture d'excellent niveaux, un polar rural qui sonne juste.
Marco Malvaldi « La briscola à cinq » (Ed.10-18/Christian Bourgois) : Trentenaire divorcé, Massimo Viviani est le propriétaire du BarLume, un bistrot de Pineta, station balnéaire proche de Livourne, en Toscane. Son grand-père Ampelio (82 ans) et ses amis sont des habitués. Avec eux, il arrive qu'il joue à la briscola, un jeu de cartes typique, où jusqu'à cinq joueurs se confrontent. Ce jour-là, les quatre mousquetaires de sa terrasse s'intéressent à l'affaire où Massimo a découvert le cadavre de la jeune Alina Costa dans une poubelle. Selon la population, “l'Illustrissime Commissaire Fusco” est un couillon incompétent. Massimo va mener sa propre enquête… Il s'agit d'un inédit en format poche, une délicieuse comédie policière traditionnelle, très souriante, avec son lot d'hypothèses.
Jacques-Olivier Bosco « Quand les anges tombent » (Ed.Jigal) : Cinq enfants viennent d'être séparément kidnappés, avant d'être séquestrés ensemble sur un bateau. Pas n'importe quels mômes : Il s'agit de la fille de l'avocate Nathalie Ruiz et de Matéo Rizzo, de celle du juge Tranchant, de la fillette du policier Lauterbach, des fils du préfet de police Rollin et d'Elvio Vitalli. Le kidnappeur c'est le cruel Vigo Vasquez, parvenu à s'évader de prison grâce à des circonstances particulières. Il exige que la vérité soit faite sur l'accusation de meurtre d'enfants qui le conduisit en taule… Un roman d'action d'une belle vivacité, riche en rebondissements et en suspense. On se régale, tout simplement.
Håkan Nesser « Un été avec Kim Novak » (Ed.Seuil) : Début des années 1960, en Suède. Erik est un adolescent de quatorze ans. Il a un grand frère, Henry, de huit ans son aîné. Il est prévu qu'Erik et Henry passent l'été dans leur maisonnette appelée Tibériade, au bord d'un lac à vingt-cinq kilomètres de chez eux. Henry veut en profiter pour écrire un roman existentialiste. Edmund, récent copain de classe d'Erik, va partir en vacances avec eux. Une enseignante remplaçante a marqué les esprits durant les dernières semaines de l'année scolaire. L'éclatante beauté d'Eva Kaludis est comparable à celle de Kim Novak, une des stars américaines de cinéma de l'époque. Erik et Edmund fantasment sur elle. Eva est fiancée à Bertil Albertsson, dit Berra, champion de hand-ball connu dans toute la Suède. L'été s'annonce moins paisible que prévu, quand Henry devient l'amant d'Eva… Un suspense nuancé, tout en finesse, dans une ambiance sixties de bon aloi. Une histoire plus perverse qu'il y paraît.
Patrick Caujolle « Beau temps pour les couleuvres » (Ed.du Caïman) : Gérard Escaude est un policier de 43 ans, du commissariat Ouest de Toulouse, quartier Saint-Cyprien. Vingt ans qu'il exerce le métier, avec des hauts et des bas. Une sexagénaire, Mme Duval, a été poignardée à son domicile. En état de choc, son mari a été hospitalisé. Le retraité de la SNCF Marcel Duval est le présumé assassin de son épouse. Il essaie de s'évader de l'hôpital, avant d'être rapidement rattrapé et interrogé par Gégé. Une affaire pas si banale que l'a cru Gérard, qui risque d'être berné malgré son expérience… À travers son héros, l'ancien policier Patrick Caujolle retrace l'état d'esprit du métier de policier, l'évolution des pratiques. Le témoignage est un des éléments de l'histoire, sans oublier pour autant une véritable intrigue. Un roman policier authentique, bien écrit, et passionnant.