Un recueil de neuf nouvelles de Pascal Garnier (1949-2010)
"Elle et lui" : C'est certainement la première fois qu'ils prennent le même métro. Elle, jeune employée de bureau, mène une vie très active et aime à se cultiver. Elle rêve parfois à Constantine, le ville d'origine de ses parents. Elle n'attire pas plus que ça l'attention. Lui, il travaille au rayon poissonnerie d'un supermarché. Même en se nettoyant bien, un odeur de marée persiste sur lui. Il rentre chez lui, s'inquiétant pour son vieux chat. Une panne du métro, ça perturbe et retarde les passagers. Il fait nuit quand elle et lui descendent à la même station.
"Vieux Bob" : Le café-tabac-restaurant d'Arlette, elle l'a hérité de sa mère. De même que le vieux berger allemand Bob, gardien illusoire des lieux. Il se traîne quelquefois, rarement, jusqu'à l'arbre d'en face pour y faire ses besoins. Sinon, il reste douillettement installé non loin du comptoir. Pendant le service, il gêne le personnel qui va et vient. Bien davantage que Pierrot, le pilier de comptoir qui écluse bière sur bière. Qu'on l'envoie faire un tour à la campagne, ça ne dérange pas le vieux Bob.
"Cabine 34" : C'est un vacancier anonyme en villégiature pour une quinzaine de jours en bord de mer. À la plage, allongé sur sa natte, il observe la famille qui occupe la cabine 34. Des gens qui possèdent sûrement une villa cossue dans les environs. Parmi leurs enfants, c'est surtout la gamine qui retient l'attention de ce touriste. Au point de lui inspirer un désir obsédant. Il aimerait bien approcher de plus près cette famille et la petite fille, savoir où donc habitent ces voisins de plage et leur chien Boulou.
"Ville nouvelle" : La famille Jantet s'est installée ici voilà une douzaine d'années. C'était plus que neuf, puisque tous ces quartiers étaient encore en chantier. Robert et Édith, les parents. Olivier et Nelly, les enfants. Les Brisseau et leur fils Antoine, les voisins. Ni loin, ni près de Paris, propre mais pas tellement vivant, comme souvent ces villes nouvelles. Le temps a passé. Il y a un an que, après Olivier, sa sœur Nelly a quitté la maison. Une sorte de fuite, car elle revient rarement déjeuner en famille. Édith ressent une nervosité morose qu'elle s'efforce de masquer tant bien que mal.
"Paris-Melun-Paris" : Un trajet dans un train de banlieue. C'est aussi bien un vieux couple qui rentre vers Melun, sans avoir grand-chose à se dire, observant le paysage déjà connu. Ou, dans l'autre sens, un jeune homme un peu tendu accompagné de ses parents. Lui, il va prendre le train seul, abandonnant ses proches sur le quai de la gare.
"Eux" : Ils se sont rencontrés la veille dans un bal, à Caen. Victor est Malien, vivotant depuis quelques années en France, logeant dans un foyer, s'habillant classe pour sortir. Il bosse aux entrepôts, derrière la gare. Née ici, la très brune et rondelette Zoubida est fille de Harki. L'ambiance familiale est plus ennuyeuse que tout pour elle. Chacun de son côté, Victor et Zoubida estiment que ce bal n'a rien de tellement excitant. Ensemble, ils éprouvent un besoin d'évasion. Une parenthèse qui n'a pas nécessité de les mener loin, juste jusqu'au bord de la mer.
Publié dans la collection Polaroid dirigée par Marc Villard, ce recueil inclut encore trois autres nouvelles : “La barrière”, “Couple chien plage”, “Ami”. Dans tous ces textes, c'est un regard aiguisé sur le quotidien que porte Pascal Garnier. Peu de faits marquants, ni de réel héroïsme, dans la population lambda. Invisible parmi la foule, on prend le métro ou le train. Ou, tels Édouard et Marie-Hélène, jeune couple modeste et futurs parents, on se balade dans les rues tristes avec un landau. On rumine certains souvenirs, peut-être des moments un brin plus heureux.
Il arrive qu'un fantasme malsain traverse l'esprit, avec ou sans conséquence. On va au boulot, à la plage, ou manger dans ce bistrot dans lequel rôde un vieux chien inoffensif. Ces moments et ces images, c'est avec humanisme que l'auteur savait les décrire. Photos instantanées qui nous parlent du monde tel qu'il va, en bien et en mal, beaucoup mieux que ne le ferait un sociologue. Pascal Garnier a su illustrer la banalité apparente de notre quotidien, ces neuf nouvelles en témoignent.
Pascal Garnier : Trop près du bord (Points, 2013) - Le blog de Claude LE NOCHER
http://www.action-suspense.com/2013/11/pascal-garnier-trop-pr%C3%A8s-du-bord-points-2013.html
Quelques chroniques sur des romans de Pascal Garnier.