En Oklahoma. Âgé de dix-neuf ans, Tommy Carver habite avec son père adoptif tandis que Mary, trente-trois ans, fille adoptée par Pa, s’occupe de leur quotidien. Les Carver sont de modestes métayers possédant en propre cinq hectares de terres. Leur riche voisin indien Matthew Ontime est propriétaire de l’essentiel des terrains autour. Ils sont exploités pour la culture du coton, Carver en étant le régisseur. Ce dernier et M.Ontime sont en conflit, l’Indien espérant récupérer ces quelques hectares. Au moins sont-ils d’accord pour ne pas céder aux prospecteurs de pétrole, dont les promesses sont aléatoires. Carver est tyrannique envers sa famille, en particulier s’agissant de Mary. Si Tommy s’est montré soumis jusqu’ici, le fait qu’il soit amoureux de Donna Ontime – une métisse plus que ravissante – le pousse à s’émanciper de son père adoptif.
Le litige avec Matthew Ontime finit par entraîner une bagarre entre Tommy et le père de Donna. À l’école, à cause d’Abe Toolate, il finit par se faire virer, bien que sa professeure et le directeur Redbird aient beaucoup d’estime pour cet élève. Sa relation avec Donna n’est plus des meilleures non plus. Ce qui peut expliquer que Tommy devienne intime avec Mary, tous deux commençant par ailleurs à en avoir assez du sévère Carver. Celui-ci finit par avouer à Tommy la vérité sur leurs adoptions, ce qui ne gomme pas le malaise entre eux. Quand Matthew Ontime est poignardé chez lui, Tommy est immédiatement au centre des soupçons : l’assassin a utilisé le couteau que le jeune homme avait perdu quelques temps plus tôt. Prouver son innocence est absolument impossible pour Tommy. Il résiste à son arrestation, fusil en main, et prend la fuite.
Après avoir erré dans les environs, Tommy reçoit l’aide de son enseignante et de M.Redbird. Il est convaincu que, le voyant prêt à quitter leur cabane de métayer, c’est Carver qui a supprimé Ontime et s’est arrangé pour le faire accuser. Une fois incarcéré, M.Redbird et sa professeure vont lui trouver un très bon avocat. Même s’il est compétent et efficace, le mieux qu’il puisse faire est d’atténuer la responsabilité de Tommy afin qu’il échappe à la peine de mort. Au procès, qui va durer trois semaines, Donna Ontime s’avère le témoin-clé. Ce n’est pas gagné pour autant, même si vingt ans de prison valent mieux que la condamnation à mort. Tommy continue à ruminer contre Carver, ce qui ne change rien puisque son père adoptif n’est jamais suspecté. Peut-être que le véritable coupable, quel qu’il soit et quelles que soient ses motivations, finira par passer aux aveux…
Jim Thompson (1906-1977) figure incontestablement parmi les écrivains majeurs du roman noir. C’est pourquoi, depuis quelques années, les éditions Rivages/Noir traduisent à nouveau ses romans, dans une tonalité plus exacte que ce fut précédemment le cas. “La cabane du métayer” est une retraduction de “Deuil dans le coton”, initialement paru dans la Série Noire. On peut établir quelques comparaisons. Ici, la narration (par Tommy Carver) est au présent, pas au passé simple comme dans la première version. Ça offre un récit plus souple, plus vif, plus conforme à l’original. Le vocabulaire n’est pas exactement le même : on ne parle plus de chandail, mais de sweat-shirt, par exemple. Certains noms sont davantage respectés : Matthew Ontime remplace M.Bienvenu, Abe Toolate n’est plus Abe Tardif, le directeur M.Redbird n’est plus nommé absurdement David Cardinal. Au vu des origines indiennes des intéressés, ce n’est pas si anecdotique.
Affaire criminelle, bien sûr. Mais Jim Thompson va plus loin, autant quand il décrit la vie en Oklahoma, vaste territoire, que quand il rappelle des faits historiques concernant la répartition des terres aux Indiens. Quant aux personnages, ils sont d’une totale crédibilité. Dans leur dureté comme Carver, dans leur soumission tels Tommy et Mary. Cela vaut pour tous les autres, évidemment. Chaque situation est magistralement présentée avec toute l’humanité nécessaire. Car c’est bien la force des romans de Jim Thompson, être au plus près d’une réalité humaine. L’esprit de l’histoire reste le même, mais sans doute y a-t-il plus de clarté dans cette nouvelle traduction.