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26 janvier 2019 6 26 /01 /janvier /2019 05:55

Âgé de quarante-cinq ans, Thomas Denning est un aviateur célèbre en Grande-Bretagne, fondateur et président du Consortium des constructions aéronautiques portant son nom, ce qui a fait sa fortune. Il est marié à Kay ; ils ont une fille de dix-neuf ans Liz. Ces temps derniers, Thomas Denning apparaît terriblement perturbé : crise de somnambulisme, cauchemars où il se voit condamné à mort par un tribunal. Kay et Liz ont de sérieuses raisons de s’interroger. Lui qui ne buvait pas abuse maintenant de l’alcool, mais c’est loin de tout expliquer. Cette pression pourrait le conduire au suicide, provoquer un accident d’avion étant facile pour lui. Mais Kay Denning, épouse attentive, de plus en plus anxieuse quant à son état, finit par susciter les confidences de son mari.

Liz s’était entichée d’un drôle de soupirant. Victor Mados, quadragénaire argentin, avait tout le profil de l’aventurier, escroquant les femmes riches et crédules. Afin que cesse leur relation, Denning prit rendez-vous avec lui à son hôtel. Il appliqua le plan qu’il avait établi afin d’écarter ce diable de Mados, tout se passant bien jusqu’à un certain point. Une petite bagarre entre eux provoqua accidentellement le décès de l’Argentin. Effacer ses traces, faire disparaître ce qui pouvait indiquer un lien avec Liz, ce n’était pas le plus difficile. Mais il y avait encore les bagages de Mados à évacuer de l’hôtel, et surtout le cadavre à faire disparaître. Homme de réflexion, Denning profita ce soir-là de l’absence de Kay et Liz pour cogiter sur la suite. Il plaça le corps dans la malle arrière de sa Rolls-Royce.

Se débarrasser du corps fut émaillé de menus incidents, telle l’intervention d’un motard de la police. Malgré tout, il finit par jeter la dépouille de Mados dans un fossé où – espérait-il – on mettrait un peu de temps à le retrouver, du côté de Ledstone. Quant à identifier l’Argentin, Denning avait fait en sorte que ce ne soit pas possible. Pendant les deux mois suivants, il bénéficia du plein soutien de son épouse Kay. Le cadavre n’ayant pas été découvert, il ne semblait pas y avoir de conséquences à redouter. Quand le couple retourna sur le lieu où Denning avait placé le cadavre, il avait disparu. Bien qu’ayant consulté les archives du journal local et tenté de se renseigner à la morgue, aucune info utile pour Denning. Se dessina seulement la piste d’un couple de bohémiens ayant peut-être campé non loin du fossé au cadavre.

Entre-temps, venu des États-Unis, ami de Denning, Chick Eddowes entra dans leur cercle familial. Avocat de trente-cinq ans, il ne tarda pas à plaire à Liz. Après avoir défendu le couple de Gitans, il entreprit de creuser davantage autour de l’affaire. Et c’est ainsi qu’il finit par tomber sur un cadavre dans un fossé, celui de Victor Mados. Ce qui lui permit d’élaborer de brillantes théories, d’ailleurs faussées par la version de Thomas Denning. Relancer l’affaire présenta-t-il un risque pour ce dernier ? Dans une affaire embrouillée, il faut s’attendre à tout…

Alec Coppel : L’assassin revient toujours (Série Noire, 1953)

Alec Coppel est un écrivain, dramaturge et scénariste né en 1907 en Australie, et mort en 1972 à Londres. Installé aux États-Unis, il collabore entre autres avec Alfred Hitchcock sur La main au collet” ou “Vertigo” (Sueurs froides, d'après un roman de Boileau-Narcejac). Il ne publia que six romans à suspense, dont seulement trois furent traduits en français : Scotland Yard en échec (1949, Albin Michel, coll.Le Limier) ; L'assassin revient toujours (Série Noire, 1953), qu’il transposa au cinéma, avec dans les principaux rôles John Mills, Phyllis Calvert, Sam Wanamaker, Herbert Lom, Bernard Lee) ; “Choc” (1966, Presses de la Cité, coll. Un mystère). Son œuvre d’auteur de pièces de théâtre et de scénariste pour le cinéma est bien plus conséquente.

On aura bien compris qu’Alec Coppel ne figure pas parmi les "auteurs mythiques" vénérés par les aficionados du roman noir. C’est le cas de beaucoup de romanciers dont les parutions furent trop épisodiques pour retenir l’attention, ou d’autres dont les intrigues – pourtant parfaitement construites et racontées – ont pu sembler trop basiques aux passionnés. La qualité première de ce type de roman était de disposer de scénarios malins. En reprenant des sujets solides – ici, un bel exemple de ce que l’on nomma un "cadavre cavaleur". Certes, comparée à l’intensité de beaucoup d’intrigues actuelles, la pression nous apparaîtra assez légère. Ce qui ne signifie pas qu’elle soit trop faible. Mais on est dans cette Angleterre où l’on conserve son self-control.

Ne nous bornons pas aux valeurs sûres, ne négligeons pas des romans oubliés. Ils nous offrent encore d’excellents moments de lecture. Avec L’assassin revient toujours”, on passe un très bon moment.

Alec Coppel : L’assassin revient toujours (Série Noire, 1953)
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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 05:55

New York, juillet 1959, dans le quartier de Harlem, en majorité peuplé de Noirs. Cette nuit-là, c’est la veillée de funérailles avant les obsèques du vieux Big Joe Pullen. Celui-ci fut cuisinier de wagon-restaurant pendant plus de vingt ans sur le Pensylvania Railroad. Au troisième étage de cet immeuble, la nuit s’est bien passée malgré quelques bisbilles entre des jeunes femmes présentes. La vieille Mamie Pullen, la veuve, a raisonné les unes et les autres. Le premier incident viendra du pasteur Short, de l’Église de la Sainte-Culbute, présent avec eux. Alors qu’il se penche à une fenêtre de l’appartement, il est déséquilibré et chute. Heureusement pour lui, Dieu veille : le pasteur Short tombe dans la grande panière où l’épicier du coin stocke ses pains. Plus de peur que de mal.

Néanmoins, le pasteur Short remonte, furibond, chez Mamie Pullen. Short accuse Chink Charlie, un barman invité, de l’avoir poussé. Il est vrai que Chink n’a pas bonne réputation parmi les amis des Pullen. Quand tous se précipitent à la fenêtre, ils aperçoivent un autre corps allongé sur la réserve de pains. Mais celui-là est bien mort, poignardé avec un couteau spécifique. Le cadavre est celui de Val Haines, le frère de Dulcy, la jeune épouse de Johnny Perry – ce dernier étant une figure du quartier. Après de houleux débuts dans la vie, c’est grâce au couple Pullen que Johnny Perry (aujourd’hui âgé de quarante-six ans) s’installa, créant son propre Club. Il s’est montré plutôt généreux envers son beau-frère depuis son mariage récent avec Dulcy.

Le défaut bien connu de Johnny Perry, c’est sa jalousie. Pus jeune que lui, Dulcy ne paraît pas être un modèle de vertu, c’est un fait. Si c’est l’inspecteur Brody, de la Criminelle, qui dirige les interrogatoires des invités de la veille funéraire, les inspecteurs Fossoyeur Jones et Ed Cercueil y assistent – non sans scepticisme. Chink Charlie, accusé par le révérend Short, ferait un bon suspect, pourquoi pas ? Mais le côté délirant de Short incite à la plus grande prudence. Les autres "témoins" n’ont pas vu ce qui s’était produit. Mamie Pullen trace le portrait de leur petit groupe, ne soupçonnant guère Johnny Perry du meurtre. Ce dernier prétend être totalement étranger à l’affaire. Avec sa voyante Cadillac, on l’aurait certainement remarqué s’il avait été dans les parages à l’heure du crime.

Fossoyeur Jones et Ed Cercueil comptent utiliser une autre méthode. Puisque tout commence par le vol d’un sac de pièce de l’épicier, autant retrouver ce Pauvre Mec qui a fait le coup. Ce minable, amateur de billard, était trop pressé de prendre la fuite pour remarquer quoi que ce soit. Malgré leurs investigations chez les indics et autres dealers, Fossoyeur Jones et Ed Cercueil risquent de ne récolter que bien peu d’éléments. Après les obsèques de Big Joe, menés avec une ferveur hallucinée par le révérend Short, une bagarre se produit entre le jaloux Johnny Perry et Chink Charllie. La patience et la tolérance de Johnny ont leurs limites, y compris envers le révérend. Fossoyeur Jones et Ed Cercueil parviendront-ils à trouver le coupable ? Rien n’est moins sûr…

Chester Himes : Couché dans le pain (Série Noire, 1959)

Les premiers interrogatoires furent menés par un autre sergent, l’inspecteur Brody, de la Criminelle, en présence des inspecteurs Jones, alias "Fossoyeur," et Johnson, alias "Ed Cercueil".
Ils eurent lieu dans une pièce insonorisée du rez-de-chaussée, baptisée par la pègre de Harlem : "La Bergerie". On disait, en effet, que le client le plus coriace, s’il y marinait longtemps, se transformait toujours en "mouton".
La pièce était éclairée par le cône lumineux d’un plafonnier de trois cent watts braqué sur un petit tabouret vissé dans le plancher, au beau milieu de la pièce. Les innombrables suspects qui s’étaient assis et tortillés sur ce tabouret l’avaient poli comme un miroir.
Le sergent Brody était assis, les coudes sur un vaste bureau déglingué, à côté de la porte. Le bureau se trouvait un peu à l’extérieur de la zone d’ombre qui devait dissimuler le policier chargé de l’interrogatoire aux yeux du suspect qui grillait sous la lumière aveuglante du projecteur.
À une extrémité du bureau, un sténo de la police était assis sur une chaise à dossier droit, son calepin ouvert devant lui.

Ce roman de 1959 (The Crazy Kill / A Jealous Man Can't Win), troisième enquête d’Ed Cercueil et Fossoyeur Jones n’est assurément pas le plus connu de Chester Himes (1909-1984). Grand Prix de Littérature Policière 1958, transposé au cinéma, La reine des pommes” (Rage in Harlem) reste sans nul doute son titre le plus célèbre. Malgré tout, “Couché dans le pain” est un roman extrêmement sympathique. Bien entendu, il s’agit d’une véritable enquête, avec ses énigmes. Et une belle part d’humour (ah, l’Église de la Sainte-Culbute et son prêcheur avec ses visions). Ce qui prime, ce sont les délicieux portraits des protagonistes, authentiques habitants afro-américains de Harlem, qui apparaissent très crédibles. Tout le monde n’y appartient pas à la pègre, ni à des milieux troubles : “Il y a aussi des coupes légitimes à Harlem, fit observer gentiment Fossoyeur”.

Les policiers Noirs désabusés de Harlem, Fossoyeur Jones et Ed Cercueil, illustrent le double problème de leur communauté : la violence et les combines y sont bien présentes, ce qui contribue au racisme contre eux. Quant au thème abordé, c’est la jalousie. Sentiment exacerbé entre homme et femme, mais pas seulement. Car la réussite sociale d’un Johnny Perry attise également l’hostilité à son encontre. “Un travailleur peut pas jouer et un jaloux peut pas gagner, dit Johnny, citant le vieil adage des flambeurs.” Il en a tiré une certaine sagesse, ce qui n’exclut pas une éventuelle culpabilité. Ce roman est une bonne façon de découvrir (ou de redécouvrir) Chester Himes.

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2 janvier 2019 3 02 /01 /janvier /2019 05:55

L’Amérique au milieu des années 1950. Âgé de vingt-neuf ans, Jerry Clinch est emprisonné pour une longue peine. C’est un solitaire, qui ne se mélange pas avec les autres détenus. Ce qui lui vaut de sérieuses inimitiés. Un jour, il reçoit un coup de poignard – qui ne met pas sa vie en danger. Clinch est envoyé à l’infirmerie de la prison. Pas question pour lui de dénoncer le petit caïd qui l’a suriné. Au repos, il est bientôt approché par Dan Moford, qui a des problèmes de santé récurrents. Ce dernier n’est pas un truand, mais un homme d’affaire poursuivi pour malversations financières. L’avocat de Dan Moford va le faire sortir de prison sous peu. Il propose à Clinch de bénéficier des services du même avocat. Quand Clinch sera dehors, Moford aura un job de chauffeur pour lui – car sa propre épouse est une calamité au volant.

Peu après avoir été libéré, Clinch intervient pour protéger la jeune Lola, harcelée par un proxénète. Il est vrai que cette brune paraît fragile, avouant dix-huit ans, mais n’étant probablement pas majeure. Lola et Clinch s’installent ensemble. Hermétique aux sentiments, Clinch ne saurait dire s’il est amoureux d’elle. Du moins, il ne veut pas la perdre. Durant la semaine suivant sa sortie de taule, Clinch dépense beaucoup d’argent pour eux deux, et son pécule fond rapidement. Il se résout à se présenter chez Dan Moford, qui possède une propriété luxueuse. Il fait la connaissance de sa blonde épouse, Rhea. Clinch devrait sauter sur ce poste de chauffeur, logé et nourri, proposé par Moford. Mais il hésite, ce job risquant de l’éloigner de Lola. Compréhensif, Moford lui permet d’avoir des horaires peu contraignants, et de continuer à vivre avec Lola.

La fonction de chauffeur s’avère vite routinière. Si Rhea sympathise bientôt avec Lola, ce n’est pas par hasard. La femme de Moford n’a guère confiance en Clinch, qu’elle voit tel le repris de justice qu’il est. Quant à Lola, elle est sûre que la jeune fille est mineure. De son côté, Clinch découvre l’entourage de Dan Moford. Homme d’affaire se mêlant de politique – la corruption étant toujours utile au bizness – il compte des amis comme Al Carmer ou Mike Leavitt, qui brassent aussi beaucoup d’argent. Bien que sa santé reste instable, Dan Moford est un fêtard, avec ces deux derniers. Au-delà des soirées mondaines, il fréquente un club de jeux clandestins appartenant à Al Carmer. Rhea continue à soupçonner Clinch d’avoir un but néfaste contre Moford. C’est plus sûrement des autres employés de son mari dont elle devrait se méfier, ceux qui s’occupent de l’entretien des voitures de Moford.

Clinch et Lola poursuivent leur vie commune, mais Clinch sent bien que les "amis" de son patron sont loin d’être sincères à son égard. Trop de fric en jeu, que Moford claque avec une générosité quelque peu naïve, et au détriment de sa santé. Au contraire de ce qu’en pense Rhea, ce sera sans doute à Jerry Clinch d’opérer un nettoyage dans l’entourage de Moford…

W.R.Burnett : Tête de lard (Série Noire, 1957)

Si W.R.Burnett (1899-1982) fut un scénariste productif, il reste surtout le meilleur auteur de "romans de gangsters". Non pas que ses romans glorifient la pègre, la plupart de ses héros étant des perdants. Mais il décrit admirablement l’univers des truands, des plus friqués aux plus minables. Ici, la principale qualité de Jerry Clinch, c’est d’être "réglo". Il n’exprime guère ses sentiments, y compris envers la jeune Lola ou envers Moford, ni vis-à-vis des types possiblement louches qui côtoient son patron. Clinch observe, et saura agir le moment venu.

C’est avec finesse que Burnett explore les frontières entre le banditisme et les affaires "légales", avec le flot d’argent que tout cela génère. Une réalité de l’époque ? Les grands mafieux de légende – tels Bugsy Siegel, Al Capone, Lucky Luciano, Meyer Lansky – ont, pour l’essentiel, disparu. Par contre, de multiples caïds profitent à leur tour de leur part du gâteau. Clinch n’en fait pas partie : c’est un exécutant, à ranger dans le camp des perdants. Néanmoins, il possède sa propre morale. Malgré son titre français déplorable, un très bon roman de W.R.Burnett.

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22 décembre 2018 6 22 /12 /décembre /2018 05:55

Sven Nelson est officier en second dans la marine marchande. Ça fait dix-huit ans qu’il bourlingue sur l’océan Pacifique. On le surnomme Swede à cause de son allure de Suédois. Il vient de passer trois ans sur le Lauterbach, bien décidé cette fois à abandonner la mer pour s’acheter une ferme et se marier. Mais Sven a la mauvaise habitude de s’alcooliser au rhum. C’est ainsi qu’il se réveille dans un motel, Le Perroquet violet, situé sur la côte entre Los Angeles et San Diego. La nuit précédente, il s’est bagarré avec un petit voyou du coin qui était aussi ivre que lui. L’individu étant sévèrement blessé, le shérif Cooper ne tarde pas à arrêter Sven. Vu le pedigree de la victime, la justice locale n’a pas de raison d’accabler le marin : il sera rapidement libéré sous caution.

Celle qui est intervenue pour l’aider, c’est la blonde Corliss Mason. Veuve d’un officier de Marine, c’est la séduisante propriétaire du motel Le Perroquet violet. Elle a immédiatement flashé sur Sven, un véritable coup de foudre. Elle correspondrait fort bien au projet actuel du marin : l’épouser et s’acheter une ferme dans sa région natale. Le couple envisage sans délai de se marier. Mamie est la femme du jardinier Meek, plus âgé qu’elle et plutôt antipathique. Employée au restaurant du motel, Mamie conseille à plusieurs reprises à Sven de s’en aller au plus vite. Simple intuition féminine, car elle trouve que l’ambiance n’est pas très saine autour de Corliss et du motel. Un argument qui n’a aucune chance de convaincre Sven, même s’il éprouve de la sympathie pour Mamie.

Cette nuit-là, Corliss est violée par le barman du Beachcomber, Jerry Wolkowysk. Quand elle en informe Sven, la réaction du marin ne se fait pas attendre : il cogne violemment le coupable, le tuant sans s’en rendre compte. Alerter la police, prévenir le shérif Cooper ? Il n’en est pas question pour le couple. Afin de se débarrasser du corps, Sven simule un accident de voiture en faisant chuter le véhicule de Jerry d’une falaise voisine. Il y a peu de risques qu’ils soient soupçonnés de meurtre. Pressés de se marier, Sven et Corliss se rendent au Mexique pour les formalités. Pas de lune de miel pour le couple, qui rentre bientôt au motel. Quelque peu décevant pour Sven, qui replonge dans l’alcool, abusant du rhum. La bienveillante serveuse Mamie lui renouvelle son conseil de s’en aller au plus tôt, prédisant qu’il est en danger – même si ça paraît fort confus.

Si les charges contre Sven dans l’affaire de la bagarre vont être relativisées et le cas sera clos d’ici peu, la disparition de Jerry Wolkowysk a fini par provoquer une enquête. Mais le shérif Cooper est, cette fois, accompagné d’un agent du FBI. Car le barman utilisait une fausse identité. Il était recherché par la police pour une grosse affaire d’escroquerie. Bien qu’il ignorât tout de cela, Sven risque au moins de passer pour complice, et même d’être accusé de meurtre. Il va devoir se dépêtrer de cette situation, la serveuse Mamie restant sans aucun doute sa meilleure alliée…

Day Keene : Le plancher des garces (Série Noire, 1967)

Je le virai du lit et l’envoyai au plancher d’un terrible coup de poing dans la bouche qui fit jaillir du sang.
— Allons, fumier. Debout ! Tu vas recevoir la dérouillée que tu mérites.
Il se mit à quatre pattes en balançant la tête comme un chien. Puis il se mit sur ses pieds. Il était ivre, mais pas complètement. On aurait plutôt dit qu’il était dans la vape, qu’il avait fumé ou mélangé drogue et alcool pour se donner le courage d’accomplir ce qu’il avait fait.
Le cerveau embrumé, il mit du temps à réagir. Enfin, son regard se posa sur Corliss. Il lui cracha du sang au visage.
— Salope ! fit-il d’une voix pâteuse. Ça ne m’étonne pas de toi !
Il avait du mal à s’exprimer d’une manière cohérente. Il avait trois incisives déchaussées qui tremblotaient dans une écume sanguinolente quand il parlait. Il se rassit sur le lit, glissa la main droite sous l’oreiller et en sortit un Colt45 automatique. Il dut déployer toutes ses forces pour le soulever. Ensuite, il le braqua sur moi…

Écrit par Day Keene en 1952, “Le plancher des garces” ne fut publié dans la Série Noire qu’en 1967. On peut préférer le titre original, “Home is the Sailor”, plus évocateur du retour à terre d’un marin dont la vie est depuis longtemps sur les flots mais qui se croit capable d’abandonner la mer. On se doute bien que, s’il entame une histoire amoureuse, ça ne se passera pas aussi simplement qu’il semble. Le contexte est aussi classique que l’intrigue dans le cas présent, suffisamment solides pour entraîner le lecteur dans les mésaventures du héros. On ne peut pas dire qu’il y ait un "regard sur l’Amérique" d’alors, ni d’autre ambition que de raconter la meilleure histoire possible. C’est du polar noir de bon aloi, suspense et énigme à la clé, avec son lot de péripéties. Néanmoins, les romans de Day Keene (1904-1969) s’inscrivent dans la très bonne tradition du genre. Un auteur que l’on aurait tort de négliger.

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16 décembre 2018 7 16 /12 /décembre /2018 05:55

À New York, Bernie Rodenbarr est le propriétaire de Barnegat Books, librairie d’occasions en livres rares ou plus ordinaires. Ce commerce est situé dans la 11e Est, entre University Place et Broadway. Tout près de là, se trouve le salon de toilettage canin de Carolyn Kaiser, meilleure amie lesbienne de Bernie. Chaque soir, ils se retrouvent au Bum Rap, le bar du coin de la rue. Toutefois, l’activité la plus lucrative pour Bernie Rodenbarr, c’est le cambriolage. De tout ce qui a une valeur artistique en particulier. Mais ce jour-là, Carolyn attend Bernie dans l’appartement de celui-ci, s’alcoolisant comme souvent. Son chat birman a été enlevé, et la ravisseuse – qui s’exprime d’une voix gutturale – réclame une rançon de 250.000 $. Une somme que Carolyn est loin de posséder. Heureusement, Bernie est prêt à y remédier.

Qu’est-ce qui représente à peu près le montant exigé ? Une toile du peintre Piet Mondrian (1872-1944) par exemple. Sauf que, même en préparant soigneusement un vol, Bernie est conscient qu’il serait illusoire de dérober un Mondrian dans un musée. Néanmoins, il a une alternative. Il est en relation commerciale avec M.Onderdonk, homme fortuné qui habite l’immeuble Charlemagne, au cœur de New York. Si ce bâtiment de style est ancien, il est hautement sécurisé. À l’origine, ce qui intéressait Bernie, c’était la collection de timbres précieux d’Onderdonk. Ça se négocie assez facilement, les timbres de ce genre. Bernie ayant l’œil à tout, il savait que son voisin John Charles Appling possédait une toile de Mondrian. Ayant un pied dans l’immeuble Charlemagne, Bernie compte donc se risquer à dérober le tableau… qui a disparu entre-temps.

Si cette nuit-là, Bernie fait une sensuelle rencontre avec Andrea, l’amante du propriétaire des lieux, une mauvaise surprise l’attend. Onderdonk a été retrouvé dans le placard de sa chambre, ligoté, bâillonné et le crâne défoncé. Il semble bien que le crime se soit produit alors que Bernie se trouvait à proximité. La police n’a pas besoin de chercher longtemps un coupable : l’inspecteur Ray Kirshmann – qui connaît bien le libraire – procède dès le lendemain à l’arrestation de Bernie. Si son vieil avocat est décédé, Bernie en a un autre sous la main, jeune et sportif, qui ne tarde pas à le faire libérer sous caution. Pourtant, ce sera au libraire lui-même de comprendre les rouages de cette histoire afin d’établir son innocence. Pas si simple alors qu’apparaissent d’autres toiles de Mondrian, probablement fausses, et que l’on peut craindre d’autres meurtres…

Lawrence Block : Le voleur qui aimait Mondrian (Série Noire, 1995)

— J’ai de plus en plus de mal à te considérer comme un libraire et de moins en moins de difficultés à te voir sous les traits d’un cambrioleur. Ce que les journaux appellent un criminel de carrière endurci mais, dans cette affaire, tu serais plutôt un kleptomane prévoyant. Tu es retourné dans un appartement où tu avais laissé tes empreintes la veille au soir ? Et alors que tu étais entré dans l’immeuble sous ton vrai nom ?
— Je ne prétends pas que je n’aurais pas pu prendre une meilleure décision.
— Heureusement. Je ne sais pas, Bernie, mais je ne suis pas davantage certain que tu as pris une meilleure décision quand tu m’as engagé. Je connais bien mon métier, mais mon expérience criminelle est limitée, et je ne peux pas dire que j’ai vraiment beaucoup aidé le client qui avait poignardé deux personnes, même si je ne me suis pas trop cassé parce que j’ai pensé que tout le monde dormirait plus tranquillement quand il ferait des tours de piste à Green Haven. Mais tu as besoin de quelqu’un qui soit capable de manier un mélange de corruption et de négociation de l’inculpation ; et, si tu veux honnêtement mon opinion, ça me dépasse un peu.

Les onze aventures du libraire-cambrioleur new-yorkais Bernie Rodenbarr sont publiées en France chez Série Noire et aux Éditions Seuil, en poche chez Point. Si des séries comme celle ayant pour héros Matt Scudder s’avère très sombres, la tonalité de Lawrence Block est plus souriante – plus légère – autour de Bernie. Certes, des intrigues solides sont développées et ça ne manque ni de péripéties, ni de suspense. Mais l’action vive n’est pas la priorité de l’auteur, qui possède un sacré savoir-faire. Nous sommes les témoins de l’habileté et de la méthode de Bernie, autant que de ses efforts pour s’en sortir le moins mal possible à chaque fois. “Le voleur qui aimait Mondrian” en est un très bon exemple. Tous les romans de cette série sont chaleureusement conseillés.

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8 décembre 2018 6 08 /12 /décembre /2018 05:55

C’est le mois d’août à Isola, métropole américaine. Au commissariat du 87e, il ne reste plus guère que Steve Carella et Cotton Hawes pour enquêter. Récemment, l’entrepôt de Roger Grimm a été incendié. Mais les assurances refusent de payer tant que la police n’a pas bouclé le dossier. C’était l’inspecteur Andy Parker qui en était chargé. Il est parti en vacances sans conclure le cas. Ce qui ne surprend pas Carella, qui connaît le caractère paresseux et négligé de son collègue qu’il n’aime pas du tout. Grimm risque fort de ne plus pouvoir poursuivre son activité d’importation. Il faisait venir d’Allemagne des petits jouets en bois, de petits animaux qui se vendent semble-t-il très bien. Faute de capitaux, si les assurances ne remboursent pas, c’est la ruine pour lui.

Tandis que la maison de Roger Grimm est, à son tour, victime d’un incendie, Steve Carella n’exclut aucune hypothèse. Est-ce l’œuvre d’un pyromane, ou une escroquerie aux assurances ? Pour le policier Parker, il n’y a pas à soupçonner Grimm. Carella se rend à l’entrepôt, et ne tarde pas à comprendre le système de mise à feu. L’acte criminel ne fait pas de doute, d’autant qu’on a endormi les deux gardiens de nuit – que Carella interroge. Entre-temps, Frank Readon – le gardien de jour, est assassiné. C’est Cotton Hawes qui va visiter l’appartement de ce dernier. Selon des témoignages, Reardon a reçu ces temps-ci plusieurs fois la visite amicale de deux Noirs et d’une jeune femme, Noire aussi, aux allures de prostituée. Cotton Hawes est un policier efficace : il identifie rapidement un des Noirs en question.

Ce Charles Harrod habite Diamondback, le ghetto de la ville. Il n’est pas chez lui, mais Hawes tombe sur sa compagne, Elisabeth Benjamin. Il est curieux que cet appartement soit truffé de micros, ce que Harrod et la jeune femme n’ignorent pas. Toutefois, Elisabeth prétend ne rien savoir de plus. Après le départ de Hawes, elle tente pourtant d’avertir Charles Harrod. Celui-ci est bientôt retrouvé mort, après avoir été sauvagement agressé, dans l’immeuble où se situe la société qui l’employait. Il s’agit d’une agence immobilière, des investisseurs noirs ayant pour projet de réhabiliter le quartier décrépi de ghetto de Diamondback. Néanmoins, le train de vie luxueux de Harrod ne pouvait se financer avec le maigre salaire qu’il percevait de cette agence immobilière. Ce que pense aussi l’inspecteur raciste Oliver Weeks, chargé d’enquêter sur ce meurtre-là.

Tandis que Steve Carella examine de près les comptes de Roger Grimm, son collègue Hawes perquisitionne méthodiquement l’appartement de Charles Harrod. Il finit par dénicher un Smith & Wesson 9mm planqué dans le réfrigérateur. C’est probablement l’arme qui a servi à abattre Reardon, le gardien de jour de l’entrepôt. L’inspecteur Weeks n’est pas convaincu de la parfaite légalité de la société immobilière, bien qu’elle mène effectivement des projets à Diamondback. Elisabeth Benjamin appelle au secours Cotton Hawes quand elle est agressée chez Harrod. S’il intervient trop tard, la jeune femme étant grièvement blessée avant d’être hospitalisée, Hawes va disposer de très bons indices sur l’identité des brutes… grâce aux micros "cachés" dans le logement. Cette fois, il est sur la bonne voie. Carella et l’inspecteur Weeks progressent eux aussi…

Ed McBain : Flouze (Série Noire, 1975)

Tout d’abord, il supposa que Reardon avait ouvert la porte à son assassin et qu’il avait été surpris par une fusillade rapide et mortelle. Mais ça n’expliquait pas la grille ouverte. Elle était fermée au cadenas quand Carella avait visité l’entrepôt au début de l’après-midi, et Reardon l’avait ouverte de l’intérieur avec une clé de son trousseau. Il avait refermé la grille à clé avant de faire visiter l’entrepôt à Carella et, après la visite, il était retourné avec lui à la grille, il avait rouvert le cadenas, il avait fait sortir Carella et refermé immédiatement derrière lui. Alors comment l’assassin était-il parvenu derrière la grille ? Il n’aurait pas risqué de passer par-dessus en plein jour. La seule réponse, c’était que Readon l’avait fait entrer.

Ed McBain faisait partager à ses lecteurs les enquêtes du 87e District depuis 1956 quand il écrivit ce “Flouze” en 1974. C’est dire qu’il maîtrisait parfaitement ses intrigues et l’univers de son commissariat. Pas de déception à craindre donc, bien au contraire. Avec toujours un regard lucide sur la société américaine de son temps. Oui, certains flics comme Andy Parker manquent de conscience professionnelle. Et d’autres tel Oliver Weeks ne masquent guère leur racisme, alors que banditisme et criminalité ne touchent pas que les Afro-Américains. Oui, à l’image des “Vénérables Crânes”, des gangs de Noirs existent, montrant une image plutôt positive éloignée des réalités. Steve Carella et Cotton Hawes sont des policiers de base, mais qui possèdent autant d’intuition que de persévérance, sans préjugés. Ils en apportent la démonstration dans cet épisode, d’excellent niveau.

Ed McBain : Flouze (Série Noire, 1975)
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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 05:55

Habitant Sanport, Russel Foley est lieutenant de bord sur un pétrolier faisant du cabotage sur la côte sud-est de États-Unis. Une vie de marin incompatible avec le mariage, sa jeune épouse ayant bien vite décidé de divorcer. Cette nuit-là, de retour chez lui, Foley a eu une vie altercation avec son voisin Charles L.Stedman, inspecteur de police. Cynique "homme à femmes", ce dernier a fricoté avec l’épouse de Foley en son absence. Ça s’est terminé par une vive bagarre entre les deux voisins. Le problème, c’est que le policier Stedman a été retrouvé mort poignardé peu après, et que Russel Foley fait fatalement figure de suspect principal. Très rapidement, il a pris la fuite, se réfugiant dans un cottage inoccupé d’une bourgade en bord de mer, à quelques dizaines de kilomètres de là. Foley ayant laissé des traces de sa fuite, le secteur est bientôt quadrillé par la police.

C’est dans le chalet de Suzy Patton qu’il a trouvé provisoirement refuge. Trentenaire, la jeune femme est une romancière assez désabusée. De passage à son cottage, elle tombe sur Foley. Suzy accepte d’écouter sa version des faits. Son histoire étant aussi stupide qu’extravagante, elle y croit sans trop hésiter. Néanmoins, quand Suzy lui échappe, Foley a des raisons de craindre qu’elle le dénonce. Au contraire, elle revient le lendemain, et le cache dans sa voiture pour regagner Sanport. Rentrer directement chez lui est impossible, et aller aussitôt chez Suzy serait terriblement imprudent. Le seul sur qui il puisse peut-être compter, c’est Red Lanigan, amical patron d’un bar où il a ses habitudes. Il réussit à le contacter par téléphone, sans éveiller les soupçons de la police. Red Lanigan suppose qu’une belle inconnue, rôdant récemment autour du fic Stedman, pourrait être la tueuse.

Fuyant toujours la police, Foley se retrouve seul au milieu de la nuit, ignorant comment renouer avec Suzy. C’est elle qui, via le bar de Red Lanigan, réussit à lui communiquer son adresse. Foley s’installe chez elle, le temps de prendre un peu de repos. Convaincue qu’il n’a pas quitté la ville, la police ne relâche pas la pression, toujours sans succès. Foley et Suzy cherchent d’autres indices sur la victime. Partenaire de Stedman, le flic Purcell se serait suicidé quelques temps plus tôt. Étonnant sans doute, car il n’était pas moins véreux et cynique que son coéquipier. Tous deux avaient abattu il y a peu un malfaiteur nommé Danny Bullard, impliqué dans un casse. L’autre piste à explorer, c’est d’établir l’identité de cette jeune inconnue. Si le nom Shiloh mérite d’être retenu par Foley et Suzy, c’est qu’il s’agit d’une usine de machines-outils où est employée cette femme.

Bien que le policier Stedman ait été un grand séducteur, ce n’est probablement pas une histoire de femmes qui a conduit à sa mort. Encore faut-il à Foley posséder suffisamment d’éléments pour le démontrer. Malgré l’aide de Suzy Patton, c’est une enquête semée d’embûches qui l’attend encore, avec la police aux trousses…

Charles Williams : Mieux vaut courir (Série Noire, 1959)

Je me relevai et me mis à courir. J’entendais derrière moi les sirènes de la police, allant crescendo à mesure que d’autres voitures venaient rejoindre la première. Je courus jusqu’à ce que j’eusse un point de côté et que je ne puisse plus respirer.
Enfin, je m’assis le dos contre le ciment du parapet. La pluie battait le bord de mon chapeau. Ils savaient à présent que j’étais de retour à Sanport. Et j’avais perdu Suzy. Je ne connaissais ni son adresse, ni son numéro de téléphone, et même si je trouvais encore une cabine publique, et son nom dans l’annuaire, je ne pourrais pas lui téléphoner. J’avais cent soixante-quinze dollars en poche, mais pas un sou de monnaie.

Pilier de la Série Noire dès les années 1950, Charles Williams (1909-1975) utilise ici une des grandes thématiques du polar : l’innocent devant prouver qu’il n’est pas l’assassin alors que tout le désigne et que la police est sur ses traces. S’en sortir seul est impossible quand on ne possède pas l’esprit du criminel, et que l’on ignore les véritables raisons du meurtre. Heureusement, le marin Foley – qui redoute de se faire alpaguer à tout moment – tombe sur une complice d’occasion. La romancière Suzy est bienveillante à souhaits. Et le patron de bar Red fait aussi ce qu’il peut pour qu’il sorte du pétrin.

Ce qui est entraînant, c’est que Charles Williams n’abuse pas d’une ambiance exagérément lourde et noire. La pression est forte autour de son héros, mais la narration reste très fluide. Un équilibre parfaitement dosé, sur une intrigue aussi énigmatique que solide. Si l’on a retenu des succès tels “Fantasia chez les ploucs” (retraduit en français et en intégralité chez Gallmeister en 2017 sous le titre “Le Bikini de diamants”), bien d’autres titres de Charles Williams sont passionnants à lire ou relire. Notons que, comme une douzaine de romans de cet auteur portés à l’écran, “Mieux vaut courir” fut adapté en 1989 pour un téléfilm français réalisé d’Élisabeth Rappeneau, avec Christian Clavier et Carmen Maura dans les rôles principaux.

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22 novembre 2018 4 22 /11 /novembre /2018 05:55

Californie, 1959. Âgé de vingt-sept ans, Johnny Aloha est natif d’Hawaï, territoire américain depuis le 14 juin 1900, qui sera sans tarder le 50e État à adhérer à l’union. Fils d’une vahiné et d’un militaire resté anonyme, Johnny a connu une enfance difficile, mais il se montra débrouillard dès sa prime adolescence. Voilà quelques années qu’il s’est installé à Los Angeles comme détective privé. Il n’a pas tardé à prouver son efficacité à résoudre avec succès les affaires qu’on lui confiait. Encore récemment, il a débarrassé le Chinatown de San Francisco d’un truand aussi dangereux qu’envahissant. Il est temps pour Johnny Aloha de s’accorder un peu de vacances dans son île d’origine.

C’est alors qu’il est contacté avec insistance par Gwen Cordovan, qui aura vingt-et-un ans d’ici quelques jours, et héritera de la fortune de son défunt père. Elle offre 5000 dollars à Johnny pour retrouver sa mère, Hope Starr. En effet, le détective a naguère connu cette femme à Hawaï. Hope Starr était une fêtarde, alcoolique et nymphomane. En quelques années, elle s’est mariée sept fois, elle a beaucoup voyagé avec ses époux, continuant les mêmes frasques. Des escapades qui coûtent cher, entre jeu d’argent, nuits arrosées et fête avec des hommes de rencontre. Marié avec Hope depuis deux ans, le très british colonel John Hare s’est lassé de ces turpitudes et envisage de divorcer.

Curieux de découvrir ce que cache cette disparition d’Hope Starr, c’est par le club de Joe Connors que Johnny débute son enquête. Elle a entubé le patron de l’établissement à hauteur de 10000 $. Le détective suit la trace des hôtels où Hope et son compagnon du moment se sont affichés, extravertis au point d’être virés de certains de ces hôtels. C’est avec le jeune lieutenant Stan Michaels que Hope a passé ces derniers jours. Johnny trouve bien vite la famille de cet homme. Le père, le frère, la sœur et leurs sbires cognent le détective – il lui en faudrait plus pour renoncer, affirmant que Stan Michaels et Hope Starr sont fiancés, qu’ils vont se marier d’ici très peu de temps. Bigamie ? Intéressant.

Gwen, qui n’est pas insensible au charme avéré du Haïtien, accompagne Johnny à Big Bear, la station touristique de montagne où doit être célébré ledit mariage. En effet, le couple ne s’y cache guère – la cérémonie étant pour bientôt, ce que vérifie le détective. Alors qu’il se présente dans leur chambre, Johnny constate que Stan Michaels vient d’être abattu – la silhouette de la tireuse semblant être celle de Hope Starr. Le détective est lui-même la cible de la femme qui s’enfuit, mais n’est pas blessé – il ne manque pas de réflexes. Ayant averti Gwen de l’acte criminel de sa mère frisant l’hystérie, Johnny alerte rapidement la police locale, en la personne du compétent policier Anderson.

Il n’est pas anormal qu’Anderson suspecte dans un premier temps Johnny Aloha, tant l’ensemble de l’affaire apparaît incroyable. Mais le policier a vite la confirmation du sérieux professionnel du détective. Et puis, certains détails sont étonnants : par exemple, on ne retrouve aucune empreinte de Hope Starr dans la chambre du crime où sa victime et elle s’en sont pourtant donné à cœur-joie dans les heures précédentes. Tandis que, rentré à Los Angeles, Johnny est une fois de plus menacé par un Chinois costaud, le détective commence à cerner les mystères de la disparition d’Hope et du meurtre. C’est la nommée Hilda Brunner qui détient les clés de cette affaire…

Day Keene : Vice sans fin (Série Noire, 1959)

Avec ce roman (titré en VO “Johnny Aloha ou Death in Bed”), Day Keene (1904-1969) donnait une nouvelle démonstration de son talent de romancier. Mettre en scène un détective privé californien n’aurait rien eu de vraiment novateur, le polar de l’époque en regorge. Mais c’est un personnage singulier qu’il présente, s’inscrivant dans l’Histoire des États-Unis – l’actualité d’alors soulignant l’entrée d’Hawaï parmi les étoiles du drapeau américain. Kioni – rebaptisé Johnny – Aloha n’a rien du détective loser, ni marginal, avec un parcours volontaire faisant de lui un citoyen digne de sa nationalité. Ce n’est pas la grosse somme proposée qui l’incite à renoncer à ses vacances, mais le fait qu’il ait connu la disparue – déjà exubérante – bien des années plus tôt.

Enquête classique ? Certes, mais fort énigmatique et qui ne manque ni de péripéties, ni d’ambiance. Il est vrai que cette Hope Starr a mené depuis une vingtaine d’années une vie des plus agitées, collectionnant les riches maris et les titres de noblesse. On suit avec un grand plaisir les investigations de l’intrépide détective – qui sera secoué dans la bonne tradition, racontées avec une belle fluidité. Encore un très bon titre de Day Keene.

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