À Vigàta, en Sicile, un couple frère-sœur de vieux calotins enfermés dans leur immeuble s'est mis à menacer tout le monde. Le commissaire Salvo Montalbano, forcément, il a été obligé d'intervenir. Malgré ses cinquante-sept ans, il a eu fière allure sur la grande échelle des pompiers, à l'assaut du bâtiment. Les deux Palmisano, il n'a pas fallu longtemps pour les arrêter. Quand même, Montalbano s'est retrouvé au milieu d'une forêt de crucifix, puis face à des pianos où un rat jouait de la musique, à la lumière tremblotante d'une lampe à pétrole, puis en présence d'une poupée gonflable très usagée appartenant au propriétaire des lieux. Un reportage de TéléVigàta a témoigné du capharnaüm où vivait le couple de bigots, internés depuis, en s'attardant perversement sur la poupée décrépite.
Montalbano, le légiste Pasquano et toutes les autorités sont alertés quand on en retrouve bientôt une deuxième, une poupée gonflable identique. Le commissaire organise un genre de confrontation des deux, qui datent d'une trentaine d'années. La seconde a été copiée, pour les défauts dus au vieillissement de l'objet, mais des différences existent. La pauvre Adelina, chargée du ménage et de la cuisine chez Salvo, risque d'être épouvantée par ces deux faux cadavres. Un vieux neveu des deux dévots cinglés s'informe déjà, quant à un possible héritage. Par ailleurs, Montalbano a reçu un courrier qui l'invite à un jeu de piste. Dès la deuxième étape, il doit récupérer la copie des plans de Vigàta, afin de s'y repérer. Il suit à la lettre le chemin indiqué, trouvant une baraque où son image est omniprésente.
Les poupées causent à Salvo des tracassins en cascade. Il se demande s'il est bien utile de persévérer dans cette chasse au trésor insoluble. Arturo, un ami étudiant de sa copine Ingrid Sjostrom, voudrait connaître les méthodes d'investigation du commissaire. Avec ses airs d'Harry Potter, celui-là pourrait l'aider pour les indices du jeu de piste. Et en voilà un autre, un gros paquet qui ne contient pas d'explosif mais une tête. L'adversaire prend-il Salvo pour un agneau ? Le nouveau texte mène Montalbano à un profond étang, du côté de Gallotta. Son collègue Fazio "s'arappelle" qu'il s'y produisit jadis un drame familial.
Cette drôle d'histoire n'arrange guère les rapports, téléphoniques et déjà tendus, de Salvo avec sa fiancée Livia, là-bas à Boccadasse, dans la région de Gênes. Survient alors la disparition d'une jeune fille, Ninetta. Peut-être une "fuitina", fugue amoureuse ? C'est plus sûrement un enlèvement, car elle a été précédemment agressée. Et probablement une erreur, vu que Ninetta ressemble beaucoup à une autre femme, prostituée. S'il y a un lien, le curieux jeu de piste commencerait-il à prendre un tour plus cruel ? C'est bien un duel, les motivations de l'adversaire visant Montalbano "pirsonnellement en pirsonne", comme dirait le brave agent Catarella…
Lorsqu'on veut s'offrir une lecture garantie sans déception, il suffit de suivre Montalbano dans ses aventures. Roman d'enquête ? La formule ne s'applique que dans un sens large, avec cette nouvelle affaire. Il s'agirait plutôt d'un puzzle, où s'entrecroisent la vie privée du commissaire sicilien et son métier. Ensuqué par le manque d'action, ayant moins d'appétit, rousinant volontiers et ronchonnant souvent, le célèbre habitant de Marinella n'a guère le sentiment d'être au cœur d'un problème criminel, jusqu'à ce que…
Un strict "jeu de piste" serait déjà assez sympathique. On peut compter sur la virtuosité du Maestro Camilleri pour y apporter une tonalité plus alléchante encore. Le récit est enjoué, émaillé de scènes souriantes. Normal quand tout commence par des poupées gonflables, fussent-elles usagées. On aura même droit à un délicieux quiproquo, le fils d'Adelina ayant mal compris le souhait du commissaire. Autour de Salvo, on retrouve avec grand plaisir les policiers Fazio, Mimì Augello, Gallo et Galluzzo. Sans oublier notre désopilant ami Catarella, ainsi que l'attirante suédoise Ingrid. Encore un fort excitant et amusant épisode dans l'univers de Montalbano.
- "La chasse au trésor" d'Andrea Camilleri est disponible dès le 8 janvier -
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