En ce début des années 2000, André Pastrella est âgé de vingt-deux ans. Suisse d'origine italienne habitant Genève, il ambitionne une carrière d'écrivain. Vivotant grâce à des jobs incertains et de courte durée, André garde l'espoir de publier ─ s'il parvient à venir au bout d'un premier livre. Ces derniers temps, il s'est trouvé le modèle parfait. “La volonté portait désormais un nom : Arturo Bandini, alias John Fante. J'avais trouvé mon alter ego. Les mots n'étaient plus une supposition, ils existaient, on pouvait les écrire comme ça.” Il dispose même d'un semblant d'univers stable, en la personne de sa voisine âgée aveugle. Mais celle-ci va être bientôt hospitalisée. André engage une jeune femme pour lui faire la lecture. Il s'avoue ne pas être insensible à la belle Karla, une Polonaise.
Le décès de la vieille voisine correspond à la fin de son job du moment. André voudrait bien rester en contact avec l'attirante Karla. Un soir, quand son voisin Bernard – un foutu taré qui parle de lui à la troisième personne, Bébert – est agressé par deux Colombiens, André intervient. Ce qui lui vaut quelques bosses : “Je me sentais comme Philip Marlowe quand il est amoché. Le style en moins.” Pour éviter d'autres ennuis, Bébert cache chez lui un paquet de drogue. Voilà André receleur, encore qu'il se sente surtout pigeon. Tandis que s'installe à côté une nouvelle voisine, la jeune pianiste Juliette, André gagne quelques sous comme figurant sur un tournage. C'est dans un club à strip-tease qu'il retrouve “sa” Karla. Mais elle fuit tout rapprochement avec lui, ne montrant aucun sentiment.
La jeune femme ayant vite disparu du club, André aidé par Bébert doivent secouer le personnel pour obtenir des infos. Hélas, Karla est déjà en partance. En manque de femme, André va rencontrer des prostituées toutes nommées Cindy. La manière directe est plus efficace et excitante que la mélancolie avec les putes, il s'en aperçoit. Car ce n'est pas dans ses boulots qu'il peut s'éclater, ni avec sa voisine Juliette. Des soirées traînassantes, où ils ne partagent que de l'alcool et des joints, ça ne fait guère évoluer leur improbable relation intime. On a cru Bébert mort, il s'est réfugié sous le soleil de Miami. Laissant ainsi son paquet de drogue à la disposition d'André. Le pactole ? Après une hospitalisation pour occlusion intestinale, les galères continent pour l'écrivain en herbe…
Avec des romans noirs singuliers tels que “Remington” (2008), “220 volts” (2011), “Trash circus” (2012) ou “Misty” (2013), Joseph Incardona s'est taillé une belle réputation chez les lecteurs de polars. L'éditeur suisse BSN Press a l'excellente idée de rééditer son tout premier titre, datant de 2002, dans une version entièrement révisée. C'est un bon moyen de redécouvrir les débuts de cet auteur plein de talent. De la fantaisie, il n'en manquait déjà pas, on pourra le vérifier ici.
André Pastrella, l'anti-héros, est quelque peu le double d'Incardona (comme Bandini, pour John Fante). Il serait très facile de le qualifier de loser, de ne voir qu'une facette, celle de l'éternel perdant. Avec son voisin Bébert, ils font la paire dans le genre vaincus d'office. En réalité, André accumule les expériences de vie, certes rarement florissantes. Dans ses boulots de grouillot, ça ne va jamais très loin. Avec les femmes, ce n'est pas une réussite. La seule qui l'aimait bien était aveugle, c'est dire. Ces ratages divers et variés, voilà ce qui rend évidemment sympathique le pauvre André, circulant dans sa Fiat hors d'âge. Et ça nous fait beaucoup rire. Par exemple, quand il se retrouve à l'Hôpital Cantonal, il espérait mieux : “Je ne sais pas, moi, la clinique Rothschild, l'hôpital Beaulieu, un truc classe, des infirmières roulées comme des pin-up et des mousses diététiques au dessert.” Un roman animé diablement agréable, aucun doute.
Consultez le site des éditions BSN Press.
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