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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 04:55

Une petite ville d'Ontario, au Canada, sur la rive du lac Kissinan, en 1980. Leland King, dit Lee, est de retour après avoir passé dix-sept ans en prison. C'est surtout parce que sa mère n'en a plus pour longtemps à vivre que ce quadragénaire revient ici. Il y retrouve sa sœur Donna, mariée au pasteur Barry, de l’Église du tabernacle galiléen. Le couple a deux enfants d'environ sept ans, plus le fils de Donna âgé d'à peine dix-huit ans, Pete. Celui-ci est employé dans une station-service, après avoir quitté le lycée.

En prison, Lee a appris le métier de menuisier, profession qui lui plaît vraiment. Grâce au pasteur Barry, il dispose d'un petit logement, et il a été engagé par l'entrepreneur Clifton Murray. Lee préférerait s'occuper plus de menuiserie que de charpentes. Néanmoins, il sympathise vite avec son collègue Bud. Helen, la serveuse de l'Owl Café où Lee prend ses habitudes, ne tarde pas à l'attirer. Femme d'expérience, elle le surnomme Œil-de-velours.

Retraité de la police locale, Stan Maitland vit avec son chien Cassius à Echo Point, non loin du lac. Sa fille est mariée avec l'actuel chef de la police, homme strict ne supportant pas que son beau-père se croit encore enquêteur. Pourtant, ayant découvert le corps de la jeune Judy Lacroix après son suicide, Stan trouve que c'est suspect. Il reste informé grâce à son ami et ex-collègue Dick. Il interroge la sœur de Judy, qui lui confirme que cette fille était gravement souffrante. Certes, une récente déception amoureuse peut expliquer le geste fatal de Judy. Stan remonte la piste jusqu'à Colin Gilmore, un petit voyou qui a pour QG le relais routier North Star. L'ancien policier est rapidement éjecté de ce bar, et doit subir le vif mécontentement de son gendre.

Bien qu'ils n'appartiennent pas aux mêmes milieux religieux et scolaires, Pete est tombé amoureux de la jeune Emily, admirable pianiste. Ce qui suscite la jalousie de Roger et de ses violents amis, du même lycée qu'elle. Emily n'est autre que la petite-fille de Stan, et la fille du chef de la police. Ce dernier tient à l'œil Lee, et cache peu son aversion pour Pete. Sans doute est-ce le retour de son oncle sorti de prison, autant que cet épisode romantique, qui incitent le garçon à se poser des questions sur ses propres origines. Car il ne sait rien de son père. Pete reste en retrait vis-à-vis du pasteur Barry, dont la croyance lui paraît excessive. Il se demande pourquoi l'homme d'église a engagé une certaine Mrs Adams, avec laquelle Pete fut intime à une récente époque.

De son côté, Lee s'est remis à boire quelque peu d'alcool, Helen n'hésitant guère elle aussi à en abuser. Il a renoué avec un de ses amis de jeunesse, le fêtard Speedy. Celui-ci le met en contact avec Colin Gilmore, mais Lee n'a pas envie de s'associer aux affaires louches de ce type, au risque de glisser sur une mauvaise pente. Un accident mortel lié à un chantier de Clifton Murray va remettre en cause la bonne volonté de Lee. Stan Maitland est venu en aide à Lee en cette occasion, réalisant que celui-ci n'est pas le monstre qu'il conduisit jadis en prison. Si Pete a été proche de son oncle, les révélations que Lee lui confie sur le passé ne seront pas sans conséquences...

Matt Lennox : Rédemption (Éd.Albin Michel, 2014) – Coup de cœur –

Un roman remarquable, magnifique...

On n'a presque envie de n'ajouter ni commentaire, ni superlatif. Peu importe l'étiquette qu'on voudra lui attribuer, polar noir ou autre, ce livre possède cette force qui n'appartient qu'aux grands romans. Un homme qui sort d'une longue peine de prison et revient dans sa ville, voilà le postulat le plus ordinaire qui soit. Pour captiver sur ce sujet, il est donc indispensable de concevoir une intrigue supérieure, et de la maîtriser. C'est effectivement le cas de cette histoire, si justement nuancée.

Lorsqu'on évoque une population issue du quotidien, ayant une vie plutôt simple, la notion de bons et de méchants s'efface ou devient plus relative. Des préjugés contre un ancien condamné existent. Le pieux entrepreneur Murray n'est pas si correct qu'il l'affiche. Les obsessions soupçonneuses de l'ex-flic Stan peuvent agacer, de même que l'attitude de son gendre. La bande autour de Colin Gilmore inspire une méfiante antipathie. On est perplexe concernant des gens trop bienveillants comme le pasteur Barry et son Église du tabernacle galiléen. Pourtant, malgré les défauts de chacun, l'auteur invite ses lecteurs à observer ce microcosme avec tolérance et humanisme, sans les accabler.

Outre le cas de Lee, dont on verra si ce nouveau départ est rédempteur ou non, on suit aussi celui du jeune Pete. Il traverse une étape cruciale de sa vie, probablement un point de non-retour vers la maturité. Pour l'oncle et le neveu, l'expérience n'est pas exempte de dureté... Un reflet de la vraie vie, cruelle parfois, où nul n'est jamais héroïque.

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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 04:55

Il est fort possible que ce roman soit quelque peu passé inaperçu auprès des amateurs de polars mystérieux, qui auront juste noté que l'auteure est la fille de James Lee Burke, grand nom du roman noir. Née en 1969 à Fort Lauderdale (Floride), Alafair Burke a écrit une dizaines de suspenses. Une de ses séries met en scène Samatha Kincaid, procureure à Portland. Ellie Hatcher, une détective de la police new-yorkaise, est l'héroïne de sa seconde série.

Par ailleurs, elle a écrit cet unitaire, à l'intrigue énigmatique...

La rousse Alice Humphrey est une célibataire new-yorkaise de trente-sept ans. Elle a eu longtemps un parcours professionnel indécis. “Deux ans de pub dans une société de cosmétiques. Un mariage et trois années désastreuses à Saint-Louis avant de réaliser son erreur. Elle était ensuite retournée à l’école pour passer un master en beaux-arts, puis était entrée au bureau du développement de ce qu’elle pensait être le lieu le plus prestigieux au monde – le Metropolitan Museum of Art.” Alice en a été récemment licenciée. Fille d'un célèbre cinéaste et d'une ex-actrice, elle a un frère aîné, Ben. Ce dernier est un junkie censé s'être éloigné de la drogue. Le riche Frank Humphrey, leur père, mène une vie plus discrète depuis qu'il a été impliqué dans un scandale sexuel. Alice a eu une relation durant plusieurs années avec Jeff Wilkerson. Ils ne vivent plus ensemble, mais restent proches. Lily Harper est la seule véritable amie d'Alice.

Alice rencontre par hasard Drew Campbell. Intermédiaire financier, il cherche justement quelqu'un pour diriger une future galerie d'art. Face à l'enthousiasme d'Alice, Lily est sceptique. Drew taisant le nom de son commanditaire, Alice se méfie un peu. Pourtant, le projet se réalise bientôt. Certes, il est compliqué de défendre l'exposition des photos d'un artiste provocateur inconnu. À l'initiative de George Hardy, des adeptes de l’Église de la Rédemption manifestent devant la galerie, affirmant que certaines photos ont été réalisées avec une mineure. Dès le lendemain, Alice découvre le cadavre de Drew Campbell dans la galerie, qui a été vidée entièrement. Elle possède trop peu de détails pour renseigner le duo de policiers du NYPD qui l'interrogent. Alice pense n'avoir rien à craindre. Mais les enquêteurs disposent d'une photo compromettante de Drew et d'Alice.

En parallèle, Hank Beckman surveille un escroc qu'il a repéré. Homme mûr, cet agent du FBI expérimenté agit là plutôt pour des motifs personnels contre le nommé Travis Larson. Par ailleurs, à Dover (New Jersey), une adolescente a disparu. Âgée de quinze ans, Becca Stevenson a été élevée seule par sa mère Joann. Le policier Jason Morhart pourrait conclure qu'il s'agit d'une simple fugue. Morhart mène une enquête sérieuse. Sa principale piste le conduit à New York...

Alafair Burke : Jamais vue – dispo en format poche, chez Points

Devoir se défendre face à une suspicion de meurtre, c'est un thème habituel du polar. Beaucoup de talent est donc indispensable pour exploiter ce sujet de façon convaincante. Surtout quand l'action se passe à New York, ville où tout peut arriver, autour d'une de ces improbables galeries d'art qui y fleurissent. Ici, l'héroïne elle-même n'ignore pas le côté éphémère de ces endroits. Alafair Burke réussit le bel exploit de construire une histoire parfaitement crédible et vraiment solide. À tel point qu'on finit par être fascinés par les péripéties de cette affaire. La mise en place narrative, où alternent le cas d'Alice et deux autres enquêtes, nous laisse bien sûr penser qu'il existe un rapport entre ces faits. Avec finesse, l'auteure distille progressivement les informations. Y compris sur l'univers d'Alice, ce qui permet de vérifier en quoi la jeune femme est une proie facile. On évite de nous imposer un climat oppressant, risquant d'être artificiel. Si le dénouement s'étale un peu, c'est justifié par ce qui précède. Puisqu'il est disponible chez Points dès le 15 mai 2014, bonne occasion de découvrir cette romancière à travers ce suspense très réussi.

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10 mai 2014 6 10 /05 /mai /2014 05:38

Où trouve-t-on chaque année le gratin des auteurs de polars, le nec plus ultra des auteurs de romans noirs, la fine fleur des auteurs BD et romans jeunesse ? Où sont réunis ces grands noms français, internationaux et régionaux, venus à la rencontre des lecteurs ? C'est à la salle Cap Caval, de Penmarc'h. Oui, c'est tout au bout du sud-Finistère, pas loin de la Pointe de la Torche appréciée des surfeurs, à trente kilomètres au sud-est de Quimper. Pourtant, les auteurs répondent présent grâce au dynamisme d'une équipe de bénévoles, qui offrent chaque année au public une véritable “Fête du polar” en ce week-end de Pentecôte.

Festival Le Goéland Masqué à Penmarc'h (29) du 6 au 9 juin 2014

Les romanciers annoncés : Heinrich STEINFEST (Autriche), Nadine MONFILS (Belgique), Marcelo LUJAN et Carlos SALEM (Espagne/Argentine), Petros MARKARIS (Grèce), Eoin McNAMEE (Irlande), Francesco de FILIPPO et Gioacchino CRIACO (Italie), Mine G..KIRIKKANAT (Turquie).

Les romanciers Francais : Gérard ALLE, Jean-Michel ARNAUD, Patrick BENT, Christian BLANCHARD, Antoine BLOCIER, Gilles BORNAIS, Thierry BOURCY, Jean-François COATMEUR, Yvon COQUIL, Gilles DEL PAPPAS, Jean FAILLER, Lucas FOURNIER, Jean-Pierre GATTEGNO, Stéphane JAFFREZIC, Jean-Louis KERGUILLEC, Bernard LARHANT, Firmin LE BOURHIS, Serge LE GALL, Françoise LE MER, Nicolas MATHIEU, Claude MESPLEDE, Ricardo MONTSERRAT, Max OBIONE, Jean-Bernard POUY, Patrick RAYNAL, Laurent SEGALEN, Gérard STREIFF, Marie VAILLANT, et Hubert TEZENAS (Lauréat du Prix Goéland Masqué 2014).

Les auteurs de BD : Oriol HERNANDEZ SANCHEZ, Josep HOMS (Espagne), BRIAC, Stéphane HEURTEAU, François BOURGEON, Bernard CICCOLINI, Alain GOUTAL, Florent GROUAZEL, Younn LOCARD, et Eric SAGOT (Lauréat du Prix BD 2014).

Les auteurs jeunesse : Marianne LARVOL, Stéphane MOYSAN, et Antoine BLOCIER, Max OBIONE, Carlos SALEM et Gérard STREIFF écrivent aussi pour la jeunesse. Les auteurs en langue bretonne : Yann BIJER, Annie COZ, Erwan HUPEL.

Les autres invité(e)s : Laura MUNOZ (Réalisatrice), Hervé DELOUCHE (Association 813), Gwenaëlle DENOYERS, Frédéric BRUMENT (Editions Wombat). Avec la participation des Ed.Wombat et de la revue 813 (des littératures policières).

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 04:55

Mère d'une ado de quinze ans, Laure Grenadier est la rédactrice en chef d'un magazine consacré à la gastronomie sous tous ses aspects, “Plaisirs de table”. Avec son photographe Paco Alvarez, elle séjourne à Lyon pour un reportage sur cette ville et ses grands chefs de cuisine. La tradition remonte aux “Mères” qui créèrent des restaurants de qualité, et s'est poursuivie avec Paul Bocuse et toute une constellation de cuisiniers étoilés.

Dès son arrivée, Laure apprend la mort de l'un d'eux, Jérôme Thévenay, qu'elle connaissait bien. Il a été agressé et tué par étouffement dans sa cuisine après le service. Laure et Paco dînent au restaurant de Gilles Mandrin, proche de la victime. S'il est sous le choc, la gastronomie garde la priorité. Le duo se rend ensuite chez Cécile Frangier, la sœur de Thévenay. Pour elle, un investisseur ayant voulu racheter une partie du quartier pourrait être suspect.

Laure et Paco continuent leur reportage, autant sur les meilleurs “bouchons” lyonnais que sur la ville elle-même, montant jusqu'à Fourvière pour la photographier. Le lendemain, ils apprennent que Gilles Mandrin a été assassiné dans les mêmes conditions que Thévenay. Sans cesser sa tournée des restaurants, Laure prend rendez-vous avec le journaliste Jean-Philippe Rameau, qui fait partie de ses amis. C'est chez “La Mère Brazier”, haut-lieu de la cuisine locale où fut formé Bocuse, qu'ils se rencontrent. Selon le journaliste bien informé par des sources policières, le criminel n'a guère laissé d'indices. On ne peut pas exclure l'hypothèse d'un tueur en série prenant pour cibles les chefs cuisiniers.

Tandis que Laure fait un aller-retour rapide à sa rédaction parisienne, Paco va photographier un restaurant mythique, L'Auberge du pont de Collonges. Il semble que les deux victimes aient eu pour projet la création d'un nouveau label autour des “bouchons”, afin de souligner la convivialité de leurs restaurants. Bien que possédant un caractère moins expansif, leur collègue Éric Chevrion se serait associé à cette idée. Le duo visite les halles de Lyon, avant d'assister aux obsèques de Thévenay. Le soir-même, ils dînent chez Cécile Frangier et son mari. La sœur du défunt Jérôme Thévenay est aussi une cuisinière compétente. C'est après un reportage chez un producteur de volailles de Bresse, que Laure et Paco apprennent qu'un nouveau meurtre similaire a été commis. La solution viendra peut-être des épices et des typiques traboules lyonnaises...

Noël Balen – Vanessa Barrot : Petits meurtres à l'étouffée (Éditions Fayard, 2014)

Après le succès de la série “Le sang de la vigne” de Jean-Pierre Alaux et Noël Balen, voici le premier titre d'un nouveau cycle de romans publiés chez Fayard, “Crimes gourmands”. C'est donc la gastronomie qui sera à l'honneur, cette fois. Cette thématique peut, en effet, fournir un contexte particulier à des intrigues policières. Car, dans une cuisine, les “armes du crime” potentielles ne manquent pas. Du “fusil”, un instrument servant à aiguiser tout objet coupant, jusqu'à la “feuille” de boucherie, le couteau le plus tranchant qui soit, on n'a que l'embarras du choix. Dans ce premier opus, on se contente toutefois d'assommer et d'asphyxier, comme pour un plat cuisiné “à l'étouffée”.

Dans le sillage du très médiatisé Paul Bocuse, la région lyonnaise a mis en valeur sa belle tradition gastronomique. On nous rappelle ici que celle-ci date des siècles passés, et que c'est avec des cuisinières de l'âge d'or de l'Entre-deux-guerres que s'établit la réputation attachée à cette ville et à ses “bouchons”. Hommage est également rendu à un défenseur de l'art culinaire sans doute un peu oublié, Henri Babinski (1855-1931) dit Ali-Bab, qui fit référence chez les gourmets. En outre, l'Olympique Lyonnais ayant brillé en football (sept fois Champion de France, quand même), il est aussi quelque peu question de son joueur phare d'alors, Juninho. Une place est aussi faite aux décors de la Capitale des Gaules, bien sûr. Même si le jeu de mot est facile, un roman à déguster avec plaisir, et une série qui s'annonce sympathiquement savoureuse.

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 04:55
8 mai : quand le polar laisse la place à l'Histoire

Il n'est pas rare que j'évoque des suspenses s'inscrivant dans une époque historique. Car l'Histoire n'est pas simplement du passé, c'est le socle de notre présent et de l'avenir. Les générations qui n'ont pas été confrontées à la guerre sur notre territoire hexagonal, ceux qui ont moins de soixante-dix ans, n'ont pas le droit d'oublier. À ceux qui ont une vision étriquée du monde, on peut répondre ceci : si des soldats venus de toutes les régions du globe n'avaient pas débarqué en France, que seriez-vous devenus ? La Résistance joua son rôle, oui, mais pas de victoire finale sans cet engagement international.

8 mai : quand le polar laisse la place à l'Histoire

Le 8 mai 1945 marque la fin de la 2e guerre mondiale. C'est aussi le début du bilan dans ce conflit. Des quantités de victimes civiles et militaires. Des chiffres, un funeste calcul. Peut-être un jour, comme moi, vous visiterez un de ces cimetières où ont été enterrés, plus ou moins anonymement, les gens qui ont combattu. Aucun d'entre eux n'est venu en Europe sûr d'une victoire facile : ils risquaient leur vie, et le savaient. Il y a ceux qui tombèrent dès les premières minutes, sur les plages de Normandie. Et puis tant d'autres, partout en France, morts parce qu'il fallait écraser jusqu'à Berlin la menace hitlérienne. Souvenons-nous que la paix et le démocratie restent des notions tellement fragiles !

Cimetière américain de la seconde guerre mondiale, près d'Epinal. 5255 tombes sont alignées sur une surface de vingt hectares. Les soldats enterrés là ont combattu dans les campagnes du nord-est de la France, du Rhin et d’Allemagne. © Photos perso, avril 2014.

Cimetière américain de la seconde guerre mondiale, près d'Epinal. 5255 tombes sont alignées sur une surface de vingt hectares. Les soldats enterrés là ont combattu dans les campagnes du nord-est de la France, du Rhin et d’Allemagne. © Photos perso, avril 2014.

8 mai : quand le polar laisse la place à l'Histoire
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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 04:55

Âgé de vingt-cinq ans, fils de Pietro et de Marie, Vindo Rodriguez est un des enfants d'une famille portugaise de Montreuil. Il y a aussi les jumeaux de douze ans, la sage Charlotte et l'infernal Gustavo, ainsi que le petit frère Zef. Que Vindo ne soit pas un acharné du boulot, ça crée quelques tensions avec son père. La maternelle Marie sait calmer ces problèmes. Ce jour-là, dans une brasserie, Vindo croise une séduisante quadragénaire blonde, Carole. Vivant avenue Foch, c'est l'épouse d'un crack de la chirurgie, le Professeur Jack Bauve. Il possède une clinique spécialisée pour le gratin qu'il fréquente. Si cette activité lui octroie de copieux bénéfices, Jack Bauve fait aussi de la chirurgie humanitaire à travers le monde. Éprise de son mari, Carole a depuis quelques temps des doutes sur sa fidélité, et voudrait être rassurée. Pour trois mille Euros, elle charge Vindo de le surveiller.

Le jeune homme se sent à la hauteur de sa mission. Il doit dans le même temps s'occuper de Gustavo, dit Tav. C'est le genre de gamin pas attendrissant pour un rond. On le déteste dès qu'on le voit, vu qu'on devine le sac d'embrouilles qu'il est capable de créer. Dans le quartier, lui et ses copains sont redoutés. D'autant que, farci de jeux vidéos, Gustavo s'est inventé un univers de SF. Dans ses délires, il est le Captain Mglug, chassant les ennemis Grunters. Traîner ce boulet n'enchante pas Vindo. Surtout que, s'agissant d'une affaire qui nécessite espionnage et filature, le môme prend vite son rôle très au sérieux. Le duo suit discrètement la Jaguar du chirurgien, de sa clinique jusqu'à un immeuble près duquel il se gare à la va-vite. Ça peut ressembler à un rencard amoureux, à moins que ce soit l'appart' secret de Jack Bauve, puisqu'il n'en repart pas du reste de la journée.

Le lendemain, suite de la mission. Le chirurgien semble bien avoir disparu. Son véhicule mal garé est un indice. Avant d'explorer l'appartement, Vindo fait appel à son meilleur ami, Bousel. Ce grand Noir, c'est le roi de la débrouille. Là, rien de difficile, vu que les clés étaient sous le paillasson, ce que Vindo n'avait pas remarqué. À l'intérieur, ils trouvent tout un équipement chirurgical. Et, dans une chambre style clinique, le cadavre de Jack Bauve. Ça sent le roussi, d'autant que les flics débarquent bientôt. Dans la débandade du trio (car Gustavo est aussi de la partie), Vindo se planque dans un logement voisin, pour gagner un peu de temps. Il sympathise rapidement avec l'habitante du lieu, Claire, dite Ninouche. En regardant la télé, Vindo réalise qu'il a été identifié par la police. Sortir de cette situation problématique s'annonce franchement compliqué...

Larbi Naceri : Bacalhau ! (Don Quichotte Éditions, 2014)

Scénariste et comédien, Larbi Naceri n'en est pas à son premier roman. Aux Éditions du Toucan, il a publié “Les Mat-Sperone – À l'arrache” (2008) et “Récidives” (2010). Sachant qu'il a coécrit plusieurs films d'action, on comprendra que ce suspense offre un festival de péripéties. Dans la meilleure tradition de la comédie policière, le héros est embarqué au cœur d'aventures qui le dépassent. Flanqué de deux partenaires qui ne lui simplifient pas tellement la tâche, on s'en doute, il fait le maximum pour passer entre les mailles du filet. Notons que ce lascar de banlieue est de famille portugaise, et non d'origine arabe, ce qui apparaît moins caricatural. Sa tendre mère est Normande, comme celle des frères Naceri.

Si le narrateur Vindo est sympathique, et pas exempt d'une certaine naïveté, on retient en priorité le personnage de son jeune frère Tav. Avec lui, l'imaginaire d'un enfant de son âge est multiplié par dix ou par cent. Captain Mglug dirigeant ses troupes, détective vengeur, il contribue en grande partie à la tonalité humoristique de ce roman. On pourrait discuter le langage “djeunes”, toujours un brin artificiel, un détail vite effacé par la vivacité du rythme de l'histoire. L'auteur n'oublie pas de glisser quelques réalités sociales, tel le cas de Bousel qui a autant de mal à trouver un logement qu'un boulot, en raison de sa couleur de peau. Une visite à la Tour Balzac nous rappelle également, de façon souriante, le quotidien dans certains HLM. Si le récit est très drôle, avec un tempo agité, on n'en oublie pas l'intrigue criminelle, car il y a bien un ou des coupables dans cette affaire. Un suspense réjouissant.

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6 mai 2014 2 06 /05 /mai /2014 04:55

Au début des années 1960, le jeune Louis Hortiz passe ses vacances en juillet sur la côte normande, comme chaque année. Surnommé Loulou, il est accompagné de sa sœur aînée Lucette qui, avec son amie Gisèle, préparent hypokhâgne. Occupés, leurs parents ne les rejoindront qu'un peu plus tard. Jusqu'à présent, Loulou n'avait pas porté attention à un vieux monsieur, qu'il ne tarde pas à appeler le Père Carillon. Ce dernier connaît de vue la famille du gamin. En réalité, son vrai nom est Raymond Radaigue. Ayant perdu sa femme Edwige et leur fille, le père Carillon est un ancien policier. Il possède un side-car, une moto avec baquet sur le côté. C'est une Terrot VA 750 de 1936 ayant appartenu à son père, un engin puissant pour son temps qu'il bichonne avec le plus grand soin.

Raymond Radaigue a une autre grande passion dans la vie, le cyclisme. En particulier, le Tour de France. D'Antonin Magne à l'exceptionnel René Vietto, en passant par Jean Robic, les champions d'antan n'ont pas de secrets pour le père Carillon. La génération actuelle de bons coureurs français est représentée par Bernard Mulot. Il brille dans cette édition du Tour, qui va passer près de là avec arrivée à Deauville. Le père Carillon propose à Loulou de suivre la course de plus près en embarquant avec lui sur sa moto Daisybelle. Voilà qui est drôlement tentant, mais il y a Lucette et Gisèle. Tant pis, Loulou laisse un message à sa sœur et adresse une lettre assez mensongère à ses parents pour n'inquiéter personne. Et c'est ainsi que début l'expédition du duo, au cœur du Tour de France.

Loulou apprécie l'ambiance qui règne parmi les spectateurs le lon de la route. À l'arrivée de l'étape, Raymond Radaigue retrouve par hasard un de ses vieux amis, Albert Galipot, dit Bébert. Celui-ci est technicien dans l'équipe de Bernard Mulot, qui devrait être le meilleur dans le contre-la-montre du lendemain. Le milieu du cyclisme professionnel ne sent pas toujours bon, et les rumeurs de dopage ne sont pas fausses. “Il y a les braves types, les bosseurs, les soutiers au service des as et des leaders qui ne seraient rien sans les forçats du peloton. Et il y a les truqueurs, comme partout” relativise Bébert. Après un succulent repas de moules, Loulou et le Père Carillon sont autorisés à rouler derrière Mulot durant son contre-le-montre. C'est là que l'affaire va tourner au tragique...

Max Obione : Daisybelle (Éditions du Jasmin, 2014)

Au sujet des grands champions cyclistes, à chacun sa génération. Roger Lapébie fit frémir les admirateurs d'avant-guerre, Fausto Coppi et Charly Gaul ceux des années cinquante, puis ce fut le cas de Jacques Anquetil, d'Eddy Merckx, de Bernard Hinault, jusqu'aux coureurs d'aujourd'hui. Un univers d'autant plus fascinant qu'il est populaire. Du critérium local au Tour de France, c'est toujours la fête du vélo avec ses flonflons tonitruants, ses pronostics aléatoires dans le public, et son indispensable caravane publicitaire.

Pourtant, pour “les forçats de la route”, expression datant de l'entre-deux-guerres, la pénibilité de la course est une réalité. Entraînement, massages quotidiens et repas aux pâtes ne sauraient suffire pour gagner. Alors, dans ce sport comme dans d'autres, on continue à banaliser le dopage. Les décès de plusieurs coureurs n'ont jamais servi de leçon.

Bien sûr, s'agissant d'un roman destiné à la jeunesse, c'est avant tout l'expérience que va vivre Loulou qui importe. “[Les frites] trempées dans le jus de moules, c'était un bonheur gustatif inouï. De cet épisode, je conserve pour les moules marinières un goût immodéré. Marcel Proust avait sa madeleine, moi j'ai les moules pour me renvoyer dans le passé heureux de mes vacances.” Gamin sage comme on l'était en ce temps-là, collectionneur de cailloux rares, le voilà plongé dans une aventure originale. En partie racontée par lui-même un demi siècle plus tard, l'histoire de Loulou bénéficie d'une belle fluidité. On prend un réel plaisir à suivre les péripéties traversées par ce sympathique duo. Un suspense à mettre entre toutes les mains, pour enfants et adultes.

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 04:55

Selon la légende, le Graoully est une créature ayant l'apparence d'un dragon doté de deux ailes, d'une longue queue et de pattes griffues, vivant jadis dans l'amphithéâtre de Metz avant d'être maîtrisé par Saint Clément. Son nom viendrait de l'allemand graülisch, qui signifie monstrueux, mais fait aussi penser au mot gargouille. Le Graouly reste un des symboles de la ville de Metz, où son effigie était exhibée lors des processions religieuses. Quand le cadavre déchiqueté, sans jambes, de Mickaël Deware est retrouvé aux abords de Metz, près de la rivière La Seille, le commissaire Philippe Bayard et son ami docteur, le légiste Eric de Becker, sont loin de penser à cet animal mythique.

Le jeune homme était fiché par les services de police. Ex-prostituée, la compagne du policier Bayard a connu Mickaël Deware, et prend l'affaire à cœur. Le crime a été commis tout à côté du nouveau Centre Pompidou, qui sera très bientôt inauguré à Metz. Mobilisé pour la sécurité de cet événement, Bayard laisse l'enquête à son adjoint le plus arriviste. Toutefois, de Becker lui signale des traces animales sur le cadavre de la victime. On peut croire qu'il a été attaqué à la fois par un fauve et par un rapace, peut-être par une bête mutante. Dans le même temps, le vieux gardien de la cathédrale porte plainte, car l'effigie du Graoully vient d'être volée dans la crypte de l'édifice religieux.

Judith Page est professeur d'Histoire à la Sorbonne. Bien qu'étant la veille à Paris, elle se retrouve ce matin-là dans la forêt messine. À cause d'un trou de mémoire, elle ignore ce qu'elle a fait depuis vingt-quatre heures. Sans argent, elle parvient néanmoins à contacter son ami parisien homo Thomas qui s'empresse de la rejoindre à Metz. Entre-temps, Judith a passé des tests chez le Dr de Becker, afin de vérifier qu'il n'y a pas eu viol. Le médecin remarque de la salive suspecte sur les poignets de la jeune femme. À l'analyse, il s'avère que l'ADN n'est ni humain, ni animal, plutôt comme minéral. Grâce à la vidéosurveillance de la cathédrale, Bayard et de Becker identifient les voleurs de l'effigie du Graoully.

Thomas pratique l'hypnose. C'est ainsi que Judith perçoit des images d'une grotte ou d'un tunnel, et les cris plaintifs d'un bébé en forme de lézard. La jeune femme reste à Metz, espérant de nouveaux éléments. Elle risque fort de se mettre en péril. Bayard a consulté l’évêché au sujet de la légende du Graoully. Sur l'ancien site de l'amphithéâtre romain, des agents affectés à la sécurité du Centre Pompidou sont attaqués mortellement par ce qui semble être le Graoully. Protéger les personnalités venant à l'inauguration est plus que jamais une priorité. Des réponses pourraient aussi venir du Vatican. Le policier Bayard et le médecin de Becker ne renoncent pas à combattre le Graoully...

Camille Autain : La résurrection du Graoully (Éd.Serpenoise, 2014)

Il est probable que, hormis les Lorrains, la plupart des Français ignorent cette légende fondatrice de la ville de Metz. Publié par un éditeur local, ce roman pourrait donc passer pour un suspense régionaliste ordinaire. Grossière erreur, car il s'agit d'une intrigue bien plus ambitieuse. Mettre hors d'état de nuire un monstre mythique, qui paraît revenu des limbes historiques, voilà une mission pour le moins insolite, quand même. La géographie est habilement utilisée, sans détails superflus, mais en faisant un parallèle entre un site actuel et un autre très ancien, sur la rive de la Seille. L'auteur utilise un brin d'ésotérisme, ici de bon aloi, sans “charger” quant au surnaturel. La figure du Graoully est suffisamment inquiétante et mortifère, sans rajouter trop d'angoisse.

Au centre de l'affaire, trois héros correctement dessinés. En tant que prof d'Histoire et que victime d'une séquestration mystérieuse, Judith ne peut que s'interroger. Flic perturbé par une mauvaise expérience passée, Bayard hésite avant de s'impliquer dans l'enquête. Avec son allure de “savant fou” mitigée de “médecin de famille”, de Becker apporte l'élément scientifique à cette affaire. À part le rigide préfet Roth, on eût pu souhaiter des seconds rôles moins fugaces, plus marquants au sein du récit. Il est vrai que l'ombre du monstre tient forcément une grande place. Un roman diablement captivant, pas de doute.

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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