Coburn est une petite ville de Géorgie, à environ cent de kilomètres d'Atlanta. Les Madison forment un couple d'universitaires quadragénaires. Ils sont les parents d'une fille adulte, Alexandria. La population locale les considère comme des privilégiés, à l'image de tous les enseignants. D'autant que Sam Madison, qui exerce son métier sans grande passion, peut sembler méprisants aux yeux de certains. Lorsque son épouse Sandrine se suicide, à l'âge de quarante-six ans, le professeur Madison apparaît rapidement suspect. Il est vrai qu'il a accueilli sans émotion la policière venue constater le décès, cette nuit-là. L'agente nota le capharnaüm régnant dans la chambre de Sandrine, ce qui lui parut peu naturel. L'avocat de Madison montrera que la policière avait déjà connu des cas de désordres similaires, ce qui suggère qu'elle avait des préjugés contre l'enseignant. Elle en fit part à l'inspecteur Ray Alabrandi, qui déclencha immédiatement une enquête. À charge, visiblement.
Sur son lit de mort, Sandrine Madison a laissé un ultime message dans un livre d'histoire, sa matière universitaire. Phrases nébuleuses faisant référence à Cléopâtre, claires dans le seul esprit de Sandrine. Un texte qui ne fait aucune allusion au suicide, toutefois. Sam n'a pas tardé à perdre son emploi à l'université, logique dans une telle ville qui ne supporte pas les remous. À l'heure du procès, alors que l'universitaire comparaît libre, son avocat juif insiste pour qu'il masque son habituelle allure ironique. Il devra discrètement rappeler à l'ordre Sam plusieurs fois. Loin d'être sûre de l'innocence de son père, sa fille Alexandria est présente aux audiences et loge chez eux. Jenna, la sœur unique de Sandrine, fera un bref passage, sans montrer tellement de sympathie à Sam. Pour lui-même, Sam ne peut nier que leur couple ne fonctionnait plus. Ce qui n'excuse pas vraiment la relation intime qu'il eut avec April Blankenship, un épisode pouvant s'avérer compromettant.
Il y aura le témoignage du coroner, venu constater sur les lieux que Sandrine avait pris un mélange de vodka et de médicaments puissants. Celui du Dr Ana Ortins, la médecin qui confirma à Sandrine que ses inquiétudes étaient fondées, qu'elle était bien atteinte d'une maladie invalidante. Non sans conséquence pour le mari de la malade. Les médicaments fatals furent prescrits par l'intermédiaire de Sam, qui se chargea de l'aller les chercher auprès du pharmacien Wayland. L'inspecteur Alabrandi reste négatif envers Sam, par son témoignage comme depuis le début : “Je remarquai qu'il qualifiait le mot laissé par Sandrine de "déclaration" et non de lettre de suicide, et en conclus qu'il avait déjà décidé que j'étais homme à me servir des mots pour embrouiller les choses ou en cacher certaines.” Le professeur Malcolm Esterman, proche de Sandrine, son confident, possède peut-être certaines clés permettant de comprendre les faits...
Lorsqu'une intrigue traite d'un procès criminel, on la baptise “roman de prétoire”. Voilà un qualificatif expéditif, alors que ces histoires bénéficient en général de fines nuances. Déjà, dans un procès réel, il convient de tenir compte du contexte, de la psychologie, autant que des faits. S'agissant de fictions, s'ils introduisent de subtils éléments servant soit à la défense, soit l'accusation, les meilleurs auteurs veillent à garder une authenticité. Dans les audiences au tribunal, mais aussi dans le vécu des protagonistes. Et c'est la nature même du procès, entre témoignages et hypothèses, qui va créer naturellement le suspense.
Thomas H.Cook fait partie de ces écrivains qui ne choisissent jamais la facilité. Coupable ou innocent, ce n'est pas strictement la question ici. Nous sommes tous responsables de notre comportement vis-à-vis de notre entourage, et un couple qui dure n'échappe pas à ce principe. De leur lointain voyage en amoureux autour de la Méditerranée en passant par Albi, jusqu'au suicide supposé de son épouse, Sam va se remémorer les hauts et les bas de leur vie commune. Sandrine lui reprochait-elle un certain renoncement ? Oui, sans doute. Pourtant ce n'est pas suffisant pour pousser au suicide une femme intelligente.
On appréciera une fois de plus la souplesse narrative et l'élégance du style de Thomas H.Cook. Par exemple, quand dans une même scène se côtoient les propos d'un témoin et le souvenir que Sam en garde. Images immédiates de la procédure en cours, doutes plus ou moins légitimes, réflexions intérieures de l'accusé, regard des autres, un roman d'une grande richesse et d'un bel humanisme, comme sait en concocter ce remarquable auteur.
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