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31 mars 2014 1 31 /03 /mars /2014 04:55

Début 1946, âgé d'à peine trente ans, Charles Bareuil fait partie de la Légion Étrangère. Il a, comme tous les militaires qui l'entourent, de bonnes raisons d'avoir intégré ces unités si particulières. Entre Corses mafieux, Russes devenus apatrides, anciens nazis, beaucoup sont des vétérans ayant connu les combats de la guerre, dans divers camps. D'une famille de soldats qu'il n'admirait guère, avant le conflit qui s'annonçait, Charles Bareuil suivit sa compagne Elena en Yougoslavie. C'est en Croatie que son destin le rattrapa, à la mort de la jeune femme. Tireur d'élite déjà bien entraîné, Bareuil devint un véritable guerrier. Dès la fin des hostilités, sa seule option fut d'entrer à la Légion Étrangère. Formés en Afrique du Nord, les régiments sont bientôt acheminés vers l'Indochine.

Sous la direction du général Giap, les troupes Viet Minh sont omniprésentes sur le terrain, pouvant généralement compter sur la solidarité des villageois. La guérilla, le harcèlement, les autorités militaires françaises n'en mesurent pas l'efficacité. Après un long voyage, où il a fallu décourager d'éventuels déserteurs, les Légionnaires débarquent à Saigon. Pour Bareuil, une étape qui lui vaudra une altercation avec une femme de colon. On ne tarde pas à prendre le train vers l'Annam, dans le sud du pays. Bien que confronté à la guérilla, peut-être Bareuil croit-il pouvoir tisser des liens amicaux avec les populations proches de leur camp. Initiative qui risque de finir par une embuscade mortelle. C'est plutôt au Tonkin qu'on a désormais besoin des Légionnaires, dans la région frontalière de la Chine.

Bareuil y retrouve entre aux l'impitoyable sergent Von Heigl, soldat chevronné qui ne nie pas son passé nazi. En janvier 1947, ils vont devoir “nettoyer” la route entre Haiphong et Hanoi. Les missions qu'on leur confie sont les plus dangereuses. Quand le régiment de Bareuil est la cible des Viet Minh, c'est un massacre auquel il réchappe de peu. Alors qu'il est hospitalisé, il ne peut oublier ce soldat blanc qui combattait avec leurs ennemis. Dans les rapports de l'armée, il finit par découvrir l'identité de Joseph Botvinnik, Russe d'origine ayant rejoint les troupes du général Giap. Ce n'est pas dans les bordels vietnamiens qu'il repérera sa trace. En effet, Botvinnik participe à une réunion de l'état-major Viet Minh, lorsqu'il s'agit de contrer les Français du côté de Cao Bang.

Au printemps 1948, Bareuil et son ami Gordov sont affectés à une nouvelle unité, toujours dans cette zone sensible qu'est le Tonkin. Lorsqu'il rencontre la jeune Hoa, Bareuil pense trouver l'amour, bravant le règlement pour la rejoindre clandestinement la nuit. Pendant ce temps, assisté de son fidèle Tran qui le considère tel un Tigre légendaire, Botvinnik ne reste pas inactif. Les cinq années qui suivent, jusqu'à Diên Biên Phu, seront décisives...

Jérémie Guez : Le dernier tigre rouge (10-18 Éd, 2014)

Il n'appartient à personne de “refaire l'Histoire”, d'encenser quelques-uns ou d'accabler tels autres, de justifier une guerre coloniale ou d'admettre la réponse meurtrière des ennemis d'alors. Un brave héros prenant fait et cause pour les populations d'en face, ou au contraire agissant comme un baroudeur sans merci ? Jérémie Guez ne tombe certes pas dans ce manichéisme. Le temps a quand même permis de rétablir un équilibre dans la manière de présenter ce conflit. “[Leur histoire] ils y sont attachés, c'est juste qu'ils n'en parlent pas. Leur temps est différent, ce n'est pas le même que le nôtre, nous ne le comprenons pas... Les hommes n'ont pas besoin de prétextes pour faire la guerre... Tout ce que je sais, c'est que ceux qui pensent qu'on gagnera facilement se trompent.”

Lauréat du Prix SNCF du polar en 2013, remarqué pour sa trilogie (Paris la nuit, Balancé dans les cordes, Du vide plein les yeux) évoquant l'univers parisien actuel, Jérémie Guez a fait partie des talents prometteurs du polar français. Avec “Le dernier tigre rouge”, non seulement il confirme ses véritables qualités d'auteur, mais il se lance avec succès dans une écriture assez différente. Ici, c'est tout le contexte indochinois de ces années-là qu'il dépeint, il ne s'agit pas uniquement du sort de Charles Bareuil. Bien sûr, ce dernier est au centre et subira maintes avanies. Mais on jette aussi un regard chez les communistes du Viet Minh, sous les ordres du général Võ Nguyên Giáp (1911-2013). Précis tout en évitant l'érudition encombrante, c'est avec fluidité que Jérémie Guez nous raconte cette palpitante épopée guerrière.

- Inédit, “Le dernier tigre rouge” est disponible dès le 3 avril 2014 -

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commentaires

P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> J'ai reçu lundi dans le cadre de mon abonnement le numéro 29 de mars-avril 2014 de la revue Naturisme Magazine.<br /> Que vous pouvez acquérir sur<br /> www.trouver la presse.com<br /> ou<br /> www.naturismemagazine.com<br /> <br /> Ici, je ne fais que recopier, la revue à la main.<br /> <br /> Page 58<br /> <br /> vivre &gt; lecture<br /> <br /> par Michel Loetscher<br /> <br /> Un tueur pour cible...<br /> <br /> Bruce HOLBERT, Animaux solitaires, Gallmeister, 360 pages, 23,60 euros<br /> <br /> [ Paru en août 2013 ]<br /> <br /> En ces années trente exténuées où fordisme et fascismes se font face, l'Ouest a perdu depuis longtemps son esprit pionnier pour entrer dans la Grande Dépression - après la parenthèse de ses clinquantes Années folles. Dans cette Amérique d'avant le New Deal, Russel Strawhl, un ancien agent de sécurité de l'armée revenu de tout, reprend du service, en son comté de l'Oknanogan ( Etat de Washington ) et en cet incertain an de grâce 1932, pour participer à la traque d'un tueur qui sévit dans une réserve d'Indiens. Le peu recommandable flingueur au verbe rare ( comme il se doit pour tout &quot; héros de l'Ouest &quot; ), mauvais mari, mauvais père et ex-mauvais représentant de la Loi, qui a sa place &quot; parmi les fils de putes, salopards et menteurs &quot; , a aussi une remarquable aptitude à &quot; enfouir son coeur et son âme dans les fontes de sa selle &quot; . Sa chasse à l'homme s'annonce donc comme une distrayante formalité, remarquablement bien servie par un art narratif puisé à bon école - on ne demande qu'à accompagner ce fruste homme-chien, jusque dans les odeurs de bois vert et de cendres des feux de camp qui émaillent sa longue traque... Mais la destinée cabossée d'un anti-héros a bien plus d'épaisseur que sa carcasse alourdie de casseroles en tous genres - et que celle d'un étincelant héros de l'Ouest sans surprise puisque toujours du bon côté du colt...<br /> <br /> Enseignant à l'université d'Iowa, Bruce Holbert s'est inspiré du souvenir de son arrière-grand-père, un éclaireur indien fort respecté de l'armée des Etats-Unis - jusqu'à ce qu'il tue son gendre... Il commet un premier roman âpre et dense qui renouvelle tout à la fois le genre du western et celui du roman noir - et les élève à la hauteur de bonne littérature, saignante à point et goûteuse à souhait, laquelle toutefois ne convient pas à toutes les sensibilités...<br /> <br /> [ Cette rubrique &quot; lecture &quot; aborde des livres de divers genres donc pas toujours en rapport direct avec le naturisme. Là, c'est un polar en milieu rural. Comme vous le savez, Gallmeister est spécialisé dans les auteurs américains mettant en scène les grands espaces. ]<br /> <br /> Page 38-39<br /> <br /> partager &gt; fiction<br /> <br /> &quot; Meurtre au club &quot; ( 2e partie )<br /> <br /> [ La 1e partie était dans le numéro 28 de janvier-février 2014, toujours disponible à l'achat. )<br /> <br /> Cet éco-polar est une enquête du commissaire Alain Dantreu<br /> <br /> ( pcc Alain Lartigue, Vauhallan, Octobre 2013 )<br /> <br /> Donc, c'est une nouvelle en 2 parties, située en milieu naturiste dans l'Essonne.<br /> <br /> 1er paragraphe de cette 2e partie :<br /> <br /> &quot; Jean-Luc, le président du club naturiste de Monteau-sur-Juigne, où, après avoir favorisé mon implantation en tant que commissaire de police, je suis devenu un fervent pratiquant, avait été assassiné, et son corps jeté dans la piscine. Fernal, mon adjoint, le convoie à la morgue d'Etampes, et je me mets à chercher le lieu du crime. &quot;<br /> <br /> Cordialement
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P
Rebonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Oui, &quot; Educating Julie &quot; est par ailleurs offert en cadeau ( à titre de combo ) pour l'achat du titre DVD suivant sur le site www.enature.net ( qui s'appelle aussi www.russianbare.com ) :<br /> <br /> http://www.enature.net/details/111/family_portraits_1_educating_julie.html<br /> <br /> Cordialement
C
Bonjour Philippe<br /> Il y a quelques semaines, par je ne sais quel cheminement sur la toile, je suis tombé sur un film (en anglais) intitulé &quot;Educating Julie&quot; de 1984. Une étudiante visite des clubs naturistes de Grande-Bretagne, pour un rapport scolaire. Un charmant film visant à décomplexer/dédramatiser :<br /> https://www.youtube.com/watch?v=fuAS8xtL6Bs<br /> Amitiés
G
Encore un bon cru alors?! chouette!! Je le mets dans ma liste (en fait, il y était déjà).
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C
Eh ouais, ma Gridou ! Autres ambiances, mais voilà de la belle ouvrage ! Y a plus qu'à découvrir, d'ici quelques jours.<br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher et Pierre,<br /> <br /> Avant sa parution, vous aviez déjà chroniqué ce roman. Maintenant qu'il est paru, vous proposez une nouvelle chronique, mais je vois que le texte est différent ? Plusieurs noms de personnages n'apparaissaient pas dans votre chronique initiale.<br /> <br /> En parlant d'un auteur mais d'autrefois sur l'Indochine, sans l'avoir lu, il me revient en tête certains titres de la collection Rouge et Or ou peut-être de la Bibliothèque Verte dans les années 1960. D'un auteur que vous n'avez sans doute pas lu mais dont le nom vous dira peut-être quelque chose ?<br /> Jean d'Esme. <br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_d%27Esme<br /> <br /> Un noble, et une personnalité pas très aisée à cerner. Un auteur du genre &quot; roman colonial &quot; et qu'on a pu qualifier d'extrême-droite. Et pourtant qui semble avoir eu un don pour dresser des portraits, peindre des caractères d'une manière très respectueuse. Né à Shangaï en Chine à l'époque des concessions européennes, fils d'un fonctionnaire des douanes en Indochine ( il m'est difficile d'être tout à fait contre les douaniers, mon grand-père était fonctionnaire des douanes en Indochine ) originaire de la Réunion.<br /> Il a dés 1920 écrit &quot; Thi Bâ fille d'Annam &quot; , ce qui est remarquable pour un auteur blanc et aristocrate de prendre comme héroïne de son roman une non-Européenne à cette époque. <br /> Il a aussi écrit une biographie de Leclerc, plutôt à destination des jeunes lecteurs, dans la lignée de ces récits hagiographiques qui glorifiaient des militaires ou des religieux - comme dans le journal Spirou, rappelons-le - .<br /> J'ai l'édition GP Rouge et Or, collection Souveraine, de ce livre, avec de très belles illustrations en couleurs.<br /> Ou il a encore écrit plusieurs livres parlant des &quot; Dieux rouges &quot; ou des &quot; derniers Dieux rouges &quot; .<br /> Ce qui fait écho à ce roman de Jérémie Guez &quot; Le Dernier tigre rouge &quot; .<br /> <br /> Jean d'Esme est pratiquement oublié aujourd'hui, alors qu'il semble qu'il ait eu un certain succès de son vivant.<br /> Et voyez la liste de ses oeuvres dans l'article Wiki : rien que les titres juxtaposés donnent une poésie sauvage.<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Jean d'Esme s'appelant Jean d'Esmenard, j'ai vérifié qu'il n'avait pas de lien avec la famille Esménard (avec un é), éditeurs d'Albin Michel... La nuance entre les coloniaux d'alors (genre paternalistes) et les colonialistes (genre autoritaires) est difficile à cerner pour nos générations. Je me souviens d'un militaire qui fit une partie de sa carrière à Casablanca, entrant plutôt dans la première catégorie, alors que son poste pouvait donner à penser qu'il entrait dans la seconde. <br /> Il y a quelques temps, j'ai &quot;annoncé&quot; la sortie de cet inédit de Jérémie Guez. Sur la base de la documentation éditeur (c'était précisé, je crois), n'ayant pas encore le livre. Quand on &quot;suit&quot; un auteur, c'est le genre d'infos à relayer, bien sûr. Depuis, j'ai lu le roman de Jérémie, il s'agit donc bien d'une chronique personnelle, comme vous les connaissez.<br /> Au départ de ce blog, j'avais lancé une rubrique &quot;Boulevard du Polar&quot; basée sur la documentation éditeurs. Je l'ai abandonnée pour éviter la confusion. Dans tous les cas, je revendique mes écrits et mes choix.<br /> Amitiés.
P
Je l'attendais avec impatience celui là (de roman mais aussi ta chronique). Je suis curieux de voir comment Jeremie Guez s'en sort dans un contexte historique. Amitiés
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C
Franchement, mon cher Pierre, c'est très réussi. Certes, il abandonne le contexte parisien de sa trilogie initiale, mais c'est pour se montrer plutôt brillant dans cet inédit.<br /> Amitiés.

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