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6 juin 2014 5 06 /06 /juin /2014 04:55

Trentenaire divorcé, Massimo Viviani est le propriétaire du BarLume, un bistrot de Pineta, station balnéaire proche de Livourne, en Toscane. Dans ce site touristique, sa clientèle estivale se compose de vacanciers parfois prétentieux. Mais il a aussi des habitués, son grand-père Ampelio (82 ans) et des amis de sa génération, Gino (75 ans), Pilade (74 ans) et Aldo. En cette mi-août, sous la chaleur, Massimo veille à ce que son aïeul n'abuse pas des crèmes glacées. Avec eux, il arrive qu'il joue à la briscola, un jeu de cartes typique, où jusqu'à cinq joueurs se confrontent. Toutefois, ce jour-là, les quatre mousquetaires de sa terrasse s'intéressent à l'affaire dans laquelle Massimo vient de jouer un rôle. Ce matin, il a découvert le cadavre de la jeune Alina Costa dans une poubelle.

Selon la population, “l'Illustrissime Commissaire Fusco” est un couillon incompétent. Après avoir constaté les faits, il convoque Massimo comme témoin. Ce dernier connaissait fort peu la jeune fille. Chargé de l'autopsie, le Dr Carli établira bientôt l'heure approximative du crime. Le médecin est un ami de la famille de la victime. S'il n'apprécie guère le monde doré dans lequel évolue son épouse, il a de la sympathie pour Arianna Costa, grand-mère d'Alina. Il n'y aucune chance que Okay, le clodo de Pineta, se confie à la police. C'est à Massimo qu'il confirme que la victime a certainement été déposée dans cette poubelle au petit matin. Une info que Massimo transmet au commissaire Fusco. Le policier pense tenir un bon suspect en la personne de Bruno Messa, un soupirant d'Alina.

Giada, la sœur du jeune homme, ne nie pas qu'il ait été amoureux de la victime, mais elle se servait un peu de lui alors qu'elle avait un ou plusieurs autres amants. Elle fréquentait une des trois discothèques de Pineta, et semblait intime avec un des employés, appelé Le Pousseur. Massimo va se renseigner sur lui et sur les clubs du secteur. Au bar, les quatre vieux habitués commentent volontiers l'affaire. Massimo les convainc que Bruno, s'il se tait sur son emploi du temps à l'heure du crime, ne fait pas un bon assassin. Cela n'empêche pas “l'Illustrissime Commissaire Fusco” d'inculper Bruno. L'indice dont dispose Massimo est trop mince pour innocenter le suspect. Le Dr Carli et certaines réflexions du quatuor de vieux pourraient aider l'enquêteur amateur. Mais c'est le raisonnement qui lui sera très utile pour démasquer le coupable...

Marco Malvadi : La briscola à cinq (10-18 + Christian Bourgois Éd., inédit 2014)

On avait découvert Marco Malvadi avec “Le mystère de Roccapendente”, délicieux roman ayant pour héros le père de la gastronomie italienne. Les éditions 10-18 et Christian Bourgois publient aujourd'hui conjointement le premier titre de la série qui a fait le succès de cet auteur en Italie. Cette comédie policière est donc bien un inédit. Une bourgade de Toscane, un bistrot dont le patron n'est guère âgé, un cercle de petits vieux qui trouvent leur mot à dire sur tous les sujets, et une affaire criminelle énigmatique : les ingrédients parfaits pour nous proposer une enquête souriante. Massimo n'hésite pas à ironiser avec bienveillance sur ses habitués : “Je suis le seul article du bar qui ne soit pas à vendre. Si vous souhaitez un de ces bibelots en forme de petits vieux, je peux vous satisfaire. Je vous conseille l'exemplaire qui tient une canne, il est bon marché.”

Pineta est le genre de village où les nouvelles vont vite, où l'actualité est commentée dans les lieux publics tel ce bar. Et que la police ne le leur reproche pas, car les habitants ont de la réplique : “Absolument, intervint Aldo, c'est au commissariat qu'on mène les enquêtes. Mais ici, on soumet au jugement de la société civile l'œuvre des forces publiques, que tout citoyen d'un pays démocratique a le devoir moral d'évaluer. Et ce pour éviter de tomber dans une désagréable acceptation passive...” Laissant la sculpturale Tiziana s'occuper de ses clients, s'improvisant détective, Massimo collecte les impressions autant que quelques indices. Il vaut mieux compter sur lui que sur le policier officiel, c'est vrai. Une ambiance franchement séduisante, un roman d'enquête très plaisant, ce qui donne envie de lire les prochaines aventures de ces personnages-là.

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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 04:55

Ce week-end de Pentecôte offre aux lecteurs la possibilité de rencontrer leurs écrivains favoris dans divers festivals en France. Bon nombre d'auteurs de polars seront présents en Bretagne, de Penmarc'h jusqu'à Saint-Malo. À la pointe du pays bigouden, “Le Goéland Masqué” rassemble la crème du crime, parmi les plus grands noms du polar et du roman noir.

À Saint-Malo, Étonnants Voyageurs ne s'adresse pas seulement aux passionnés de ce genre littéraire. Néanmoins, le public pourra approcher des écrivains internationaux ou français, tels que Ron Rash, Jérémie Guez, Chris WomersleyEmmanuel Grand, Didier Daeninckx, Michel Vézina, Tim Willocks, Viviane Moore, Hervé Le Corre, Joseph Boyden, Laurent Whale, Qiu Xiaolong... Outre une très grande librairie, où chacun(e) aura l'embarras du choix, de multiples animations sont proposées à tous.

Étonnants Voyageurs, les 7 – 8 – 9 juin 2014 à Saint-Malo
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4 juin 2014 3 04 /06 /juin /2014 05:23

Tout le monde connaît le texte de Paul Éluard, datant de 1942 : “…Sur toutes les pages lues - Sur toutes les pages blanches - Pierre sang papier ou cendre - J’écris ton nom - Sur les images dorées - Sur les armes des guerriers - Sur la couronne des rois - J’écris ton nom […] - Je suis né pour te connaître - Pour te nommer – Liberté”. Un grand poème, peut-être. Surtout, il exprime une grande idée. Rien n'est plus important que de conserver en soi la plus forte marge de liberté possible. Voilà très certainement ce qui motive quantité de caricaturistes à travers le monde. En particulier, ceux qui adhèrent au mouvement Cartooning for Peace, créé par Kofi Annan et Plantu.

Jadis, les fous du roi n'avaient pas pour seul rôle de divertir, ils devaient aussi faire preuve d'insolence envers les puissants. Les bouffons seigneuriaux d'autrefois ne seraient-ils pas devenus des dessinateurs, lucides sur leur époque, mordants quant à leur humour ? De Daumier jusqu'à Siné, illustrateurs et caricaturistes ont croqué ceux qui possédaient une part de pouvoir. Loin de s'éteindre, la tradition progresse sans doute sur toute la planète. Notamment dans les pays où l'analphabétisme touche l'essentiel de la population : le dessin est alors un message aisé à comprendre, à traduire. “Le dessinateur doit pouvoir sentir ce qui se passe dans son environnement, et ne pas chercher à mettre de l'huile sur le feu. Ici on connaît la force du dessin. La plupart des gens ne sont pas allés très loin à l'école. Il faut faire attention. On peut traiter d'un sujet qui paraît tabou, mais avec subtilité et intelligencedit Zohoré, de Côte d'Ivoire. Même en Occident, où nous nous plaignons de manquer de temps, il est fréquent qu'un bon dessin d'actualité résume un fait de société ou une question actuelle aussi bien qu'un article de fond.

Caricaturistes – Fantassins de la démocratie (Actes Sud, 2014)

Déranger ? On est tenté de se dire que les puissants mondiaux, sûrs de leur domination, ne se préoccupent guère de ces illustrations. Y compris les plus dictatoriaux cultivent une image saine, voire sympathique. Néanmoins, des caricaturistes ont été maltraités dans quelques pays, par des sbires aux ordres du pouvoir. Il faut donc croire que leurs dessins n'étaient pas si anodins. Certes, aucune illustration n'a jamais mis fin à une guerre, hélas. Pourtant, il y a des dessins qui permettent de réfléchir, peut-être de mieux mesurer les enjeux d'un conflit. Ces dernières années, les intégristes islamiques se sont distingués par la condamnation des dessins évoquant leur totalitarisme, ou des portraits du prophète. Des images, ironiques ou pas, méritent-elles tant de haine ?

Caricaturistes - Fantassins de la démocratie” est publié à l’occasion de la sortie du film éponyme, coécrit et produit par Radu Mihaileanu, réalisé par Stéphanie Valloatto, qui présente douze grands caricaturistes internationaux, reconnus pour leur courage et leur engagement en faveur de la démocratie. Radu Mihaileanu et Plantu les ont rencontrés dans leurs pays respectifs. Chacun d’eux retrace son parcours, donne les motifs de son combat, raconte les épisodes souriants ou tragiques qui ont ponctué sa carrière. Le livre prolonge ces entretiens avec une large sélection de 300 dessins, et explique le processus créatif des auteurs.

La liberté est un état d'esprit. Comme en témoigne Nadia Khiari, auteure tunisienne de Willis from Tunis : “Dans ma famille, les femmes sont toutes croyantes et pratiquantes, mais ce sont des femmes indépendantes, très fortes, pas soumises du tout. On ne m'a pas appris la soumission. On ne m'a pas appris à me taire, au contraire.” Néanmoins, telle la dessinatrice Rayma qui vit au Venezuela, il faut être conscients que le danger et la peur restent vivaces. Moi j'ai la chance d'exercer un travail créatif, cela me prend beaucoup de temps, j'essaie de rester à l'intérieur. J'ai une vie normale, mais je me sens comme dans une bulle hermétique. Quand on sort, on sent une tension dans l'air. Je crois que les dictatures modernes, les régimes totalitaires d'aujourd'hui, engendrent des conflits, des ruptures dans la population, brisent toute possibilité d'échange, parce qu'ils veulent que chacun s'enferme dans sa propre censure, sa propre peur. Le fil social, quand il est bien articulé, a du pouvoir. Il est plus facile de manipuler des individus isolés.”

Caricaturistes – Fantassins de la démocratie (Actes Sud, 2014)

Le Palestinien Boukhari veut, lui, encore imaginer que l'évidence serait d'instaurer la paix dans son pays, terre sainte pour tout le monde : juifs, chrétiens, musulmans. D'autres dessinateurs de presse (Israel, États-Unis, Russie, Mexique, Algérie, Chine, Burkina Faso) se racontent ici, expliquant tous leur attachement à la seule valeur capitale, la liberté. Cet ouvrage nous rappelle combien la démocratie est précieuse, fragile, indispensable.

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 07:31

Le Festival International du Roman Noir de Frontignan a connu seize éditions jusqu'en juin 2013. Derrière ce genre d'évènements, il y a toujours un moteur. Le FIRN, c'était l'œuvre de Michel Gueorguieff, président de l'association Soleil Noir. Passionné de romans, il avait su fédérer pour créer et faire durer ce rendez-vous. Un Festival apprécié par les auteurs qui y étaient invités, tous en témoignent. Michel Gueorguieff est décédé début septembre 2013. Un nouveau président va être choisi et le festival reprendra en 2015 sous sa forme habituelle, même si ce ne sera plus jamais la même chose.

Cette année, en hommage à Michel Gueorguieff, le Festival ne durera qu’une journée et une nuit sur la plage des mouettes (Frontignan plage) où a lieu chaque année la brasucade. Sont annoncés une trentaine d’auteur et une installation vidéo, via le Net, qui retransmettra des textes, des photos, des films, envoyés par les auteurs qui ont participé au moins une fois à l’un des 16 FIRN. Une 17e édition spéciale, au regard du contexte, autour du thème : Je me souviens.

Merci à Serguei Dounovetz pour cette info.

Merci à Serguei Dounovetz pour cette info.

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 04:55

Fin octobre dans le Wyoming. Cheveux gris acier, yeux bleus au regard froid, Paul Parker est un avocat proche de la retraite. Il vit avec son vieux chien sourd et aveugle, Champ. Ce matin-là, deux types guettent près de chez lui. Lyle Peebles est âgé de cinquante-sept ans. Avec son teint buriné, son regard à la fois triste et arrogant, c'est un journalier employé dans divers ranchs. Trapu et costaud, chevelure noire de jais et moustache de pistolero, son complice un peu plus jeune se nomme Juan Martinez. C'est bien Lyle qui dirige, quand vient le moment d'enlever l'avocat. Paul Parker le reconnaît, ayant plaidé contre lui et son grand-père Benny, dans une affaire de succession contestée. L'avocat pensait que la page était tournée, mais une rancune tenace anime Lyle Peebles.

Dans le vieux pick-up Ford de Juan, le trio prend la direction du ranch ayant appartenu à Fritz Engler, une immense propriété. Ayant défendu l'héritière d'Engler, Paul Parker avait déjà deviné leur destination. Par contre, il ignore complètement comment réagir face à ses ravisseurs. Juan semble moins agressif que Lyle, mais il reste son comparse. Une tempête de neige retarde quelque peu leur véhicule, car elle gagne vite en intensité. Lyle répète à l'avocat l'histoire de son grand-père qui, en 1936, fut l'associé de Fritz Engler. Ayant acquis un avion monoplan Ryan, ils le louaient (et assuraient le pilotage) à des propriétaires terriens du Wyoming pour livrer diverses marchandises. Jusqu'à ce que l'un trahisse l'autre, s'enrichissant rapidement, en vendant des antilopes pronghorns. Lyle espère avoir maintenant sa revanche...

C.J.Box : Le convoyeur du IIIe Reich (Ombres Noires, 2014)

Cette fiction s'inspire du personnage de Charles Belden, au sujet duquel l'auteur a trouvé une photo qui l'inspira. Il s'agit d'une nouvelle d'une cinquantaine de pages. “Dans les courts romans, il est nécessaire de créer, d'installer tout un univers en très peu de temps. Je prends beaucoup de plaisir à en écrire, mais c'est plus difficile que les romans classiques, précisément du fait de cette brièveté imposée” déclare C.J.Box dans l'interview qui complète ce texte. Il y revient sur l'anecdote d'origine et sur son sens de la Justice. Sans oublier d'évoquer sa passion pour le Wyoming, point commun de tous ses livres.

Puisque s'y confrontent plusieurs personnages, cette histoire n'est pas dénuée d'âpreté, d'une sombre dureté. Ce n'est pas un conte moral, l'auteur le dit lui-même, mais plutôt un épisode-clé dans la vie de cet avocat, et de ses ravisseurs. Ceux-ci sont loin d'apparaître antipathiques, d'ailleurs. Un scénario idéal et bien construit pour un texte ainsi calibré, qui nous procure un fort agréable moment de lecture.

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2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 04:55

La famille Lebaudy s'est enrichie au dix-neuvième siècle dans l'industrie du sucre. Gustave a dirigé leur raffinerie, tandis que son frère Jules est devenu un redoutable financier, un virtuose de la spéculation boursière. En 1882, c'est lui qui tire le meilleur parti du krach de l'Union Générale, une banque catholique dont il a provoqué la faillite. Un coup magistral qui eût pu lui valoir quelques ennuis, mais Jules saura s'en dépêtrer grâce à ses relations. Il est l'époux d'Amicie, élevée dans la tradition catholique royaliste. Elle est sévère avec son mari, assez volage il est vrai, comme avec ses trois fils : Jacques, Robert et Max. Si, au décès de leur père, Robert dépense beaucoup pour mettre au point un dirigeable, c'est d'abord le jeune Max qui fait parler de lui dans les gazettes. Entre Liane de Pougy et La belle Otero, courtisanes de la Belle-Époque, il s'endette autant qu'il se ridiculise. Maladif, il ne résiste pas longtemps à cette vie de patachon et à son incorporation dans l'armée.

Très jeune, Jacques Lebaudy fut admirateur de l'empereur Napoléon. De son père Jules, il hérita une belle fortune, mais surtout un sens aigu des placements financiers. Il spécule, sans négliger de faire la fête. Il ne tient guère à épouser Anastasie, la laide fille d'une princesse russe plus ou moins authentique. C'est lors d'une soirée au cabaret Le Chat Noir que Jacques étend parler d'Antoine de Tounens, qui se proclama Roi de Patagonie. Une autre fois, pris dans une rafle pendant une soirée orgiaque au Moulin-Rouge, il passe une nuit au poste avec le Roi des Écréhou, petit archipel rocheux proche de Jersey. Jacques s'éprend de la belle Augustine, femme de spectacle fort sotte mais très docile, intéressée par la fortune de ce financier. Après les déboires de Max, son frère Robert connaît une aimable notoriété avec son dirigeable. Ce qui cause la jalousie de Jacques, et excite ses rêves impériaux.

Jacques s'informe sur l'Afrique, jetant son dévolu sur le Cap Juby. Sans doute serait-il utile de créer une ligne ferroviaire d'Oran jusqu'à cet endroit, quand il en ferait son empire. En réalité, l'expérience a été tentée, mais elle a mal fini. En mars 1903, Jacques précipite le départ de son navire, la Frasquita. Deux mois et demi plus tard, avec son petit équipage de marins qui n'ont rien de soldats, Jacques débarque sur ses terres africaines. Cette implantation est fictive, sa capitale appelée Troja” consistant en un poste habité par cinq marins, qui seront bientôt enlevés par des Maures. Les autorités françaises, espagnoles et anglaises, mettront vite un terme aux élucubrations du financier. Il sera contraint à l'exil, avec l'impératrice Augustine et leur fille Jacqueline. Il va reprendre avec succès l'activité boursière, mais la folie intégrale guette maintenant Jacques Lebaudy...

Jean-Jacques Bedu : Moi, Empereur du Sahara (Albin Michel, 2014)

Même si son délire mégalomaniaque peut apparaître aujourd'hui anecdotique, voilà un personnage singulier comme il s'en trouve quelques-uns dans l'histoire de France. Jean-Jacques Bedu choisit une présentation romanesque de son “aventure. Il a raison, car c'est le meilleur moyen de cerner son caractère, ses comportements, ses excès. Le début du récit nous permet de voir à l'œuvre Jules Lebaudy, le père, habile manipulateur de la finance. Ce qui accentue la différence avec son fils Jacques, aussi malin que lui question argent, mais ayant moins les pieds sur terre. L'auteur restitue une époque, qui ne fut belle que pour les plus riches, et montre les frasques de ce fils de famille. Il ne cherche pas à analyser sa psychologie, laissant ce soin aux lecteurs.

On peut évidemment trouver ridicule ce Lebaudy, se baptisant Jacques 1er quand il prétend coloniser un coin d'Afrique. Du moins, ce n'est pas un escroc, puisque c'est sa propre fortune qu'il dilapide avec une belle stupidité. Certes, ses projets d'Empire sont sans fondement, mais il prépare son affaire et croit probablement au bien-fondé de son idée. Moins sympathique, il l'est lorsqu'il frappe à répétition sa compagne, ou qu'il désigne les francs-maçons comme responsables du déclin du pays et de ses échecs à lui. Idem pour la dernière partie de sa vie, aux États-Unis. Est-ce que l'argent rend fou” ? C'est un des exemples qui tendraient à le démontrer. Par sa fortune, il s'est cru supérieur : il ne le fut qu'à travers sa démence. Un roman fort souriant, bien sûr, mais qui interroge aussi sur le pouvoir de l'argent.

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1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 04:55

Raymond Cloarec règne sur l’agroalimentaire dans l’Ouest : maire depuis trente ans, président de la Coopé, ami des notables influents, le mariage de son fils Tristan avec Karine Bourgeois lui permet de s’allier avec Gérard Bourgeois – le roi du poulet... Michel Le Provost, agriculteur de 32 ans, n’accepte pas les règles de la productiviste Coopé. Ceux-ci l’empêchent d’avoir la ferme d’Yves, vieux paysan voisin, qu’ils veulent attribuer au jeune Hervé. Ce dernier a finalement compris que le système dans lequel on veut l’inclure n’est pas aussi sain qu’il le croyait. Il s’associe à la rébellion de Michel, d’Yves, et de leur ami idéaliste Joël. Les choses se gâtent quand Hervé disparaît – emmené par des gros bras de la Coopé.

Michel et Joël se cachent dans une communauté “babacoule”. Dans un délire, ils décident de créer le F.L.P. – Front de Libération du Ploukistan. Ronan (journaliste local) et Claire (en rupture avec la famille Cloarec) seront avec eux dès leur première action d’éclat : ils s’attaquent à un gros producteur porcin qui transgresse largement les règlements. Un ami de Cloarec, évidemment. Il faut s’attendre à une réaction de la Coopé. Pour encore mieux tout contrôler, Cloarec et Bourgeois inventent une crise agricole d’une énorme ampleur. Ce qui met en faillite les paysans modestes ou réticents, et fait perdre leur emploi aux ouvriers de l’agroalimentaire. Ils accusent Michel et Joël d’être responsable de la crise, parlent de complot. Le duo va faire les frais de cette manipulation. Mais sonnera l'heure de la revanche pour les “Paysans et fiers de l’être”...

Gérard Alle : Il faut buter les patates (Ed.Locus Solus, 2014)

Publié en 2001 chez Baleine, ce roman est réédité début juin 2014 aux éditions Locus Solus, de même qu'un autre ancien titre de l'auteur, “Un air à faire pleurer la mariée”. Basé sur des réalités politico-économiques qui n'ont guère évolué depuis la première édition, sinon en pire, ce “polar fermier” reste d'actualité. La crise économique et la surproduction agricole n'ont, depuis, pas amélioré le sort des paysans, ni des salariés de l'agroalimentaire. La facette sombre décrite ici par Gérard Alle existe sans nul doute encore, avec ses magouilles, ses misères et ses combats. La sincère rébellion du Front de Libération du Ploukistan n'est pas vraiment celle de mouvements actuels. Gérard Alle n’oublie pas l’humour, la bonne caricature. Un roman mi-noir, mi-sourire, jamais décevant, dont la scène finale est réjouissante. Ce suspense entraînant est un régal.

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31 mai 2014 6 31 /05 /mai /2014 04:55

Sam est un Sioux, un Indien Lakota de la fière tribu des Oglala. Dans la lignée de ceux qui écrasèrent l'armée du général Custer à Little Big Horn, avant d'être massacrés à Wounded Knee. Marqué par l'histoire de son peuple, Sam est un turbulent qui quitte tôt son village, après avoir engrossé la jeune Liza. Il part vers l'Arizona, passe deux ans à Flagstaff, où il sombre définitivement dans l'alcoolisme. Il reste encore quelques chantiers à Las Vegas, pour les Indiens qui n'ont pas le vertige. Deux autres années, avant que n'arrive la crise économique. Plus de boulot, guère de fric d'avance, végéter dans un squat, puis prendre la direction de San Francisco : à peine un brin d'espoir pour Sam. “Dans le sillage de leurs utopies, les hippies avaient surtout drainé un paquet de traîne-savates, de fumeurs de joints, d'allumés, de cinglés stratosphériques.”

Mais, même si ce n'est qu'en apparence, la ville a été nettoyée de ses toxicos et de ses clodos. Calme en journée, les homeless étant invisibles, San Francisco se peuple chaque nuit de tous les zombis agressifs, junkies ou schizos, transformant les rues en terrains hostiles. Ce soir-là, Sam aperçoit une jolie femme, singulière : “Une silhouette féminine, émouvante, qui l'espace d'un instant le ramenait à des plaies heureuses.” Elle a une jambe coupée, est équipée d'une prothèse articulée sous le genou. Fasciné, Sam la suit puis l'aborde timidement. Elle se prénomme Jane. Elle le surnomme illico Deux-Ours.

Âgée d'environ trente ans, la jeune femme est native de Fresno, une des villes les moins attirantes du pays. Lors d'une fête d'étudiants, elle fut violée, ce qui précipita son départ en bus, alors qu'elle n'avait que dix-neuf ans. À San Francisco, mannequin de mode et apprentie-comédienne, Jane n'échappe pas aux drogues. Musicien, Jefferson lui apparaît assez clean pour qu'ils se mettent en couple et fassent un bébé. Et puis, un jour, un dramatique accident décide de la suite de son parcours. Ce soir-là, après quatre ans de sevrage, elle réessaie la drogue, pas une réussite. Par contre, elle rencontre un drôle de type, un Indien qu'elle va appeler Deux-Ours...

Caryl Férey : Les nuits de San Francisco (Arthaud/Flammarion, 2014)

On n'en finirait plus d'énumérer les récompenses collectionnées par Caryl Férey pour ses romans noirs. Prix Landerneau Polar 2012 et Prix Ténébris 2013, pour “Mapuche”, Grand prix de Littérature policière 2008, Trophée 813 et une demie-douzaine d'autres prix pour “Zulu” (adapté au cinéma), Prix SNCF du polar 2005, Prix Sang d'Encre et Prix Michel Lebrun pour “Utu”. Un sacré palmarès, amplement mérité. Il est donc inutile de faire l'éloge de cet écrivain.

Néanmoins, il faut souligner que Caryl Férey est aussi diablement habile dans ses romans plus courts, ses nouvelles et novelas. On a pu le vérifier avec “Raclée de verts” (disponible chez Pocket), “Famille nucléaire” et “Chérie Noire” (nouvelles dans la collection Petits polars du Monde) ou “D'amour et dope fraîche” (un épisode de la série Le Poulpe, coécrit avec Sophie Couronne).

Ici, il nous raconte en cent pages la rencontre de deux êtres marginalisés : “Je ne parlais pas spécialement de ta jambe... Je me demandais seulement comment quelqu'un comme toi pouvait se retrouver avec quelqu'un comme moi, dans ce bar, pourquoi tu erres la nuit dans les rues, pourquoi je t'ai suivie”. Deux destins, des gens qu'il est si facile de qualifier de perdants, de ratés. Alors que, même si ces deux-là sont encore jeunes, la trajectoire d'une vie est forcément plus complexe.

Quand un auteur français, aussi talentueux soit-il, décrit l'Amérique, on craint toujours que la caricature l'emporte sur le réalisme. Sans être aussi percutant que les auteurs américains de la “contre-culture”, Caryl Férey réussit à dessiner des personnages plutôt crédibles. Et quand on traduit Wounded Knee, site d'un massacre en décembre 1890, on comprend l'allusion qui inspire l'auteur. Un roman court de belle qualité, autre facette de l'écriture de Caryl Férey.

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