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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 04:55

Le 24 juin, jour de la Saint Jean-Baptiste, c'est la Fête nationale du Québec. J'essaie, ponctuellement, d'évoquer ici quelques auteurs québécois. Récemment, j'ai chroniqué les romans de Perrine Leblanc (Malabourg) et de Samuel Archibald (Quinze pour cent). À plusieurs reprises, j'ai évoqué des titres de la collection Coups de tête, dirigée par Michel Vézina. Bien qu'elle soit québécoise de langue anglaise, je chronique quelques-uns des romans de Louise Penny. J'ai consacré dans ma rubrique "Spécial Québec" des articles à des livres de Jacques Savoie, François Barcelo, Stanley Péan, Mélanie Vincelette, Andrée A.Michaud... Il sera bientôt question de Victor-Lévy Beaulieu, dont le rôle n'est pas mince dans la littérature québécoise.

Québec, une Fête Nationale... et tant d'auteurs à découvrir !

Notre camarade blogueur Richard Migneault ( http://lecturederichard.over-blog.com/ ) s'implique dans la promotion du polar au Québec. Il a coordonné un recueil de nouvelles, “Crimes à la librairie” (Éditions Druide) qui est un bon moyen de faire connaissance avec certains auteurs québécois : « Ils écrivent des polars. Des polars qu’on dévore. Et à la demande d’un lecteur passionné, Richard Migneault, ils se sont réunis autour d’un thème séduisant : crimes à la librairie. Mario Bolduc, Camille Bouchard, Benoît Bouthillette, Chrystine Brouillet, Jacques Côté, Ariane Gélinas, André Jacques, Martine Latulippe, Geneviève Lefebvre, Florence Meney, Sylvain Meunier, Martin Michaud, Patrick Senécal, Johanne Seymour, Robert Soulières, Richard Ste-Marie. Ces seize écrivains québécois de grand talent nous invitent dans autant de librairies. De ces lieux généralement paisibles, ils ont fait de véritables scènes de crime. Ils ont dénaturé ces carrefours de tous les imaginaires en transformant chaque livre qui s’y trouve en témoin de l’énigme, du suspense, de l’insoutenable. Leurs nouvelles nous permettent de découvrir leur style, leurs intrigues et leurs personnages: un tueur à gages littéraire, un homme qui détestait les livres, un général croate sanguinaire, un agent du FBI, une libraire incendiaire, un voleur d’incunables... Parions qu’après avoir lu ce recueil, vous ne verrez plus tout à fait votre librairie préférée du même œil...»

Toutes les infos sur ce recueil de nouvelles :

http://www.editionsdruide.com/livres/hiver-2014/crimes-librairie/

En France, on peut se procurer des romans d'auteurs québécois, en s'adressant aux compétentes libraires de La Librairie du Québec :

http://www.librairieduquebec.fr/

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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 04:55
Hervé Commère : Imagine le reste (Fleuve Éditions, 2014)

Nino, Cimard, Carole, Fred et Karl, ils ont tous vécu à Calais à la même époque récente, où leurs vies se sont croisées. Si personne n'a le même destin, il y a des gens comme eux qui sont liés, malgré tout. Ici, les deux copains quasi-inséparables se nomment Frédéric Abkarian et Karl Avanzato. Un duo de balèzes inquiétants, petits délinquants âgés d'une trentaine d'années. Copains d'enfance, ces malfaiteurs ont chacun fait un peu de prison. Ils ont été amoureux de la même jeune femme, Carole. Celle-ci apprenait les métiers du cirque dans une école calaisienne. C'est Fred qui était le plus accro à Carole, partie dans la région de Bordeaux. D'ailleurs, il rêve encore de faire avec elle un voyage au Portugal.

Pour le duo, le vieux Serge Cimard apparaissait comme un mafieux frimeur, dirigeant un mystérieux trafic. Sept ans plus tôt, Fred fut un temps coursier pour Cimard. Il s'agissait de livrer à moto des paquets de Calais à Paris. Et d'être réglo, car le caïd ne plaisantait pas. Quand il fut viré, Fred tenta de monter un trafic similaire, mais finit bientôt en taule. Depuis, il s'est renseigné avec précision sur les faits et gestes de Cimard. Et il a fini par lui dérober une sacoche contenant deux millions d'Euros. Cette fois, “c'est parti” avec Karl, dans la vieille Supercinq de sa mère. Direction Bordeaux, pour retrouver Carole. Un détour au Touquet, par la villa servant de refuge à Cimard, qui abrite de sacrés bolides.

En chemin, Fred explique à son pote le plan qu'il a mis au point depuis tant d'années. En arrivant à Bordeaux, leur rêve vire rapidement au tragique. Âgé de vingt-huit ans, Nino Face a vécu à Calais, dans le même quartier que Fred et Karl. Chanteur dans l'attente de percer, il était animateur au bar-karaoké Le Paradiso. Il tentait parfois d'y montrer ses talents artistiques. Karl semblait le trouver sympa. Au point qu'une nuit, avec Fred, ils ont cogné les agresseurs s'en prenant à Nino. C'est ainsi que, plus tard, Nino est entré en possession du sac volé par le duo. Ce qui s'est produit à Bordeaux, il n'en a été informé que par la suite. Car, entre-temps, le destin lui a accordé un sérieux coup de pouce.

D'un caractère volontaire, Ralph Mayerling a eu un long parcours dans le show-biz. Il a été le producteur des plus grandes stars du rock. Son intuition ne l'a jamais trompé quand il a lancé des chanteurs, des groupes. Aujourd'hui déjà âgé, il a réuni le gratin des musiciens dans sa luxueuse villa de Sainte-Maxime, où il vit avec sa compagne Rosa. Il ne manque plus que Nino, qu'il a repéré quelques mois auparavant, pour qu'existe ce groupe “vert pâle”. En fuite avec le sac volé, le chanteur se joint à eux. Il hésite à s'engager, à cause de tout ce qui précède, mais se convainc que le sac ne contient que des faux billets. En deux ans, Nino Face va effectivement connaître un succès fulgurant, grâce à Mayerling.

Serge Cimard n'est pas vraiment le froid truand qu'imaginait Fred. Certes, avec son amant Dante, il utilisa une combine pour réussir dans la vie. Mais sa carrière professionnelle fut plutôt respectable et les commerces ouverts avec son ami connurent un bel essor. Il perdit son amant dans un accident, fit ensuite quelques voyages en Thaïlande, en poursuivant sa fructueuse combine. Et puis, il y eut ce vol du sac d'argent, l'ADN de Fred, son complice Karl hors de sa portée, et la piste du possesseur actuel du butin, Nino...

Hervé Commère : Imagine le reste (Fleuve Éditions, 2014)

Il y a des romans qui n'entrent pas dans une catégorie définie. Faut-il dire que ce titre est “proche du polar” ou “presque littéraire” ? Eh bien, nous allons éviter encore une fois les étiquettes, pour affirmer qu'il s'agit d'un roman original. L'intrigue tourne autour de cette sacoche contenant deux millions d'Euros, pactole permettant de réaliser bien des rêves. Du moins, ici, Fred pense que son bonheur à venir en dépend. Pourtant, le récit va nous faire comprendre quelles sont les motivations intimes de chaque protagoniste. Nino, par exemple, a davantage besoin de reconnaissance artistique que de ce fric encombrant. Karl, Carole, Cimard, et on peut même inclure Ralph Mayerling, possèdent une toute autre psychologie que l'adoration de l'argent.

La tonalité n'est évidemment pas celle du roman d'action, même si certaines scènes sont agitées. Cette histoire nous invite à connaître en détail le parcours de ces individus. Façon de nous dire, peut-être, que chacun a le droit à son propre itinéraire, aussi chaotique soit-il parfois. L'écriture souple autant que précise d'Hervé Commère séduit. En témoigne ce portrait de Karl (vu par Nino) : “La tête cabossée comme la plupart des types qu'on croisait dans le quartier, une espèce de tatouage bleuté à la jonction du pouce et de l'index, et des épaules de lutteur. C'était en plein mois de novembre et il portait un petit pull de rien, une force de la nature.” Un suspense psychologique de très belle qualité.

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 05:17
Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Samedi 21 juin 2014, jour de l'été, une visite au Festival du Livre en Bretagne de Vannes. C'est un événement généraliste, ce qui n'empêche pas d'y croiser (hormis les stars – vus à la télé) des auteurs intéressants. Je dédie ce reportage à l'écrivain Patrice Delbourg, notre conversation ayant porté sur les mots, le langage, l'inventivité, et quelques amis du monde du polar qu'il connaît depuis toujours, dont Marc Villard, Jean-Bernard Pouy. Il collabore à l'émission de France Culture "Les papous dans la tête" chaque dimanche.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Stéphane Heurteau : auteur de bédés “Sant Fieg” (Ed.Coop-Breizh), scénariste bédé “Fanch Karadec” (Ed.Vagabondages), Carnets de voyages en croquis.

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Yann Tatibouet : romancier “Dans le sillage des forbans”, “Le Club de l'Au-delà (Ar Bed All en breton) : Les Naufragés de Gavrinis (trilogie jeunesse). Trois autres histoires de cette série seront bientôt disponibles. A côté de Yann Tatibouet, son illustrateur Hugues Mahoas.

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Frédéric Paulin : “La grande peur du petit blanc” (Ed.Goater noir), Prix Livre en Bretagne-polar 2014... et Christian Blanchard, publié aux éditions du Palémon : “Les loups gris”, “Curriculum Vitae”, “Parasite”.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Gilles Paris : “Papa et maman sont morts”, “L'été des lucioles”, “Au pays des kangourous”.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Loïk Le Floch-Prigent : “Le Mouton Noir : 40 ans dans les coulisses de la République Pygmalion 2014, “Granit Rosse” Coop-Breizh 2012.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Hugo Buan : L'incorrigible Monsieur William(Editions du Palémon, une aventure du commissaire Lucien Workan).

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Firmin Le Bourhis : “Faites vos jeux” son nouveau titre est publié aux Editions du Palémon, ainsi que les rééditions de plusieurs romans, dont “La belle Scaeroise” et “Etape à Plouay”.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Emmanuel Grand : “Terminus Belz” (Editions Liana Levi), un gros succès de ce début d'année 2014.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Dominique Dyens : “Délit de fuite”, “Intuitions”, “Lundi noir”, “La femme éclaboussée”, “Maud à jamais” est publiée aux éditions Héloïse d'Ormesson. “Intuitions” est disponible chez Pocket, on en parle bientôt...

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images

Ce week-end de début d'été, le public et les lecteurs ont répondu présent pour ce Festival du Livre en Bretagne, à Vannes.

Vannes (56) - Festival du Livre en Bretagne 2014 en images
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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 04:55

Christian Mantey est né en 1941. Il est l'auteur d'une vingtaine de suspenses pour le Fleuve Noir, à partir de 1969, ainsi qu'une dizaine de romans S.F. pour ce même éditeur. Dans les années 1980, il collabore aux productions de Gérard de Villiers, sous divers pseudos collectifs : Jeffrey Lord (série Blade), Zeb Chilicotte, Jean Christian Bergman, ou Buddy Matieson. Ses titres publiés au Fleuve Noir (L'encagé volontaire, Le même en noir, Témoin, Commission desperados, Mourir à Cefalu, etc.) sont d'agréables romans d'action, des aventures aux intrigues rythmées. S'il fallait retenir deux exemples qui sortent du lot, “Les aussi pires” et Meurtre à la ligne” apparaissent – chacun dans leur genre – comme des titres plutôt réussis.

Christian Mantey : Les aussi pires - Meurtre à la ligne (Fleuve Noir)

"Les aussi pires" (Fleuve Noir, 1973) est un roman d'aventure particulièrement mouvementé. La quête suicidaire du héros, dans le style desperado, est ici présentée avec un humour teinté de cynisme : Jos Chack donne l'image d'une jeune fils de famille, s'ennuyant quelque peu dans sa vie dorée. Sa mère vient de mourir, son père n'a guère de rapports avec lui. Ce dernier lui offre une belle somme d'argent, assez pour vivre sans souci durant un certain temps. Mais ce que cherche Jos, ce n'est pas la tranquillité financière. Il pourrait quitter Paris en prenant l'avion, ou simplement en s'achetant une voiture. Jos préfère en dérober une, c'est plus excitant.

Sur le trajet, il remarque un automobiliste au comportement curieux. Il le suit, pour voir. Cet homme est sur le point d'abattre son propre chien, pour de fumeuses raisons. Jos va sauver le chien, et le gardera. Plus loin en direction du sud de la France, il subit un contrôle de gendarmerie. Dans sa position, voilà une situation pouvant mal tourner. Mais il ne s'agit pas de vrais gendarmes. Jos n'a aucunement l'intention de se laisser dépouiller. Il se défend, tue les deux hommes, puis reprend la routre avec le chien Clebs. Lors d'une pause, l'animal est kidnappé. Qui est donc cet adversaire qui se fait appeler Hergé ? Le voleur du chien attire Jos dans une scierie désaffectée. Cette fois, c'est sa vie qui est en jeu, il en est conscient. Face au désir de vengeance de l'autre, la volonté de survie de Jos est la plus forte.

La belle Kaya est une étrangère faisant de l'auto-stop vers la Côte d'Azur. Il ne sera pas question de sentiments entre eux. Tous deux s'installent ensemble au bord de la mer. Le hasard leur permet de récolter une belle somme aux courses. Kaya avoue ne pas être insensible à l'argent. L'Américain Harrison propose à Jos une mission qu'il ne peut refuser : attaquer un transport de fonds illicite. Une opération rentable, présentant peu de risques. Échaudé, Jos se méfie des coups tordus, et celui-là s'annonce gratiné...

 

"Meurtre à la ligne" (Fleuve Noir, 1974) met en scène un auteur qui pourrait être Christian Mantey en personne. Le couple d'amis, ce sont le réalisateur-télé Jean-Jacques Goron et l'animatrice-télé aussi scénariste Joëlle Goron, alors peu connus : Florent Garnier est un romancier populaire, qui nous raconte les aléas de son difficile métier. Plein d'ironie, il égratigne le comité de lecture de son éditeur, et décrit une rencontre avec son directeur littéraire. Pour gagner davantage de lecteurs, Garnier doit-il écrire plus classique, ou cultiver sa propre publicité. La seconde solution est très certainement la plus payante, encore faut-il trouver une idée géniale. Il est l'ami d'un couple, Jean-Jacques et Joëlle (dite Jojo) Cordier. Il propose à l'intrépide Jojo de simuler une disparition spectaculaire, pour laquelle on ne manquerait pas de le suspecter lui, Garnier. Dès qu'on aura assez parlé de lui, Jojo fera son retour.

Une publicité à peine risquée, mais à la frontière de la légalité. C'est pourquoi la jeune femme hésite quelque peu. Jojo finit par accepter, malgré tout. Après avoir conditionné certains témoins, elle se cache. Dans les jours qui suivent, les proches de Jojo s'inquiètent naturellement. Des soupçons se portent sur Florent Garnier, comme prévu. Celui-ci comprend bientôt pourquoi il ne parvenait pas à joindre Jojo au téléphone. À cause d'un curieux réseau téléphonique clandestin, dont Garnier finit par joindre des membres. Avec eux, afin de se disculper, il vont chercher à retrouver Jojo...

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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 04:55

Tous les truands de la planète ont imaginé de réaliser un jour le casse parfait. Emporter le pactole grâce à une opération magistrale, et ne jamais se faire prendre. Un rêve utopique, parfois partagé par des citoyens ordinaires, sans doute. Mais ils sont bien rares, quasi-inexistants, ces braquages qui rendent les malfaiteurs riches comme Crésus.

Pourtant, il y en eut de très audacieux. L'équipe qui prépara le vol des tableaux de l'exposition Picasso à Avignon, en 1976, fut capable de maîtriser les gardiens. Il durent un peu cogner, mais les 119 toiles de Picasso transitèrent bientôt jusqu'à la planque prévue. La suite s'avéra plus délicate, les négociations avec l'assureur Lloyd's ayant échoué. S'adresser à des pros du banditisme pour écouler les tableaux était hasardeux. En Suisse, s'attaquer à la fonderie d'or Metalor en janvier 2004 semblait jouable pour Gérald, Max et leurs complices. Sauf qu'ils ne pouvaient qu'être les premiers suspects. Et eux aussi, ils eurent la mauvaise idée de s'adresser à des mafieux corses pour écouler le butin.

À l'automne 2009, le plus célèbre nom de France fut certainement celui de Tony Musulin. Ce convoyeur de fonds venait de disparaître avec plus de onze millions d'Euros. Somme qu'il rangea sans tarder dans un box qu'il avait loué, heureux d'avoir été plus fort que son employeur, la société Loomis. Le grand public s'amusa beaucoup de cette affaire, réalisée sans violence au détriment de l'institution bancaire. Malgré tout, Musulin finit en prison, sans qu'on ait retrouvé la totalité du butin. En Espagne, l'affaire El Dioni fut similaire : un transporteur de fonds s'envola avec son camion chargé de billets. Ce fut au Brésil qu'il dilapida une partie du fric volé, avant d'être arrêté. Son procès fit de lui une véritable star en Espagne dans les années 1990, notoriété dont il profita pendant quelque temps.

Le banditisme s'aventura parfois aux frontières de la politique. En juin 1971, le braquage de la poste centrale de Strasbourg fut rapidement mené, telle une opération militaire. Huit malfaiteurs aguerris, probablement les mêmes ayant réalisé des hold-up dans l'Ain, la Loire et l'Isère ces derniers temps. Un “Gang des Lyonnais”, dont le gitan Edmond Vidal était un des chefs. Mais la bande incluait aussi d'anciens baroudeurs d'Algérie ainsi que des militants gaullistes du SAC. C'est un magistrat expérimenté qui s'occupe du dossier, le juge Renaud. Sans doute n'est-il pas loin de prouver les connexions entre truands et SAC, lorsqu'il est assassiné en juillet 1975. On se souvient que ce dramatique épisode fut bien gênant pour les autorités politiques de l'époque.

Patrick Caujolle : Les casses du siècle (Le Papillon Rouge Éd., 2014)

En 1986, c'est à Saint-Nazaire que se déroula un braquage spectaculaire. Des employés de la Banque de France, à commencer par le caissier et sa famille habitant au-dessus des locaux, furent pris en otage. Quatre-vingt-huit millions de Francs (treize millions d'Euros) disparaissent dans les trois véhicules des voleurs. Quelques jours après, les bandits ne se privent pas de ridiculiser publiquement Charles Pasqua et Robert Pandraud, politiciens qui se voulaient des champions de la lutte contre l'insécurité. Les policiers rapprochent cette affaire d'un récent cas comparable à Niort. Ils finissent par mettre au jour un réseau, où se côtoient de vrais truands et des activistes italiens d'extrême-gauche.

Parmi les casses “historiques”, l'affaire des bijoux de la Begum (datant de 1949) a laissé moins de souvenirs aux générations actuelles que le braquage du train Glasgow-Londres en 1962, qui reste le plus classique de tous. Y compris à cause du jeu du chat et de la souris qui s'ensuivit, entre Scotland Yard et les voleurs, dont le fameux Ronald Biggs. Autre histoire ferroviaire : en juillet 1944, des maquisards s'attaquent au train reliant Périgueux à Bordeaux. Afin de financer leurs actions, ils dérobent l'équivalent de quarante-deux milliards d'Euros, appartenant à la Banque de France. Non sans diverses complicités. Une part à servi à la Résistance, mais l'essentiel a pu enrichir des personnes ayant “oublié” de rendre les sacs de billets, ou certaines causes politiques.

Rocambolesque cambriolage via les égouts et le Paillon, mais aussi spectaculaire évasion du principal suspect : l'affaire du casse de Nice, en 1976, et le nom d'Albert Spaggiari ont évidemment marqué les esprits. À l'opposé, un cas sûrement ignoré chez nous : au Japon, en 1948, un faux médecin empoisonne le personnel d'une banque, et rafle une belle somme en espèces. Rapidement, un artiste-peintre est suspecté. Malgré des failles à son procès, l'homme est condamné à mort. Il ne décédera qu'en 1985, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans, car le doute restait vif sur sa culpabilité.

De Boston à Fortaleza (Brésil) en passant par Belfast ou Milan en 1958, des braquages visant les diamantaires d'Anvers jusqu'à la cybercriminalité, ce sont vingt-six affaires qui sont évoquées ici. Un panel d'histoires allant du quasi-amateurisme au grand banditisme. À travers le vingtième siècle, mais avec également quelques dossiers très récents, pas tous résolus (tel le Carlton de Cannes, braqué en juillet 2013). Un livre passionnant.

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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 04:55

Amateur de bières originales et goûteuses, Gabriel Lecouvreur est surnommé Le Poulpe. Il habite Paris, partage la vie de la blonde coiffeuse Chéryl, et fréquente assidûment le bistrot de son ami Gérard. Plutôt pessimiste sur l'état de notre société, Gabriel est un quinquagénaire libre et curieux, qui va fouiller à son compte dans les désordres et les failles apparents du quotidien. Il démarre toujours de ces petits faits divers qui expriment, à tout instant, la maladie de notre monde. Ni vengeur, ni représentant d'une loi ou d'une morale, c'est un enquêteur un peu plus libertaire que d'habitude, c'est surtout un témoin. Cette fois, c'est Chéryl qui alerte son compagnon sur une mort fort suspecte à Liège. Le Poulpe ne tarde pas à prendre la direction de la Belgique, par le train.

Marié à Jana, qui est d'origine flamande, père de deux enfants, Christian Fischer était ouvrier dans la sidérurgie. Outre son métier, avec son ami Lounès Ferahi, il récupérait ce dont les gens se débarrassaient, afin de les vendre dans les vide-greniers. Une activité qui leur permettait de gratter un peu d'argent, en ces temps où l'avenir de la sidérurgie est de plus en plus incertain. Le soir où il a été assassiné, Christian Fischer avait un rendez-vous avec un contact, ce qui ne plaisait guère à Lounès. Dans le train, Gabriel a rencontré le jeune Julien, pas si marginal qu'il veut bien l'afficher. Plus tard, il fait la connaissance de la sportive Christelle Goosens. Deux alliés dans une ville où on est étranger, pas inutile. Y compris pour circuler en voiture, car les bouchons de Liège sont célèbres.

Puisqu'il est dans la ville natale de Georges Simenon, Le Poulpe est bien obligé de se plier au rituel d'une enquête. Déjà nerveux quelques jours avant cette affaire, Lounès s'avère fuyant vis-à-vis de Gabriel, pas pressé non plus d'aller témoigner au commissariat. Dans les heures précédant le crime, Christian et Lounès se sont bagarrés dans un bistrot. Rien n'indique s'ils se sont revus le même jour. Le Poulpe s'interroge sur un homme portant un keffieh palestinien, qu'il a remarqué aux obsèques de Christian, puis en plusieurs autres occasions. Jana Fischer ne peut guère renseigner Gabriel, si ce n'est lui confirmer que leur situation financière restait précaire. 

Quand, avec Christelle, Le Poulpe fait le tour des adresses où Lounès et Christian ont récupéré des bricoles ces derniers temps, il ne glane pas d'élément nouveau sérieux. Lorsqu'une voiture leur fonce dessus, c'est pourtant le signe qu'ils ont contrarié quelqu'un. Le dernier client du duo, bouquiniste spécialiste de Simenon, n'en apprend pas davantage à Gabriel. Ce dernier ignore qu'un certain Marteen organise ici une propagande politique occulte. Il profite des effets de la crise touchant la sidérurgie pour répandre des idéaux extrémistes. Son jeune complice est très actif sur les réseaux sociaux. Le Poulpe va devoir s'armer pour bousculer certaines personnes, afin d'éclaircir les faits...

  Dominique Delahaye : L'année des fers chauds (Le Poulpe, 2014)

Sauf exceptions (J.B.Pouy, D.Daeninckx), chaque épisode de la série Le Poulpe est signé par un auteur différent. Ce qui confère à ces romans des tonalités assez différentes, selon l'inspiration de chacun des romanciers. Il arrive qu'on s'éloigne quelque peu de “l'esprit” animant Gabriel Lecouvreur. Outre l'intrigue purement criminelle, c'est un regard sur notre société que l'on attend de ces histoires.

Dominique Delahaye ne l'ignore pas, situant son opus dans le contexte social liégeois, qui subit la fin annoncée de l'industrie sidérurgique. Malgré les apports financiers gouvernementaux, les ouvriers perdent leur emploi, tandis que des groupes tels qu'Arcelor Mittal se portent à merveille, faisant des bénéfices. Le cynisme de certains “dirigeants” est, on le verra, fort bien illustré ici.

Par ailleurs, Dominique Delahaye nous offre une sympathique visite de l'agglomération liégeoise, évoque inévitablement l'œuvre de Simenon, dresse le portrait d'une famille de cathos intégristes, regrette que les gares aient largement perdu leur âme en ressemblant à des espaces commerciaux, souligne que l'immigré intégré socialement a encore du mal à être un citoyen lambda. C'est donc un Poulpe “pur jus” (de houblon, car la bière est aussi consommée que le peket en Wallonie) que nous propose Dominique Delahaye. Une aventure de Gabriel Lecouvreur à ne pas manquer.

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18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 04:55

Le Cramé fait figure d'ennemi public n°1. De son vrai nom Gosta Murneau, il est le chef d'un gang de truands pros. L'équipe du flic Fabiani, de la BRB, le traque sans relâche. On sait que le Cramé, dur mais humain, est respecté par le grand banditisme. Son surnom vient de sa cicatrice, due à une brûlure. “La rage ? Je l'ai en moi depuis petit, c'est vrai. Et les connards qui me craignent savent pourquoi. Quant à ma cicatrice, c'est pas une belle histoire, et j'aimerais pas que vous fassiez des cauchemars à cause de moi...” Alors qu'ils braquent une banque, le Cramé et ses complices sont bientôt cernés par la police. Ses complices sont abattus, mais sa compagne Isabelle intervient – façon Catwoman – afin de sortir le Cramé du pétrin. Regagnant sa luxueuse planque au cœur de Paris, dans l'Île-Saint-Louis, le chef est convaincu d'avoir été trahi par un membre de sa bande.

La chirurgie esthétique permet au Cramé d'effacé cette cicatrice qui permet de le repérer trop facilement. Si son visage a un peu changé, son regard reste celui d'un fauve. Aidé par son ami Lino, le Cramé veut récupérer au commissariat de Saint-Denis le dossier sur son braquage raté. Car le nom de l'indic l'ayant balancé doit s'y trouver. Il va se substituer à un policier muté de Nouméa, Ange Gabriel, arrivant en poste au commissariat. Le Cramé s'installe dans son rôle de flic, assisté de deux adjoints. Il ne récolte rien, car le dossier qu'il cherchait a été gardé par Fabiani. Pour faire du chiffre, son supérieur Legadec vise avant tout la délinquance des cités. Le Cramé s'intéresse, lui, au kidnapping du fils de l'infirmière Lise Duart, employée en psychiatrie à l'hôpital Sainte-Marie. Il a comme une dette envers elle. Le petit Louis, six ans, n'a certainement pas fugué.

Le Cramé suit la piste de pédophiles, d'un ex-éducateur ayant un alibi, jusqu'à l'avocat d'affaires Bayonna. Ce dernier est un coriace, aussi faudra-t-il que Lino et le Cramé se montrent plus féroces que lui. Francis, un complice du Cramé, est la prochaine cible du policier de la BAC Blanchard et de sa sportive adjointe Machin. Encore une dénonciation du même indic, sans doute. Le Cramé met tout en œuvre pour résoudre le problème. Puis, pensant avoir identifié le traître, et ayant renoué avec le gang, Lino et le Cramé s'en vont chasser les trafiquants de mômes. Après un premier échec, la piste d'un flingue russe tout neuf caché près de l'hôpital les conduit vers Omar Mossaya. Ce grand black est un caïd des cités, à Saint-Denis. Il connaît la réputation du Cramé. Il ne tient pas à le contrarier, mais n'est pas concerné. Par contre, il a un frère beaucoup moins réglo que lui...

Jacques-Olivier Bosco : Le Cramé (Pocket, 2014)

Jadis, Arsène Lupin infiltra lui aussi la police. Dans la filmographie de Gabin ou Belmondo, on ne sait pas forcément de quel côté de la frontière ils se trouvent, flics ou truands. Ici, l'auteur pense aussi à Matt Damon dans “Les infiltrés” de Martin Scorcese. Et n'oublie pas d'évoquer quelques films polars appréciés des cinéphiles. L'écriture est vive et précise, se voulant “visuelle” comme on dit aujourd'hui. Ce qui, simplement, signifie que le tempo est rythmé, les rebondissements nombreux, dans une succession de scènes agitées. Le petit résumé ci-dessus n'en donne qu'un faible aperçu, les lecteurs le découvriront.

Un pur roman d'action et de suspense dans la grande tradition, voilà ce que nous propose Jacques-Olivier Bosco. Ce personnage du Cramé réunit les meilleures caractéristiques du héros d'aventure. Force et inventivité, prise de risque permanente, il est “sous pression” sans jamais renoncer. On le craint ou on le respecte, on le trahit, il s'impose toujours. Entre violence et subtilité, ses méthodes s'adaptent à chaque situation. Pas de cruauté de sa part, mais il assume pleinement son statut de chef de bande. En tant que faux “commissaire”, le Cramé mène une véritable enquête, évidemment plus musclée que ne le ferait un policier ordinaire. Un noir polar authentique, tel qu'on les aime.

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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 04:55

Le public français s'est passionné pour la Coupe du Monde de football en 1998, qui vit la victoire de l'équipe de France. Le capitaine de cette équipe mythique qui a battu le Brésil en finale, Didier Deschamps, est le sélectionneur de celle de 2014. On verra si c'est de bon augure. Voici l'occasion d'évoquer quelques romans ayant trait au football.

Certes, on trouverait quelques titres étrangers, tel celui de David Peace “44 jours” (Rivages, 2010) : Le lendemain de Noël 1962, Brian Clough, buteur surdoué de l’équipe de Sunderland, se blesse. Ce sera la fin d’une carrière qui s’annonçait exceptionnelle. Avide de revanche, il se reconvertit comme manager. Aidé de son inséparable ami Peter Taylor, il va conduire l’équipe de Derby à la victoire en championnat d’Angleterre. Deux ans plus tard, Clough prend la direction de Leeds United, l’un des plus grands clubs européens. Fidèle à son style, il commence par jeter un pavé dans la mare : Leeds ne doit ses victoires qu’à la tricherie et aux manœuvres de son prédécesseur. Désormais, l’honnêteté et le beau jeu régneront sans partage. Mais c’est sans compter avec l’hostilité de l’équipe et des dirigeants : ce qui s’annonçait comme le couronnement de la carrière de Brian Clough vire au cauchemar...

Il faudrait aussi évoquer le roman d'Alfred Draper : A mort l'arbitre (Série Noire, 1973), pionnier du thème. Une grande partie de la planète parlant plutôt de soccer que de football, intéressons-nous donc à une poignée de polars français abordant, de près ou de loin, ce sujet. Citons l'épisode du Poulpe (n°128) signé Frédéric Prilleux et Michel Pelé : Kop d'immondes (Baleine, 1998). Une version bédé de ce roman a été publiée aux éditions 6 pieds sous terre, en 2004. Par ailleurs, Frédéric Prilleux a concocté un recueil de nouvelles, réunissant 17 auteurs : Les hommes en noir (Les Contrebandiers, 2011). Marcus Malte, Caryl Férey, Jérôme Leroy, Dominique Sylvain, Marc Villard, Thierry Crifo, Jean-Hugues Oppel figurent parmi les auteurs ayant contribué à ce recueil sur les arbitres de football... Revenons sur quelques autres titres.

Mondial 2014 : Football, suspense et polar

Marc Villard “Ballon mort” (Série Noire 1984, Le Castor Astral 2008)

François Bertolini, 34 ans, a fait une belle carrière de footballeur. Voilà une dizaine de jours qu’il a disparu. Il avait souscrit une assurance-vie pour une forte somme. Enquêteur de la compagnie, Stéphane Miller est lui aussi natif d’Orlandeaux. Adolescent, il a souvent joué au foot avec Bertolini sur le vieux stade de la ville. Avec son jeune fils Freddy, expert absolu en cinéma, Miller va séjourner sur place chez son père, le temps d’éclaircir l’affaire. Doumicq, l’agent d’assurance local, ne voit pas vraiment la nécessité d’une enquête. La famille Bertolini ne parait pas se tracasser pour la disparition du joueur. Après un pèlerinage sur le terrain de foot de sa jeunesse, Miller interroge l’épouse de François Bertolini. Mal vue de la famille de son mari, elle apparaît sur la défensive. Certain que son ami est mort, Miller cherche l’endroit isolé ou dangereux pouvant receler son corps.

C’est au fond des Grottes de Caliante qu’il découvre le cadavre de Bertolini, enseveli sous des roches. Accident ou simulation masquant un meurtre, ce ne sont pas les “pedzouilles zélés” de flics du coin qui sont capables de répondre. Désormais, Miller en fait une affaire personnelle. Le cas de Lou Simonin, catho traditionaliste, qui dirige l’association “Les amis de la Plaine”, intrigue toujours Miller. L’enquêteur et Freddy sont la cible d’une camionnette non identifiée…

Ce fut un des premiers succès de Marc Villard. On a tort d'opposer sportifs et intellectuels. Car nos images d’enfance, nos admirations et nos plaisirs, restent ancrées en nous. Foot, cinéma, rock et jazz, telles sont les références indélébiles de l’auteur. Mais il n’oublie pas de nous proposer une vraie intrigue, sombre sans être trop noire.

Caryl Férey “Raclée de Verts” (Suite Noire 2007, Pocket 2013)

Admirateur de la grande époque des Verts, l’équipe de foot de Saint-Étienne, Michel habite dans la banlieue stéphanoise. Il vit seul avec son vieux chien Janvion. Étant interdit de stade, il suit les matches de l’actuelle équipe de Saint-Étienne à la télé. Ce gros supporter raciste n’aime ni les colorés de diverses origines, ni les femmes qui sont toutes nulles. Il se moque d’avoir des amis, les Verts constituant son unique univers. Chaque soir de match, l’adrénaline monte en lui. Il profite de cette excitation pour agresser chez elles des vieilles dames qu’il a repérées. Il les identifie aux anciens adversaires de sa glorieuse équipe. Le chien Janvion est son partenaire lors de ces braquages, qui leur permettent de subsister financièrement. Que le butin soit faible ou plus rentable, Michel supprime ses victimes sans états d’âme. Puis il retourne à sa délirante passion.

Michel perd soudainement l’odorat. Pas si grave, puisque les Verts gagnent contre Strasbourg. Plus embêtant, il perd aussi le sens du goût. L’important, c’est le petit match nul de Saint-Étienne à Marseille. Dans son bistrot habituel (où il est toléré), Michel passe une soirée arrosée avec Marie. La situation va bientôt se gâter pour Michel...

Ironique portrait d’un solitaire monomaniaque, obnubilé par sa passion jusqu’à l’excès, indifférent au reste du monde, inconscient de sa monstruosité. On peut se demander si ce genre de personnage, cas d’exception sans doute, n’existe pas réellement. Caryl Férey le rend très crédible. Les références à la formidable épopée de l’équipe stéphanoise ravivent nos heureux souvenirs. Quant au style, il est savoureux : “Janvion [le chien] a 29 ans. Il est en fin de carrière mais ne le sait pas encore. Je le lui dirai un jour, avant de le piquer.” Drôle et cruel, à la fois. Délicieux, donc.

Mondial 2014 : Football, suspense et polar

Ludo Sterman“Dernier shoot pour l’enfer”, Fayard Noir (2012).

Julian Milner est un journaliste sportif parisien âgé de trente-cinq ans. Fils d’un militant irlandais, son heure de gloire arrive enfin en ce printemps 2008. Julian vient de publier la biographie d’Angel Novella, le leader de l’équipe de France de football qui gagna la Coupe du Monde 1998. Novella étant décédé brutalement en 2006 après une fin de carrière en demi-teinte, il a recueilli des témoignages sur celui qui fut un héros pour les supporters. Le livre s’annonce un succès, mais la haute direction du journal garde un œil quelque peu méfiant sur Julian. Le suicide de Sébastien Peyron, au lendemain de la présentation de cette biographie, pousse Julian à s’interroger. Star lui aussi de la grande équipe de 1998, Peyron avait un caractère peu expansif, mais ça n’explique pas son acte. Le commissaire Martinez mène une enquête de routine sur ce décès, sans livrer le fond de sa pensée.

Évidemment, l’aspect financier de la victoire de 1998 n’a pas été tellement clair. Bien qu’étant un élément-phare de l’équipe, Peyron a pu faire partie des joueurs moins bien servis. Le grand patron du journal insiste pour que Julian se consacre à la promo de la biographie, plutôt qu’à de vaines recherches sur le suicide de Peyron. Joseph, vieux journaliste écarté après de sulfureux articles, recommande la prudence à Julian. Néanmoins, celui-ci rencontre Aurélie, la veuve du joueur, avant d’aller interroger des anciens de 1998 qui se sont vite éloignés de l’équipe. Frattaci admet que l’esprit collectif était bon et qu’il ne négligeait pas le fric, mais que certaines règles de vie n’étaient pas à son goût. Une nuit, Julian se laisse enfermer dans les locaux de la Fédé, afin de consulter les dossiers financiers. Il va de plus en plus s'exposer aux dangers mafieux du foot...

Les milieux sportifs seraient bien plus frelatés encore qu’on ne l’imagine. On y préserve un statut supérieur, davantage basé sur des sommes colossales occultes que sur le sport et l’efficacité de chacun. L’omerta va plus loin, banalisant le dopage et ses dangers. Y compris dans le football, même si les cas probants ont été niés, étouffés, et vite oubliés. Tel est le thème de ce roman noir, fort bien documenté sur les plus sombres aspects du foot-bizness, qui montre les rouages et pressions ainsi que les complicités au sein de cet univers vicié. Excellent polar sur les arcanes du football de haut niveau.

Pascal Martin Les fantômes du Mur Païen (Presses de la Cité, 2006)

Surnommé Le Bonsaï, Vincent Romain est un jeune spécialiste des virus. Foch, son mentor, fait appel à lui pour une délicate affaire. Neuf clandestins Noirs ont été massacrés dans la forêt vosgienne, près du “Mur païen. Le Bonsaï s’installe à l’auberge de Lou, près du Mont Sainte-Odile et du lieu du crime. Germain, l’amant garde-champêtre de la jeune femme, ne comprend pas pourquoi Lou le rejette. Inspiré par sa game boy, Le Bonsaï devine que Germain servit de guide au groupe de Noirs. Il ne put empêcher le carnage, perpétré par un commando de tueurs. Il y avait un dixième noir, Aga, un gamin muet de douze ans qui s’est réfugié chez Lou.

C’est cet enfant que Le Bonsaï est chargé de retrouver, pour le compte de Jean Orion, président du club de foot strasbourgeois. Le policier Mignoni surveille Le Bonsaï. Le rôle de l’inspecteur n’est pas de contrer son action, mais de servir au mieux les intérêts du Ministère. L’affaire attise de vives tensions sociales et raciales. Quand trois footballeurs blancs de Strasbourg sont empoisonnés, des fachos en profitent pour multiplier les troubles. C’est à cause d’un ancien mercenaire portugais que des “gastéropodes assassins foutent la pagaille sociale”. Dans l’ombre, les néo-nazis flamands qui ont massacré les Noirs (et tué Germain) traquent toujours Aga. Le Bonsaï, Lou et Aga doivent fuir. Mignoni les aide à repousser le commando de nazillons...

Excellent roman d’action, à la narration fluide. Le tempo est vif, les rebondissements sont nombreux. On y retrouve Le Bonsaï, et plusieurs autres personnages tout aussi singuliers. L’ambiance est énigmatique, sans aucune lourdeur. Car on sourit également – des médisantes habituées d’une winstub, ou de la voiturette poussive du Bonsaï, par exemple. Ce suspense souligne les méfaits du racisme. Il aborde les relations entre l’argent et le football, devenu une vraie industrie.

Yann Venner La disparue de Guingamp (L’Ecir, 2007)

Tout irait bien dans ce petit coin de Bretagne, si un malfaisant n’avait saboté la voiture de Fanch, et saccagé le jardin de son vieux copain Eugène. Leur ami le commissaire Cesare Le Tellier est prêt à enquêter, quand il est chargé d’une affaire plus grave. Apprentie coiffeuse, Rébecca Stereden est la fille de l’adjudant de gendarmerie du secteur. Nourrie de romans sentimentaux, la jeune blonde sans cervelle se croit aimée d’un footballeur africain de Guingamp. Elle a fugué pour rejoindre son beau Victor. Éméchée et excitée, Rébecca le retrouve au stade du Roudourou, où l’En Avant prépare son prochain match. Tous deux sont agressés. Rébecca est kidnappée.

L’adjudant Félix Stereden reçoit le scalp de sa fille, avec la demande d’une forte rançon. “C’est la démocratie qu’est atteinte. S’en prendre à la fille d’un gendarme, fleuron de votre sécurité, c’est comme si on s’attaquerait en direct à Marianne, statue de notre liberté, notre mère à tous” clame Félix, tandis que son opulente épouse récolte des fonds pour la rançon. Ouvrier d’une usine de charcuterie, Bertrange est passionné de culture amérindienne. A tel point que ça l’a rendu schizophrène, cet “Indien” qui a enlevé Rébecca. Le policier Cesare interroge les footballeurs guingampais et les amies de la disparue, sans obtenir d’indice probant. Le match Guingamp-Marseille se joue sous haute surveillance, car Cesare pense que le kidnappeur rôdera au stade du Roudourou...

Cette “comédie noire” est fort sympathique. On retient d’abord l’humour, dans de savoureux portraits : “Il lui dit qu’il était Malien du nord. Elle répéta partout qu’elle sortait avec un joueur de foot nord-malien.” Passionné des mots, Yann Venner ne lésine pas sur la caricature appuyée. L’auteur parvient à exprimer une certaine noirceur, grâce à un inquiétant psychopathe. La narration amusée évite un trop sombre suspense.

Mondial 2014 : Football, suspense et polar

Un aspect parallèle au football est aussi évoqué dans “Trash Circus de Joseph Incardona (Ed.Parigramme, 2012) : Trente-trois ans, sportif, veuf, père de jumelles de douze ans, Porsche, Rolex, appartement luxueux, vêtements coûteux, Frédéric Haltier a le profil du gagnant dans l’univers des médias. Son autre facette, ignorée de tous ses proches, est nettement plus sombre. Supporter du PSG, il fait partie de ceux qui pratiquent la baston en marge des matchs, la castagne sauvage mêlant skins fachos et hooligans sans pitié. Cette violence, il en a aussi besoin lors de ses rapports sexuels, traitant les femmes tels de simples objets de luxure.

À paraître à l'automne 2014 aux éditions La Gidouille, la prochaine aventure de Léo Tanguy sera signée Michel Dréan, et concernera également le football. On peut lire encore le roman “Footness” de Dragan Brkic, sur l'influence de l'argent dans le sport, publié chez PubliBook. Il existe certainement d'autres romans français sur le thème du football, ou s'en approchant, ces exemples n'étant pas exhaustifs.

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