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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 04:55

Jeune journaliste, Ludovic Mermoz s'est installé dans un village à quelques encablures de Saint-Étienne, dans le massif du Pilat. Il y a crée un petit journal local, “Le vilain canard du Pilat”. Il est entouré de Lucile Kerouec, “miraculée des services psychiatriques”, et de Lola Campagnole, championne de twirling bâton. Outre ces deux collaboratrices ayant des attaches dans la région, il y a aussi Yvon Ben Ouassil. Ce marginal mi-Breton, mi-Tunisien s'implique volontiers dans les enquêtes journalistiques de Ludovic Mermoz. L'ouverture d'une aire pour gens du voyage agite une partie de la population de Latourbière-sous-Pilat. Sous l'impulsion d'un ex-commerçant d'ici, Edmond Lopard, il s'est même créé un comité d'opposants, la LDL. Jérémy di Calcio, un jeune quelque peu paumé, ne jure plus que par ce nouveau gourou, apôtre de l'intolérance.

Ludovic Mermoz est averti par un appel téléphonique anonyme qu'un cadavre gît dans un fossé, non loin de l'aire des nomades. Sur place, il n'y a plus qu'à alerter la gendarmerie. Le corps est celui d'un jeune Tzigane, Imir Kastriot. Le vieux chef des gitans installés sur l'aire, Artoran, n'est pas loquace envers les journalistes. Pas hostile, non plus. Ce qui, entre marginaux, laisse une chance à Yvon Ben Ouassil de l'apprivoiser. Artoran compare Imir Kastriot à un hérisson, “niglo” en langage gitan. Un animal parfois tué par hasard, ou alors par un de ses prédateurs naturels. Les gendarmes ne tardent pas à arrêter Zéoviev, un voisin. Plusieurs sanglants indices l'accusent. Mermoz et son équipe pensent qu'il a simplement déplacé le corps, mais qu'il est innocent. D'ailleurs, un paysan d'à côté est en mesure de fournir un très bon alibi à Zéoviev.

Pour les journalistes du “vilain canard du Pilat”, les meilleurs suspects restent Jérémy di Calcio et Edmond Lopard. En ce soir du 14 juillet, ils font la tournée des bals de la région afin de retrouver le jeune di Calcio. Quand on le secoue un peu, il avoue les avoir alerté par téléphone, mais nie être impliqué dans le crime. Pourtant, dès le lendemain, Jérémy di Calcio se dénonce, avant d'être rapidement incarcéré. S'il a voulu se protéger, il n'est pas certain qu'il échappe à la mort. Au journal, menaçant Lola Campagnole, un cambrioleur a volé leurs récents fichiers photos. Peut-être qu'on ne souhaite pas que ressurgisse le passé d'Imir. Suivant une autre piste, Mermoz et Yvon surveillent la belle Nina et la boite de nuit “Standing Ovation”. Un repaire de mafieux, à n'en pas douter. Reste à savoir qui avait le plus intérêt à supprimer le jeune gitan…

Jean-Louis Nogaro : Niglo (Coëtquen Éditions, 2014)

On retrouve ici le contexte d'un précédent roman de Jean-Louis Nogaro, “La morte des tourbières” (Éd.du Caïman, 2012). Le décor, c'est un secteur du Massif Central proche de la vallée du Rhône, autour de Saint-Genest-Malifaux, non loin de Saint-Étienne (Loire). D'ailleurs, c'est dans cette ville que débute l'affaire, trois ans plus tôt. Des paysages que l'auteur connaît bien, ce qui explique que ses personnages s'y déplacent avec aisance. On nous livre peu d'éléments sur Ludovic Mermoz et son équipe. Le plus insolite et attachant, c'est Yvon, le Djerbien baba cool. L'association d'Edmond Lopard rappelle tous ces comités anti-gens du voyage nés ces dernières années, attisés par des politicards populistes.

L'intrigue s'inscrit dans la bonne tradition du roman d'enquête, avec sa panoplie de pistes incertaines, de suspects aux alibis douteux, de témoins plus ou moins utiles. Ce qui entraîne les lecteurs au gré de péripéties mouvementées à souhaits. Dans le polar, la forme classique est toujours une valeur sûre : le récit étant d'une très belle fluidité, on suit avec un vrai plaisir les investigations de ces journalistes campagnards.

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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 05:20

Âgé de quarante-huit ans, Lemuel Gunn fut policier à la criminelle du New Jersey, avant de devenir espion pour la CIA, opérant en Afghanistan. Désormais, il s'est installé comme détective privé à Hatch, dans le Nouveau-Mexique. Il vit dans une grande caravane en alu, ayant servi d'appartement à Douglas Fairbanks Jr lors d'un tournage. Sa voiture est une authentique Studebaker coupé Starlight 1950. Il a adopté Kubra Ziayee, jeune Afghane de dix-sept ans et demi qui poursuit maintenant ses études aux États-Unis. Lemuel Gunn est l'amant de France-Marie, rousse comptable québécoise divorcée gérant ses comptes. Il n'apprécie pas la modernité, se sentant plus proche de l'époque de Nat King Cole, de Bo Diddley, voire de l'époque du cinéma muet avec Clara Bow. Il garde en lui une certaine rancœur après son expérience de baroudeur en Afghanistan.

Ornella Neppi est âgée de trente-trois ans. Ayant des origines corses, cette marionnettiste est aussi par intérim garante de caution judiciaire. Elle a été mal avisée dans le cas du nommé Emilio Gava, quarante-deux ans, arrêté pour un deal de drogue dans un bar. Dès la caution versée, il a disparu. Elle s'adresse à Lemuel Gunn, le détective le moins cher, en espérant qu'il retrouve le fugitif. L'enquêteur baptise la jeune femme Vendredi, masquant peu son attirance envers elle. Gunn contacte le commissaire Awlson, de Las Cruses, où se sont déroulés les faits. Emilio Gava a été dénoncé anonymement, mais l'enregistrement téléphonique démontre que c'est lui-même qui a appelé. Il y a sûrement une logique là-dessous. Les photos d'Emilio Gava, y compris celles du journal local, ont été interdites sur intervention du FBI. Jennifer Leffler, complice d'Emilio Gava, n'existe pas légalement.

Lemuel Gunn enquête aux Jardins de l'Est d'Eden, où logeait le disparu. Le concierge, puis les voisins avec lesquels il jouait au poker le dimanche soir, lui donnent quelques pistes. Gava avait une amante blonde, dont on ne sait rien. Il semblait attendre quelque chose. Il passa des appels téléphoniques clandestins vers le Nevada. Gunn interroge le dealer impliqué dans l'arrestation, avant de se rendre à Chicago chez le coûteux avocat de Gava. Le détective apprend que Gava bénéficie du programme de protection des témoins. Mais, au FBI d'Albuquerque, personne n'est prêt à collaborer.

Plus tard, Charles Coffin lui rend visite à sa caravane. Cet agent du FBI chargé du cas Gava lui explique les détails. Une vendetta entre familles mafieuses propriétaires de casinos à Clinch Corners, dans le Nevada. Gunn et Ornella se rendent bientôt dans le désert Mojave, à Nipton. Bonne occasion de devenir intimes. Dans un ex-saloon devenu salon de coiffure, on les met sur la piste d'Annabel Saxby, ex-amante de Gava. Elle a servi d'intermédiaire entre lui et un mafieux de Clinch Corners, qui conduit une Cadillac coupé Lasalle 1938. Au casino, les Baldini ne sont pas opposés à une entente avec le détective. Le danger reste présent, y compris pour l'entourage de Gunn…

Robert Littell : Une belle saloperie (Points, 2014)

C'est un délicieux roman de détective que nous propose Robert Littell, auteur confirmé surtout connu pour ses histoires d'espionnage. Le “privé” Lemuel Gunn est un personnage idéalement décalé pour incarner ce rôle. Si sa culture n'inclut pas l'informatique et autres notions actuelles, il s'agit d'un homme d'action qui ne craint pas grand monde. Outre le Nouveau-Mexique, il nous donne l'opportunité de découvrir le désert Mojave et le Nevada. Avec ces bourgades où viennent s'encanailler les habitants de Los Angeles. À la poursuite d'un type aussi brutal et rusé que fantomatique.

L'auteur intègre les codes du noir polar traditionnel, dans la lignée du Philip Marlowe de Raymond Chandler. Pour autant, il ne cherche pas à être parodique. L'intrigue classique est solide, le récit comporte cette part d'ironie typique de ces histoires, les caractères des protagonistes parfaitement dessinés. On se régale à suivre les péripéties de cette enquête fidèle aux critères du genre. Un excellent suspense, aucun doute !

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29 juillet 2014 2 29 /07 /juillet /2014 04:55

Trois années plus tôt, Angela Chapman était âgée de treize ans. Elle était partie faire du camping avec des amis, façon camp scout, dans la campagne à quarante-cinq kilomètres de Los Angeles. Ses copines constatèrent sa disparition soudaine le 3 août. Épaulés par l'inspecteur de police Phil Brogan, ses parents mirent tout en œuvre afin de la retrouver. Vains efforts, au point qu'il leur fut conseillé de “faire leur deuil” et d'avoir un autre enfant. Le 18 septembre, trois ans après, Angie regagne la maison familiale. Elle a maintenant seize ans, mais ne conserve aucun souvenir de la période écoulée durant son absence. À peine croit-elle avoir vieilli de trois années. Angie n'a pas vécu dans la rue, n'apparaît pas affamée, se sentant normale à part ses cheveux devenus trop longs.

Toutefois, elle porte des cicatrices aux poignets et aux pieds. Elle est bien plus musclée que par le passé, et sait désormais cuisiner. Un examen médical devrait déterminer si elle a été violée durant cette période. Angie doit se réadapter à son univers : son papy est décédé, sa mère est enceinte, son père culpabilise, sa grand-mère et son oncle militaire Bill ne font que passer. Reste son journal intime interrompu. Le policier Brogan est attentif au cas d'Angie, mais c'est une psy dont elle a maintenant besoin. Car ce n'est pas une amnésie temporaire, le problème est plus profond. La blonde psy Lynn Grant va utiliser l'hypnose. Angie souffre de troubles dissociatifs de l'identité. Comme si elle était plusieurs personnes à la fois, son principal caractère n'étant pas prépondérant.

Il n'a pas que ces “alters” peuplant le cerveau de leur fille qui rendent nerveux les parents d'Angie. Reprendre sa scolarité peut poser problème, aussi. Malgré tout, elle renoue avec ses amis d'avant, sa copine Livvie et son amoureux Greg. Puis avec sa copine Katie, mise à l'écart par les autres depuis l'époque de sa disparition. Ce qui est flippant pour Angie, c'est cette voix qui s'adresse à elle, celle de La Scout, qui évoque un chalet où l'ado aurait été séquestrée par un homme. Entre l'hypnose et ses messages, Angie espère résoudre son amnésie. Il y a bientôt une autre voix, plus jeune, qui communique avec elle via un magnétophone. Elle aborde d'autres facettes de la captivité auprès du ravisseur. Parle-t-elle d'elle-même ou d'Angie ? Bientôt un troisième “alter” intervient à son tour.

Un traitement expérimental incertain avec le Dr Hirsch permettra-t-il de faire disparaître ces envahissants “alters” ? Ou faut-il qu'elle se résigne à les supporter ? Sortir avec Katie, reprendre ses amours avec Greg, faire du baby-sitting en gardant le bébé adopté des voisins Harris, rassurer ses parents, autant d'éléments aidant à revenir à la vie d'avant pour Angie. Pourtant, il reste des secrets enfouis, et un chalet cauchemardesque…

Liz Coley : Écoute-nous (Presses de la Cité, 2014)

Un roman qui correspond à la définition du thriller, étiquette chère aux éditeurs. Pour peu qu'on se mette dans la peau (et dans la tête) d'Angela, il y a de quoi être déstabilisé. Car nous avons là un cas de schizophrénie très particulier. Troubles dissociatifs de l'identité, disent les psys qui ne sont pas avares de formules nébuleuses. On connaît l'amnésie, plus souvent temporaire que définitive. Ici, la situation angoissante longuement traversée par l'adolescente aurait créé des personnages dans son esprit. Telle une autodéfense mentale qui s'apparente à l'amnésie, pour résumer grossièrement.

Le but de cette intrigue n'est donc pas tant de savoir qui était le méchant ravisseur. Se reconstruire, tout en rassemblant les morceaux du puzzle, en essayant d'écarter les voix intruses dans son cerveau : voilà l'enjeu lié au retour d'Angela. La psychologie dans son aspect le moins simple à résoudre, évidemment. Le contexte autour de la jeune fille a son importance, mais c'est à elle de “gérer”. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le récit est très réussi, les adultes (parents, soignants, policier) intervenant a minima. Suspense idéal pour les amateurs d'histoires psychologiques originales.

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27 juillet 2014 7 27 /07 /juillet /2014 04:55

Quinquagénaire, le commissaire Orlando Muller dirige la brigade criminelle de la police de Vannes (Morbihan). Son équipe se compose de Fred Hanoun, Éric Tonneins et du vieux Jo Chapelec. Photographe réputée, Philippine de Lauzach a été étranglée dans le hammam d'un complexe hôtelier local. En réalité, elle se nommait Rose Le Pioufle, patronyme moins efficace commercialement. La victime séjournait à Vannes avec sa cousine Éliane Madec, sa principale collaboratrice, d'une allure assez masculine. Évidemment, elle n'avait aucun intérêt à supprimer son employeuse. Le meurtre n'a pas eu de témoin, et la vidéo de surveillance ne fonctionnait pas. Ce qui ne simplifie pas l'enquête d'Orlando Muller. C'est à Paris que Fred et lui doivent poursuivre leurs investigations. Sur place, le commissaire Guimard ne leur apporte que très peu de coopération.

Le duo de policiers interroge Matthias, le fils d'Éliane Madec. Il est commercial pour la galerie de Philippine de Lauzach. Ce jeune homme aspire à appartenir aux milieux huppés de la capitale, mais il n'y est guère accepté. Par ailleurs, Matthias s'endette en jouant au poker. Le sculpteur Don Salvador confirme son alibi. Muller et Fred rencontrent l'employé de la galerie, ainsi que la vieille mère de la victime. Ils disposent de peu de moyens pour enquêter. Leur seule piste est une adresse à Jersey, où la photographe se rendait une fois par mois. Après un détour par Vannes, le duo se rend dans l'île. Philippine de Lauzach avait un compte à la Harvest Bank, mais les policiers n'ont pas autorité pour en savoir plus. Utilisant une ruse, Fred Hanoun parvient à apprendre que la victime possédait un compte dans une banque d'Arabie Saoudite. Qu'elle alimentait chaque mois.

Dans le listing des appels téléphoniques de Philippine de Lauzach, Muller constate qu'elle était en contact régulier avec le professeur Clément Penhouët. C'était un ami à elle depuis longtemps. Il est le patron d'un laboratoire pharmaceutique. Matthias a été kidnappé, sans doute à cause de ses dettes de jeu. Les ravisseurs exigent pour rançon une statue volée au sculpteur Don Salvador. Les policiers vannetais se savaient filés : Fred est agressé par un de leurs suiveurs. Muller apprend à quoi servait le compte saoudien de la victime. Le décès brutal du professeur Penhouët n'est pas naturel, on l'a empoisonné. Le commissaire Guimard met la pression pour que Muller et ses hommes quittent la capitale. Le policier de Vannes obtient que d'autres flics parisiens collaborent avec eux. Ils interrogent la famille de Penhouët. L'ancien adjoint du professeur, licencié, apparaît soupçonnable…

Bernard Méhaut : Embruns toxiques (Coëtquen Éditions, 2014)

Bernard Méhaut  a publié un précédent titre, “Sauvage était la côte” (Coëtquen Éd.), ayant pour héros les mêmes policiers. C'est un roman d'enquête dans la bonne tradition qu'il nous propose avec ce second volume, “Embruns toxiques”. Policier chevronné et tenace, le commissaire Muller s'exile à Paris avec son équipe, pour résoudre une affaire ne manquant pas de mystères. Ni de meurtres car, outre Philippine de Lauzach et Clément Penhouët, le chauffeur garde du corps de la mannequin Eva Polacek sera aussi éliminé. La rivalité entre policiers provinciaux et parisiens va fatalement compliquer la tâche de Muller. Ça ne fait que stimuler son équipe, qui ne renonce pas à découvrir la vérité. Même si le chemin est plutôt sinueux dans le cas présent.

Pour qu'un roman d'enquête soit convaincant, sa tonalité se doit d'être rythmée, sans le moindre temps mort. Ce qu'a bien compris Bernard Méhaut, dont le tempo narratif est ici souple et fluide. On suit avec grand plaisir les recherches des policiers (y compris dans les enclos paroissiaux finistériens). De bons personnages et une histoire solide bien racontée, voilà qui donne un suspense fort agréable.

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25 juillet 2014 5 25 /07 /juillet /2014 04:55

À Chicago, le docteur Jennifer White est âgée de soixante-quatre ans. Elle fut chirurgienne orthopédique. Son mari James, brillant avocat, est décédé un an plus tôt dans un accident de voiture. Leur fille Fiona a vingt-quatre ans. Âgé de vingt-neuf ans, leur fils Mark est un avocat toujours fauché, n'ayant pas hérité du talent paternel. Magdalena, aide-soignante, vit avec Jennifer. Car, si elle a été un des meilleures de sa spécialité médicale, le docteur White est aujourd'hui atteinte de démence sénile. Alzheimer, en langage courant. Malgré la surveillance, il lui arrive de sortir de chez elle dans de mauvaises conditions. Ou d'avoir des crises d'agressivité dues à la maladie. Elle est suivie par Carl Tsien, médecin qui fut un de ses collègues, et participe à des séances collectives autour de la mémoire. Géré par sa fille, le compte en banque de Jennifer montre qu'elle est très riche. Connaissant son frère Mark, Fiona veille à ce qu'il ne puisse accéder à cette fortune, qu'il dilapiderait.

Amanda O'Toole est une voisine et amie de longue date de Jennifer et James White. Elle est retraitée de l'enseignement depuis une douzaine d'années. Son mari Peter l'a quittée voilà quelques années, pour refaire sa vie en Californie. Jennifer White est restée proche de la septuagénaire Amanda, marraine de Fiona. Les disputes entre amies n'étaient pas rares, au point que Jennifer considérait parfois Amanda comme déloyale envers elle. Ça avait commencé plusieurs années plus tôt, en particulier lors d'une sortie champêtre des deux couples avec les enfants. Petite altercation pleine de sous-entendus, qui aurait pu nuire à l'harmonie entre Jennifer et James. Amanda vient d'être assassinée chez elle. On l'a amputée de quatre doigts d'une main. Une relation assez tumultueuse, une opération dont Jennifer fut coutumière, il n'en faut pas plus pour qu'elle soit suspectée. L'inspectrice Luton ne semble pas admettre que la maladie empêche Jennifer de se souvenir.

Sur le carnet de Jennifer, soit on lui écrit des faits récents, soit elle note des éléments de sa vie. Il y a des messages de sa fille, des rapports de Magdalena. Mais rien concernant le jour supposé de la mort d'Amanda. L'état de Jennifer se dégrade, son témoignage devient plus relatif que jamais. Qu'elle possède encore son bistouri et ses lames servant à opérer n'est pas une preuve décisive. État agité de Jennifer, oublis fréquents, hygiène réduite, prise incertaine des médicaments : Fiona songe à vendre la maison et à placer sa mère en gériatrie. Jennifer se croit encore parfois lucide sur son cas. Mais elle pense que son mari est toujours vivant, n'identifie pas facilement ses enfants ou Magdalena. Quand elle est orientée vers un établissement médicalisé, la policière Luton vient encore l'interroger, sans avertir ses enfants. Quelle est encore la vérité pour l'esprit affaibli de Jennifer ?…

Alice LaPlante : Absences (Éditions 10-18, 2014) – Coup de cœur –

Qui a tué l'amie et voisine Amanda, pourquoi et comment ? Ce n'est pas cet aspect de l'intrigue criminelle qui retient l'attention ici. Ce qui fascine, c'est que toute l'histoire est racontée par Jennifer White, atteinte de sénilité, avec la progression de la maladie que ça suppose. Ayant été une femme de caractère et une chirurgienne hors-pair, son esprit reste encore assez vif pour ne pas se réfugier dans le renoncement. Jusqu'à un certain point.

Il y a des moments d'ironie dans son récit, d'autres plus pathétiques – sans être mélos. Elle reçoit la policière dans sa chambre de clinique psy comme si elle était encore médecin en rendez-vous, et rien n'apparaît délirant dans cette scène. Son regard sur ses enfants n'est pas affectueux, car c'est un sentiment plus nuancé qui l'a toujours habitée. Une certaine froideur, peut-être due à son métier, qui s'exprima également au décès de sa propre mère : “Comme si des termites rongeaient mes émotions. Grignotant d'abord les bords, puis s'enfonçant plus profondément jusqu'à tout détruire. Me privant de la chance de lui faire mes adieux.” Ce qui contribue à aggraver son état actuel, sans doute.

Une situation médicale, où le rôle des deux enfants n'est pas neutre. Gérer au mieux (le moins mal possible) la protection d'un parent n'est pas facile. Ce n'est compréhensible que par ceux qui le vivent, alors que les regards des autres ou de la personne malade peuvent croire à une rapacité financière, par exemple. On sait combien les “aidants” sont mal aidés psychologiquement. Ça figure en filigrane dans ce roman. Si la part de suspense n'est pas oubliée, la mort d'Amanda devant s'expliquer, c'est la vision de l'affaire par la narratrice diminuée mentalement qui offre toute sa force à ce livre. Une fiction, certes, mais de vrais cas comparables existent.

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23 juillet 2014 3 23 /07 /juillet /2014 04:55

New York, 1942. Mark MacPherson a longtemps été un policier privilégiant l'action dans son métier. Blessé par un malfaiteur, il a mis du temps pour s'en remettre, profitant de sa convalescence pour se cultiver davantage. Ayant repris du service, il est chargé d'enquêter sur le meurtre d'une jeune femme. Laura Hunt, la victime, avait un poste important à l'agence de publicité Rose, Rowe et Sanders. Son fiancé Shelby Carpenter est employé à un poste moins élevé dans la même société. Leur mariage était prévu quelques jours plus tard. Ce week-end, elle devait dîner le vendredi avec un ami, Waldo Lydecker, avant d'aller se reposer, en vue des préparatifs du mariage. Tout ce qu'on sait de son planning, c'est qu'elle annula le rendez-vous avec Waldo. Son employée de maison Bessie Clary la trouva morte, abattue d'une balle.

Le littérateur Waldo Lydecker était un ami de Laura Hunt depuis huit ans, époque où elle débarqua de son Colorado Springs natal. Sentant l'ambition et les capacités de Laura, il joua quelque peu le rôle de mentor. Leur relation complice n'était pas intime, la jeune femme possédant un caractère complexe. Peut-être même contradictoire, MacPherson le constatera durant son enquête. Le policier interroge Shelby Carpenter, dont l'alibi lui paraît imparfait. En outre, le fiancé est un chasseur ayant eu toute facilité de se procurer l'arme du crime. Surtout, Shelby est le bénéficiaire de l'assurance-vie contractée par Laura. Le policier rencontre aussi Suzanne, la tante de Laura, qui se montre fort acerbe concernant le fiancé de sa nièce. MacPherson et Waldo Lydecker visitent ensemble l'appartement de la victime, où trône un tableau remarquable, un portrait de Laura.

Selon le témoignage de l'employée de maison Bessie, elle a trouvé deux verres et une bouteille de whisky à son arrivée, après le crime. L'assassin ne venait donc peut-être pas de l'extérieur, comme on l'a pensé. Le policier mettra longtemps à comprendre pourquoi Shelby lui est familier. C'est l'homme idéal, vu par les publicitaires : “Shelby n'était que l'incarnation d'un rêve. C'était un présent que Dieu avait fait aux femmes. Je le détestais pour ce motif, et je détestais les femmes qui se laissaient prendre à cet escroquerie du romanesque.” Mark MacPherson s'avoue amoureusement attiré par la personnalité peu banale de Laura Hunt. Bientôt, ce n'est plus sur le meurtre de Laura qu'il devra enquêter, mais sur celui de Diane Redfern. Ce qui ne change pas forcément la liste de ses suspects principaux…

Vera Caspary : Laura (Éditions Omnibus, 2014)

Il serait maladroit d'aller plus loin dans le résumé, cette intrigue réservant encore son lot de surprises. Si ce suspense psychologique est considéré comme un chef d'œuvre par tant de passionnés du polar (dont F.Guérif, qui le classe dans les cent meilleurs), ça ne doit rien au hasard. “J'offre ce récit, non point tant comme un roman policier que comme un roman d'amour” dit Waldo Lydecker. Oui, Laura exerce une évidente fascination sur les hommes qu'elle côtoie. C'est ce que saura magnifiquement exploiter Otto Preminger dans son film “Laura”, sorti en 1944. Les mélodies de jazz, les prises de vues et le jeu avec la lumière, l'interprétation des cinq acteurs centraux, et une intrigue impeccable, toutes les qualités étaient réunies pour réaliser un des plus grands films du cinéma policier.

C'est aussi la construction du roman qui constitue un de ses atouts favorables. L'histoire se compose de cinq parties. C'est Lidecker qui débute la narration, puis le policier qui va prendre la relève, avant un compte-rendu dialogué d'interrogatoire, suivi du point de vue de Laura, et c'est Mark MacPherson qui conclut le dossier. Magistrale virtuosité de la part de Vera Caspary, agençant avec maîtrise la position de chaque intervenant. Un classique de la littérature policière, qui n'a rien perdu de sa force captivante, ni de son charme.

Depuis le printemps 2014, les Éditions Omnibus rééditent en romans unitaires quelques titres incontournables destinés aux amateurs des meilleurs polars : Vera Caspary (Laura), Ellery Queen (Le cas de l'inspecteur Queen), Dashiell Hammett (Jungle urbaine), Mickey Spillane (J'aurai ta peau), G.K.Chesterton (La sagesse du père Brown), Nicolas Freeling (Psychanalyse d'un crime) sont disponibles.

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21 juillet 2014 1 21 /07 /juillet /2014 04:55

Âgé de soixante-trois ans, l'inspecteur Richard Queen est désormais à la retraite, après sa belle carrière à la Brigade des homicides de New York. S'ennuyant beaucoup, il passe des vacances chez ses amis, le couple Pearl, sur la côte du Connecticut. Abe Pearl est chef de la police locale de Taugus. Tout près de là, se trouve Nair Island, une île privée reliée au continent, appartenant à une poignée de milliardaires. Alton et Sarah Humffrey possèdent ici leur résidence estivale. Ce riche homme d'affaire et son épouse viennent d'adopter un bébé, qu'ils ont prénommé Michael. Ils ont utilisé les services d'un intermédiaire douteux de New York, A.Burt Finner. Dès que la mère authentique est sortie de l'hôpital, elle lui a confié le nourrisson. À Nair Island, c'est la nurse Sherwood, nouvellement engagée, qui va s'occuper du bébé. Cette infirmière quinquagénaire est très expérimentée.

Richard Queen et Jessie Sherwood ont sympathisé par hasard en bord de mer. Le jour de la fête du 4 juillet, une nervosité certaine règne dans la maison de vacances des Humffrey. En partie, à cause de leur neveu Ron Frost endetté, auquel le milliardaire ne veut plus prêter d'argent. Peu après, un visiteur nocturne tente d'approcher la nursery, avant d'être mis en fuite par Jessie Sherwood. Probablement un mauvais coup du neveu, selon Richard Queen et son amie la nurse. Le mois de juillet se passe sans autre incident. Début août, Jessie Sherwood revient de sa journée de congé hebdomadaire. Elle découvre le corps du bébé Michael asphyxié. On peut penser à une maladresse de la mère adoptive, Sarah. La nurse a toutefois remarqué une taie d'oreiller avec une trace de main sale près de l'enfant mort. Personne ne la croit, sauf l'ex-inspecteur Queen.

Malgré une barrière et un gardien, “Nair Island est accessible, au prix d'un petit effort, à n'importe qui” admet Richard Queen. Jessie Sherwood et lui soupçonnent encore le neveu Ron Frost, mais il possède un sérieux alibi. L'affaire sera bientôt classée comme accident, le policier local Abe Pearl n'y pouvant rien. Dépressive, Sarah Humffrey est internée dans un sanatorium. De plus en plus proches, Richard Queen et la nurse vont poursuivre l'enquête à New York. A.Burt Finner n'est pas inconnu des services de police. Face à Richard Queen, il nie d'abord toute transaction avec Alton Humffrey au sujet d'un bébé, avant de se montrer plus coopératif. Il va être éliminé, ce qui risque d'entraîner Queen et Jessie Sherwood dans l'impasse. Néanmoins, ils retrouveront la vraie mère de l'enfant défunt. Leur suspect n°1 ne sera nullement facile à arrêter…

Ellery Queen : Le cas de l'inspecteur Queen (Éditions Omnibus, 2014)

Les Éditions Omnibus rééditent depuis le printemps 2014 quelques grands classiques de la littérature policière en romans unitaires. Ellery Queen (Le cas de l'inspecteur Queen), Vera Caspary (Laura), Dashiell Hammett (Jungle urbaine), Mickey Spillane (J'aurai ta peau), G.K.Chesterton (La sagesse du père Brown), Nicolas Freeling (Psychanalyse d'un crime) sont disponibles. Des titres incontournables pour tous les amateurs des meilleurs polars.

Il s'agit ici d'un roman écrit en 1956. Les décors (ainsi que les véhicules) sont bien ceux de l'Amérique de ces années-là. Le Connecticut servait alors de villégiature aux plus riches familles new-yorkaises ou du Massachusetts (les Humffrey habitent Concord, dans cet État). À travers un soldat fantomatique, il est même fait allusion à la Guerre de Corée. Le personnage d'Ellery Queen n'apparaît pas (il est en voyage en Europe) dans cette affaire qui met à l'honneur son père, le policier Richard Queen. Veuf de longue date, il a droit à une amourette avec la sémillante Jessie Sherwood, infirmière consciencieuse et téméraire.

On aurait franchement tort d'imaginer une intrigue linéaire, une simple enquête balisée n'offrant guère de surprises. Au contraire, sans pourtant rien emberlificoter, le récit fluide nous décrit une suite de situations qu'il ne sera pas si aisé de démêler. Telle une pièce de théâtre en cinq actes loin d'être figée, l'ensemble s'avère crédible et solide. Les auteurs de ces époques, dont le duo Ellery Queen, savaient concocter des histoires captivantes.

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 04:55

Il reconnaît n'être qu'un détective amateur, limite dilettante. Pour rendre service à son ami enquêteur Damien, il a accepté cette mission demandée par un client, Piotr. Il participe à un voyage organisé en Russie. Après avoir visité Moscou, son groupe de touriste fait une croisière sur la Volga, les canaux et les lacs, jusqu'à Saint-Pétersbourg et la Baltique. Il est chargé de surveiller pendant ce temps Elena Verzilov, institutrice proche de la retraite, venant de la région toulousaine. La seule particularité de cette femme est d'être la veuve d'un Russe, nommé Sergeï. Journaliste, ce dernier eut autrefois des ennuis dans son pays. Il dut se réfugier en France, où il épousa Elena.

Durant le voyage, l'institutrice n'est pas liante : “Il n'était guère facile d'engager la conversation. Elle semblait se méfier de ce monsieur un peu trop assidu à se maintenir près d'elle ! Sans doute pensa-t-elle un moment que je tentais des avances… Qu'elle le crut ne me dérangeait pas, puisque cela brouillait les pistes. Quant à savoir si elle avait d'autres raisons de se tenir sur se gardes, je ne parvenais pas à m'en faire une idée...” Tous les soirs, il téléphone au client Piotr. Sans avoir grand-chose de nouveau à raconter, car Elena se comporte telle une touriste ordinaire. Sans être militante, elle est méfiante envers le régime de Vladimir Poutine, comme tout le monde.

Une seule étape pourrait inciter le détective amateur à s'interroger, l'île de Kiji, en Carélie. Elena s'éclipse pendant un certain temps, mais il se peut qu'elle ait voulu explorer de plus près ce village encore typique. Il n'est pas indispensable d'en parler immédiatement à Piotr. Qu'un hélico suive un temps leur bateau n'a rien d'inquiétant non plus. De nouveau, lorsqu'ils débarquent à Saint-Pétersbourg, l'institutrice fausse compagnie à son suiveur. Il est fort peu probable qu'elle ait pris contact avec des opposants ou avec d'anciens amis de son mari. D'autant que l'histoire de la Russie s'est accélérée ces dernières années. Alors, le détective ne voit pas ce qu'il y aurait à retenir de ce pèlerinage d'Elena…

Michel Baglin : Loupés russes (Éd.Rhubarbe, 2014)

Basées dans l'Yonne, les Éditions Rhubarbe existent depuis dix ans. Un anniversaire, mais surtout une sorte de record pour un petit éditeur qui souhaite simplement publier selon ses goûts et ses moyens. Pour l'occasion, il fait paraître chaque mois en 2014 un livret d'auteurs différents, présentant une longue nouvelle inédite sur le thème “Dix ans”.

Ici, c'est une novella de Michel Baglin qui nous invite à un périple en Russie. Celui-ci s'est fait un nom dans le domaine de la poésie et de la nouvelle depuis plus de vint ans. On a pu apprécier également son roman “La balade de l'escargot” en 2009. Dans “Loupés russes” (joli jeu de mots), on aime le ton enjoué du récit, les descriptions claires, sans oublier la candeur de son narrateur. L'intrigue comporte sa part de mystère et de suspense. Ainsi que des allusions à la Russie actuelle du tsar Poutine. Une “enquête” franchement très agréable à lire.

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