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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 05:21

 

Dans la même collection que Histoires vraies sur les rails” de Patrick Eris aux éditions Le Papillon Rouge, on peut aussi lire Histoires vraies à Paris de Gilles Vidal.

Albert Robida fut un des plus célèbres illustrateurs pour les journaux de la fin du 19e siècle. C’était aussi un homme inventif qui, dès 1883, imagina le principe de la télévision, quelques années avant que Jules Verne y pense. VIDAL-2012Il s’agissait même d’une idée très proche de nos chaînes payantes actuelles. Charles Bourseul est un autre précurseur oublié. Grâce à ses expériences sur la formation des sons, il fut le premier à établir la technique du téléphone. Ça se passait en 1854, plus de vingt ans avant que Graham Bell ne s’empare de cette invention. L’Histoire de France et celle de Paris comptent finalement bon nombre de personnages, pour beaucoup sortis de nos mémoires, mais qui méritent d’être remis à l’honneur.

Bien sûr, on connaît quelque peu l’histoire de l’immortel Comte de Saint-Germain, qui impressionna même un de ses concurrents aventuriers, Casanova. Le nom de Marguerite Steinheil, dernière amante du président de la république Félix Faure, reste associé à un double meurtre impasse Ronsin, ainsi qu’à un spectaculaire procès qui l’acquitta. On n’a sans doute moins de détail sur l’assassinat de Paul Doumer, président de la république en 1932. Escroc, paranoïaque ou criminel politique, difficile de déterminer la personnalité de son meurtrier, Paul Gorguloff. Si, durant l’Entre-deux-guerres, Serge de Lentz s’est pris pour Arsène Lupin, ça n’en fait pas un héros tellement admirable. De Dieppe à la Belgique en passant par Paris, son parcours d’escroc fut des plus redoutables.

On recense également une galerie de délicieux excentriques. Tel l’apothicaire Léonard Guindre, un hurluberlu ayant pour obsession le trombone, instrument de musique qu’il valorisa à sa manière dans les années 1840. Le cas de Michel Jacob, qu’on surnomma le Zouave guérisseur, est diablement intéressant. Quand il était militaire, il soigna par l’esprit quantité d’autres soldats, avant de tenir un cabinet à Paris, puis à Londres, et de nouveau à Paris de la fin des années 1870 à sa mort en 1913. Jalousé, on dénonça son inculture médicale, pourtant les résultats de sa méthode étaient probants. L’histoire d’Aguigui Mouna est bien plus récente. Cet anarcho-écolo-pacifiste fut une figure parisienne des décennies 1970 et 1980. Ses préceptes et autres aphorismes étaient plein d’humour, et d’un certain bon sens.

Fondateur du Jockey-Club en 1835, passionné de combats de chiens, lord Henry Seymour-Conway n’apprécia guère le surnom qu’on lui attribua, Milord l’Arsouille. La vie de ce riche dandy fut longtemps glorieuse, mais tout a une fin. Si le nommé Reichelt fut peu chanceux avec ses parachutes, Santos-Dumont, Jules Védrines, Charles Godefroy et quelques autres fous volants ont chacun gravé leur nom dans l’histoire de l’aviation. Santos-Dumont fut, d’ailleurs, plus respecté que ne le suggère ici l’auteur. Citons encore un étonnant épisode datant de 1940. À l’arrivée des troupes d’occupation, les Allemands recherchent en vain les archives politiques de la police de Paris. Elle ne furent pas détruites, car le policier Keruel eut l’Audace pour les faire disparaître.

 

Voici une douzaine d’exemples, parmi les vingt-cinq histoires racontées avec une belle vivacité par Gilles Vidal dans cet ouvrage. On ne peut pas qualifier ces portraits d’anecdotiques, car il faut se souvenir que toutes ces personnes ont, à leur façon ou à divers degrés, marqué leur époque. Ainsi, le long épisode de Fort Chabrol, l’inextricable affaire Thérèse Humbert ou l’incendie (annoncé par une voyante) du Bazar de la Charité, restent des faits historiques qui eurent droit à maints échos. D’autres cas sont enfouis dans l’oubli, il est vrai. L’essentiel est bien de restituer en quelques pages le contexte et l’image de ceux qui en furent les héros. C’est ce que nous propose d’une manière très agréable Gilles Vidal, par ailleurs romancier de belle qualité. Un livre idéal pour redécouvrir quelques facettes de l’Histoire. Du même auteur, mes chroniques sur ses polars "Mémoire morte" et sur "Les portes de l'ombre".

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 05:19

 

Née en 1951, la Québécoise Danielle Charest est décédée en octobre 2011. Cette romancière fut une militante du lesbianisme radical, très active. De 1998 à 2002, elle avait publié quatre polars aux Éditions du Masque : L’Érablière, L’Échafaudage, L’Étouffoir, L’Entrave. Elle publia encore Conte à rebours aux Éditions Diesel en 2003. Sans doute est-ce le même roman qui est réédité aujourd’hui dans la collection Badgirls, des éditions Sirius. Commençons par un survol de ce Conte à rebours (2012).

 

À Montréal, Jocelyne Sauvageau est depuis très longtemps dévouée à la société qui l’emploie. Mais l’ambiance devient pénible chez Beaugrand-Courtois-Delors. CHAREST-2012Le mépris dont font preuve ses employeurs la révoltent sourdement. Elle a l’espoir de changer de vie, car son père est actuellement hospitalisé en très mauvais état de santé. Impresario réputé au Québec, Léon Sauvageau a été un homme aux principes moraux stricts. Jocelyne a un demi-frère, Michel, un marginal qui est dans la musique, proche du groupe de rock réunissant Lucky et ses amis. Michel contacte Jocelyne, affirmant que leur père est mort. Tous deux cachent à peine leur rapide envie d’hériter. Michel entraîne sa demi-sœur dans son appartement, avant d’aller à l’hôpital.

C’est un piège. Assommée, Jocelyne se trouve séquestrée et attachée sur un lit, dans une pièce insonorisée. Michel n’est pas seul. Il s’est dégoté une complice, Claude, sans doute d’origine française. Il lui a fait croire qu’il devait se venger de Jocelyne, qui l’aurait mis dans une situation délicate. Ils vont faire des photos compromettantes pour écarter Jocelyne de l’héritage. Un temps désorientée par les évènements qu’elle maîtrise mal, la prisonnière n’a pas le caractère à renoncer. Elle va devoir faire preuve de psychologie pour faire comprendre à cette Claude les mensonges de Michel.

Pendant ce temps, au bar-club L’Accès, où se réunissent quelques lesbiennes montréalaises, Lorraine attend en vain son amie intime, Jocelyne. Ce n’est pas en restant écouter les comédiennes de seconde zone et autres filles qui l’entourent ici, qu’elle pourra retrouver son amante. De son côté, Jocelyne gagne peu à peu des points contre son demi-frère…

 

Outre l’intrigue criminelle, il est évidemment beaucoup question de lesbiennes dans cette histoire. Quelques coups de griffes sont également destinés à souligner un certain ostracisme québécois: Les quelques mots glanés de la bouche de Josiane n’en confirmaient pas moins la réalité du conformisme ambiant et, plus effrayant encore, la vitesse avec laquelle les idées rabougries se répandent et grugent sournoisement les esprits. La douane canadienne se montre aussi assez tatillonne, semble-t-il, au point qu’une voyageuse s’énerve : Voulez-vous bien me dire de quoi le Canada doit se protéger ?. S’adressant à un public français, on a jugé utile de traduire quelques mots, tels ratoureuse, trop d’adon, s’enfarger ou rapailler.

 

C’est l’occasion de se souvenir d’un autre titre de Danielle Charest, L’entrave qui fut publié aux Éditions Le Masque en 2002. CHAREST-2002

Jean Lecarré est un ministre canadien arriviste. Sa femme Pauline a décidé de ne plus jouer le jeu de l’épouse parfaite. Quand ils s’aperçoivent de la disparition de leur fille Margo, âgée de quinze ans, Lecarré alerte l’enquêteur Normand Fréchette. C’est un vieil ami à lui qui saura se montrer discret, car l’affaire ne doit pas être ébruitée. Pauline est convaincue que les deux hommes complotent dans son dos. Alors que Normand Fréchette essaie de l’amadouer tout en lançant ses investigations, elle prend contact avec Le Groupe. Ces justicières ont fait parler d’elles dans de précédentes affaires. Elles acceptent la mission.

Enlèvement, suicide, fugue, meurtre, aucune hypothèse n’est exclue. Deux faits semblent essentiels. Margo aurait été violée quelques semaines plus tôt par quatre fils de bonnes familles qui n’ont pas été inquiétés. Et la jeune fille a été en contact avec l’Église du Renouveau Spirituel, qui a tout l’air d’une secte. Une demande de rançon est adressée aux parents. Pauline se demande si des mafiosi québécois en rapport avec son mari sont impliqués. Claudia, du Groupe, rencontre la mère de Josée, qui fut la meilleure amie de Margo. Alors qu’un nouveau courrier des ravisseurs double la rançon, l’un des violeurs de la jeune fille est assassiné. Une piste à exploiter pour le Groupe, qui espère retrouver vivante la disparue.

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 05:20

 

Après Didier Daeninckx ("Les négatifs de la Canebière"), dans la collection Petits polars du Monde, voici une histoire racontée par Jean-Bernard Pouy : Ce crétin de Stendhal.

Marcel habite Penmarch, à la pointe du Pays Bigouden. Aux beaux jours, un décor apprécié des touristes. L’hiver, c’est un peu moins le paradis. POUY-2012-ppmMarcel est pêcheur. Il a investi le pécule hérité de sa mère dans un petit chalutier côtier. Juste de quoi vivre honnêtement dans son penty, sa modeste maison. La voiture de Marcel est un peu usée, mais il s'en sert peu, utilisant souvent son vélo. Cette fois, elle lui a servi à aller jusqu’à la gare de Rosporden. Quimper, c’était plus près, mais c’est là que son tonton Pierrot lui a fixé rendez-vous. Vivant à Lorient, Pierre Dunois n’est pas vraiment l’oncle de Marcel, mais il fut le meilleur ami de son défunt père. Ils ont fait partie des ouvriers intoxiqués par l’amiante. Après la mort de son copain, Pierrot a continué à se battre contre leur employeur, la société de Gilles Lefur. Procès au goût amer, la Justice ne donnant pas gain de cause aux plaignants.

En débarquant à la gare de Rosporden, Pierrot ne respire pas la grande forme. Il se déplace avec un déambulateur. Ce qui ne semble pas le déranger, car les gens ne viennent pas trop s’adresser à quelqu’un dans son état. La déception des procès perdus, et tant d’échos inutiles autour de l’affaire, Pierrot a maintenant besoin de s’isoler du monde. Chez Marcel, entre Saint-Guénolé et le port de Kérity, ce sera parfait. En lisant un faits divers lorientais dans le journal local, Marcel finit par comprendre le besoin d’anonymat de Pierrot. D’ailleurs, il reçoit la visite de la gendarmerie, mais prétend n’avoir plus de nouvelles de Pierre Dunois. C’est à peine si la maréchaussée remarque ce vieil handicapé en déambulateur qui passe non loin. Pierrot cherche maintenant à situer le hameau de Kerlomeur, du côté de Sainte-Marine, dans l’anse de Bénodet…

Jean-Bernard Pouy adresse ici un joli clin d’œil à ses amis Bretons. Car les sites dont il se sert, il les connaît fort bien. Il a lui-même souvent débarqué en gare de Rosporden pour se rendre à Concarneau, en particulier au festival Le Chien Jaune. Et la région de Penmarch lui est autant familière, puisqu’il y séjourne à l’occasion du festival Le Goéland Masqué. Le bistrot de la mère Sparfel, où l’on achète les journaux régionaux et son pain de deux, fleure bon l’authenticité. Marcel et le vieux Pierrot sont également des personnages proches du réel. Quant au sujet social, les maladies mortelles causées par l’amiante, rien de plus vrai. Voilà une nouvelle où l’on retrouve avec grand plaisir la tonalité de cet auteur. Sans oublier une surprise finale, bien évidemment.

PENMARCH-2009Chaque jeudi, un petit polar est publié dans cette collection. À suivre, dès le 25 juillet, Marc Villard (Tessa), puis Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), C.Pelletier (Crise de nerfs), F.Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), T.Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré), Pierre Pelot (Roman de gare).

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19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 07:09

 

Dans la collection First Histoire, Philippe Valode et Robert Arnaut proposaient en 2010 “Les dossiers secrets de la Seconde Guerre mondiale”. Il s’agissait d’évoquer quelques points précis concernant l’époque, des faits parfois mal connus du grand public. Ce même duo poursuit aujourd’hui son œuvre de vulgarisation historique, en abordant quinze autres sujets dans “Les dossiers oubliés de la Seconde Guerre mondiale”. Ils reviennent sur le cas des sacrifiés de Dieppe en août 1942, sur l’évasion rocambolesque de Mussolini en septembre 1943, font le portrait d’Alan Turing savant et patriote anglais qui décrypta le code nazi Enigma, et encore celui de Janusz Korczak au cœur du Ghetto de Varsovie, misant sur les enfants.

VALODE-2012L’histoire de Rudolf Hess nous donne l’occasion de nous rafraîchir la mémoire. On sait que, ayant participé dès le début à l’élaboration du nazisme, Hess fut un ami de confiance d’Hitler. Son statut restait particulier dans de dispositif mis en place. Quand l’Angleterre entre dans la guerre en 1940, certains dignitaires nazis croient à la possibilité de négociations, dont Hitler et Hess. Une affaire des plus délicates, qui doit obéir au secret le plus strict, ayant peu de chances d’aboutir. “Seul, peut-être Rudolf Hess est sincère et pense qu‘il peut être le messager de la paix”. Son voyage aérien n’a, curieusement, été entravé par personne. Mais, dès qu’il arrive en Grande-Bretagne, il ne connaîtra plus que la prison, jusqu’à sa mort.

En Angleterre, proche de Churchill, la famille Mitford appartient à l’aristocratie. Trois des filles sont assez jeunes politisées. Jessica montre son enthousiasme pour les vertus du communisme en URSS. À l’inverse, ses soeurs Diana et Unity sont fascinées par l’hitlérisme dès 1933. Diana finira par épouser Oswald Mosley, dirigeant d’un mouvement anglais pronazi. Le 3eReich monte militairement en puissance, mais bon nombre d’Anglais sont inconscient ou aveuglés. Y compris Lloyd George, reçu par Hitler au Berghof en septembre 1936. Installées en Allemagne, Unity et Diana deviennent des intimes du régime nazi. Alors que la guerre avec l’Angleterre est inévitable, Unity est totalement désemparée.

En France, le mouvement d’Eugène Deloncle trouble la politique d’Avant-guerre. D’inspiration royaliste, La Cagoule, ou CSAR, est prête à l’insurrection armée. Le moment venu, peut-être dans un éclair de lucidité, Deloncle renoncera à tenter le coup d’état. Son parcours ne s’arrête pas là puisque, dans les premières années de la guerre, il s’avère un chaud partisan de la collaboration. Bientôt déçu, il se rapproche du complot visant à éliminer Hitler… Au sommet du pouvoir, l’amiral Darlan a beaucoup plus navigué dans les cabinets ministériels que sur la mer. Ayant quasiment les pleins pouvoirs, désigné comme héritier de Pétain, c’est lui qui met en place la politique de collaboration et les premières sanctions contre les Juifs. Quand il est écarté par l’installation de Laval, Darlan prend contact avec les Alliés qui ont débarqué en Afrique du Nord. Toutefois, les monarchistes du “Groupe des Cinq” ont déjà décidé de le faire assassiner.

On a certainement oublié le maquis résistant du Capitaine Lecoze, dans la région de Loches. Début 1944, le Dr Jan s’installe dans cette ville. Bienveillant avec sa clientèle, il semble avoir traversé des drames depuis le début de la guerre. On se méfie quelque peu de lui chez les Résistants du secteur. Alors, il crée son propre réseau rassemblant un certain nombre d’excités dans son genre. Entre exécutions et parades tapageuses, il s’impose plutôt par la terreur qu’en faisant preuve d’héroïsme. Basé dans les châteaux des environs, ce maquis n’est que débauche, violence et mort. Courte période d’euphorie pour le Capitaine Lecoze, mais la fin de la guerre signera aussi la fin de sa gloire.

Un peu en marge de l’époque, on retrace également le parcours du soldat Mangin à partir du début 1918, amnésique interné à Rodez. Ce n’est pas un simulateur, à coup sûr. De multiples familles croient reconnaître un des leurs. Même le célèbre Pr Locard va tester la graphologie pour l’identifier. Des pistes auraient mérité d’être mieux exploitées, car il pouvait être ce Marcel Lemay reconnu par sa “veuve”. Il est possible que les Monjoin père et fils aient réellement pensé que c’était bien Octave Monjoin. L’homme décèdera en 1942, sans que son identité soit absolument confirmée.

Le cas de Joseph Darnand, celui de Pierre Pucheu, Xavier Vallat, Darquier de Pellepoix, René Bousquet et quelques autres sont encore évoqués dans ce livre d’histoire, qui nous rappelle tout le sinistre contexte de l’époque. Une bonne manière de revenir sur ces faits passés, racontés avec clarté et sobriété.

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 05:31

 

Aux Éditions HoH, voici une nouvelle enquête écossaise pour Sweeney, le héros créé par John-Erich Nielsen, avec Crime à l’heure du Tay.

Le jeune inspecteur Sweeney est un policier d’Édimbourg qui a quelques enquêtes réussies à son actif. En cet automne pluvieux sur l’Écosse, il est fort inquiet pour la santé de sa tante Midge, son unique famille. NIELSEN-2012Tandis qu’elle est hospitalisée, il se retrouve seul avec son chien Berthie. Sweeney est appelé d’urgence pour une nouvelle affaire par son collègue plus âgé, Ian Mc Tirney.

Ça se passe à Wormit, assez loin d’Édimbourg, dans l’estuaire du Tay, près de Dundee. La petite Sue, huit ans, a été retrouvée poignardée et violentée près du grand pont de chemin de fer enjambant le Firth of Tay. La veille au soir, elle était sortie à vélo avec son ami David, onze ans, qui est porté disparu. L’endroit étant isolé, cela explique sue il n’y ait pas de témoin. Néanmoins, il est étonnant que le corps de Sue ait été retrouvé si loin de chez les deux enfants, qui habitaient Tayport.

En décembre 1879, ce site fut le théâtre d’une catastrophe ferroviaire qui causa de nombreuses victimes. C’est sans rapport avec l’affaire actuelle mais ça ne peut qu’impressionner le sensible Sweeney. De retour à son appartement, le policier croit percevoir une présence fantomatique. Plus tard, il entendra même des bruits troublants. L’état de santé de sa tante Midge, bien soignée tout en ayant besoin de repos, explique en partie cette fébrilité de Sweeney. De même, tant qu’il fait le long aller-retour d’Édimbourg à Tayport, il a intérêt à resté concentré sur la route. La municipalité a accordé à Ian Mc Tirney et à Sweeney un bureau rudimentaire à Tayport. Alors qu’une battue est programmée avec des militaires cantonnés non loin, les deux policiers interrogent les familles de Sue et David. Ce dernier reste introuvable, bien qu’on l’espère encore en vie.

Il n’est pas facile de se faire une idée précise de l’univers familial de chacun des enfants. À l’opposé, il est sans doute simpliste de désigner trois suspects locaux potentiels. Certes, ils sont fichés pour de sérieuses raisons, et ne possèdent que des alibis bancals. Selon McTirney, ce n’est pas le moment de se laisser déborder par des intuitions, comme Sweeney en est coutumier. Pourtant, quand il rêve d’un voyage en train, où il croise une jeune femme inconnue, le jeune enquêteur sent qu’il peut exister un lien. Quand le père de Sue disparaît momentanément, son épouse et sa fille Anna ont des confidences à faire aux policiers. Même si l’affaire progresse lentement, ce ne sont pas les pistes qui manquent. Au risque, Sweeney restant perturbé dans sa vie privée, de se tromper et de rater le vrai coupable…

 

Avec son petit club de golf fétiche, son dictaphone à bande, sa barbe hirsute, son chien Berthie, et sa tante Midge, on commence à bien connaître ce policier plutôt atypique. S’il n’est pas très ordonné par nature dans son quotidien, s’il est parfois lunatique, notre ami Sweeney n’en est pas moins un limier efficace. C’est bien de romans d’enquêtes que traitent ses aventures, en effet. Sans une ambiance bien restituée, ce genre d’histoire devient vite trop théâtrale. L’auteur évite cet écueil avec une habileté certaine, nous entraînant dans des lieux et sous de climats qu’il sait suggérer.

Autre atout de ces romans, les réflexions de Sweeney apparaissent en italiques, ce qui nous permet de suivre ses pensées. L’indispensable Tante Midge n’est, ici, pas au mieux de sa forme, on espère qu’elle s’en remettra. Si sa santé tourmente son neveu, ça introduit une densité supplémentaire et agit sur cette affaire. Un neuvième épisode qui reste à la hauteur des précédents.

 

Mes précédentes chroniques sur cette série : Les cinq premières enquêtes de Sweeney - Mort au grand largue - Les démons de l'Île de Skye - Le serment des Highlands.

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 05:26

 

Chez Le Papillon Rouge, Patrick Eris vient de publier un fort excitant livre intitulé Histoires vraies sur les rails. Autour de 1850, Émile et Isaac Pereire mettent tout en œuvre pour installer en France un nouveau moyen de transport, le chemin de fer. Malgré l’hostilité de quelques grands noms de l’époque, le train va connaître un vrai succès populaire. Si, au fil des décennies, il y eût quelques accidents, les Français continuent d’adopter massivement le voyage en train. ERIS-2012Dans la longue histoire du chemin de fer, on retient en souriant volontiers l’incident concernant Paul Deschanel, alors président de la République. Mais il y eut des épisodes dramatiques moins connus. Comme celui des prisonniers de Loos-lez-Lille, déportés en urgence par le train, à partir du 1er septembre 1944 vers les camps de la mort. Ou encore ce convoi n°612, rapatriant d’Italie des poilus en 1917, dont les freins lâchèrent causant une terrible catastrophe que l’État-Major s’empressa de cacher au public.

Depuis toujours, le train est aussi lié à la criminalité. À l’exemple du mystérieux Charles Jud, natif de la région de Belfort, qui joua longtemps à cache-cache avec la police. On pourrait voir en lui un précurseur de Fantômas, le héros de fiction créé par Souvestre et Allain. En septembre 1938, c’est dans un train au départ de Marseille qui vont être volés 180 kilos d’or. Une affaire qui permettra à la police d’alpaguer en finesse un des grands malfrats de ces années-là. L’un des plus gros hold-up ferroviaires de l’histoire fut perpétré en juillet 1944 sur une ligne de Dordogne. Cette fois, il s’agissait de détourner une forte somme d’argent pour les besoins de la Résistance. En 1921, trois traîne-patins s’improvisèrent bandits du rail. Bien que l’un d’eux ait été le fils d’un anarchiste reconnu, ce trio obéissait à de médiocres motivations.

Plus près de nous, début 1968, un maître chanteur menaça de faire sauter le train Paris-Marseille, réclamant une rançon, impliquant un brave employé qui n‘avait rien à voir avec l’affaire. Au jeu du chat et de la souris entre l’inconnu et la police, la menace semble réelle quand un poteau barre la route d’un convoi, mais quid de la rançon exigée ? Le coupable était le descendant d’un personnage célèbre. Des meurtres mal élucidés ont émaillé l’histoire du rail, telle la malle sanglante de Millery, l’affaire Laetitia Toureaux ou la mort du préfet de l’Eure. La célèbre affaire Stavisky est, elle aussi, en lien avec le rail. Dans les années 1980, le train sera aussi la cible du terroriste Carlos. Ce qui causa de sérieux ennuis à un professeur, certes gauchisant, mais innocent. Vers la même époque, l’affaire du Bordeaux-Vintimille reste un des pires cas de meurtres racistes.

Sur les vingt chapitres, citons encore celui qui concerne le fameux wagon-salon 2419D de Rhetondes, où fut signé l’Armistice de 1918. Patrick Eris revient ici sur divers épisodes insolites ou marquants, historiques ou spectaculaires. Il ne s’agit pas seulement d’anecdotes vérifiées, mais de souligner que le train fait partie de notre vie, comme dans le cas du train jaune ou du tortillard de Palavas-les-Flots. On nous rappelle que certaines de ces affaires ont été transposées à l’écran ou dans la fiction romanesque. L’auteur évite la tonalité rébarbative des historiens, nous racontant avec autant de précision que de simplicité ces faits du passé, parfois encore récent. Les passionnés de chemins de fer ou de faits divers vont se régaler en lisant ce livre captivant.

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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 20:02

 

L'auteure Anne Matalon est décédée du cancer. Son ami et éditeur Jean-Jean-Reboux lui rend hommage (extrait).

MATALON-1"Anne Matalon a été emportée par la maladie, trois jours après son 53e anniversaire, et -la chose peut paraître pour le coup accessoire-ses merveilleux romans n’ont pas rencontré le succès qu’ils auraient mérité (…) Le premier roman d’Anne, "Petit abécédaire des entreprises malheureuses", parut en 1996 aux éditions Baleine, dans la collection Canaille/ Revolver. Poussé par le succès du Poulpe, le soutien de quelques libraires avisés et une critique enthousiaste (Cavanna l’encensa dans Charlie Hebdo), il connut un succès d’estime et fut réédité chez J’ai Lu (qui ne le soutint absolument pas).

Dans ce roman, s’inspirant de la Caisse des dépôts et consignations, où elle occupait à l’époque des fonctions assez éloignées de sa formation de philosophe, elle plantait le décor : une entreprise «ordinaire», la GAL (Générale d’Assurances limousine). Dix cadres supérieurs sont envoyés en stage «hors-limites» dans le Sahara. Neuf sont assassinés, le dixième disparaît. Nathan Robinski, responsable de formation à la GAL, hypocondriaque obsédé par ses aphtes, croit reconnaître le rescapé lors d’un voyage à Copenhague, tandis que son épouse Adrienne, ethnologue en mission chez les Papous, est portée disparue. Tel est le point de départ du réjouissant Petit abécédaire, traité avec un humour décapant, une drôlerie espiègle.

"Alba Capra" (Baleine) réunit des détectives privés déroutants, des médecins frelatés, des bègues par accident, des folles en bigoudis, dans un polar décoiffant qui aurait enchanté Georges Perec, où l'absurde sévit dans la joie. On y apprend notamment que des adorateurs de la chèvre blanche sévissent au lycée Charlemagne. Dans le très beau "Conférence au club des intimes" (Phébus), Anne Matalon se penche sur ses origines grecques et juives, et nous transporte en 1913 à Salonique, capitale d'un cosmopolitisme harmonieux, où Turcs, Grecs, Bulgares, Serbes, Croates, Albanais, Tsiganes, insouciants des menaces qui pèsent, Salonique où se rendent deux jeunes peintres, un Suisse et un Français, en mal d'émotions fortes et de beauté pure, sur fond du voyage qu’effectua cette même année le peintre Paul Klee. Dans ce troisième roman, salué par Le Monde des Livres et Paula Jacques dans son émission Cosmopolitaines sur France Inter, et qui obtint le prix Littérarure Alberto Benveniste 2002, Anne donnait toute la mesure de son talent d’écrivaine.

Les deux autres ouvrages d’Anne parlent du mal qui l’a emportée. "Apprivoiser le crabe" (Phébus) est un dialogue avec sa cancérologue, Élisabeth Lucchi-Angellier. "Chimiofolies" (HB éditions) une suite d’instantanés dans lesquels elle traite son ennemi intime le crabe avec panache et dérision, à la façon d'un Pierre Desproges. Impossible de terminer ce tour d’horizon sans évoquer un roman inédit d’Anne, qui aurait dû paraître en 2001 dans la collection Moulard. Malheureusement, le premier feuilleton (oulipien) du 3e millénaire, qui racontait les tribulations d’un jeune Breton obèse, prêt à tout pour aider son prochain et totalement mythomane, s’arrêta au bout de 6 épisodes, suite à une défaillance de notre éditeur, et ce roman, que je lui avais commandé, est hélas resté à l’état de manuscrit (Traquenard sur le rocher). Anne Matalon va beaucoup manquer à ses amis. Et à la littérature. On peut lui rendre hommage en lisant (ou relisant) ses livres."

Le texte complet de l'hommage de J.J.Reboux est ici.

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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 05:12

 

Didier Daeninckx inaugure avec Les négatifs de la Canebière la collection "Les petits polars du Monde", créée par Christine Ferniot depuis le 12 juillet. Une solide intrigue criminelle, assortie d’un contexte historique, c’est typiquement ce que Daeninckx aime proposer à ses lecteurs. Dans un format court qui convient parfaitement. Outre un vrai suspense, l’occasion de faire le portrait de ces collabos et de leurs pratiques…

DAENINCKX-ppmEn 1944, venant de Lyon, Émile Galande s’est installé dans la région de Cannes deux mois plus tôt. Il est rapidement devenu l’amant de Chloé Valmierini. C’est ainsi qu’il a été engagé comme critique littéraire et artistique pour le journal du frère de sa maîtresse, Charles Valmierini. Sous le nom de Rossignol, Charles est le patron local du groupe d’action du PPF, le parti de la collaboration. Protégé par ses gardes du corps, Rossignol mène la grande vie, entouré d’amis Allemands et de belles Italiennes. Proche des nazis, il n’a de compte à rendre à personne. Émile Galande profite de ce bon temps, lui aussi. Il habite avec Chloé dans une belle villa de Mandelieu. Il circule dans une Rosengart jaune offerte par son presque beau-frère. Il dîne avec toute cette bande dans les meilleurs restaurants cannois.

Ce soir-là, Chloé Valmierini ne rejoint pas Émile et leurs amis, ce qui n’inquiète pas longtemps le groupe. C’est le lendemain qu’on apprend qu’elle a été victime d’un accident mortel. Sans doute ivre, elle conduisait sa Bugatti Atlantic, quand le véhicule a plongé dans la Siagne. Son frère n’ignore pas qu’elle avait coutume de rouler trop vite. Le commissaire Plisnar, de la Sûreté de Nice, interroge Émile en tant qu’amant de la jeune femme. Le journaliste posséde un alibi, puisqu’il l’attendait au restaurant. Plisnar est présent aux obsèques de Chloé Valmierini, réunissant le gratin du PPF cannois autour de Charles. Quand Émile Galande se trouve accusé du meurtre de Chloé, il est sans doute préférable pour lui d’être remis au policier Plisnar.

Bien qu’il dispose d’un bon avocat, Émile va être condamné, emprisonné à Nice. La thèse du meurtre reste pourtant mal étayée, et la responsabilité d’Émile plus qu’incertaine. Toutefois, c’est la fin de la Seconde Guerre mondiale, une période tourmentée. Si les Alliés ne font pas de Nice un de leurs principaux objectifs, les collabos sont maintenant une cible, et la Résistance est très active. Le témoin à charge marseillais qui accabla Émile a été exécuté, Valmierini est en fuite. Pour Émile, toujours en prison, il reste l’espoir d’un nouveau procès…

 

Chaque jeudi, un petit polar est publié dans cette collection. À suivre, dès le 19 juillet, Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), puis Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), Franck Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

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