Dans la même collection que “Histoires vraies sur les rails” de Patrick Eris aux éditions Le Papillon Rouge, on peut aussi lire “Histoires vraies à Paris” de Gilles Vidal.
Albert Robida fut un des plus célèbres illustrateurs pour les journaux de la fin du 19e siècle. C’était aussi un homme inventif qui, dès 1883, imagina le principe de la télévision, quelques années avant que Jules Verne y pense. Il s’agissait même d’une idée très proche de nos chaînes payantes actuelles. Charles Bourseul est un autre précurseur oublié. Grâce à ses expériences sur la formation des sons, il fut le premier à établir la technique du téléphone. Ça se passait en 1854, plus de vingt ans avant que Graham Bell ne s’empare de cette invention. L’Histoire de France et celle de Paris comptent finalement bon nombre de personnages, pour beaucoup sortis de nos mémoires, mais qui méritent d’être remis à l’honneur.
Bien sûr, on connaît quelque peu l’histoire de l’immortel Comte de Saint-Germain, qui impressionna même un de ses concurrents aventuriers, Casanova. Le nom de Marguerite Steinheil, dernière amante du président de la république Félix Faure, reste associé à un double meurtre impasse Ronsin, ainsi qu’à un spectaculaire procès qui l’acquitta. On n’a sans doute moins de détail sur l’assassinat de Paul Doumer, président de la république en 1932. Escroc, paranoïaque ou criminel politique, difficile de déterminer la personnalité de son meurtrier, Paul Gorguloff. Si, durant l’Entre-deux-guerres, Serge de Lentz s’est pris pour Arsène Lupin, ça n’en fait pas un héros tellement admirable. De Dieppe à la Belgique en passant par Paris, son parcours d’escroc fut des plus redoutables.
On recense également une galerie de délicieux excentriques. Tel l’apothicaire Léonard Guindre, un hurluberlu ayant pour obsession le trombone, instrument de musique qu’il valorisa à sa manière dans les années 1840. Le cas de Michel Jacob, qu’on surnomma le Zouave guérisseur, est diablement intéressant. Quand il était militaire, il soigna par l’esprit quantité d’autres soldats, avant de tenir un cabinet à Paris, puis à Londres, et de nouveau à Paris de la fin des années 1870 à sa mort en 1913. Jalousé, on dénonça son inculture médicale, pourtant les résultats de sa méthode étaient probants. L’histoire d’Aguigui Mouna est bien plus récente. Cet anarcho-écolo-pacifiste fut une figure parisienne des décennies 1970 et 1980. Ses préceptes et autres aphorismes étaient plein d’humour, et d’un certain bon sens.
Fondateur du Jockey-Club en 1835, passionné de combats de chiens, lord Henry Seymour-Conway n’apprécia guère le surnom qu’on lui attribua, Milord l’Arsouille. La vie de ce riche dandy fut longtemps glorieuse, mais tout a une fin. Si le nommé Reichelt fut peu chanceux avec ses parachutes, Santos-Dumont, Jules Védrines, Charles Godefroy et quelques autres fous volants ont chacun gravé leur nom dans l’histoire de l’aviation. Santos-Dumont fut, d’ailleurs, plus respecté que ne le suggère ici l’auteur. Citons encore un étonnant épisode datant de 1940. À l’arrivée des troupes d’occupation, les Allemands recherchent en vain les archives politiques de la police de Paris. Elle ne furent pas détruites, car le policier Keruel eut l’Audace pour les faire disparaître.
Voici une douzaine d’exemples, parmi les vingt-cinq histoires racontées avec une belle vivacité par Gilles Vidal dans cet ouvrage. On ne peut pas qualifier ces portraits d’anecdotiques, car il faut se souvenir que toutes ces personnes ont, à leur façon ou à divers degrés, marqué leur époque. Ainsi, le long épisode de Fort Chabrol, l’inextricable affaire Thérèse Humbert ou l’incendie (annoncé par une voyante) du Bazar de la Charité, restent des faits historiques qui eurent droit à maints échos. D’autres cas sont enfouis dans l’oubli, il est vrai. L’essentiel est bien de restituer en quelques pages le contexte et l’image de ceux qui en furent les héros. C’est ce que nous propose d’une manière très agréable Gilles Vidal, par ailleurs romancier de belle qualité. Un livre idéal pour redécouvrir quelques facettes de l’Histoire. Du même auteur, mes chroniques sur ses polars "Mémoire morte" et sur "Les portes de l'ombre".