Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 05:20

 

Découvrons le nouveau palpitant roman de Lisa Gardner Les morsures du passé, publié dans la collection Spécial-Suspense d’Albin Michel.

GARDNER-2012amDepuis une douzaine d’année, D.D.Warren appartient à la brigade criminelle de Boston, qu’elle dirige aujourd’hui. Âgée de près de quarante ans, cette blonde célibataire compense son manque de relations sexuelles par des repas plantureux. Ses enquêtes morbides lui laissent peu de temps pour les affaires de cœur. Cette fois, c’est toute une famille qui a été assassinée à leur domicile. Mme Harrington a été poignardée en premier, puis son fils aîné, et ses deux autres enfants, avant que M.Harrington ne se suicide par arme à feu. Il est hospitalisé entre la vie et la mort. Pour Alex Wilson, associé à l’enquête, un scénario peut-être trop simple. Et D.D.Warren note la présence d’un sixième couvert sur la table familiale. L’angle de tir oblige à douter du suicide, pour le père.

Selon Mme Bruni, paroissienne et voisine, c’était une famille sans histoire. Ils avaient adopté le petit Ozzie, enfant présentant des troubles psychologiques. Un autre témoin ami évoque les finances tendues du couple, le mari n’ayant plus d’emploi. Sans que ça explique une crise menant à un tel massacre. Le petit mystère du sixième couvert est vite résolu. Le cas pathologique d’Ozzie a certainement un lien avec le carnage. D.D.Warren et Alex se rendent à la polyclinique spécialisée où l’enfant fut suivi. Danielle Burton y est infirmière depuis plusieurs années. Elle se sent très impliquée, ayant elle-même vécu un drame durant son enfance. Elle culpabilise encore à cause de son comportement autour de cette dramatique expérience, en particulier envers le shérif Wayne.

Danielle explique les méthodes utilisées pour soigner les enfants à problèmes. Peu de médicaments, beaucoup d’écoute, du rapprochement. Ce fut vrai avec le petit Ozzie, enfant ayant traversé un épisode qui le rendit sauvage. C’est en ce moment le cas avec la petite Lucy, toujours violente malgré le dévouement de Danielle. L’infirmière apprend aux policiers que les Harrington espéraient l’aide d’un guérisseur. L’équipe de D.D.Warren est bientôt appelée sur un nouveau carnage familial. Si c’est le début d’une série criminelle, le contexte chez les Laraquette-Solis est bien différent de celui des Harrington. Une maison crasseuse abritait le clan reconstitué de ce dealer, un rasta blanc, qui parait avoir éliminé les siens avant de se supprimer, lui aussi.

D.D.Warren et Alex interrogent dans sa belle propriété Patrick Lightfoot. Ancien financier, il s’est découvert des dons de chamane issus de ses aïeux amérindiens. Cultiver l’énergie positive permet de résoudre bien des situations problématiques. C’est aussi vrai avec des enfants hyper caractériels, qu’il s’agit de restructurer. Des personnes désemparées s’adressent à lui, telle Victoria Oliver qui élève seule son dangereux fils Evan, huit ans, obsédé par les couteaux. La police s’intéresse à la scolarité chaotique des enfants des Laraquette. Y a-t-il là un lien avec les Harrington ? Hermes le dealer est mort, en réalité, à cause de décharges de Taser. Dans le Massachusetts, c’est une arme interdite, difficile de s’en procurer. Adulte ou enfant, le tueur sévira encore avant que D.D.Warren et son équipe ne puissent l’identifier…

 

Ce n’est assurément pas en quelques lignes que l’on peut résumer un roman de Lisa Gardner dans toute sa subtilité. Certes, il s’agit d’une enquête de police. Mais c’est par une remarquable finesse psychologique qu’est portée cette histoire. Le thème abordé enveloppe toute l’affaire. Évoquer les enfants incontrôlables, sans tomber dans le pathos, n’est pas évident. Pourtant l’auteure y parvient, en partie grâce au scepticisme affiché de D.D.Warren. Des monstres dont la cruauté ponctuelle reste impossible à soigner ? Jusqu’où des parents peuvent-ils protéger ces enfants ? Utiliser des méthodes médicales douces ou une forme d’ésotérisme pour parvenir à les guérir ? Une personne ayant frôlé cet état pathologique est-elle mieux armée pour les aider ? Telles sont quelques-unes des questions qui figurent ici en filigrane. Outre les investigations, les témoignages de Danielle et de Victoria nous éclairent sur le sujet. Ambiance troublante et suspense policier, pour l’un des romans les plus captivants qu’ait écrit Lisa Gardner.

Partager cet article
Repost0
31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 05:03

 

Huitième rendez-vous avec la collection des Petits polars du Monde : Le Grand Voyage de Franck Thilliez.

Gilda et son fils Jérémy ont embarqué à Gênes sur un paquebot pour une croisière en Méditerranée, au mois de juillet. Gilda n’est pas fortunée, mais elle profite de la formule à très bas prix pour offrir ce voyage de rêve à son fils. THILLIEZ-2012-ppmLes cabines se trouvent dans les profondeurs du navire. Il faut les partager avec des inconnus. Les conditions d’hygiène sont rudimentaires. Les coursives par tronçons sont peu accueillantes. Malgré tout, Gilda espère que ces douze jours entre mer et escales feront le bonheur de Jérémy. Un incident se produit dès le départ. Un petit oiseau s’est trouvé enfermé dans l’espace réduit des toilettes. Un employé de bord essaie de l’attraper lorsque la porte est ouverte. Le rouge-gorge désemparé semble ne pas résister longtemps à cette mauvaise expérience. Les passagers ne s’interrogent guère sur la présence d’un tel animal, enfermé dans les toilettes au fond d’un paquebot, dont la porte était bloquée par une cale.

Vers trois heures du matin, Gilda se réveille en constatant avec surprise que le navire est à l’arrêt. Anormal, mais ça ne devrait pas s’éterniser. Pourtant, d’autres voyageurs commencent à s’agiter dans le couloir. Gilda sympathise quelque peu avec Mélanie, co-passagère de sa cabine. Mais c’est surtout le nommé Alain qui retient son attention. Peut-être parce qu’il utilise à outrance du gel antibactérien. Chercheur en biopharmaceutique, Alain ne cache pas que la situation lui parait très problématique. Bientôt, on s’aperçoit que les tronçons de couloir sont bloqués afin de les isoler. Impossible d’ouvrir, même si des passagers solides tentent de forcer les portes. L’énervement gagne, d’autant que la climatisation a été coupée. Un passager s’improvise porte-parole de tous, sans être en mesure de joindre le commandement du navire. Gilda et Alain observent à travers les hublots. Mais l’aide ne viendra pas de la mer, et leur sort est véritablement en péril…

 

De la part de Franck Thilliez, on ne s’étonnera pas qu’il nous ait mitonné un de ces scénarios-catastrophes dont il a le secret. L’énigme est lancée dès la première scène, bien qu’elle semble sans lien avec l’histoire. La progression dramatique est mesurée, progressant en intensité. N’en disons pas davantage sur le dénouement. Par contre, l’auteur est nul en calcul : Le tronçon n°2 comprenait quatre cabines de quatre lits, deux de deux lits et deux d’un lit, ce qui donnait une capacité maximale de vingt personnes. Ou plutôt vingt-deux, non, monsieur l'ingénieur ? C’est anecdotique, l’essentiel étant l’intrigue, convenons-en.

Dans la collection Petits polars du Monde, chaque jeudi un nouveau titre. Après Didier Daeninckx (Les négatifs de la Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), et Franck Thilliez (Le grand voyage), il y aura aussi Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

Partager cet article
Repost0
30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 05:13

 

La réputation des Corses d’être des régionalistes exacerbés est très exagérée. De Bastia à Bonifacio, d’Ajaccio à Aléria, de Calvi à Porto-Vecchio, jamais on ne voit un natif de l’Île de Beauté qui corresponde à cette caricature. Peut-être que dans quelques villages, la population a-t-elle un esprit indépendant. C’est bien normal, puisqu’on n’est pas sur le continent. Entre soi, au pays, on ne répond qu’à ses propres règles locales, bien sûr. Alors, il faut parfois expliquer au vétérinaire que la prime à la vache s’applique dix-sept fois, Corses-BDaux dix-sept propriétaires d’un unique troupeau. Et si un autre contrôleur se montre trop insistant, on le fatigue en le baladant d’une vallée à l’autre.

Quant aux touristes s’attablant sur la terrasse du bistrot du village, ils ont intérêt à vite comprendre les us et coutumes d’ici. Les mêmes touristes louant une habitation sur l’Île peuvent être plongés dans une ruralité qui les surprendra, mais c’est ça, la Corse authentique. Les élections municipales ne sont pas moins agitées qu’ailleurs. Même lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat et deux fois plus de votes que d’électeurs inscrits. On ne peut pas passer sous silence la principale tradition insulaire, les attentats. Bien que généralement artisanaux, parfois l’eau-de-vie remplaçant les explosifs, ils sont en effet assez bruyants.

C’est ce petit monde que l’adjudant Pruneau, muté dans une brigade de gendarmerie de Corse, va bientôt découvrir. Faire du zèle, afin que la loi soit ici respectée, ce n’est probablement pas une bonne idée. Pruneau va s’en rendre compte rapidement. Mais il va aussi trouver l’amour, en la personne de la jeune Zapelle. C’est la fille de Pido, le patron du bistrot, un pur Corse s’il en est. Sa fille avec un pinzutu, et un gendarme en plus, on peut comprendre que ça lui provoque un certain énervement bien légitime. Qui pourrait l’inciter au carnage. Pourtant, les circonstances laissent espérer un dénouement moins sanglant. Pour peu que Napoléon s’en mêle finalement, la Corse en sortira grandie…

 

Éric Fraticelli est un acteur vu dans la série télé "Mafiosa". Il semble connu en Corse sous le nom de Pido. C’est son scénario humoristique qui est illustré dans cette bédé par Donald Soffritti, Bienvenue chez les Corses, et bonne chance ! (aux Éditions 12Bis). Soyons clairs, l’histoire du gendarme Pruneau est le mince prétexte permettant d’unifier l’ensemble. Tous les habitants sont héros de cette aventure, au même titre que lui. Bon nombre de scènes (en une ou deux planches) visent juste le gag, par exemple ce bureau des réclamation du FLNC ou ce conducteur qui ne trouvera pas d’indic pour retrouver son chemin. Même les plasticages n’apparaissent que comme un divertissement pour la population. Il s’agit d’un humour aimable sans réelle provocation, servi par un graphisme plutôt simple de bon aloi. Une BD sympathique, qui autorise une agréable parenthèse de relaxation.

Partager cet article
Repost0
30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 04:55

 

Mercredi 29 août 2012, invité de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe1, le président de la FNSEA s’est permis un dérapage insultant pour toute la Bretagne. Qui est donc ce Xavier Beulin, qui méprise tant les Bretons ? Né en 1958 dans le Loiret, il est officiellement agriculteur dans ce département, sur une exploitation de céréales oléo-protéagineux et lait. En réalité, ce syndicaliste agricole, Chevalier de la Légion d’Honneur, cumule depuis longtemps les présidences, ayant accédé à celle de la FDSEA en décembre 2010. Il a créé le groupe agro-industriel Sofiprotéol, qu’il dirige. BretagneOn peut supposer qu’il passe plus de temps dans les bureaux, et auprès des banques ou des politiques, que dans une ferme. Il s’exprime également volontiers dans les médias. Sofiprotéol a été largement écarté de la reprise du groupe Doux, ce qui explique son amertume:

«Je m'interroge de plus en plus sur le rôle des tribunaux de commerce. Il y a eu une première décision le 1er août que je considère mauvaise parce qu'elle remet en cause un projet industriel pour la filière avicole française et mon rôle là-dedans ce n'était pas de jouer l'industriel. Mais plutôt le coordinateur d'un ensemble d'acteurs avicoles pour préserver en France une filière, celle des volailles» et il ajoute «Je ne suis pas sûr que le tribunal de commerce d'une petite bourgade ait la capacité d'appréhender les sujets correctement.»

Voilà qui est clair pour ce bouseux en chef de la FNSEA. Une ville de plus de 63.000 habitants, une agglomération de 124.000 habitants, n’est qu’une bourgade insignifiante, incompétente, inutile. Probablement peuplée d’imbéciles rétrogrades vivant encore sans modernisme, ploucs comme leurs ancêtres ploucs. À l’image de l’ensemble de la Bretagne très certainement, dans l’esprit de cet être supérieur qu’est Xavier Beulin. C’est dire son mépris pour les employés du groupe Doux qu’il voulait acheter, pour les agriculteurs volaillers fournisseurs de Doux, et pour l’intégralité de la région Bretagne. Que ce monsieur soit un financier utilisant le monde agricole pour servir ses ambitions égoïstes, ça le regarde. Quand il insulte avec le plus grand dédain, à travers le cas de Quimper, tous les Bretons, cette attaque est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de notre agacement. Ce n’est pas être régionaliste ou susceptible que de demander une condamnation publique de Xavier Beulin.

Partager cet article
Repost0
28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 06:37

 

Aux éditions L’Archipel, le suspense a rendez-vous avec l’Histoire dans le roman de François Thomazeau Les anneaux de la honte.

Marseillais d’origine, Albert Grosjean fut un as de l’aviation durant la première guerre mondiale, engagé très jeune. THOMAZEAU-2012En 1936, il est reporter pour un journal sportif proche du Parti Communiste. Il préfère couvrir l’Olympiade de Barcelone, en juillet, plutôt que les Jeux Olympiques de Berlin en août, qui seront à la gloire des nazis. Hélas, dès leur arrivée en Catalogne, Albert et la délégation française sont confrontés aux prémices sanglants de la guerre civile. Soutenus par les services secrets anglais, des généraux lancent une insurrection nationaliste contre les Républicains. Si la violence gagne toute l’Espagne, on ne sait pas encore qui les Anglais comptent imposer comme chef. Ils emploient un tueur anonyme, qui a déjà fait ses preuves quelques mois plus tôt en Autriche. L’Olympiade annulée, les Français sont rapatriés en bateau vers Marseille. Grosjean n’ignore pas que la ville est tenue par des politiques et des truands mafieux proches du fascisme.

À Paris dès son retour, Albert Grosjean cherche à se rendre au jeux de Berlin. En Espagne, son ami Ernst Sorman l’a chargé d’une mission : transmettre une bague à sa fiancée Anna Meyer. Ayant des chances d’être médaillée, cette athlète juive a été admise dans l’équipe allemande. Pourtant, c’est une toute autre mission qui va permettre à Grosjean de se rendre aux Jeux. L’ex-préfet Jean Moulin le charge de découvrir quels sont les plans des nazis, pour le ravitaillement en armes des généraux espagnols. De son côté, le gouvernement Blum qui envoie discrètement de l’armement aux Républicains, a besoin de savoir jusqu’où va l’ingérence des nazis et des Anglais dans les affaires espagnoles. Albert accompagne sous un faux nom la délégation sportive française à Berlin. La presse internationale y est la bienvenue, pour célébrer la grandeur du Reich et les exploits des aryens.

Après la soirée de Goering dédiée aux champions de l’aviation, Albert est invité à la fête que Goebbels organise au zoo de Berlin. Le reporter comprend vite que les espions, traficoteurs et truands de toute l’Europe se sont donnés rendez-vous à Berlin. Y compris son ex-copain d’enfance Sauveur Santoni, au service des mafieux marseillais. Albert courtise Olga Riegele, la sœur du puissant Hermann Goering, afin de tromper l’ennemi. Il côtoie également Unity Mitford, l’admiratrice la plus ardente d’Hitler, l’esthète cinéaste Leni Riefensthal, ou la vraie-fausse maharani Sonja Vitashi qu’on dit espionne. La compétition débute dès les premiers jours d’août. Si Albert la suit peu, il remarque l’exceptionnel Jesse Owens. Prendre contact avec Anna Meyer n’est pas si compliqué. Albert finit par réaliser qu’il a été manipulé par Ernst. Néanmoins, il transmet des dossiers secrets à Jean Moulin. Sa mission est loin d’être terminée pour autant…

 

C’est une admirable reconstitution de l’atmosphère de cette année-là, que nous propose François Thomazeau. Certes, nous savons ce qu’ont symbolisé ces Jeux Olympiques de 1936 dans la montée triomphante du nazisme. De même, on sait quels enjeux représentait la guerre civile espagnole. Malgré tout, il n’est pas inutile de souligner que l’Europe d’alors grouillait d’espions, souvent doubles ou triples. Ni que les exécutions sommaires n’étaient pas rares, au nom de troubles intérêts plus ou moins politiques. C’est dans cet infernal panier de crabes que l’auteur plonge son héros. Ça nous permet de croiser bon nombre de personnages historiques. Dont quelques-uns fort peu fréquentables, mais aussi Jean Moulin et d’autres proches du gouvernement de Front Populaire.

Il faut lire attentivement le bel éloge concernant Jesse Owens. S’il dominait les autres athlètes et ridiculisait le régime hitlérien, c’était avant tout un authentique gentleman. Son principal adversaire Lutz Long ne s’y trompa point. On est donc entre fiction et réalité, si près des faits tels qu’ils se déroulèrent. Roman d’aventure baignant dans un contexte d’espionnite aigue, ce suspense restitue par petites touches un épisode essentiel et dramatique du passé. Une juste illustration des évènements qui, trois ans plus tard, menèrent à la seconde guerre mondiale.

Partager cet article
Repost0
27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 05:01

 

Les romans de Thomas H.Cook, même s'ils avaient déjà des lecteurs, ont mis du temps à s’imposer au public français. Grave injustice, car c’est certainement un des meilleurs auteurs actuels de polars psychologiques. Les intrigues ont leur importance, mais c'est le style narratif qui est le meilleur atout de ses livres. Disponible désormais en format Point2, il est bon de redécouvrir Les instruments de la nuit, un délicieux suspense.

 

COOK-P2-2012Originaire de Caroline du Nord, Paul Graves vit à New York depuis une vingtaine d’années. Il était encore bien jeune quand il se retrouva orphelin, après l’accident de voiture de ses parents. Ensuite, il y eut la mort restée inexpliquée de sa sœur Gwen, retrouvée pendue suite à une violente agression. S’il a tourné la page en s’installant dans la grande ville, ce passé le perturbe toujours. Âgé de quarante-cinq ans, Graves est devenu un romancier expérimenté, auteur d’une quinzaine de livres. Une série mettant en scène dans le New York d’autrefois le détective Slovak, pourchassant éternellement le diabolique Kessler et son âme damnée, Sykes. Dans cette lutte du Bien contre le Mal, ce n’est jamais Slovak qui gagne. Graves étant un écrivain très imaginatif, il lui suffit d’observer une scène du quotidien pour la transformer en fiction dramatique.

Dernière héritière du domaine de Riverwood, à quelques heures de New York, Allison Davies confie une mission particulière à Paul Graves. Le 27 août 1946, une affaire mal élucidée secoua la famille Davies et ses proches. Âgée de seize ans, fille de l’institutrice locale, Faye Harrison vivait avec sa mère sur la propriété. Elle était amie avec Allison, et collaborait avec M.Davies père. Tout le monde l’aimait ici. Cette ambiance joyeuse de l’été d’après-guerre fut assombrie par le meurtre de Faye. On avait d’abord imaginé une fugue. Un des invités, le peintre André Grossman, la découvrit morte étranglée dans un coin de la forêt, à Indian Rock. Le coupable désigné était Jake Mosley, un ouvrier construisant un cottage sur la propriété. L’homme, qui ne manquait jamais d’admirer Faye, n’avait effectivement pas l’esprit clair. On le trouva mort peu après avoir été libéré, faute de preuves.

Allison Davies met à disposition de Graves tous les documents sur l’affaire, qui se trouvent dans une salle d’archives du manoir. Pourtant, le but n’est pas d’ouvrir une nouvelle enquête. Il s’agit d’écrire une autre version des faits à l’intention de Mme Harrison mère, qui termine sa vie dans une résidence des environs. Avec son inventivité, Graves est la personne idéale pour ça. Dès qu’il consulte les premiers documents, le romancier imagine vite les lieux d’alors, ainsi que certains dialogues entre Faye et divers protagonistes. Quelque chose pourrait relier cette histoire à la mort de sa propre sœur Gwen, autant qu’aux aventures de Slovak et Kessler. Auteur de théâtre, Eleanor Stern est invitée à Riverwood en même temps que Paul Graves. La jeune femme s’avoue de plus en plus attirée par les mystères de ce dossier, et sans doute par le charme tourmenté de l’écrivain.

Les cahiers d’enquête du détective Portman s’avèrent très détaillés, sur le parcours fatal de la pauvre Faye, sur son autopsie, et sur les personnes présentes cet été-là à Riverwood. Outre M.Davies et sa distante épouse Martha, leur fils et sa fiancée Mona Flagg, leur fille Allison, il avait le peintre André Grossman, et Greta Klein, une Juive rescapée des camps nazis, ainsi que Jake Mosley et son patron. Aujourd’hui majordome du domaine, Saunders était un jeune garçon à l’époque. Paul Graves avance dans ses recherches, interrogeant entre autres Greta, encore vivante. C’est Eleanor qui souligne les failles de ses investigations : Vous savez où était Faye et où elle est allée le jour de sa mort, Paul. Mais vous ne savez pas qui elle était. C’est la question que Slovak aurait cherché à résoudre avant tout. Le mystère de sa personnalité. Tous deux iront loin vers la vérité…

 

Une riche famille, un manoir campagnard, un détective amateur, un vieux crime à élucider, tout cela ressemblerait bien à une bonne vieille intrigue théâtrale façon Agatha Christie, n’est-ce pas ? En réalité, le suspense psychologique prime sur la simple enquête, aussi énigmatique que soit la mort de Faye Harrison. L’auteur ne cherche pas à nous embrouiller en multipliant les suspects. COOK-P2 2012Ils sont dessinés avec une belle clarté, même si l’on sait qu’ils masquaient certains faits. Peu à peu, on sent l’ambiance qui régna autour de l’affaire. Les archives, les photos décrites et les cahiers de Portman nous y aident. Avec quelques surprises au fil du récit.

S’y ajoute un double aspect apportant du piquant à l’histoire. C’est là que l’on retrouve avec grand plaisir la maestria de Thomas H.Cook. D’abord, le passé du romancier Paul Graves comporte de sérieuses zones d’ombre. Son traumatisme mutique d’ado mérite donc explication. Ensuite, ses trois héros (Slovak, Kessler et Sykes) font également partie de sa vie, de ses actes tels qu’ils sont racontés. Car on ne doute pas qu’ils appartiennent à son vécu. Il peut ainsi les transposer dans l’enquête qu’on lui a commandée. Certes, le rythme reste assez lent, mais grâce à une construction élaborée avec soin, on est en permanence séduit par la narration avec ses faux-semblants et ses interrogations. Un polar de haute qualité.

Mes chroniques sur les romans de Thomas H.Cook : Mémoire assassine - Au lieu-dit "Noir Etang" - Les ombres de la nuit - Les leçons du Mal - Les ombres du passé - Les feuilles mortes.

Partager cet article
Repost0
25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 05:21

 

C’est au roman La jeune morte de Michel Carnal, que fut attribué le Grand prix de Littérature policière en 1964. Un suspense plutôt astucieux, riche en énigmes. L’ambiance italienne de l’époque y est fort bien décrite. Si un reporter est ici le principal enquêteur, l’histoire est racontée à plusieurs voix.

CARNAL-GPLP1964À Rome, le tranquille inspecteur Cesare Castelli est appelé pour un accident peut-être suspect. Une jeune femme a fait une chute du cinquième ou sixième étage d’un immeuble neuf et vide. Le policier reconnaît la victime, venue quatre jours plus tôt à son bureau dans le but de déposer plainte. Âgée de vingt-cinq ans, elle se nommait Caterina Vedelli. Il semble bien que ce soit un suicide. Toutefois, il apparaît que son sac à main a disparu. Or, il pouvait contenir de mystérieuses lettres.

Vérification faite, la jeune femme s’était présentée à Castelli sous une fausse identité. Le policier contacte le jeune journaliste Lorenzo Lupo, originaire des Abruzzes comme lui. Ambitieux, Renzo flaire là une affaire qui pourrait l’aider dans sa carrière. Car végéter dans l’honnête journal de M.Rospolli, ce n’est pas ce que vise ce séducteur de Renzo. Encore faudra-t-il convaincre son patron de publier ses articles, si l’histoire s’avère sulfureuse.

Castelli a déterminé que la victime s’appelait Rafaela Coeli. Elle vivait dans un garni avec un certain Guido Pavalli. Elle eut un modeste rôle dans un médiocre film, quelques années plus tôt. Le suicide est de plus en plus probable. Ce n’est pas le questeur Di Pirone qui l’empêchera de clore le dossier. Car le délégué d’un ministère lui a demandé d’étouffer l’affaire. Venant de Gênes, ayant vainement contacté la police, Mme Ramello s’adresse au journal de M.Rospolli. C’est sa fille Maria qui est la victime, affirme-t-elle. Après Caterina et Rafaela, la voici donc qui se prénomme Maria. La jeune femme était venue à Rome dans l’espoir de faire du cinéma. Renzo ne manque pas de divers contacts, en particulier à Cinecitta.

Un technicien se souvient de Maria. Dans le seul film où elle joua, elle tenait le rôle de Caterina Vedelli. Renzo est donc sur la bonne piste. Maria Ramello fut imposée sur ce film par le beau-fils de l’homme d’affaires Giarello. Ayant bien connu Maria, la danseuse Livia Canale confirme tout cela à Renzo. C’est bien vers le vieux mafieux Giuseppe Giarello (soixante-treize ans) que convergent les infos recueillies par le journaliste. Alors qu’en est-il de Rafaela Coeli, s’agissait-il d’un faux nom ou d’une autre personne ? Quant à son compagnon Guido Pavalli, où est-il donc caché ? Renzo va faire un détour par chez les Jésuites pour obtenir d’autres indices. Peut-être qu’en effet, il finira par connaître une belle réussite à l’issue de cette affaire…

 

CARNAL-1964Le Grand prix de Littérature policière fut décerné le 1er juin 1964 à Michel Carnal pour son roman La jeune morte (Fleuve Noir). Le jury était composé de Pierre Boileau, Thomas Narcejac, Michel Lebrun, Maurice-Bernard Endrèbe, Maurice Renault, Robert Margerit, Robert Beckers, P.A.Fernic, Philippe Gery, Henri Thibault, et le Dr Guillaume. Ce n’était pas la première récompense pour cet auteur, déjà lauréat du Grand prix du Roman d’espionnage en 1960, avec Agitation clandestine (Presses de la Cité).

De son vrai nom Michel Beaudet (1928-2008), il signa aussi sous les pseudonymes de Norman Chang-April et de Michel Lespart, plus quelques titres sous des pseudos collectifs (Gil Darcy, Alain Ray, Pierre Lucas). Son épouse aurait publié au Fleuve Noir sous le nom de Marie-Jacques Leygnac. Si Michel Carnal écrivit sous ce nom une quarantaine de romans d’espionnage, il n’est l’auteur que de trois romans policiers parus au Fleuve Noir : La jeune morte (1964), Il faut tuer Bourdeleau (1967), L’adonis enlisé (1978).

Partager cet article
Repost0
24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 05:29

 

C’est à Chantal Pelletier qu’on doit le septième titre de la collection Petits polars du Monde, avec Crise de nerfs.

PELLETIER-2012-ppmEn ce mois d’août 1962, arrive enfin l’heureux temps des vacances pour ces deux familles de Lyonnais. Voisins et amis, ils vont ensemble faire du camping à Saint-Laurent-du-Var, comme chaque année. D’un côté, il y a Élisabeth, 36 ans, épouse au foyer, et son mari Charles, directeur d’une usine de viandes et salaisons. C’est un costaud, aux allures de Lino Ventura dans Touchez pas au grisbi. Bernard et Catherine, leurs enfants, sont des adolescents. Le garçon se prend déjà pour un petit mec, tandis que la fille se montre maternelle avec la gamine des voisins.

Ces derniers sont plus jeunes que la première famille. Après son service militaire en Algérie, Jacques est devenu ingénieur. C’est au chantier du tunnel sous le Mont-Blanc en construction, qu’il consacre beaucoup de temps. Jacques ressemble à Alain Delon dans Plein soleil. Sa séduisante épouse Françoise est institutrice. Une sorte de Grace Kelly épicée de Bardot que le moindre vêtement déshabillait, une vraie blonde en plus. Ils ont deux enfants, le petit Thierry et sa sœur de cinq ans et demie, Claudia. Une enfant qui passe l’essentiel de son temps à pleurer, sauf quand la jeune Catherine prend soin d’elle.

La belle Françoise s’interroge de plus en plus sur l’air tourmenté de son mari Jacques. Pourtant, il ne se doute pas que Charles et elle sont amants. Élisabeth a probablement trop à faire pour s’en apercevoir, elle aussi. La situation la rendant quelque peu anxieuse, Françoise se soigne avec des cachets. Les deux familles sont maintenant installées au camping habituel. Le petit Thierry rencontre la petite Alice. Elle l’invite à la soirée paella organisée par ses parents, en l’honneur de leur fille aînée Nicole et de son fiancé Yves. Cet été est marqué par le suicide de Marilyn Monroe. Et un autre drame s’annonce dans ce camping…

 

Scénariste et romancière, Chantal Pelletier a publié à la Série Noire plusieurs romans ayant pour héros Maurice Laice (Eros et thalasso, Le chant du bouc, More is less, Montmartre Mont des martyrs), mais aussi Lavande tuera (Baleine, 1997), L’enfer des anges (Fayard, 2005), Tirez sur le caviste (La Branche, Suite Noire, 2007). Elle confirme que c’est pour elle un prétexte à mettre en scène des femmes, victimes, coupables, fortes, supérieures ou dingues. Bel exemple aussi avec son scénario de L’inconnue du Val Perdu (téléfilm, 2001). Si la narration de cetteCrise de nerfsse fait à plusieurs voix, ce sont bien les portraits de Françoise, Élisabeth, Claudia et Catherine que l’on retient. Même si l’aspect criminel est ailleurs. On a le droit de supposer que Chantal Pelletier s’est souvenue d’un été de son adolescence, pour restituer l’ambiance de l’époque. Ah, les scoubidous et les chansons de ce temps-là ! Mais il faut croire que tout ne fut pas sous le signe du bonheur, on le verra. Une histoire très réussie.

Dans la collection Petits polars du Monde chaque jeudi un nouveau titre. Après Didier Daeninckx (Les négatifs de la Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo) et Chantal Pelletier (Crise de nerfs), nous pourrons lire Franck Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

Partager cet article
Repost0

Action-Suspense Contact

  • : Le blog de Claude LE NOCHER
  • : Chaque jour des infos sur la Littérature Policière dans toute sa diversité : polar, suspense, thriller, romans noirs et d'enquête, auteurs français et étrangers. Abonnez-vous, c'est gratuit !
  • Contact

Toutes mes chroniques

Plusieurs centaines de mes chroniques sur le polar sont chez ABC Polar (mon blog annexe) http://abcpolar.over-blog.com/

Mes chroniques polars sont toujours chez Rayon Polar http://www.rayonpolar.com/

Action-Suspense Ce Sont Des Centaines De Chroniques. Cherchez Ici Par Nom D'auteur Ou Par Titre.

Action-Suspense via Twitter

Pour suivre l'actualité d'Action-Suspense via Twitter. Il suffit de s'abonner ici

http://twitter.com/ClaudeLeNocher  Twitter-Logo 

ACTION-SUSPENSE EXISTE DEPUIS 2008

Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

http://www.polaroland-sadaune.com/

ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

 http://www.polaroland-sadaune.com/