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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 06:07

 

Éditrice chevronnée, Marie-Caroline Aubert dirige la collection Seuil Policiers. Pour Action-Suspense, après une année riche en titres passionnants, elle a accepté de répondre à quelques questions. Elle évoque aussi les premiers romans à paraître en 2013 chez Seuil Policiers.SEUIL2013-A

 

Pour les lecteurs de grands romans noirs, on peut dire que William Gay et Ron Rash font partie des auteurs ayant marqué l’année 2012, confirmant leur talent ?

MCA — Je ne dirais pas que Rash est juste un auteur de romans noirs, même s'il y a dans son œuvre des éléments noirs manifestes. S'il se réclame, tout comme Gay le faisait d'ailleurs, du Southern Gothic, c'est parce qu'il y a là quelque chose qui dépasse le "noir". Une relation avec les racines, le passé, la terre et les ancêtres.

 

En 2012, Petros Markaris nous a montré les effets de la crise économique qui touche la Grèce, son pays. Le commissaire Charitos va encore enquêter sur fonds de crise à l’avenir ?

MCA — Un autre titre, sur le même thème, mais vu sous un autre angle, est effectivement prévu.

 

SEUIL2013-C2012 a vu le retour de l’excellente Brigitte Aubert dans la collection. On peut espérer qu’elle s’y installe à nouveau ? Et, au-delà, qu’il y ait peut-être quelques romancières supplémentaires dans la collection ?

MCA — Ce fut un plaisir de publier Brigitte Aubert, et j'espère bien que notre collaboration va continuer. Elle a un projet en cours, bien grinçant comme elle sait le faire. Quant aux romancières —au féminin— je n'en vois pas vraiment à l'horizon pour le moment.

 

Outre ceux que nous venons d’évoquer, quels ont été pour vous les romans les plus marquants de la collection en 2012 ?

MCA — Pour cause d'agitation électorale, les livres publiés au printemps n'ont pas eu droit aux projecteurs. Je voudrais toutefois signaler Sur le fil du rasoir, premier roman d'Oliver Harris, un jeune auteur fort prometteur qui travaille sur le Londres d'aujourd'hui, lequel n'a, on l'aura remarqué, rien à voir avec celui de Sherlock Holmes!

 

SEUIL2013-BDébut 2013, on découvrira le nouveau titre de Thomas H.Cook, un écrivain qu’on aime et qui s’est imposé ces dernières années ?

MCA — Oui, L'étrange destin de Katherine Carr, un suspense gothique, frôlant le surnaturel, où l'on passe souvent de l'autre côté du miroir. Envoûtant, étrange, d'une construction très élaborée comme toujours. Et pour 2014 est prévu son dernier opus, absolument spectaculaire, et plusieurs autres encore à venir. C'est un écrivain qui maîtrise de mieux en mieux son propos et excelle dans la manipulation du lecteur.

 

Quelques mots sur un des premiers titres publiés en 2013, le roman de Peter Spiegelman, qui semble plutôt excitant ? Et quels autres auteurs seront publiés prochainement ?

MCA — Spiegelman a écrit une version moderne et brillante du "caper" (intraduisible, peut-être parce que nous n'avons pas de ces romans-là dans notre culture, alors qu'il y a eu beaucoup de films) des années 80, dont l'incarnation cinématographique serait The Getaway, ou Ocean Eleven : une bande de voyous monte un coup, dont on suit le déroulement par le menu, l'action pure et simple animant la tension dramatique. Mais dans A qui se fier?, le véritable intérêt, le "plus" comme l'on dit, c'est la dimension humaine, la notion de doute, la trahison, éléments qui appartiennent aussi au "noir".

Et puis, il va y avoir en mars l'étonnant récit autobiographique de l'Irlandais Sam Millar : On the Brinks raconte comment des rangs de l'IRA et de la prison à Belfast, il s'est retrouvé en Amérique, à mettre en œuvre le 3e casse le plus important de l'histoire des Etats-Unis : le vol du dépôt de la Brinks à Rochester en 1993. Millar est un formidable écrivain, je suis très contente de publier ce titre.

 

SEUIL2013-DOn a vu arriver de nouveaux talents français chez Seuil, tels Frantz Delplanque dans une autre collection. Pensez-vous intégrer vous aussi des auteurs actuels français encore méconnus ?

MCA — Quelques auteurs français, oui, pas tous méconnus, mais il faut veiller à garder un équilibre, justement, avec les romans noirs que publie J.C.Brochier, afin que les deux productions ne se confondent pas. Mon objectif principal demeure la littérature étrangère.

 

Par ailleurs, vous rééditez en volumes de trois romans les enquêtes de Pepe Carvalho. Il est bon de faire connaître Manuel Vazquez Montalban à un nouveau public ?

MCA — Il faut absolument que les trentenaires découvrent Carvalho, personnage savoureux et pittoresque comme on n'en fait plus. Les romans de Montalban se lisent aujourd'hui avec la même jubilation que jadis, ils ont d'autant moins pris de rides que l'auteur avait, dans son analyse de la politique européenne, une sorte de génie visionnaire. Presque tout ce qu'il a pressenti à l'époque se produit aujourd'hui sous nos yeux.

 

Merci à Marie-Caroline Aubert pour ses réponses.

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18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 06:04

 

Le perroquet Coco vivait en des temps fort cruels. Dès sa naissance, qui n’eut rien d’ordinaire on vous prie de le croire, il fut plongé dans le monde de la piraterie. Ce ne fut point un noble flibustier ou le plus digne des corsaires, qui recueillit Coco. Non, il eut pour maître le pire des pirates, le sanglant Pitt-Haines. Celui-ci était fort bel homme et, bien qu’amputé d’une jambe en dessous le genoux, privé d’une main à la hauteur du poignet, énucléé d’un globe oculaire et la bourse allégée d’un testicule, il restait d’une agréable physionomie due à une digne prestance morale et à un téméraire courage à toute épreuve. BENOTMAN-2012Commandant son vaisseau Le Grappin, Pitt-Haines était néanmoins sans pitié. En guise de boulets de canon, il n’était pas rare qu’il utilise les têtes des ses malheureux ennemis. On vous l’a dit, les mauviettes ne résistaient pas à la cruauté de cette époque.

Éduqué par le savantissime et tatoué Lascie Lampute, Coco, volatile intelligent, devint le perroquet de clavicule du redoutable Pitt-Haines. À bord du Grappin, il assista aux féroces abordages qui enrichirent le monstrueux pirate. Quand Pitt-Haines décida d’enterrer son trésor, le perroquet Coco fut le seul à connaître par cœur le trajet diablement compliqué menant à la cachette. Même son maître s’y perdit, c’est dire qu’il comptait sur Coco pour le retrouver le moment venu. Mais le perroquet choisit de se carapater : En ces jolis temps, donc, la cervelle pleine du cadastre de mes responsabilités, je la perdis en m’amourachant d’une Mainate et, l’amour étant ce qu’il est, je désertai, emportant dans mon cerveau le plan vu du ciel […] et dans mon cœur toutes les espérances de bonheur. Coco rejoignit la mainate Nath, tandis que Pitt-Haines se mit à le traquer dans tous les bouges.

Car c’est bien une maison à lanterne, un boxon, qui abrita un temps les amours et les bécots de Nath et Coco. Croire que l’obstiné pirate ne le retrouverait point, quelle erreur. Pitt-Haines livra vite la pauvre Nath à quelque autre bordel, il s’en trouvait quantités en ces temps-là. Surtout, il fit subir les plus immondes tortures à Coco, afin que le perroquet lui rappelle le secret de la cachette du trésor. Mais les aventures du volatile parleur ne s’arrêtèrent certes pas là, que non. Plus tard, ayant subi une maladroite trépanation mal recousue, ça permit à Coco de gagner à nouveau sa liberté. Grâce à son ami le faucon La Berlue, il faut le préciser. Un peu de répit leur sera offert par le pirate maure mahométan Nardine Hateur, sans que Coco oublie sa mission, délivrer la pauvre Nath, son amour de mainate…

 

Il n’est pas normal que la plupart des contes s’adressent aux enfants ou aux ados, pénalisant les adultes. Pourquoi notre imaginaire serait-il moins riche que celui des mômes ? Heureusement, A.H.Benotman remédie à cette criante injustice. C’est une histoire hilarante qu’il nous narre à travers les souvenirs de son héros Coco, un conte ironique aux péripéties désopilantes. Un texte extrêmement bien écrit, il est bon de le souligner. Le résumé ci-dessus n’en est que le modeste survol, c’est le cas de le dire.

La crudité des aventures en question ne s’adresse pas aux enfants de chœur, s’il en reste. D’autant qu’il s’agit d’un livre illustré, et c’est là qu’on se régale doublement. Car si l’on connaît le talent de romancière de Laurence Biberfeld, on s’aperçoit que c’est également une illustratrice inspirée. Ceux qui aiment les caricatures dans le style de Dubout ne peuvent qu’adorer. Encore qu’il y ait une véritable touche personnelle dans ces dessins, complétant à merveille le texte de Benotman. Publiant peu, avec une exigence de qualité, les éditions Écorce nous présentent un très bel ouvrage qui mérite d’être apprécié par un large public.

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16 décembre 2012 7 16 /12 /décembre /2012 06:33

 

Paru chez Seuil à l’automne, La demeure éternelle de William Gay fait partie des excellents romans de l’année 2012.

Mormon Springs est un vallon rural dans le Tennessee. En cette fin d’été 1943, on y trouve juste quelques maisons. Celle de Mme Winer et de son fils Nathan, dix-sept ans. Voilà dix ans que M.Winer, artisan local, a déserté leur domicile. GAY-2012Selon son épouse, il les a quittés, mais sa disparition a une autre cause. Ces temps-ci, Nathan est employé par M.Weiss, éleveur de volailles qui se flatte souvent d’avoir connu un passé glorieux. Pas loin de chez les Winer, il y a la maison de William Tell Oliver, vieux bonhomme qui finit là paisiblement une vie assez sombre, non sans observer le voisinage. En face de chez lui, c’est la propriété d’Hovington et de son épouse Pearl. En réalité, le véritable maître des lieux est désormais Dallas Hardin. Le pauvre Hovington étant souffrant, Hardin a transformé la maison en tripot, cabaret ou bordel, propice à tous les trafics et autres méfaits. Pearl et sa fille Amber Rose sont, en quelque sorte, à son service.

Dans la contrée, le trop débonnaire shérif Bellwether ne fait guère régner la loi. Si Hardin risque des ennuis, l’adjoint corrompu du shérif ne tarde jamais à l’avertir. On ne le poursuivra pas pour ses ventes illicites d’alcool, ni pour l’incendie dont a été victime la veuve Bledsoe, ni pour le vol d’un cheval appartenant à Blalock. L’époque où les cagoules blanches imposaient une violente justice expéditive est quasi-terminée. Un commando tentera bien d’attaquer la maison d’Hardin, mais ce sera un échec. Le jeune Winer reste ami avec Clifford Hodges, qu’on surnomme Grande-Gueule. Un bon à rien, vivant plutôt de rapines que de travail, traînant sur les routes du coin dans sa bagnole, qui a des ennuis avec sa femme. Au décès de Mme Weiss, son mari abandonne l’élevage de poulets, laissant Nathan Winer sans emploi. Il est préférable que le jeune homme aille cueillir des herbes dans les collines avec M.Oliver, au lieu de fréquenter Grande-Gueule Hodges.

Hardin engage Winer pour construire un nouveau bâtiment, près de la maison. Un chantier bien payé, dont le jeune homme va devoir finalement se charger seul. Un canif ayant appartenu à son père, une ancienne installation à alambic, pourraient lui donner des indices sur la disparition de M.Winer, dix ans plus tôt. Pourtant, c’est certainement M.Olivier qui possède la principale preuve. Sa mère s’étant amourachée d’un soi-disant voyageur de commerce qui les endette, la rupture est inévitable entre Nathan et Mme Winer. Le jeune homme renoue avec son copain Bille-de-pied Chessor, tandis que Hodges continue ses vagabondages incertains, allant jusqu’à agresser son ex-femme. Le jeu de séduction qui s’est amorcé entre Winer et Amber Rose se transforme en relation intime. Maître de la situation et se son entourage, Hardin parait encore l’être. Pour combien de temps ?…

 

Le thème n’est pas neuf, puisqu’il s’agit d’une chronique de l’Amérique profonde, ici dans les années 1940. Pourtant, ce roman s’avère fascinant si l’on ajuste notre lecture à son rythme. Probablement parce que tout n’est pas donné au lecteur. Le contexte et les décors sont clairement esquissés, mais laissent jouer notre imagination. Les dialogues sans tirets ni guillemets obligent à mieux écouter, à suivre de près les échanges. La profondeur des personnages se mérite, car elle se précise en cours de récit. C’est seulement page 120 qu’on nous dit : Hardin vivait dans un monde qu’il manipulait au jour le jour, on ne savait jamais à quel moment un renseignement pourrait se révéler utile. La vie était un puzzle qu’un inconnu avait dispersé d’un coup de pied le jour de sa naissance, et il n’avait pas fini de le reconstituer, une pièce à la fois, la tournant entre ses doigts pour voir où elle s’imbriquait avec le reste.

Bien sûr, on peut y voir une énième parabole du Bien contre le Mal, celui-ci étant incarné par le cynique Hardin. Néanmoins, ceux qui vont l’affronter ne sont pas de doux agneaux. William Tell Oliver est un vieil homme encore plein de ressources, moins blasé qu’il y parait. Le jeune Winer n’est pas si candide, si naïf. Il y a de la rudesse et du bon sens en lui, une capacité de décider ce qu’il est nécessaire de faire ou non. Il a plus de maturité que son ami Hodges qui, lui, exprime toute la dérision d’une vie de médiocre, coutumier des choix perdants.

Nous ne sommes pas dans un roman noir criminel, où la violence serait féroce, spectaculaire, omniprésente. Toutes les nuances de l’histoire, il faut prendre le temps de les savourer, oui. C’est ce qui crée cette ambiance psychologique pleine de justesse, avec des gens ordinaires dans le quotidien de cette année-là (celle où naquit l’auteur). La demeure éternelle fut le premier roman écrit par William Gay, décédé en février 2012. Traduit en France avant celui-ci, son troisième titre (La mort au crépuscule) a été récompensé par le Grand prix de Littérature policière 2010. Aucun doute, William Gay avait l’étoffe d’un grand romancier.

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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 06:38

 

Le numéro 19 de la revue Quinzinzinzili (automne 2012) a pour principal thème la littérature prolétarienne. Ce dossier est axé autour de deux figures majeures de ce mouvement, qui marqua l’entre-deux-guerres. Henry Poulaille (1896-1980) fut le plus acharné des écrivains dans la promotion de cette forme littéraire. Son livre Nouvel Âge littéraire (1930) retrace l’histoire de cette littérature. QUINZINZINZILI19Poulaille a fait découvrir de nombreux auteurs issus du monde du travail, créant et animant de nombreuses revues, généralement éphémères (Nouvel Âge, Prolétariat, À contre courant) et participe à de nombreuses autres publications de l’époque. Anarchiste refusant l’embrigadement communiste et le populisme, il était proche de Marcel Martinet (1887-1944). Ce dernier est plus militant, dans les années où s’installe la Révolution Russe. Il reste antifasciste dans un esprit pacifiste, et contribue à développer lui aussi la littérature prolétarienne. Peut-être son nom et son action sont-ils moins connus aujourd’hui que dans le cas d’Henry Poulaille. Dans ce numéro 19, on retrouve bien sûr quelques chroniques de Régis Messac, plus un de ses articles sur la littérature prolétarienne et son public. Voilà une bonne occasion de redécouvrir ce mouvement culturel.

La revue Quinzinzinzili est publiée par la Société des Amis de Régis Messac (71 rue de Tolbiac, Paris 13e), sous la direction de Pierre Lebedel et d’Olivier Messac. À Paris, on trouve cette revue chez les libraires : L’Amour du Noir (5e), La Hune (6e), L’œil écoute (6e), Un regard moderne (6e), Scylla (12e), Le Divan (15e), et on peut le consulter à la BILIPO (5e). Dans l'Ouest, on la trouve chez Abraxas Libris à Bécherel (35), Place Média à Coutances (50). Les romans et autres écrits de Régis Messac sont réédités aux éditions ExNihilo, 42bis rue Poliveau, Paris 5e.

[Le n°20 de Quinzinzinzili (hiver 2012) vient de sortir, on en reparle bientôt]

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 06:00

 

Dans la préface de ce recueil de nouvelles, Romain Slocombe résume fort bien l’univers et la démarche d’auteur de Crifo : Chaque nouvel opus de Thierry Crifo fait résonner les voix paumées de la société […] Et toute l’injustice, l’accumulation, le trop-plein, la connerie, la dégueulasserie qui conduisent à cet instantané où le monde bascule, où les verrous sautent, les plombs pètent, les digues cèdent, précipitant l’humain dans le faits divers terrifiant ou sordide, ou tout simplement titre et banal à en chialer […] CRIFO-2012Il possède cette qualité rare de sincérité, de tendresse, d’engagement total aux côtés des protagonistes et toujours se refuse à les juger.

En effet, une vraie sensibilité émane des histoires racontées par Thierry Crifo, dans ces portraits qui dessinent les blessures et les petits bonheurs de ses personnages. Que les dénouement soient sombres ou plus optimistes, les récits sont forts en images véridiques, parfois cruelles, comme en émotions. Pour les lecteurs connaissant encore peu ou mal cet auteur, ce recueil est le bienvenu.

 

Dans Les portes de la liberté, Édith sort de prison après trois ans de détention. Elle redécouvre la normalité, le plaisir d’un repas dans une brasserie et d’une après-midi sensuelle avec le serveur. Le soir, elle prend le train pour Paris. Elle remarque une jeune fille suspecte, qui dérobe bientôt le portefeuille d’un homme âgé. Maryse l’oblige à le rendre. Le vieux monsieur la remercie. A la gare Montparnasse, la jeune voleuse a été arrêtée. On désigne Maryse comme témoin. Elle refuse de dénoncer la fille. Vu sa situation, Maryse risque d’être impliquée... Marguerite, 79 ans, veuve depuis quelques mois, est l‘héroïne de Marguerite et les dimanches. À Saint-Mandé, son appartement est bien ordonné. Restant très active, elle aide volontiers le voisinage. Elle a de vieilles copines, fréquente la Maison de Quartier, participe à des activités théâtrales. Pour Marguerite, le dimanche est sacré. Ce jour lui rappelle tant de souvenirs liés à son défunt mari, Ernest. Et puis, il y a la coiffeuse et le marché. Ce dimanche-là, elle ne se réveille pas dans son état normal…

Dans Les pauvres ne se lavent jamais le lundi, retour sur l’histoire de Jeanne qui, gamine, trouva son prince charmant aux abords d’un Bains-Douches. Paris la pute nous présente Ginette, âgée de soixante-cinq ans. Elle se prostitue dans une Mercedes de location, du côté de la Madeleine. Le client se fait rare pour les putes défraîchies, mais il y a des miracles. Et puis, quand arrive le matin, Ginette reprend sa vie ordinaire de la journée. Autres ambiances pour Bella Ciao, coco et Destins dans la nuit, mais toujours des protagonistes attachants.

Toutefois, le héros le plus insolite est probablement celui de La vengeance du maso. Les clubs de nuit permettent tous les fantasmes. On y côtoie des couples libertins ou carrément plus pervers, oubliant ainsi la banalité de leur quotidien en jouant les oiseaux nocturnes. Si Jeanne accompagne Max, ami pas amant, c’est juste pour tromper le manque de passion dans sa vie. Si un vieux masochiste octogénaire se livre sur la scène d’un club, c’est pour son seul plaisir. Ceux qui ne comprennent pas ça, qui portent sur lui un regard humiliant, risquent d’être victimes de son ultime vengeance. À moins qu’une rencontre ne change tout…

Très belle initiative de réunir ces sept nouvelles, dont deux inédites et d’autres publiées ça et là, parfois réécrites pour ce recueil. Des textes sombres, éclairés non pas par les néons de la nuits, mais par une écriture de grande qualité.

"Rue du Départ" a aussi publié "Pile & Face" de Dominique Delahaye; et "Ton visage" de Pascal Millet. On se renseigne ici, sur leur site.

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 05:48

 

Ce n’est pas en Sicile qu’Andrea Camilleri situe l’intrigue de Intermittence, mais dans l’Italie actuelle. Un suspense disponible désormais en poche, chez Points.

CAMILLERI-2012PointsMalgré la crise économique, le groupe Manuelli reste une des puissantes sociétés italiennes. Âgé de soixante-quinze ans, même s’il a encore un certain prestige, son fondateur ne la dirige plus. Le vieux Manuelli a réservé un poste supérieur plutôt fictif à son fils quadragénaire Beppo au sein de l’entreprise. Les vrais directeurs généraux sont Mauro de Blasi, et son adjoint Guido Marsili. Le projet qu’ils mènent à bien actuellement, c’est le rachat de la société Artenia. Son président, Birolli, a commis trop d’erreurs pour continuer. Cela va entraîner une sévère casse sociale, une multitude de licenciements. En présentant positivement les dégâts, Mauro et Guido sont sûrs qu’il n’y aura pas trop de contestation. D’autant qu’on peut compter sur le soutien politique d’un député sous-ministre, qui dira ne voir dans ce rachat que des avantages pour l’emploi. Birolli va toucher le pactole pour ses actions, ce qui l’aide à taire ses scrupules.

La vie privée des deux directeurs n’est pas exactement sereine. Marisa de Blasi est une jolie femme, assez instable quant à ses amours. Elle a quitté le policier Formiggi pour épouser Mauro, il y a quelques années. Si Marisa a connu depuis des amants de passage, elle se croit maintenant éprise de Guido Marsili. Celui-ci l’a charmé grâce à la poésie, qu’il aime à lui susurrer tendrement, au point que Marisa songe à quitter Mauro. Cette perspective n’enchante guère Guido, qui tient plus à son poste qu’à cette amourette. Alors qu’ils doivent passer le week-end au chalet de Guido, il la largue en pleine montagne après l’avoir maltraitée.

Mauro a des soupçons sur la fidélité de sa femme. Aussi a-t-il demandé à son chef de la sécurité d’enquêter discrètement. Ce dernier piste la jeune femme, sans définir réellement qui est l’amant. Guido se montre prudent, plus proche que jamais de Mauro de Blasi, lui préparant son discours pour un congrès à venir. Toutefois, Mauro n’est pas irréprochable. C’est que la belle et intelligente Licia Birolli est fort attirante. Âgée de vingt-cinq ans, employée par un autre patron de grosse société, la blonde petite-fille du président de la société Artenia l’a invité à ce congrès de décideurs économiques. Il espère que, malgré ses légers soucis de santé, ce sera une occasion pour devenir intimes. Beppo Manuelli a des soupçons concernant la régularité du rachat de la société de Birolli, tandis que Marisa de Blasi cultive sa rancune contre son amant et son mari…

 

On peut dénoncer brutalement le monde des affaires, les dirigeants décomplexés des grandes entreprises agissant avec le plus arrogant cynisme. Andrea Camilleri préfère illustrer leur état d’esprit en finesse. Pendant la crise économique, les malversations entre combinards de haut niveau continuent. Le pire étant que, en parallèle, ces gens tiennent des discours publics moralisateurs. Sur le thème Responsabilité sociale et éthique de l’entreprise, ils se déclarent vertueux et irréprochables, participant activement au sauvetage des sociétés en péril, se souciant du personnel. Pendant ce temps, des sommes énormes transitent entre eux, illégalement et en secret.

La force de Camilleri consiste y à associer leur vie privée, afin de présenter une vraie intrigue à suspense. Car leurs comportements ne sont pas plus propres que dans leurs professions. Et les femmes gravitant dans ces milieux, ici une séductrice et une jeune femme intelligente, ne sont pas plus morales que ces hommes d’affaires. C’est une jungle où elles doivent se montrer sans pitié, comme les mâles, se sachant meilleures comédiennes qu’eux. Les péripéties ne diluent pas le propos de l’auteur, bien au contraire. C’est une façon de montrer que cet univers est foncièrement pourri. La secrétaire de direction en fait l'amère expérience. Intermittence est un roman qui vise juste, tout en nous offrant une passionnante histoire.

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 06:28

BEST3 

Mission impossible que celle consistant à définir quels seraient les douze romans majeurs de l’année, parmi ceux que l’on a lus ? L’exercice n’est pas facile, mais pas insurmontable non plus. Il se publie quantité de bons polars, très agréables à découvrir. Toutefois, il s’agit de sélectionner ceux possédant ce degré supérieur, qui fait la différence. Choix subjectif, diront certains fâcheux. Pas tant que ça.

 

 À bien observer la liste des romans retenus au final, ils ont plusieurs points communs. Le plus évident, c’est l’écriture. Aucun d’entre eux ne se contente de raconter une histoire. Ces douze auteurs soignent leur style, offrant une force supplémentaire à leurs récits. Des descriptions précises et nuancées, des portraits peaufinés et crédibles, ça ne n’improvise pas. Il est indispensable d’écrire avec maîtrise. Par exemple, comment se croire dans la capitale du Gabon (J.Otsiemi), ou dans le Delta du Niger (A.Molas), si les auteurs ne partagent pas un peu plus que le narratif ? BEST6La monstruosité des héros de J.Incardona et de H.Jaouen, qui semblent pourtant socialement insérés, devient évidente grâce à l’habileté avec laquelle ils sont dessinés. Quant au délirantes mésaventures du héros de Pierre Hanot, on n’y adhèrerait probablement pas sans son écriture inspirée.

 

Complémentaire, le deuxième atout est la construction des intrigues. Aucun de ces romans n’est linéaire car, là encore, ces écrivains ont structuré à merveille leur présentation des faits. Bel exemple, avec l’histoire qu’à reconstituée Ryan David Jahn, se déroulant sur seulement quelques heures. C’est aussi particulièrement le cas de Nicolas Bouchard, dont le parcours infernal du héros est disséqué dans ses moindres détails. Romans écrits et construits, voilà ce qui assure la belle solidité de ces douze titres.

 

On s’aperçoit qu’il existe un point commun supplémentaire. Les contextes de ces intrigues sont, à divers degrés, d’une violence réaliste. C’est fatalement le cas chez les marginaux campés par Hervé Sard. La dureté n’est pas uniquement dans le crime, elle se trouve dans la vie de ces personnages. BEST9Car l’omniprésence du démon décrit par Ken Bruen, ou ce que découvre l’adolescente mise en scène par Megan Abbott, c’est autant de la violence psychologique que l’univers de Donald Ray Pollock ou celui de Ron Rash. Pourtant, cette dureté évoquée avec puissance n’est pas effrayante. Tandis que les personnages négatifs s’enfoncent, les héros positifs puisent en eux-mêmes pour faire face. L’ex-prof et le jeune campagnard de Ron Rash le démontrent. Lueurs d’espoir et d’humanité.

 

À juste titre, on pourra objecter qu’il y a bien peu de purs polars ou de stricts romans noirs dans ma sélection. Peut-être parce que les étiquettes en question n’ont plus véritablement de sens. Récompensé par le Grand prix de Littérature policière cette année, le chef d’œuvre de Donald Ray Pollock ne figure pas dans une collection dédiée au polar. Est-ce si important, puisque ces titres s’adressent quand même au public concerné ?

 

Voici ma liste alphabétique des titres à retenir pour l'année 2012 :

BEST10Megan Abbott : La fin de l’innocence (Éd.J.C.Lattès)

Nicolas Bouchard : Ceux qui règnent dans l’ombre (Éd.Lokomodo-Asgard)

Ken Bruen : Le Démon (Ed.Fayard)

Pierre Hanot : Tout du tatou (Éd.La Branche)

Joseph Incardona : Trash Circus (Éd.Parigramme)

Ryan David Jahn : De bons voisins (Actes Noirs)

Hervé Jaouen : Dans l’œil du schizo (Presses de la Cité)

Aurélien Molas : Les fantômes du Delta (Albin Michel)

Janis Otsiemi : Le chasseur de lucioles (Éd.Jigal)

Donald Ray Pollock : Le diable, tout le temps (Albin Michel)

Ron Rash : Le monde à l’endroit (Ed.Seuil)

Hervé Sard : Le crépuscule des gueux (Krakoen)

Cliquez sur les titres pour lire mes chroniques à leur sujet.

 

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 06:37

 

Après Les six naïades de Laurent Corre, les Éditions du Caïman nous proposent un nouveau titre en cette fin 2012, La morte des tourbières de Jean-Louis Nogaro.

NOGARO-2012Ludovic Mermoz est étudiant en journalisme. Il vient d’hériter d’une tante dont il ignorait l’existence, Viviane Sallarue. Celle-ci habitait un village à une vingtaine de kilomètres de Saint-Étienne, dans les Monts du Pilat. Ludovic quitte son Alsace pour découvrir ce coin du Massif Central. Curieuse commune disposant d’un grand gymnase, et dont les noms de rues font très soviétiques. Au hameau Les Gueyes, la maison de Viviane Sallarue fait face à la ferme de l’antipathique Claude Bonnet. Autoritaire avec sa femme Lise, le paysan hargneux préfèrerait racheter la maison plutôt que d’avoir un voisin. Ludovic consulte le médecin de sa tante, ainsi que la gendarmerie, mais le décès par noyade de Mme Sallarue n’apparaît pas suspect. Pourtant, on peut se demander ce qu’elle faisait sur une tourbière en pleine nuit.

Ludovic réalise que le gymnase est dédié aux deux sports pratiqués ici, basket et majorettes. Les deux clubs ont même atteint un haut niveau. C’est la tante de Ludovic qui dirigeait avec fermeté l’équipe de majorette, aujourd’hui entraînée par Lola Campagnole. Une certaine rivalité existe entre les clubs, pour des raisons financières. Installé en France de longue date, l’entraîneur roumain des équipes de basket ne semble pas avoir été tellement hostile envers Viviane Sallarue. Mais des rumeurs affirmaient qu’elle attirait l’argent des sponsors en prostituant ses majorettes. Il est vrai que les conversations malintentionnées vont bon train au bistrot de Marthe. Claude Bonnet monte un commando visant à décourager son jeune voisin de rester dans les parages. Ce sera un fiasco pour les paysans.

Ludovic a sympathisé avec un marginal, surnommé Le Djerbien. Vivant dans son camping-car, il s’écarte par choix de la société actuelle. La chef des majorettes, Lola Campagnole, va bientôt compléter ce trio amical. De son côté, l’effacée Lise Bonnet va mener son propre jeu, maintenant que son mari est mal en point après l’opération commando. Le premier vrai voyage de Lise va la mener jusque dans l’Ain. Bien qu’ayant pris quelques précautions, c’est peut-être un rendez-vous risqué auquel elle se rend. Ludovic se renseigne sur l’historique des majorettes, sur la famille de l’entraîneur du club de basket, et sur Lucille Kerouec. Internée en psychiatrie depuis plusieurs années, celle-ci fut une majorette de haut niveau. Les secrets de ce village et de sa tante sont certainement fort dangereux à dévoiler…

 

C’est un roman d’énigme très réussi qu’a concocté Jean-Louis Nogaro, qui a déjà plusieurs suspenses à son actif. Un village et ses mystères, un contexte qui a fait ses preuves dans une multitude de polars, bien entendu. Il s’agit donc de créer une ambiance, d’apporter des spécificités à l’intrigue. Ce que l’auteur ne manque pas de faire ici, dans une histoire riche en nuances. On s’interroge sur le rôle de Lise Bonnet, on sourit de la bêtise de son mari, on adhère au petit groupe d’amis qui se forme, on observe ce petit monde avec bien des questions en tête. Qu’on ne s’étonne pas qu’une petite bourgade comme celle évoquée possède des clubs sportifs titrés. C’est le cas de nombreuses communes dans diverses régions. Voilà un polar dans la meilleure tradition, qui ne décevra assurément pas les lecteurs.

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