Éditrice chevronnée, Marie-Caroline Aubert dirige la collection Seuil Policiers. Pour Action-Suspense, après une année riche en titres passionnants, elle a accepté de répondre à quelques questions. Elle évoque aussi les premiers romans à paraître en 2013 chez Seuil Policiers.
Pour les lecteurs de grands romans noirs, on peut dire que William Gay et Ron Rash font partie des auteurs ayant marqué l’année 2012, confirmant leur talent ?
MCA — Je ne dirais pas que Rash est juste un auteur de romans noirs, même s'il y a dans son œuvre des éléments noirs manifestes. S'il se réclame, tout comme Gay le faisait d'ailleurs, du Southern Gothic, c'est parce qu'il y a là quelque chose qui dépasse le "noir". Une relation avec les racines, le passé, la terre et les ancêtres.
En 2012, Petros Markaris nous a montré les effets de la crise économique qui touche la Grèce, son pays. Le commissaire Charitos va encore enquêter sur fonds de crise à l’avenir ?
MCA — Un autre titre, sur le même thème, mais vu sous un autre angle, est effectivement prévu.
2012 a vu le retour de l’excellente Brigitte Aubert dans la collection. On peut espérer qu’elle s’y installe à nouveau ? Et, au-delà, qu’il y ait peut-être quelques romancières supplémentaires dans la collection ?
MCA — Ce fut un plaisir de publier Brigitte Aubert, et j'espère bien que notre collaboration va continuer. Elle a un projet en cours, bien grinçant comme elle sait le faire. Quant aux romancières —au féminin— je n'en vois pas vraiment à l'horizon pour le moment.
Outre ceux que nous venons d’évoquer, quels ont été pour vous les romans les plus marquants de la collection en 2012 ?
MCA — Pour cause d'agitation électorale, les livres publiés au printemps n'ont pas eu droit aux projecteurs. Je voudrais toutefois signaler Sur le fil du rasoir, premier roman d'Oliver Harris, un jeune auteur fort prometteur qui travaille sur le Londres d'aujourd'hui, lequel n'a, on l'aura remarqué, rien à voir avec celui de Sherlock Holmes!
Début 2013, on découvrira le nouveau titre de Thomas H.Cook, un écrivain qu’on aime et qui s’est imposé ces dernières années ?
MCA — Oui, L'étrange destin de Katherine Carr, un suspense gothique, frôlant le surnaturel, où l'on passe souvent de l'autre côté du miroir. Envoûtant, étrange, d'une construction très élaborée comme toujours. Et pour 2014 est prévu son dernier opus, absolument spectaculaire, et plusieurs autres encore à venir. C'est un écrivain qui maîtrise de mieux en mieux son propos et excelle dans la manipulation du lecteur.
Quelques mots sur un des premiers titres publiés en 2013, le roman de Peter Spiegelman, qui semble plutôt excitant ? Et quels autres auteurs seront publiés prochainement ?
MCA — Spiegelman a écrit une version moderne et brillante du "caper" (intraduisible, peut-être parce que nous n'avons pas de ces romans-là dans notre culture, alors qu'il y a eu beaucoup de films) des années 80, dont l'incarnation cinématographique serait The Getaway, ou Ocean Eleven : une bande de voyous monte un coup, dont on suit le déroulement par le menu, l'action pure et simple animant la tension dramatique. Mais dans A qui se fier?, le véritable intérêt, le "plus" comme l'on dit, c'est la dimension humaine, la notion de doute, la trahison, éléments qui appartiennent aussi au "noir".
Et puis, il va y avoir en mars l'étonnant récit autobiographique de l'Irlandais Sam Millar : On the Brinks raconte comment des rangs de l'IRA et de la prison à Belfast, il s'est retrouvé en Amérique, à mettre en œuvre le 3e casse le plus important de l'histoire des Etats-Unis : le vol du dépôt de la Brinks à Rochester en 1993. Millar est un formidable écrivain, je suis très contente de publier ce titre.
On a vu arriver de nouveaux talents français chez Seuil, tels Frantz Delplanque dans une autre collection. Pensez-vous intégrer vous aussi des auteurs actuels français encore méconnus ?
MCA — Quelques auteurs français, oui, pas tous méconnus, mais il faut veiller à garder un équilibre, justement, avec les romans noirs que publie J.C.Brochier, afin que les deux productions ne se confondent pas. Mon objectif principal demeure la littérature étrangère.
Par ailleurs, vous rééditez en volumes de trois romans les enquêtes de Pepe Carvalho. Il est bon de faire connaître Manuel Vazquez Montalban à un nouveau public ?
MCA — Il faut absolument que les trentenaires découvrent Carvalho, personnage savoureux et pittoresque comme on n'en fait plus. Les romans de Montalban se lisent aujourd'hui avec la même jubilation que jadis, ils ont d'autant moins pris de rides que l'auteur avait, dans son analyse de la politique européenne, une sorte de génie visionnaire. Presque tout ce qu'il a pressenti à l'époque se produit aujourd'hui sous nos yeux.
Merci à Marie-Caroline Aubert pour ses réponses.