Le dernier polar en date de Brigitte Aubert, “La ville des serpents d’eau”, est publié aux Éditions Seuil. Régalons-nous avec cette sympathique intrigue.
Ennatown est une petite ville d’Amérique du Nord au cœur d’un hiver neigeux, à la veille de Noël. Treize ans plus tôt, cette localité fut secoué par une affaire qui n’a jamais été éclaircie. Six fillettes âgées de cinq à sept ans furent kidnappées. On retrouva les corps éventrés de cinq d’entres elles dans un étang de la région, victimes de celui qu’on surnomma Le Noyeur. Vera Miles n’est jamais réapparue. Déjà buveur à l’époque, son père ne s’en est jamais remis, se réfugiant toujours plus dans l’alcoolisme. C’est avec la mort de Susan Lawson que se termina cette série de disparition. L’ancien shérif Blankett n’identifia jamais ce “Nautonier des Enfers”. En réalité, Susan n’est pas morte. Depuis treize ans, elle est prisonnière, esclave de celui qu’elle doit appeler Daddy. Aucun espoir pour elle qu’on détecte jamais cet endroit où Susan est enfermée. Le monstre lui a fait un enfant, Amy, gamine muette qui a maintenant cinq ans.
Vince Limonta, trente-neuf ans, est un ancien flic de New York, exclu de la police à cause d’une bavure. Il s’est réfugié depuis six mois à Ennatown, sa ville natale. Le prêtre Roland O’Brien lui a offert un job de jardinier. Vince a retrouvé ici un autre malchanceux ami, Michael McDaniel. Ce Noir de vingt-six ans fut un rappeur renommé sous le pseudo de Snake T., avant qu’un “accident” ne l’handicape définitivement. Le jeune et ambitieux journaliste Luke Bradford ayant ressorti l’histoire des fillettes enlevées, Snake T. incite Vince à s’y intéresser, à décrypter ce qu’il appelle la “criminographie” de l’affaire. Tandis que la bonne société multiconfessionnelle de la ville commence à célébrer les festivités de Noël, le père Roland est victime d’une crise cardiaque. On venait de lui apprendre qu’une des gamines mortes treize ans plus tôt était sa fille. Dans le même temps, un grand Noir accompagné d’une fillette rôde en ville, en quête de nourriture.
La petite Amy est parvenue à s’enfuir de chez Daddy. Elle a trouvé protection auprès de Black Dog, un SDF Noir qui campe dans la forêt. Ce géant illettré est bien incapable de lire le message de Susan que la gamine muette lui montre. Débile léger, un peu kleptomane, Black Dog veille à ce que la petite n’ait pas froid et puisse manger. Quand un trio d’alcoolos vient le provoquer à son campement, Back Dog se défend, causant une victime avant de déguerpir avec Amy. La police locale est rapidement sur les lieux, ainsi que Vince Limonta. Le shérif Friedman se pense à la hauteur pour résoudre le problème, assisté de l’agent Patterson et du ranger Wayne Moore, Iroquois d’origine. Ce n’est pas du côté de Summit Camp, camping devenu bidonville pour marginaux, qu’on trouvera des réponses. Alors que le shérif organise une battue pour traquer Black Dog, Le Noyeur y participe. Se méfiant de Vince, il compte bien retrouver et éliminer Amy…
Voilà vingt ans que Brigitte Aubert a publié son premier roman, “Les quatre fils du Dr March”. C’est “La mort des bois” en 1996, Grand prix de Littérature policière, qui lui apporta une belle consécration. Depuis, elle a écrit bon nombre de noirs polars et de romans-jeunesse. Par ailleurs, elle est l’auteure (chez 10-18) d’une série de suspenses historiques ayant pour héros le reporter Louis Denfert, des romans dans l’esprit feuilletoniste de l’époque évoquée. Début 2012, elle a publié le jubilatoire “Freaky friday” dans la collection Vendredi 13, Éditions La Branche.
Ce petit aperçu de son œuvre est destiné à souligner que c’est une romancière chevronnée, et même plutôt inspirée. Elle a concocté ici un conte de Noël d’une délicieuse tonalité caustique. Une brochette de personnage tous affligés de tares ou de défauts marqués, dont un criminel possédant une facette obscure et une autre moins antipathique. L’establishment local s’avère caricatural à souhaits, ce qui introduit une forme d’humour décalé. Les scènes avec Black Dog et la fragile Amy sont, naturellement, les plus savoureuses. Enquête et chasse à l’homme s’entremêlent habilement. Un récit qui respecte une certaine unité de temps, dans un décor neigeux où l’on ne distingue plus vraiment la nuit du jour. Péripéties à foison, pour un excitant suspense. Encore un roman très réussi de Brigitte Aubert.