Parus au début des années 1970, les romans d’espionnage signés Alix Karol étaient l’œuvre de Patrice Dard, fils de San-Antonio. Ces titres ayant été réédités chez Vauvenargues ces dernières années, voilà une occasion de les découvrir pour beaucoup de lecteurs. Les couvertures de François Boucq remplacent celles de Michel Gourdon. Le monde a évolué depuis quarante ans, aussi compliqué qu’alors. Même s’ils sont marqués d’une époque, on lit encore ces romans d’aventures avec grand plaisir.
Moins féru d’espionnage que de polar, je n’ai jamais lu d’Alix Karol à leur parution initiale. Deux titres m’ont permis de faire connaissance aujourd’hui avec cette série.
“Garanti sur fracture” (publié en 1974, réédité en 2010).
Les SSTM, ce sont les Services Secrets du Tiers-Monde, rivalisant avec le KGB et la CIA. Ils sont dirigés par un métis d’Espagnole et d’Indien Tupamaro, que l’on surnomme L’Inca. Le patron incontesté des SSTM vit à Montevideo, en Uruguay. L’équipe basée à Paris se compose d’Alix Karol et de Bis. Le premier possède une belle allure sportive, possède l’auberge de La Pommeraie, et se vante volontiers de ses prouesses sexuelles. Bis est un Hollandais blond et filiforme d’une trentaine d’années. Il se nomme Karolus van Haag, d’où son sobriquet Bis, car il y aurait deux homonymes dans l’équipe. Il est artiste de music-hall, son numéro de transmission de pensée servant parfois de couverture au duo.
Un Iranien suspect est actuellement interrogé par le commissaire Morsellange, de la brigade criminelle. La traductrice de langue persane reste perplexe face aux méthodes du policier. Alix Karol et son acolyte Bis ont rendez-vous avec un certain Moshir à Notre-Dame-de-Paris. Il a réussi à enregistrer l’interrogatoire de l’Iranien. Les deux espions découvrent leur intermédiaire, Nourredine, assassiné dans un confessionnal de la cathédrale. Puis ils pénètrent dans la tour sud, pour y retrouver Moshir. Un espion iranien, Assar, intervient. Avant de prendre la fuite avec l'enregistrement, il tue Moshir ainsi qu’un agent de police. Alix Karol et Bis le pourchassent, mais le perdent sur un bateau-mouche.
Peu après, un attentat est commis par un faux diplomate iranien dans le bureau du commissaire Morsellange. Le suspect et la traductrice sont abattus. L’Inca, en accord avec les émissaires du Chah d’Iran, envoie ses hommes en mission afin que la clarté soit faite sur cette affaire. D’autant qu’ils ont reçu un message de menace, accompagné d’un peu ragoûtant débris humain censé appartenir à l’agent de la SSTM en Iran. Heureusement, le véritable agent est une femme, toujours en vie là-bas. C’est ainsi qu’Alix Karol et Bis vont séjourner à Téhéran, dans le palais du Chah, sous couverture d’artistes de music-hall.
Bis explore d’abord la propriété impériale, non sans semer la perturbation. Alix Karol montre ses capacités sexuelles à la jeune et belle princesse Clotilda, avant que celle-ci ne retourne à Shirâz où sa famille possède un palais. Dans la cage des panthères, Bis découvre une main humaine déchiquetée. Bien que leur mission les mettent au service du Chah, il n’ignore pas les violentes méthodes de la SAVAK, police militaro-politique du régime iranien. Lors de la soirée mondaine qui suit, Alix Karol et Bis font un numéro de transmission de pensée devant les dignitaires du pays. Puis, alors qu’ils se trouvent avec un couple de Hollandais amis de Bis, ils se font piéger par la police pour détention de drogue. C’est chez leur vieil adversaire Zhoun qu’on les conduit. Ils risquent d’y être torturés par un cruel nain Turc. L’agent de l’Inca intervient pour les aider à s’enfuir, libérant aussi une étudiante marxiste experte en sexologie. On va bientôt comprendre qui complote contre Rézâ Pahlavi, l’intransigeant Chah d’Iran…
Une aventure qui ne manque pas ni de trépidantes péripéties, ni de situations périlleuses, on le constate. Avec son lot de scènes érotiques suggérées. Celle de la rencontre dans sa chambre entre le héros et Clotilda est éloquente : “Manière d’annoncer la couleur, je donne d’emblée deux tours et je retire la clé de la porte. Puis je chope la môme par une main et l’entraîne au centre de la pièce. Je lui montre les coussins et lui indique qu’elle peut s’étendre. Effarouchée, elle bat en retraite. Voilà que je suis tombé sur la rosière du personnel !” S’ensuivra une relation sexuelle mutuellement consentie. La belle Clotilda ne sera pas la seule amante de l’espion dans cette histoire. Mais, surtout, Alix Karol et Bis doivent affronter bien des dangers plus sérieux pour approcher de la vérité…
“Nous avons les moyens de vous faire parler” (publié en 1975, réédité en 2009)
Jacobi, le correspondant des SSTM en France a envoyé Alix Karol et Bis dans un village de Savoie, sans vraiment leur préciser la nature de leur mission. En cette fin juillet, un cadavre est découvert dans la tranquille bourgade savoyarde de Gerbaix. Bis a été arrêté par la gendarmerie. Recherché, Alix Karol prend la fuite en direction de Lyon. Volant trop facilement une 504, il flaire l’entourloupe. Il contacte Jacobi, qui exige qu’Alix Karol libère Bis de la gendarmerie et récupère le cadavre. Par la ruse, l’agent éloigne la maréchaussée et disparaît avec son acolyte. Mais leur 504 est bientôt volée, avec le cadavre dans le coffre.
L’Inca est de passage à Paris pour préparer une mission très particulière. Il s’agit de faciliter le passage de l’ex-nazi Martin Gorman vers l’Espagne. Les SSTM n’ont pourtant aucune affinités avec les partisans et nostalgiques du régime hitlérien. C’est en rencontrant une splendide jeune femme qu’Alix Karol et Bis obtiennent un début d’explication. C’est une reine de la transformation physique, que le duo baptise vite Fregola. L’épisode savoyard était destiné à les faire passer tous deux pour des néo-nazis ayant supprimé un Juif. Quand plusieurs agents des Services Secrets israéliens expliquent à Alix Karol et à Bis l’opération en cours, ceux-ci admettent que les intérêts des SSTM et d’Israël sont compatibles.
Pour duper les nazillons, Fregola et le duo doivent donc conduire Martin Gorman en Espagne. Avant leur départ, deux Allemands se font buter, puis c’est au tour de trois agents secrets israéliens d’être éliminés. Il semble qu’un autre groupe non identifié agisse dans l’ombre. Alors qu’ils voyagent en Rolls vers le pays de Franco, le trio repère un suiveur en DS. C’est bien le tueur, qui se fait appeler Nummer Eins. L’affaire va mener Alix Karol, Bis et Fregola jusqu’à Salzbourg, où les admirateurs des SS sont trop bien organisés…
Cette affaire est riche en suspense et en mystères, mouvementée à souhaits comme il se doit. Il y est fait référence au dignitaire nazi Martin Bormann, qui fut le secrétaire d’Hitler. Condamné par contumace, on a supposé qu’il s’était réfugié en Amérique latine, où il fut recherché par les services secrets israéliens. “Que ce vieux SS mérite six millions de fois la mort, nous ne le contestons pas. Mais que vous nous proposiez d’être les exécuteurs des hautes œuvres, c’est autre chose”. C’est l’éternel risque de résurgence des théories nazies qui sert donc de toile de fond à cette aventure agitée. On trouve (un peu) moins d’érotisme suggéré ici, que dans le précédent.
Ces deux romans à la narration fluide et aux intrigues solides restent extrêmement plaisants à lire.
Portrait de Vic Saint-Val, un héros d'hier. - Les Lectures de l'Oncle Paul
La collection Espiomatic-Infrarouge, nom officiel de la collection dans laquelle sont publiés les Vic Saint-Val fut surnommée aussi Vic Saint-Val par ses lecteurs, tant il est vrai que ...