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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 06:46

 

Chrysostome Gourio est l’auteur d’une aventure de Gabriel Lecouvreur, dit Le Poulpe “Le dolmen des dieux” (Éd.Baleine, 2010). Chez le même éditeur, il nous propose aujourd’hui “Le crépuscule des guignols”.

Dix ans plus tôt, Arthur Saint-Doth et Lazare Gauthier étaient agents spéciaux dans un service de police. On les chargea de réprimer des groupuscules prônant une révolte philosophique. Adeptes d’actions spectaculaires, ces rebelles furent bientôt matés. GOURIO-2012Félix, leur Guide, est emprisonné depuis cette époque. L’obscur mouvement s’est éteint rapidement. Reconverti dans la viticulture, Arthur habite en Touraine avec sa compagne et leurs jumeaux. Ce jour-là, un commando prend pour cible la maison d’Arthur. Sa famille périt dans cette opération explosive. Il ne lui est pas difficile de comprendre qui sont ses ennemis. En prison, Félix lui confirme que cette vengeance n’est pas la sienne. Que les disciples d’Heidegger ont choisi de radicaliser leur combat. Arthur se réfugie chez son ami Lazare. C’est à Paris qu’ils doivent rechercher les maîtres de ce nouvel activisme violent.

Facile à dire, mais le duo n’a pas de contacts dans la capitale. Une petite révolte estudiantine agite une fois de plus le quartier autour de la Sorbonne. Venu de Nice, David se fait appeler Le Prince. Adepte de Machiavel, c’est un Kantien qui désapprouve les excès des Heideggériens. Il est à la tête d’un réseau aussi discret qu’il peut être efficace. Pénétrer dans la Sorbonne bouclée, s’approcher du QG des rebelles, c’est jouable selon David. Son complice Phédon leur apporte la logistique technique. Passant par les égouts, puis les salles du sous-sol où sont remisés des trésors de livres endormis, le duo repère vite la cave servant de QG. L’homme aux cheveux blancs qui dirige les Heideggériens refuse d’expliquer le massacre de la famille d’Arthur. Mitraillé par ses adversaires, le duo doit fuir vaille que vaille.

Pendant la convalescence de son ami qui a été sérieusement blessé, Lazare veille sur Arthur dans une planque fournie par David. Ce dernier réalise que ce n’est plus de sédition philosophique dont il s’agit. Ce sont de véritables actes de guerre qui sont menés par leurs ennemis. Il réunit son réseau afin de contrer la stratégie des autres. Les données récupérées sont alarmantes : “Ajoutons à cela qu’ils possèdent un arsenal impressionnant, nous pouvons en conclure qu’ils ne sont pas là pour faire des pâtés de sable.” Un rendez-vous au Jardin du Luxembourg, pour une impossible concertation avec les radicaux, vire à la bataille meurtrière. Face à cette philosophie démente conduisant à une sanglante révolution, il est bon de connaître les plans des heideggériens avant de les combattre…

 

Nous vivons en des temps où la philo est nettement moins attrayante que les salaires absurdes des sportifs, la vie privée d’éphémères célébrités, ou les gains des financiers qui détruisent l’Économie. Beaucoup diront que les thèses de philo n’intéressent vraiment que leurs auteurs, plus une poignée de disserteurs adeptes de l’enculage de diptères. La Pensée ne suffit pas à remplir le réfrigérateur, selon les pragmatiques qu’on ne démentira pas.

Pourtant, les philosophes peuvent être utiles. Par exemple, lorsqu’ils servent de personnages à une fiction. D’autant qu’ils préfèrent tous le Grand Merdier plutôt que l’apathie générale. Chez eux, comme ailleurs et pour faire court, il y a des bons et des méchants. Partisans de l’influence positive sur la société, contre suppôts d’une évolution mortifère, pour mieux le dire.

C’est un autre état d’esprit qui guide les deux ex-baroudeurs. Celui de la vengeance, sous les auspices métalliques bruyants de James Hetfield. Ça va dézinguer à tour de bras. Y compris avec le soutien final de fringants cow-boys musiciens venus du Québec. Non sans un clin d’œil à Gabriel Lecouvreur et à son vieil ami Pedro. Avec des citations, dont on ne garantit pas qu’elles soient toutes authentiques. Puisqu’ils carburent au Saint Nicolas de Bourgueil et au Chinon, Arthur et Lazare ne peuvent pas être totalement condamnable. Quand la philo cesse d’être prise de tête, ça nous donne un savoureux roman d’action, très divertissant.

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 06:37

 

FERRIERE-2011Né le 4 mars 1933, c’est un romancier de 79 ans, qui écrit depuis toujours et reste plutôt actif. Périodiquement, certains de ses livres sont encore publiés. On ne parle pas là des succès de ses débuts, avec la série des sœurs Blanche et Berthe Bodin, à partir de 1957. Ou, plus tard, d’Évangéline Saint-Léger, héroïne de quatre romans. Sur plus de soixante-dix romans, dont huit ont été adaptés au cinéma ou en téléfilms, et de nombreux scénarios, il a connu de beaux succès. Par ses intrigues habiles et ses récits fluides, il n’a jamais déçu aucun de ses lecteurs, d’hier ou d’aujourd’hui. Des suspenses d’une qualité indiscutable. Malgré tout, il reste un homme modeste. Trop, à mon avis. Car “Rictus a été un des succès de la collection Noir Rétro en 2010. Il est dommage que les éditions Plon n’aient pas davantage soutenu cette initiative de Nathalie Carpentier. Car Dérapages, un recueil de nouvelles, est actuellement disponible aux éditions Noir Délire. En outre, un projet de téléfilms, sur des synopsis de cet auteur confirmé, est en cours. On espère qu’il se concrétisera bientôt.

Vous avez déjà compris que j’évoque ici Jean-Pierre Ferrière.

Il serait juste qu’un grand éditeur pense à rééditer ses romans. Plusieurs de ses derniers titres des années 2000 ont été publiés chez de petits éditeurs. Aussi sympathiques soient-elles, les éditions Noir Délire ont des capacités de diffusion quelque peu relatives. FERRIERE-RictusIl est passé chez les éditions H&O ou Page après Page, qui ne le diffusaient guère mieux. Encore a-t-il eu la sagesse d’éviter les éditions en format numérique, n’ignorant pas qu’elles sont encore plus invisibles. Des romans mal distribués de Jean-Pierre Ferrière, telsMeurtre en bonus,La mort qu’on voit danserouLa Seine est pleine de révolversmériteraient une seconde chance. D’autres, tel l’inéditRetour en noir(version réécrite d’un roman que l’auteur estimait moins réussi), trouveraient encore un public. Alors, où sont les éditeurs sérieux, capables de publier ses romans, disposant d’une véritable diffusion ? Les auteurs de sa génération, s’il en reste peu, ont aussi le droit d’être encore mis en valeur.

Bon anniversaire, Jean-Pierre !

 

Lire ici l'interview de J.P.Ferrière.

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 06:33

 

Une nouvelle édition de Des clientes pour la morgue est disponible dès mi-mars 2012 chez Pocket. Retour sur l’intrigue de ce San-Antonio…

SanAntonio-mars12Suivant son instinct, le commissaire San-Antonio prend en filature une dame d’un certain âge. Ce qui l’oblige à la suivre dans le train Paris-Genève, puis à s’installer dans le même hôtel de luxe genevois que cette personne. En réalité, la dame est un homme encore jeune, ce qu’avait bien compris San-Antonio. En surveillant son suspect, il assiste au suicide de l’inconnu, suite à un appel téléphonique. Avant sa mort, l’homme a dissimulé un disque de métal que San-Antonio s’empresse de récupérer. Si la police helvétique est coopérative, la blonde standardiste de l’hôtel n’est pas très franche. San-Antonio doit un peu la secouer pour obtenir la vérité. Cette rondelle de métal possède assurément une valeur, mais son utilité reste un point d’interrogation pour le commissaire qui rentre à Paris.

L’homme travesti voyageait sous le nom de Mme Fouex. Décédée depuis peu de mort naturelle, cette dame était employée à l’ambassade des Etats-Unis. C’est son neveu, Georges Gerfault, qui avait endossé son identité pour aller en Suisse. Bien qu’élève du Cours Simon, le jeune homme était un comédien sans notoriété. Tout ça n’offre guère d’indications à San-Antonio. Celui-ci habite avec Félicie, sa brave femme de mère, au 103 rue de l’Église à Neuilly. Ils sont la cible d’un tireur à la mitraillette. Qui réussit à disparaître, non sans avoir supprimé la blonde standardiste genevoise qui l’avait guidé là. Le tueur et son commanditaire ne sont pas du genre à laisser vivants des témoins. À l’ambassade des Etats-Unis, on dit à San-Antonio que la défunte Mme Fouex était une employée sans histoire.

Une belle femme occupe l’appartement de Georges Gerfault. Pas assez prudent, le commissaire est visé par l’inconnue armée. Après coup, il s’aperçoit que le disque de métal a disparu : Ce disque ne s’est pas envolé comme une soucoupe, c’est ma miss-pistolet qui me l’a barboté (…) elle a eu le courage de me passer à la ratisse après m’avoir choqué une pastille valda dans le poitrail ! Voilà une pépée qui a froid n’importe où, sauf aux yeux… Suivant la piste d’un costaud au crâne rasé, San-Antonio se trouve embarqué contre son gré dans une péniche. Ses deux ravisseurs cherchent la rondelle de métal, qu’il n’a plus. Rudes adversaires pour San-Antonio, qui ne s’en tirera pas sans quelques brûlures. À peine hospitalisé, le commissaire doit poursuivre sa mission car un danger explosif menace Paris…

 

Il est bon de souligner qu’il s’agit d’un des premiers San-Antonio, datant de 1954. Déjà intrépide, le commissaire appartient à un service de police peu précisé (la DST). Il nomme son supérieur le chef ou le boss, sans se montrer aussi familier qu’il le sera plus tard avec Le Vieux. Il est entouré d’une brochette d’inspecteurs, SanAntonio1954mais Bérurier n’est encore qu’une (grosse) silhouette dans cette histoire. Félicie, la mère du héros, est bien présente et active dans deux scènes agitées.

Le petit univers qui sera celui de San-Antonio est juste esquissé, l’enquêteur prenant seul tous les risques pour mener à bien l’affaire. Il encaisse divers mauvais coups, des chocs plutôt sévères. Comme le titre l’indique, on compte ici plusieurs victimes féminines, dont un homme. Les péripéties s’enchaînent à un rythme soutenu et fort mouvementé. Déjà enjouée, la tonalité est moins marquée par l’humour que dans ses romans à venir. On pourrait noter quelques superflus résumés de la situation, qui n’altèrent toutefois pas le tempo narratif. C’est, bien sûr, une aventure de San-Antonio à redécouvrir.

[Visitez aussi le blog "Ils lisent San-Antonio"]

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 06:51

 

Les 3 et 4 mars, quartier Maurepas à Rennes, 5e Festival Rue des Livres. De nombreux auteurs sont annoncés (la liste est ici). Voici quelques animations... 

RUEdesLIVRES2012Samedi 3 mars « Regards croisés » – à La Baraque :

14H00 « Adulte ou jeunesse ? La littérature n’a pas d’âge!»
Avec Karine Reysset et Ahmed Kalouaz
15H00 « Enfant dans la ville »
Avec Sophie Loubière et Grégoire Polet
16H00 « Du livre à l’écran »
Avec Alain Berberian, Jean-Christophe Grangé et David S. Khara

17H00 « Rencontre polar »
Avec Hervé Commere, Frédéric Paulin, Bernard Minier et Danielle Thiéry.
 

 

Débats dimanche 4 mars, à La Baraque :

14h30 – Editions Asphalte, avec Claire Duvivier (éditrice)

15H30 – Editions Sarbacane, présentation de la Collection Exprim
Avec Tibo Bérard directeur de collection, Rolland Auda et Karim Madani auteurs.
16H30- Editions Apogées
Avec André Crenn éditeur, Jacques Josse et Albert Bensoussan, auteurs.

 

Débats -Dimanche 4 mars – Salle Guy Ropartz

15H00- Rencontre avec les auteurs de la sélection – Prix Rue des Livres
Sorj Chalandon et Gérard Landrot, Patricia Reznikov.
16H00 – « Villes étranges »
Avec Cédric Gras, Philippe Mouche, Tommaso Pincio
17H00- Comment concilier développement de la ville et sauvegarde du patrimoine.

Débat organisé par la « revue Place Publique Rennes »

Avec Jean-Pierre Le Thuillier, président de l’association les Amis du patrimoine rennais, Benjamin Sabatier, docteur en histoire de l’art, chargé de cours à Rennes 2 et Jean-Yves Chapuis, vice-président de Rennes Métropole et délégué aux formes urbaines.

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 06:41

 

Lire autre chose qu’un roman ordinaire ou formaté, c’est possible. Par exemple, en découvrant Aux armes défuntes de Pierre Hanot, publié chez Baleine.

HANOT-2012-1Né à Montluçon en 1915, le sous-lieutenant Polmo (Paul Maurice) est l’exemple même de l’esprit guerrier. La Seconde Guerre mondiale ne lui a pas permis de jouer au héros, vu qu’il a passé quatre ans en captivité. Démobilisé, il s’engage dans la Légion Étrangère. Il va leur faire voir à ces niakoués, ce qu’est un soldat au service de la France ! En 1948, on l’embarque sur un rafiot bourré de militaires à destination de l’Indochine. Il a le temps de se faire un copain, Fifi, étant donné que le navire progresse plutôt au ralenti. Fraterniser avec le nommé Helmut sera plus aléatoire, vu le passé sulfureux de cet Allemand. L’étape à Port-Saïd, c’est le début de l’exotisme. Pas loin de là, dans un bordel d’Ismaïlia, Polmo rencontre l’amour de sa vie, Zeinab. Du moins, il l’idéalise au point qu’elle ne quittera plus jamais sa mémoire. En janvier 1949, Polmo arrive dans la baie d’Along.

Haiphong et Saigon, les piliers de l’occupation française dans la région, premières découvertes de Polmo. Même si la guerre reste encore abstraite, ils ne sont pas exactement les bienvenus. Avec ses subordonnés Algériens, le sous-lieutenant Polmo remonte le Fleuve Rouge pour une mission d’exploration du pays. Ce qui lui donne l’occasion de rencontrer un aumônier mystique et jouisseur, qui méprise les Viets bien plus encore que Polmo. Le passage d’un ministre vient animer leur mission. Rien de vraiment excitant au BMC de Bui-Chu, pour Polmo qui ressasse l’image de Zeinab. Une expérience, avec l’aumônier, dans la fumerie d’opium de Dai Phong rend le baroudeur philosophe. Polmo n’oublie pas qu’ils sont en guerre, face aux guet-apens des Viets, efficacement meurtriers.

Bien longtemps après cette époque, on retrouve Polmo. Reconnecté grâce aux progrès de la science, il a le droit depuis quelques années à une nouvelle vie. Pas tellement glorieuse, dans cette Île d’en Bas où les Dominants ont relégué toutes sortes de déclassés. Le monde entier est en décroissance, à part quelques lieux protégés. L’ancien soldat reste un brillant orateur, qui fascine ses amis Kid Vicié, Sulfate, le Cerveau et 220. Kid, qui vénère les stars défuntes du rock, serait le moins pire du groupe, peut-être. Polmo est le seul à avoir des souvenirs sexuels, qu’il réinvente d’ailleurs. Il s’immisce en fraude dans l’Île des Laborieux, mais là aussi les amours sont plutôt virtuels. Même quand la situation s’aggrave pour Polmo, condamné à survivre sur l’Enfer aux Varans, il est toujours combatif. Avec ses amis et son copain La Rouille, ils s’introduisent même dans l’Île d’en Haut…

 

HANOT-2011Un polar historique virant à l’intrigue futuriste ? Ce serait fort mal exprimer l’idée de ce roman. Probablement, parce qu’il est impossible d’apposer une étiquette qui qualifie cette histoire. Certes, la guerre d’Indochine a eu lieu et l’avenir arrivera bien un jour. Pourtant, à travers les déboires de Polmo, ce n’est pas ce que nous raconte l’auteur. Imaginons une fiction qui frôlerait la réalité, restant néanmoins en décalage. Le sort de ce pitoyable héros n’est en rien dramatique, puisqu’il n’existe que dans la vérité de ce conte abracadabrant. Il suffit d’embarquer sur le brinquebalant navire qui l’emporte vers l’Orient pour suivre ce personnage hors norme.

Inventivité, fantaisie, écriture, sourire, voilà sans nul doute les quelques mots à retenir. Pierre Hanot est un illusionniste, avec la poésie et l’humour que supposent ses tours de magie. Il fait apparaître une image, parfois symbolique ou délirante, avant qu’un nuage de fumée nous entraîne vers une autre scène aussi improbable. Et c’est ainsi que nous nous laissons charmer par ce récit original. Un auteur qui réveille notre plaisir de lecteurs.

 

D'autres chroniques sur les romans de Pierre Hanot : "Les clous du fakir" (Prix Erckmann-Chatrian) - "Serial Loser" - "Les hommes sont des icebergs". Il a a aussi répondu au Portrait chinois. Un prochain roman sera publié dans la collection Vendredi 13, aux Editions La Branche.

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 06:28

 

Chez Actes Noirs, c’est à un retour au 18e siècle que nous invite Casanova et la femme sans visage d’Olivier Barde-Cabuçon.

En janvier 1757, le nommé Damiens s’introduit au château de Versailles et tente de poignarder Louis XV. Avant qu’il ne porte un second coup, Volnay s’interpose. Se débattant, Damiens lui balafre le visage. Personne ne s’interroge alors sur la présence ni les motivations de Volnay, fils d’un homme persécuté par le pouvoir. BARDE-2012En remerciement pour cet acte de bravoure, le roi accède à la requête de Volnay, créant pour lui le poste de commissaire aux morts étranges. Même s’il doit rendre quelques comptes à Sartine, le lieutenant criminel de Paris, Volnay a toute autorité pour mener ses enquêtes. Il fait pratiquer des autopsies par un étrange moine, dont il est seul à connaître les secrets. En ces temps où la bonne société pratique l’alchimie et autres expériences, le laboratoire du moine n’est d’ailleurs pas exceptionnel. Le moine et une pie bavarde sont les uniques amis de Volnay.

1759. Une jeune femme a été assassinée. On lui a enlevé la peau du visage, l’écorchant alors qu’elle était encore vivante. Cette Mlle Hervé appartenait à la Cour, faisant même partie des proches du roi. Volnay n’ignore pas que Louis XV est entouré d’un harem de filles mineures. Toute cette débauche est gérée par Le Bel, premier valet de chambre du roi, et par la marquise de Pompadour, favorite royale. Il est fort probable que Mlle Hervé ait été enceinte de Louis XV. Mais la jeune femme était également la maîtresse et l’informatrice du lieutenant criminel Sartine. Cette affaire de meurtre est suivie de près par le parti dévot, en la personne du père Ofag et de son bras armé, Wallace. D’autres opposants, ceux de la Confrérie du Serpent, observent aussi ces faits. Volnay connaît bien ces derniers, mais s’en est éloigné car leur Maître et les objectifs initiaux ont changé depuis quelques temps.

D’autres s’intéressent à ce crime. À commencer par le chevalier de Seingalt, qui n’est autre que l’aventurier vénitien Casanova. Volnay éprouve peu de sympathie pour cet homme et son faux titre de chevalier. Quand apparaît la belle Chiara d’Ancilla, tous deux sont bien vite rivaux pour séduire la jeune femme. Celle-ci cultive un esprit scientifique et progressiste, digne des Lumières. Chiara reste discrète sur ses relations à la Cour. Outre Casanova et elle, le mystérieux comte de Saint-Germain, conseiller de la Pompadour, suit l’évolution de l’enquête. S’il cultive sa légende de vie éternelle, Saint-Germain est moins futile qu’on le croit. Ce n’est pas grâce au grand-père de Mlle Hervé, un sorcier charlatan, que Volnay en apprendra plus. La lettre royale que détenait la victime est une des clés, sans nul doute. À l’intérieur du Parc-aux-Cerfs, le roi poursuit ses turpitudes sexuelles. Une de ses amantes, Marcoline, est à son tour assassinée et défigurée…

 

L’époque de l’Histoire de France choisie par l’auteur est propice aux plus sombres intrigues. L’impopularité du roi, d’abord surnommé Le Bien-Aimé, grandit de jour en jour. Le comportement du Louis XV, supposé amateur de nymphettes, qui ne s’occupe ni de gouverner, ni du sort de son peuple, n’améliore pas son image. De nombreux groupuscules complotent contre le pouvoir royal. Méfiance à tous les niveaux, nous dit Volnay : Il n’y a plus de paroles innocentes, toute plaisanterie malheureuse est rapportée au lieutenant de police générale. Dans les dîners, les amis se méfient de trop parler car bien des hommes de qualité font aujourd’hui métier d’espions. Je ne parle même pas des domestiques qui sont tous vendus à quelque seigneur ennemi de leur maître. Les Français n’apprécient guère les manigances de la marquise de Pompadour, ici présentée sous un aspect moins défavorable. Peut-être préservait-elle une certaine unité du pays, en effet, sans toutefois se soucier de la population. En outre, l’ésotérisme est omniprésent chez ceux qui se pensent évolués, supérieurs, source de belles escroqueries.

C’est dans ce contexte de mécontentement et de suspicion générale qu’enquête Volnay. Un personnage aussi complexe que son titre de "commissaire aux morts étranges", on le constatera. Quant à ce diable de Casanova s’introduisant partout selon son seul intérêt, comme le veut sa légende, il mène son propre jeu. Tout comme le fait, dans l’ombre, le comte de Saint-Germain. C’est un très instructif voyage dans le temps que, grâce à ce polar historique, nous offre Olivier Barde-Cabuçon.

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 06:31

 

Certainement un des plus célèbres incipit de la littérature française :

 MISERABLES-2012En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C’était un vieillard d’environ soixante-quinze ans. Il occupait le siège de Digne depuis 1806. Quoi que ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons à raconter, il n’est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d’indiquer ici les bruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé au diocèse. Vrai ou faux, ce que l’on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie et surtout dans leur destinée que ce qu’ils font…

Dans les trois mille pages qui suivent, le lecteur va côtoyer Jean Valjean, Fantine, sa fille Cosette, le couple Thénardier, leurs filles Éponine et Azelma, leur frère cadet Gavroche, le policier Javert, le révolté Enjolras, le père Fauchelevent, le romantique Marius, son grand-père M.Gillenormand, et bon nombre d’autres personnages. Ce roman magistral entraîne le lecteur dans le quotidien de la France jusqu’en 1833, à la suite d’un ancien bagnard devenu M.Madeleine à Montreuil-sur-Mer, éternellement pourchassé, recueillant à Montfermeil l’orpheline maltraitée Cosette, devant plus tard se cacher à l’abri d’un couvent, l’intrigue nous menant jusqu’aux barricades révolutionnaires, et même dans les glauques sous-sols parisiens.

Si beaucoup n’en gardent pas forcément de bons souvenirs, nous avons tous globalement cette histoire en mémoire. Victor Hugo, grand classique : l’étude scolaire et partielle de cette œuvre ne favorise pas une lecture plus détaillée. On a tort de ne pas chercher à redécouvrir ce magnifique roman. Pour ma part, c’est vers l’âge de trente ans que m’est venu l’envie de relire Les Misérables, en vrai lecteur et non pour étudier ce livre. Cette fois, prenant le temps d’apprécier autant le style que l’intrigue, j’y ai trouvé un réel plaisir. Des passages, tel celui de l’Éléphant de la Bastille avec Gavroche et le jeune Montparnasse, prenaient bien davantage de sens dans un contexte plus complet qu’à première lecture. L’état d’esprit général, dans cette France encore héritière de la Révolution et de l’Empire, m’apparut mieux compréhensible. Quant au sort des protagonistes, pour l'essentiel issus de milieux modestes voire très pauvres, il me sembla plus clair. Oui, une relecture de ce livre avec une maturité d’adulte lui offre un autre charme.

Publié au printemps 1862, Les Misérables a cent cinquante ans. Il est désormais disponible en format Point2, en deux tomes. Ça me parait une bonne initiative, et surtout une excellente occasion de se replonger dans les mésaventures de Jean Valjean et des héros créés par Victor Hugo. Est-ce qu’on s’éloigne tellement du polar ? Il y a bien un repris de justice en fuite et un policier tenace à ses trousses. Mais c’est évidemment par son témoignage, humaniste, historique et social, que ce pilier de la littérature se rapproche du roman noir. Ne nous contentons pas des quelques films ou comédies musicales adaptées de ce livre. N’hésitons pas à relire Les Misérables, œuvre assurément plus passionnante qu’on ne l’a cru quand nous étions scolaires.

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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 06:33

 

On a fait la connaissance de François-Claudius Simon dans La valse des gueules cassées, de Guillaume Prévost. Le bal de l’Équarisseur, deuxième aventure de ce héros, s’avère tout aussi excitante que la première.

En juin 1919, les accords de paix restent incertains tant que n’est pas signé le Traité de Versailles. Bien qu’âgé, Clemenceau y consacre toute son énergie. PREVOST-2012Si on respecte le Tigre, son autoritarisme excessif provoque des mouvements sociaux agitant la population française. Dans le même temps, la Brigade Criminelle est chargée d’enquêter sur une série de meurtres. D’abord, une vieille prostituée alcoolique est retrouvée morte au cœur des abattoirs de La Villette. On n’entre pourtant pas si facilement dans ces lieux la nuit, pour y accrocher un cadavre parmi la viande. Le message Chacun son tour, trouvé près du corps, confirme que l’assassin a voulu du spectaculaire. Puis c’est une jambe de femme qui est découverte dans les cuisines du Ministère de la Guerre, où Clemenceau a ses bureaux. De la viande pour le Tigre, tel est le nouveau message du tueur.

Pour François-Claudius Simon et ses collègues du Quai des Orfèvres , il s’agit bien de meurtres planifiés. Le reste du cadavre correspondant à la jambe est bientôt examiné à la morgue du Quai de la Rapée. La femme a été tuée à l’aide d’un merlin, ce marteau qui sert à assommer les bœufs. On ne tarde pas à identifier les deux victimes. C’étaient des habituées d’une guinguette du Plessis-Robinson, des entraîneuses. La police organise une opération destinée à coincer d’éventuels suspects fréquentant la guinguette. C’est le cas d’un garçon-boucher de La Villette au faciès de bouledogue. Il leur échappe provisoirement. À cette occasion, les policiers entendent parler d’un milord quinquagénaire, qui pourrait bien avoir des activités illégales. Peu après, le criminel adresse des courriers aux principaux journaux, sous la signature de l’Équarisseur.

François-Claudius Simon se fait embaucher à l’abattoir, afin de glaner quelques renseignements. Par le nommé Finou, il obtient des précisions sur un traficotage autour de la viande. Ce qui expliquerait comment le premier cadavre a pu entrer à l’abattoir. Une troisième victime est découverte près du Château de Versailles, aux Réservoirs. Il s’agit de Gilda, une fille que les policiers ont rencontré à la guinguette. Comment ne pas faire le lien entre ce crime, Clemenceau et Versailles où s’élabore si difficilement le traité de paix ? Un nouveau courrier énigmatique de l’Équarisseur est, cette fois, adressé à François. Parmi les pistes que la police peut exploiter, il y a celle de Holsen le Tortionnaire. Sa bande et lui sont sans doute au service de l’Équarisseur. Cet adversaire réserve de mauvaises surprises au policier, s’attaquant même à la fiancée de François. Quant à son objectif véritable, il concerne ce qui est caché dans l’Hôtel Gaillard…

 

Autour de François, il faut évoquer aussi sa fiancée peintre, Elsa; le jeune policier Jean Lefourche, frère de celle-ci; l’épicière sexagénaire Mado, faisant office de mère pour François; le Noir Barnabé, qui subit le racisme, le journaliste homo Fangor, et l’équipe de la Criminelle. Sans oublier le vrai Xavier Guichard, qui fut un grand nom de la PJ en ces temps-là. Avec les bandes de malfrats réellement durs, les sympathiques guinguettes, les peintres de Montparnasse dont Soutine et Modigliani, l’ambiance des abattoirs et bien d’autres détails, Guillaume Prévost reconstitue admirablement l’atmosphère de cette époque.

La guerre de 14-18 n’est pas complètement arrivée à son terme. Sans un solide traité de paix, la Grande Boucherie risque de reprendre. Côté police, un peu de rivalité existe entre les Brigades Mobiles crées par Clemenceau et le Quai des Orfèvres. C’est dans ce contexte finement présenté que se situe une enquête riche en mystères et en pistes à vérifier. Des flics de choc au cœur de l’action, n’hésitant pas à se mettre en danger pour traquer celui qui se fait appeler l’Équarisseur. Digne des meilleurs romans populaires d’aventures publiés au début du 20e siècle, ce suspense est diablement palpitant.

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