Préfacé par Jean-Bernard Pouy, “Pile & face” de Dominique Delahaye est publié dans la collection "Voyage Noir" des éditions associatives Rue du Départ. Il est surtout disponible en Haute-Normandie, ainsi qu’à la librairie Terminus Polar à Paris. Le plus sûr est de le commander aux éditions Rue du Départ, 26 rue des Galions, 76600 Le Havre.
Le décor, c’est un chantier de réparation navale sur la Meuse, du côté de Namur, en Wallonie. Compétent et bienveillant, Malik est responsable de l’équipe qui œuvre ici. Parmi les ouvriers, c’est un peu par hasard que Nico s’est fait engager depuis quelques semaines. Français d’origine italienne, ce petit brun sec semble incertain sur son avenir. N’ayant plus d’attaches, il cultive son caractère asocial. S’affichant “de passage”, il se mêle peu aux autres ouvriers. Quand Malik va l’inviter chez lui, en famille et avec des copains du chantier, Nico reste réticent. Il a fait la connaissance de Marion, une attirante jeune femme qui ne manque pas de caractère. Ils vont devenir intime, mais il est fort improbable que cette relation suffise à retenir Nico par ici.
La péniche Marlou est en réparation, suite à un incident. En rupture avec sa famille aisée, Samuel a récemment acheté ce bateau à Marcelle et Louka. Si le couple de vendeurs bichonnait la péniche, le jeune oisif homosexuel ne possède aucune notion de bricolage. Tandis que Samuel vivote à bord, Malik essaie de lui inculquer quelques principes d’entretien, tout en réparant et en améliorant le bateau. Samuel aime les motos vintage et les églises, ces dernières lui rappelant de troublants souvenirs de son éducation religieuse.
S’éloignant de Nevers et de son père banquier, il poursuivit à Paris d’inutiles études. Il pense encore à sa bande de copains et à leurs soirées de fêtes, sans rapport avec sa vie actuelle. Entre-temps est intervenu un épisode qui a changé le cours des choses. Samuel est toujours en contact avec Bogdan, basé à Bruxelles, pour lequel il participa à quelques trafics. Mais, entre passer en fraude des voitures de luxe et se mêler de drogue, il y a une marge. Samuel reçoit sans plaisir la visite de Maxime, ancien copain de la bande, menant aujourd’hui une vie rangée. Comme la péniche sera bientôt prête, Samuel a proposé à Nico de l’engager en tant que mécano du bord. Pourquoi pas ? Car une visite guidée de Namur par Marion ou une baignade nocturne avec la jeune fille, ça n’intéresse plus guère Nico. Ni lui, ni Samuel ne sont à leur place dans ce décor…
Même si la définition reste approximative, outre son aspect criminel, le roman noir c’est l’évocation de destins comportant une bonne dose de fatalité dans un contexte humain et social. Voilà exactement les caractéristiques que l’on trouve dans cette histoire. Deux personnages racontent alternativement un épisode de vie. De milieux différents, opposés sans doute, ces deux solitaires se refusent à envisager un futur. Chacun possède ses secrets, expliquant leur inaptitude à une existence supposée normale.
Affaire meurtrière c’est vrai, où il convient de savourer le prologue et l’épilogue, n’en disons pas davantage. Pour l’ambiance, soulignons la fine description de la batellerie, et du travail au sein de ce chantier naval. “Mais c’est les conditions dans lesquelles on l’a fait qui sont incroyables. Ça tenait autant du numéro d’équilibriste dans un cirque que du boulot de chaudronnier. La sécurité, alors là zéro, avec du matériel préhistorique…” Un roman de belle qualité, à découvrir !