Pour une fois, c'est la Science-Fiction d'autrefois qui est à l'honneur dans la rubrique Suspense Story, consacrée aux polars d'antan. Le premier titre évoqué est l'œuvre d'Herbert J.Campbell, auteur anglais né en 1925. Il fut l'un des rédacteurs en chef de la revue "Authentic Science Fiction" (1951-1957), et publia au moins quatorze romans (dont certains signés Roy Sheldon, pseudo collectif). Quelques-uns de ses titres, dont "Spectateurs de l'invisible" (Beyond the visible, 1952 - Éd.Le Trotteur, 1953), furent traduits en français. Le second roman est dû à un des piliers des éditions Fleuve Noir de ce temps-là, Peter Randa (1911-1979). Il publia 102 titres pour Spécial-police, 28 titres dans la collection Aventurier, 79 titres pour Anticipation, et cinq titres en collection Angoisse. Retour sur ces deux suspenses SF...
H.J.Campbell : "1963 ! Fusées lunaires" (The moon is heaven, 1951 - Éditions Le Trotteur, juin 1953)
A l’initiative de l’anglais Atah Kark, le premier voyage habité jusqu’à la Lune va enfin être possible en cette année 1963. Il a réuni pour cette expédition, dont il sera le chef, le pilote américain Leeson, le chimiste français Clavier, le technicien allemand Schnabel, et le reporter Mike. Ce dernier est le narrateur de leur aventure. Atah a également accepté d’emmener avec eux une passagère, Reina. Mike se sent immédiatement très attiré par la jeune femme. Toutefois, la situation étant tellement peu ordinaire, il se considère surtout comme son meilleur protecteur. Le jour venu, la fusée quitte sa base – située en Équateur.
Le trajet s’est bien passé jusqu’à la Lune, sauf qu’une météorite a abîmé une porte. Un moindre mal, que l’Allemand saura réparer. Une fois qu'est installée la coupole où ils vont vivre durant quelques jours, c’est au Français de leur fabriquer de l’air. Heureusement, il y a un champ de neige pas très loin. Par contre, il devra opérer des forages afin de trouver sur place l’hydrogène indispensable pour fabriquer leur carburant du retour. De leur côté, l’Américain est toujours de bonne humeur, et Reina entend se rendre aussi utile que tous les autres. Quant à Mike, il ne ménage pas non plus sa peine. Mais le comportement de l’Allemand l’inquiète de plus en plus, et même il l’exaspère.
Il n’avait pas tort de se poser des questions. La réparation de la porte abîmée n’avance pas, les incidents se multiplient. L’Allemand va être écarté du groupe. Sans doute ne se méfie-t-on pas assez de lui, car il trouvera le moyen de fuir la coupole, faisant courir un risque mortel à tout le monde. Qu’espère-t-il donc, dans ce milieu hostile ? Est-il capable de retourner seul sur Terre, abandonnant les autres ? Ce fou espère-t-il avoir trouvé la fortune sur la lune ? Mike est, à ce moment, le seul à pouvoir sauver le groupe –et surtout Reina. S’il y parvient, et si Clavier découvre une source d’hydrogène suffisante, il pourront alors songer à un prochain retour sur Terre…
On n’échappe pas à la caricature des protagonistes, ni au romantisme superflu, dans cette histoire plutôt naïve avec quelques détails improbables. La narration étant simple, sans prétention, voilà un roman abordable pour les non-initiés S.F., et plaisant à lire.
Peter Randa : "Les rescapés de demain" (Fleuve Noir Anticipation, 1961)
Vers la fin du 20e siècle, une expérience scientifique regroupe trois hommes et deux femmes. Ces jeunes militaires vont hiberner pendant dix ans. Parmi eux, Philippe est le fils d’un des savants ayant conçu le projet. Ce qu’ils ignorent –ce qu’on leur cache– c’est qu’une guerre nucléaire va éclater le jour même.
Dans leur sphère conditionnée, le groupe se réveille. Pas tous ensemble, ce qui semble indiquer un problème. En effet, voilà plus de trois cent ans qu’ils sont endormis. Peut-être même quatre cent ou cinq cents ans. Difficile à préciser. Quel monde nouveau ces cinq jeunes vont-ils maintenant découvrir ? Heureusement qu’ils sont armés, car leur première rencontre se fait avec des souris géantes ressemblant un peu à des kangourous. Ils s’en débarrassent, sortent à l’air libre. La végétation est omniprésente autour d’eux. Tout paraît à l’abandon, dans ce qui était autrefois la région parisienne.
Les Hammils ont l’aspect général d’être humains. Mais ce sont des robots, dont la puissance est si grande qu’ils n’ont pas besoin de se servir d’armes. Ils dominent les Primitifs, descendants des véritables humains –dont quelques-uns sont en rébellion contre le pouvoir qui les tient en esclavage. Les maîtres du pays sont les Mutants. Transformés génétiquement à la suite de la guerre nucléaire, ils ont fini par prendre le pouvoir. Ils dirigent les Hammils. Ils possèdent des capacités hypnotiques (dont seront victimes deux des jeunes gens). Ils veulent asservir les nouveaux venus. La fougue et l'astuce de Philippe et de ses amis, qui sont armés, leur permettra de faire face à la situation...
Solide, bien raconté, ce roman d’Anticipation utilise un schéma très classique (découverte d’un monde futur après une guerre totale). Le savoir-faire de l’auteur, qui privilégie les scènes d’action et un bon suspense, rend cette histoire très sympathique.