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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 06:40

 

Dans l’œuvre riche d’Hervé Jaouen, on trouve des romans noirs néo-polars, des histoires de terroir et des sagas familiales, des fictions ou des chroniques inspirées par l’Irlande. Suspense psychologique, Le fossé est avant tout une invitation à regarder autour de soi. À mieux observer nos proches autant que, plus loin, tous ceux qui nous entourent anonymement. À ne pas rester superficiel dans notre contexte quotidien, à prendre conscience des autres.

JAOUEN-PC2Sans doute est-ce la seule véritable faute commise par ce père de famille ordinaire, Xavier. Vétérinaire dans une ville moyenne, marié, deux enfants. Une vie tranquille, bourgeoise peut-être, routinière assurément. Catherine, sa fille de treize ans, il se contente d’en voir une image sans aspérité, entre gamine et ado. Par facilité, parce qu’il n’existe pas de motif d’inquiétude, Xavier est aveugle à la réalité de Catherine. Il ne connaît pas sa copine Barbara, si vulgaire, mal élevée au réel sens de cette formule. Pas plus que qu’il n’a entendu parler de la sulfureuse Estelle ou de sa demi-sœur Sandra. Des filles pas beaucoup plus âgées que Catherine, issues d’un monde que Xavier a du mal à imaginer.

Car Xavier n’a jamais porté le regard sur cette partie de la ville au-delà du fossé, grande artère servant de frontière avec les quartiers HLM. C’est pourtant dans ces quartiers-là, cette tour et ces immeubles ghettos, que vivent les amies du week-end de sa fille Catherine. Un espace clos laissé à sa saleté, où des gangs comme celui de Laser jouent aux caïds menaçants. Un univers hostile, malgré des gens moins malsains, tel Louis Boncoeur, hélas dépassés par l’ambiance glauque. Le club L’Éléphant Rose, dans les faubourgs, Xavier ne l’avait jamais remarqué non plus. Ce n’est pas que le patron soit forcément malhonnête. Mais face à une clientèle dangereuse, il est plus prudent de ne rien savoir.

Toute cette faune, Catherine l’a probablement trouvée excitante dans un premier temps. Elle a suivi Estelle, a côtoyé cette voyoucratie, à ses risques et périls. Quand Catherine a disparu ce dimanche-là, Xavier a tardivement ouvert les yeux. Sur sa fille, sur sa vie, sur sa ville, sur la réalité. Il s’est improvisé enquêteur, passant pour un flic, afin de la sauver. Il a eu besoin d’un revolver, pour avancer vers la vérité, ainsi que vers le drame. Douze ans plus tard, il revient avec lucidité sur cet épisode qui a détruit tant de chose pour lui, autour de lui…

C’est sans manichéisme, ni stigmatisation qu’Hervé Jaouen dessine le gouffre qui sépare Xavier de la malpropreté de cette Zone HLM. Le fossé, c’est aussi celui qui s’est creusé lentement entre le héros et sa fille. S’il y a là un échec, ses conséquences s’annoncent d’une sérieuse gravité. Portraits humains nuancés et scènes d’action se complètent harmonieusement, comme toujours chez cet auteur dont on connaît bien la finesse. Un excellent livre d’Hervé Jaouen.

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 07:53

 

Aux Éditions Albin Michel, Jean-François Coatmeur est un des piliers de la mythique collection Spécial-Suspense. Avec son nouveau titre, "L’Ouest barbare", il montre qu’il est encore et toujours un des maîtres de la Littérature policière.

Septembre 1938. Jérôme Le Gallès vit à Pouldavid, près de Douarnenez. Marié à Tania, employée dans une conserverie, Jérôme est un jeune menuisier ébéniste. COATMEUR-2012En ces temps où les rumeurs de guerre se précisent, les clients restent prudents. Donatien Groubart, le père de Tania et de sa demi-sœur Julienne, est un ancien colonial d’Indochine, un homme fortuné. Il a prêté de l’argent à Jérôme pour aider à son installation. Croyant que le jeune couple envisage de quitter bientôt la France, Groubart réclame le remboursement anticipé de cette dette. Impossible pour les finances de Jérôme. Quand celui-ci retourne le soir même à la propriété de son beau-père, Groubart vient d’être tué accidentellement par un cambrioleur. Dans l’urgence, Tania et Jérôme se fabriquent un alibi quelque peu bancal.

Une rapide enquête des gendarmes porte le soupçon sur le gendre de la victime. D’autant qu’un indice, un simple bouton, semble accuser Jérôme. Son beau-frère Manu, le mari de Julienne, ne le croit pas coupable. Sans doute faudrait-il se poser des questions sur l’absence de la domestique, ou sur le rôle de Giao, ancien majordome de Groubart. Pourtant, au procès, le réquisitoire contre Jérôme est accablant. L’avocat de la défense souligne des détails capitaux, tel cet objet d’art asiatique que son client n’avait pas de raison de voler, et d’autres incohérences. Malgré tout, Jérôme est condamné.

Lors de la débâcle de juin 1940, lors d’un transfert vers une autre prison, Jérôme a l’opportunité de s’évader. Jean-Paul, son compagnon de cavale, est un Alsacien au casier judiciaire chargé. Si ce malfrat frustre n’a guère de points communs avec Jérôme, sa débrouillardise sera utile. Car une fuite à pieds en direction de la Bretagne ne les mènerait pas bien loin sur les routes de l’Exode. Déguisés en soldats hollandais, ils trouvent un cheval et son attelage pour avancer plus vite, avant d’être hébergés par un prêtre. Probablement pas dupe, ce dernier leur prête des vélos afin de poursuivre leur trajet. Prendre le train, alors que se multiplient les bombardements, s’avère quasiment impossible. En chemin, le duo croise une jeune Nordiste, qui ne laisse pas Jérôme indifférent. Les fugitifs arrivent quand même dans la région de Douarnenez, où ils devront redoubler de prudence…

 

Exprimer l’admiration que l’on porte à Jean-François Coatmeur et à son œuvre n’est pas simple. Ça pourrait passer pour de la flatterie, bien que ce ne soit pas le cas. Quand vous avez lu vingt-cinq livres d’un tel écrivain sans jamais être déçu, c’est forcément qu’ils sont d’une rare excellence.

Nous qui l’aimons, il nous plait de savoir qu’il est heureux d’avoir écrit et publié une nouveauté. Un beau suspense qui démontre que l’octogénaire M.Coatmeur reste égal à lui-même, dans la meilleure qualité. Avec ce soin du détail, qui fait la force d’une histoire. Avec maintes péripéties, car il s’agit autant d’un roman d’action. Avec, bien sûr, cette fine psychologie qui rend crédible ses personnages. Un seul exemple : le repris de justice Jean-Paul est effectivement un meurtrier, qui utilisera son arme durant cette cavale; par sa sincérité primaire, c’est aussi un héros touchant dont l’auteur signe un portrait bien plus nuancé. Le contexte troublé de l’Exode vient évidemment ajouter de la puissance à une atmosphère déjà incertaine. Une fois de plus, Jean-François Coatmeur offre à ses lecteurs une superbe intrigue.

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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 05:23

 

Chez Rivages/Noir, voici un recueil de six nouvelles de Marc Villard, grand maître du genre, des textes d’une nerveuse noirceur. Un ange passe à Memphis est le premier récit de ce livre. Nous sommes au printemps 1968. Tandis que la cause des Noirs rassemble de plus en plus d’Américains, les manifestations se multiplient. Martin Luther King est la principale voix guidant ce peuple réclamant de vrais droits. En privé, le pasteur King et le révérend Ralph Abernathy sont loin d’être des saints. Malgré les dangers qu’il sent planer, investi par sa mission, King continue à porter les espoirs des Afro-Américains.

VILLARD-Rivages12Dans l’ombre, l’agent du FBI Mariano a obtenu un feu vert officieux de J.Edgar Hoover. S’appuyant sur un truand et sur un militant raciste, il concocte un plan pour abattre le révérend King. Ils engagent un tueur professionnel nommé Winter, sur lequel ne doit peser aucun soupçon. Le pigeon sera James Earl Ray, un type plutôt paumé. Il va acheter l’arme et s’installera non loin de l’hôtel où logent Martin Luther King et son entourage. Quelques années plus tard, le journaliste noir Alex Gordon enquête sur plusieurs villages laissés à l’abandon dans le Dakota du Nord. Ce serait à cause d’un courtier véreux, qui a toujours eu le soutien des banques. Alex suit la piste de cet homme, d’Oklahoma City à Amarillo. Ce Walker, qui n’a plus grand-chose à perdre, finira par lui avouer un épisode de son passé.

 

Les autres nouvelles prennent principalement pour décor le quartier de Barbès, à Paris. C’est le cas de Branchés à la source. Julien est un lycéen de dix-sept ans, vivant largement en autonomie. Boxeur amateur de bon niveau, il a pour petite amie Fadela. Alors que la mère de Julien est hospitalisée suite à l’incendie de son logement, une prof du lycée est retrouvée assassinée. Le jeune homme a été vaguement témoin de la fuite du meurtrier de Nadia Guellil. 

Parmi les gangs de Barbès, celui de Kobé est un des plus actifs. Quand un policier des Stups est buté par erreur, ses collègues intensifient la surveillance des bandes déjà connues. Celle de Kobé, mais également celle de Sami Arari. Toutefois, suivre les conversations enregistrées de certains truands peut entraîner des quiproquos. Momo le clodo est assez discret, mais il espère avoir quelque chose à négocier. Le dealer Kobé a une raison familiale de vouloir coincer l’assassin de Nadia Guellil. Tout à ses combats de boxe, le jeune Julien côtoie indirectement cet univers glauque.

 

Situé dans les mêmes quartiers, Petite mort sortie Rambuteau nous offre un kaléidoscope d’images autour de Dan. Ce flic borderline s’est lancé dans la traque d’un tueur en série, qui s’attaque à des jeunes femmes d’origine arabe. Pendant ce temps, un certain Oscar se dope à la musique de jazz. Comme si Oscar voulait ainsi calmer une énigmatique excitation. La bouche ouverte présente un chassé-croisé de personnages, autour de Sara, jeune prostituée black, et d’un cercueil. Les deux autres textes sont intitulés Le chauffeur et Cinoche. Des standards soul, blues, jazz et autres, la musique est toujours présente dans ces nouvelles. Rythmes syncopés, qui accompagnent les ambiances fiévreuses, les scènes où la noirceur l’emporte sur la clarté colorée. Galerie de personnages à vif, ces textes de Marc Villard s’avèrent percutants.

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 07:25

 

Hervé Jaouen est un écrivain reconnu. Il a été récompensé par de nombreux prix littéraires, qui témoignent de la qualité de son œuvre. Les amateurs de suspense se souviennent en particulier de son Grand prix de Littérature policière 1990, pour le magistral "Hôpital souterrain". Il est probable que "Flora des Embruns" ne soit pas son roman le plus connu. Pourtant, c’est assurément un des plus marquants. Grâce à son ambiance, bien sûr, dans la lignée des grands auteurs ayant décrit le monde côtier et maritime.

JAOUEN-PC1Le décor, qu’on imagine entre Pays Bigouden et Pointe du Raz, n’est pas celui des vacanciers. C’est le contexte quotidien des natifs, de ceux qui y vivent vraiment. Hommes et femmes, les héros sont rudes, secrets et volontaires, capables d’affrontement. Une force qui peut les conduire à une forme de folie, car les sentiments enfouis jouent également leur rôle. Des personnages fatalement complexes, on le comprend vite en les côtoyant, et c’est ce qui suscite une réelle empathie à leur égard.

L’autre atout majeur, c’est la construction du récit. Remarquable, le mot n’est pas exagéré. Passé et présent qui s’entremêlent, ce n’est pas ici qu’une technique narrative. L’auteur en joue avec une rare maestria. Peut-être parce qu’il ne cherche jamais à égarer le lecteur, mais à rassembler les faits d’hier et d’aujourd’hui. "Flora des Embruns" est absolument un roman à redécouvrir. 

 

Retour sur l’intrigue de "Flora des Embruns" :

Ce port de pêche breton reste marqué par une affaire remontant à près de vingt ans. Flora était serveuse au "Café des Embruns", le bistrot de la vieille Maria. Îlienne d'origine, la jeune femme ne manquait pas de caractère. Vinoc, son fiancé marin-pêcheur obtint le commandement d'un chalutier neuf. Il le devait à ses seules capacités, chacun l’admettait ici.

Riche armateur de 50 ans, Nonna avait la réputation de collectionner les aventures sexuelles. Il ne souciait guère des rumeurs, s’affichant en maître du secteur. Le Nabot, fils de son employée Maine, le suivait partout. Patron de Vinoc, Nonna était amoureux de la belle Flora. Elle ne lui céda qu'une fois. Au lendemain de leur mariage, Flora étant enceinte de lui, Vinoc partit en pêche. Son bateau dut s'abriter de la tempête dans un port écossais. C’est là qu'un marin jaloux affirma à Vinoc qu'il était cocu, se basant sur une rumeur malsaine colportée par Le Nabot. Désespéré, Vinoc prit la mer avec son équipage, malgré les conditions météo. Il provoqua le naufrage du chalutier, et disparut.

L’affaire entraîna le déclin de Nonna. Flora affronta les médisances. Elle racheta le "Café des Embruns", éleva sa fille Viviane et adopta un autre enfant, le petit Clet. Nonna resta proche d'elle. Par un signe du destin, Flora retrouva la carte d'identité de son mari. Depuis, elle va prier chaque jour Notre-Dame des péris en mer, pour que Vinoc ne revienne jamais vivant. Hans Rosen, un marin danois à l'allure fatiguée s'installe à l'hôtel, face au "Café des Embruns". Il observe Flora, à l’heure où sa fille Viviane rentre au pays pour les vacances scolaires. D’un caractère affirmé, elle revendique une indépendance qui risque d’alimenter un nouveau drame.

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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 05:50

 

Le qualificatif de roman noir est parfois galvaudé, englobant de bons romans d’enquête ou des aventures à suspense. À ces histoires-là, aussi sympathiques et convaincantes soient-elles, il manque un élément crucial. Car un véritable roman noir comporte une vision sociétale, un regard sur la réalité du monde. L’intrigue criminelle, plus ou moins présente, est liée au contexte social. Parmi les nouveautés en format poche, deux titres répondent impeccablement à cette idée.

 

Marin Ledun : "Les visages écrasés"

LEDUN-Points12À Valence, dans la vallée du Rhône, cette plate-forme d’appels conseille et vend des produits téléphoniques et des forfaits Internet. Une forte pression s’exerce ici sur les salariés, dans ce secteur économique très concurrentiel. Âgée de quarante-deux ans, le docteur Carole Matthieu est le médecin du travail intégré à cette société. Chaque jour, elle reçoit des employés surmenés, des patients au bout du rouleau. Elle suit de près chaque cas, mais n’a pas empêcher plusieurs tentatives de suicide, ainsi qu’une mort par pendaison. Fragilisée elle-même par cet univers sous tension, Carole Matthieu se gave de pilules sédatives. Sauver ces gens est devenu une mission sans fin, au détriment de sa relation avec sa fille. Elle doit souvent s’opposer à l’intransigeante direction de la plate-forme, ainsi qu’aux représentants syndicaux, trop dans la négociation à son avis.

Vincent Fournier était exemplaire de l’incapacité des salariés à surmonter leur stress. Rétrogradé dans ses fonctions, il devint suicidaire. Tenter de soutenir le moral de Fournier ne servait plus à rien, il était fichu. Ce vendredi soir, Carole l’a abattu par arme à feu. Pour le soulager définitivement, comme pour dénoncer les méthodes de management de l’entreprise. Le vigile Patrick Soulier n’a trouvé le cadavre que dans la journée de dimanche. Le lundi s’annonce particulièrement difficile pour Carole. Elle a bien songé à avouer le crime, avec ses motivations. Elle doit encore tenir, grâce aux pilules, pour aider les autres employés. Pour la direction pas question de stopper l’activité de la plate-forme. Le policier Richard Revel est chargé de l’enquête sur le meurtre de Vincent Fournier. Il ne cache pas son attirance envers Carole. Celle-ci en joue pour ne pas être inquiétée, puis pour qu’il prenne connaissance des dossiers médicaux des employés les plus touchés. Également proche du suicide, Hervé Sartis fait partie de ceux que Carole tente de sauver. Une solution trop tardive sans doute, car il risque fort de récidiver…

Ce roman a été récompensé en 2011 par le Trophée 813 et par le Grand Prix du roman noir de Beaune.

 

Eric Miles Williamson : "Bienvenue à Oakland"

WILLAMSON-Points12Pourquoi T-Bird Murphy végète-t-il dans un garage individuel de Warrensburg, Missouri, planqué au milieu de nulle part ? Ça ne vous regarde pas. À travers cette histoire, il vient vous raconter son existence et celle du petit peuple d’Oakland. D’origine irlandaise, né entre les Noirs et les Mexicains des pires quartiers de la ville, il revendique cette promiscuité. Jouer de la trompette avec un orchestre mexicain lors d’un quinceanera, voilà un aspect qu’il aimait à Oakland. Et la solidarité entre pauvres quand, alors gamin, il se fit arnaquer par FatDaddy Slattern, ça c’était quelque chose.

Les privilégiés de l’Amérique idéale, T-Bird leur crie sa rage. Sa détestation de leur conformisme, de leur décor trop propre, de la certitude de leur puissance. Ça le met en colère de savoir qu’ils liront ce livre. Ces lecteurs érudits vont-ils percevoir ce qu’est la dureté de la vraie vie d’en bas ? Où les salaires minables ne satisfont les besoins qu’au jour le jour. Peuvent-ils comprendre pourquoi on a le droit à la vulgarité, quand on trime dans les plus sales boulots et, qu’après, on se réunit pour se saouler dans le bar de Dick ? Tout est si parfait dans les Etats-Unis de l’élite. Sauf qu’aucune vie de couple n’est plus possible, estime T-Bird. Il a bien tenté d’accéder à la supposée normalité, métier stable, gentille petite famille, maison proprette, et tout ça. Mais autour de lui, rien que des épouses n’ayant d’autre but que de gruger les maris. L’exemple le plus éloquent, ce fut Blaise et Ashley. En le quittant, Lashley ruiné tout espoir chez leur pote Blaise. T-Bird et ses amis de chez Dick ont fait appel à Jorgensen, pour savoir ce qui n’allait pas avec Blaise. Une mission menée avec la rigueur militaire indispensable, mais Jorgensen a quand même échoué.

T-Bird ne garde que bons souvenirs des Hell’s Angels. Faut dire que sa mère était diablement accueillante avec ces motards. Donc, lui, il était un peu leur fils, à tous. Les Mexicains aussi, ils ont toujours été amicaux avec T-Bird. Il respecte avant tout leur tradition musicale : Leur musique, c’est pas un truc qu’ils ressortent une fois par an des archives ou d’un musée, non, elle est vivante, là, à notre époque, et elle fait absolument partie de leur vie. Il évoque encore le vieux Duke Hammerback, septuagénaire comme Myrtle. Si elle s’est réfugiée dans les croyances religieuses, l’ironique Duke a une conception plus personnelle d’une heureuse fin de vie. T-Bird a également été conducteur de camion-poubelle, un job très chic. C’est encombrant comme engin, mais ça peut servir de domicile…

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 07:26

 

Aux Éditions de l’Aube, Quand les vautours approchent de Miguel Miranda nous entraîne au Portugal. Mário França est un détective expérimenté de Porto. Il lui arrive d’être sollicité par des clients fortunés. Tel cet industriel recherchant sa maîtresse, Paula Dagostine. La jeune femme est une peintre au talent prometteur, ex-petite amie du boxeur réputé Roque Daciano. Elle a disparu, alors qu’une expo de ses œuvres va débuter. MIRANDA-2012Mário França assiste au vernissage, s’avouant fasciné par les toiles de Paula. En parallèle de l’expo, se réunit le Conseil des Sages. Les plus éminents scientifiques du pays sont présents. Mário França est témoin quand leur Président, le Pr.Avelar Dias Matos, est publiquement empoisonné. Pas de lien apparent entre ce décès spectaculaire et la disparition de Paula Dagostine ? Selon le détective, il y a forcément un rapport puisque lui-même se trouvait là.

Il est temps pour Mário França de contacter ses acolytes, un trio d’informateurs. Dédos (Doigts d’Or), Kit Cobra (passionné de serpents) et Cotos (pas si diminué qu’il y parait) lui offriront sans doute peu d’indices, mais peut-être une ou deux pistes à suivre. Le policier Téofilo Cortignasse ne suspecte pas Mário França, il a plutôt besoin de son aide pour résoudre cette affaire. Le détective rencontre successivement les huit autres membres du Conseil des Sages. Des témoignages utiles, pour lui qui ne connaît guère le monde des scientifiques. Si les relations au sein du Conseil semblaient bonnes, des rivalités larvées agitaient le groupe. Il est vrai que la carrière et les mérites du Pr.Avelar Dias Matos étaient entachés de quelques doutes. Personne n’admet l’avoir détesté, mais on l’appréciait peu.

Le détective comprend que le système permettant de parvenir au sommet, à la direction du Conseil des Sages, n’est pas des plus honnêtes. Celui qui succédera à la victime n’est pas obligatoirement ni suspect, ni le meilleur. Mário França s’offre un voyage au Brésil, à Salvador de Bahia, sur les traces de Paula Dagostine. Un pays où il se sent comme dans les films, cultivant son esprit imaginatif. S’il doit rentrer au Portugal pour l’enquête, il y reviendra, du côté de Copacabana et Rio. L’uranium appauvri ou la vie privée du Pr.Avelar Dias Matos, quel est le secret de ce meurtre ? Ce n’est pas le Pr.Avincula, chimiste ne répondant que par des Non qui l’aidera beaucoup. Quand il fait le bilan des témoignages, Mário França n’a pas le sentiment d’avoir tellement avancé. Quant à la peintre, il est plus sûr de retrouver Paula Dagostine dans ses fantasmes que dans la réalité…

 

Ce roman, que l’on peut qualifier de polar décalé, est véritablement délicieux. Assassinat, disparition, enquête double, minces indices, les ingrédients ordinaires d’une nébuleuse affaire sont bien présents. Est-ce tant ce qui importe ? On retient d’abord un humour subtil, autour de ce personnage du détective. Ce n’est pas que sa méthode soit brouillonne, mais c’est un instinctif qui compte beaucoup sur le hasard, les circonstances. Il en vient souvent à douter de lui-même : Mário França, un des meilleurs détectives du monde, vit à l’intérieur de ma tête. C’est une vérité difficile à regarder en face, à me représenter. La réalité est quelque chose de plus flou et de plus modeste, de beaucoup plus terre à terre, dépassant à peine le niveau du sol. Je ne suis qu’un détective de troisième ordre qui délire, qui souffre de la folie des grandeurs. J’entre en profonde dépression à chaque fois que j’y pense.

Les portraits de ses acolytes et des dignes membres du Conseil des Sages ne sont pas moins savoureux. L’auteur pointe ici une fumisterie concernant les thèses scientifiques. Ce qu’il décrit est plus que crédible… L’autre atout majeur, c’est la fantaisie poétique d’une grande part du récit. Car notre héros tout en nuances est sensible et rêveur, parfois nonchalant ou mélancolique. Ce qui ne l’empêchera pas de désigner un ou des coupables, qu’on se rassure. Très bien écrite, cette première enquête est vraiment à découvrir. On espère en lire d’autres…

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 05:38

 

Après Retour à la nuit (Éd.Écorce, Prix lycéen du Polar d’Aubusson, 2011) c’est dans la collection Polars & Grimoires qu’est publié le nouveau roman d’Éric Maneval. Rennes-le-Château Tome Sang (Éd.Terre de Brume) mérite un sincère Coup de Cœur.

Jean-Pierre Lamasse (dit Jipé) est bouquiniste à Quillan, dans l’Aude. Son associé Stéphane, qui fait les marchés de la région, a un passé judiciaire. Leur copain gay Charlène leur rend quelques services, en particulier pour le ménage. MANEVAL-2012Récemment, Jipé a sympathisé avec Luc et sa compagne Aurore, jeune couple habitant Bursac. Luc est un ancien pompier ayant baroudé à travers le monde, qui avait besoin de s’isoler quelque peu. Il est plus âgé qu’Aurore. D’origine Bretonne, celle-ci a suivi diverses études, notamment littéraires. C’est un incident en forêt de Brocéliande qui les a réunis. Ils ont décidé de filer ensemble vers le Sud, aboutissant dans ce petit village proche de Quillan, de Bugarach et de Rennes-le-Château, terre de légendes. Jipé vient d’acheter à Luc, qu’il surnomme le Chevalier, l’ensemble de ses livres. La plupart traitent des mystères locaux et d’ésotérisme.

Aurore et Luc ont vécu une relation amoureuse très charnelle. Dahu, marginal qui les hébergea un temps, n’était pas insensible à la sensualité de la jeune femme. C’est parce qu’Aurore a disparu, que Luc s’est séparé de sa bibliothèque. Sans doute parce qu’il compte retrouver sa belle, peut-être enlevée par des personnes malveillantes, il se cache maintenant. Propriétaire de la maison louée par le couple, le comte de Brigoles semble s’intéresser aux croyances nées du mystère de Rennes-le-Château et autres fadaises ésotériques. Charlène connaît bien la véritable histoire de Gilles Debrigoles, pas un aristocrate mais un homme restant inquiétant. Recherchant Luc, Jipé croise un curieux couple, Solange et André. Elle se prétend astrologue, et connaît des remèdes secrets contre certains maux. C’est Stéphane qui retrouve bientôt Luc, toujours en quête de son Aurore.

La boutique de Jipé a été cambriolée, ou plutôt vandalisée. Menaçante mise en scène satanique et culotte d’Aurore, des signes énigmatiques. Au fil du temps, Jipé est victime de fièvres hallucinatoires, que le Dr Pujol ne peut guérir. Dans la région, en particulier à Bugarach, on continue à cultiver des mythes qui attirent des pèlerins. À leur installation ici, Luc et Aurore furent très impressionnés par le site de Rennes-le-Château, et par sa légende. La jeune femme étudia des auteurs de la veine satanique tels que Huysmans, qui l’ont beaucoup marqué. De Brigoles, le Dahu, Luc et Aurore, Solange et André : Jipé ne parvient pas vraiment à faire le lien, ni a établir le rôle de chacune de ces personnes. Quand arrivera la vérité, elle risque pourtant d’être explosive…

 

C’est l’abbé Bérenger Saunière qui, dans des intermèdes, sert de fil conducteur à cette affaire. L’auteur nous rappelle astucieusement l’origine et l’exploitation des prétendus mystères autour de Rennes-le-Château. Si ce curé avait effectivement des secrets, il est amusant de suivre l’évolution de la fabrication du mythe, de Noël Corbu au Da Vinci Code de Dan Brown, en passant par l’incontournable Gérard de Sède et autres extrapolations farfelues. N’importe quelle spéculation a du sens, et la crédulité entretient de vaines questions théologiques ou autour d’un illusoire trésor.

Le couple Luc et Aurore est au centre du récit qui, lui, se passe à notre époque. Encore qu’ils apparaissent quelque peu magnétisés par l’étrange région où ils ont débarqué. Le bouquiniste Jipé est le témoin, le candide de cette aventure. Car il s’agit bel et bien d’un roman fourmillant de péripéties à suspense. Sans oublier une psychologie, tourmentée chez certains personnages, de bon aloi. Loin de la lourdeur de thrillers dédiés aux mêmes thèmes, soulignons surtout la manière narrative très fluide d’Éric Maneval, qui rend la lecture fort agréable. Une histoire captivante et bien racontée, du plaisir garanti.

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 16:40

 

Hélas, je n’ai pas le temps de tout lire. Toutefois, il y a des infos que j’ai plaisir à transmettre. En effet, il s’agit d’un auteur mexicain dont j’avais apprécié le précédent roman, "Martini shoot" (Denoël). Voici ce que nous dit la présentation sur "Le jour des morts" de F.G.Hagenbeck, qui vient de paraître aux Éditions de l’Herne.Haghenbeck-2012

Cette biographie romancée de l’artiste mexicaine Frida Kahlo prend comme fil d’Ariane un cahier de recettes culinaires que la peintre gardait toujours par devers elle et qui disparut mystérieusement à l’heure de sa mort. Il s’agit donc d’une pièce imaginaire que la romancier mexicain compose, avec un plaisir évident. Chacun des 24 chapitres s’achève sur une ou plusieurs recettes. Quant à la vie de Frida, elle suit dans ses péripéties la célèbre biographie de H. Herrera, à l’origine du film Frida.

Sans la fantasmagorie, et un style qui se prête volontiers aux incursions dans la pensée magique et la mythologie mexicaine, sans les multiples recettes de cuisine, ce titre pourrait être sans surprise, car nous savons déjà tout de cette vie de Frida Kahlo, et par sa belle biographie de Herrera et par le beau film qui en a été tiré ; et aussi par les nombreux articles sur l’artiste (dont celui de Vargas Llosa dans son Cahier de l’Herne). Mais voilà, on lit ce livre avec intérêt, avec plaisir, et même jubilation. Et pour les plus mordus, on court à sa cuisine, à ses casseroles et on se lance dans la savante et savoureuse alchimie de la hierba santa et de ses sortilèges.

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