Dans la collection Terres de France, chez Presses de la Cité, “L’homme qui en voulait trop” de Patrice Pelissier nous entraîne en Auvergne. Les Combes, c’est un hameau perdu dans le massif du Sancy. Une poignée de maisons, d’autant plus isolées qu’il neige fort en ce début décembre. C’est là que vivent Claude, un enseignant, et sa compagne infirmière Sylvie. Leur maison est encore en rénovation, la réparant selon leurs moyens. Celle où habite André, vieux bonhomme acariâtre, est carrément crasseuse. Il s’en fiche, c’est un logement qu’il loue à sa sœur qu’il déteste.
À l’inverse, le confort règne dans le gîte de Noémie, qui reçoit ponctuellement des touristes. C’est chez elle que les voisins se réfugient en cas de “Blitz”, car elle dispose d’un générateur électrique. Le “Blitz”, ce sont des périodes comme celle-ci, où la neige coupe les relations avec l’extérieur. Dernière habitante, Julia est une Hollandaise de quarante-sept ans ayant rompu avec son passé après le décès de son mari. Elle a aménagé sa maison à son goût, offrant sans doute la plus agréable ambiance du hameau.
Il arrive que Julia invite chez elle des amants de passage. C’est le cas d’Alex Marchand, un bellâtre de trente-cinq ans. Séducteur fauché, vivotant entre jobs occasionnels et générosité de ses conquêtes, il aimerait prolonger son séjour ici. L’isolement, causé par la neige ayant envahi la contrée, lui donne ce prétexte. Il se sent bien adopté par les gens des Combes. Peut-il deviner que Noémie n’a pas une si bonne opinion du voisinage ? Au moins Alex sait-il que le vieil André a deux armes dangereuses : un fusil puissant et un armagnac dévastateur. Alors que l’alerte météo est au plus fort, un étranger au hameau débarque après (dit-il) un incident en voiture. En réalité, ce Maurice Jésup représente une menace. Trop bien renseigné sur chacune des personnes vivant là, il sera le catalyseur du drame qui va bientôt se jouer en ces lieux.
Quelques jours plus tard, on découvre qu’un massacre s’est produit au hameau. Les premières constatations effectuées par les gendarmes, des enquêteurs de toute la région arrivent massivement. Outre un général, le procureur, le préfet, les journalistes ne vont pas tarder à rejoindre les Combes. Le carnage ayant causé six morts, l’affaire est sérieuse. On finit par retrouver un survivant à l’extérieur du hameau, gravement blessé, dans le coma, rapidement hospitalisé à Clermont-Ferrand.
Le jeune gendarme Delaire apparaît le plus efficace, notant tout dans son petit carnet, à l’ancienne. Il y dessine un plan qui a le mérite de mettre à plat la scène de crime dans son ensemble. Néanmoins, ça ne lui indique pas l’enchaînement meurtrier, ni les raisons du massacre. Le septième homme, la victime gisant dans la neige à l’extérieur du hameau, est le suspect probable. Pourtant, les enquêteurs ont fort peu de chances de retrouver la vérité…
Il s’agit bien d’un roman policier “dans la tradition”. Le décor montagneux et un petit groupe de personnes s’y prêtent, loin de tout sous une tempête de neige. Une partie de la narration est assurée par Alex, témoin intrusif. C’est plutôt un oisif profiteur qu’un vrai cynique, mais il évolue avec les circonstances. Du côté de la gendarmerie, on nous raconte objectivement les faits. De gros moyens sont déployés, mais peu d’hypothèses réellement étayées, faute d’éléments.
La tonalité du récit ne cherche pas une noirceur chargée. Hormis la reconstitution des crimes, peu de violence exprimée puisque le résultat est déjà sanglant. Les portraits n’accablent pas les protagonistes, sans masquer leurs failles, ni leur jeu parfois malsain. On constate la dégradation menant au carnage, on ne juge pas. “Classique” encore : on dispose de plus d’atouts que les enquêteurs, belle astuce pour créer une complicité avec les lecteurs. Une sympathique “pirouette” finale conclut cette affaire. Un suspense très réussi, extrêmement plaisant à lire.