Chez Le Papillon Rouge, Patrick Eris vient de publier un fort excitant livre intitulé “Histoires vraies sur les rails”. Autour de 1850, Émile et Isaac Pereire mettent tout en œuvre pour installer en France un nouveau moyen de transport, le chemin de fer. Malgré l’hostilité de quelques grands noms de l’époque, le train va connaître un vrai succès populaire. Si, au fil des décennies, il y eût quelques accidents, les Français continuent d’adopter massivement le voyage en train. Dans la longue histoire du chemin de fer, on retient en souriant volontiers l’incident concernant Paul Deschanel, alors président de la République. Mais il y eut des épisodes dramatiques moins connus. Comme celui des prisonniers de Loos-lez-Lille, déportés en urgence par le train, à partir du 1er septembre 1944 vers les camps de la mort. Ou encore ce convoi n°612, rapatriant d’Italie des poilus en 1917, dont les freins lâchèrent causant une terrible catastrophe que l’État-Major s’empressa de cacher au public.
Depuis toujours, le train est aussi lié à la criminalité. À l’exemple du mystérieux Charles Jud, natif de la région de Belfort, qui joua longtemps à cache-cache avec la police. On pourrait voir en lui un précurseur de Fantômas, le héros de fiction créé par Souvestre et Allain. En septembre 1938, c’est dans un train au départ de Marseille qui vont être volés 180 kilos d’or. Une affaire qui permettra à la police d’alpaguer en finesse un des grands malfrats de ces années-là. L’un des plus gros hold-up ferroviaires de l’histoire fut perpétré en juillet 1944 sur une ligne de Dordogne. Cette fois, il s’agissait de détourner une forte somme d’argent pour les besoins de la Résistance. En 1921, trois traîne-patins s’improvisèrent bandits du rail. Bien que l’un d’eux ait été le fils d’un anarchiste reconnu, ce trio obéissait à de médiocres motivations.
Plus près de nous, début 1968, un maître chanteur menaça de faire sauter le train Paris-Marseille, réclamant une rançon, impliquant un brave employé qui n‘avait rien à voir avec l’affaire. Au jeu du chat et de la souris entre l’inconnu et la police, la menace semble réelle quand un poteau barre la route d’un convoi, mais quid de la rançon exigée ? Le coupable était le descendant d’un personnage célèbre. Des meurtres mal élucidés ont émaillé l’histoire du rail, telle la malle sanglante de Millery, l’affaire Laetitia Toureaux ou la mort du préfet de l’Eure. La célèbre affaire Stavisky est, elle aussi, en lien avec le rail. Dans les années 1980, le train sera aussi la cible du terroriste Carlos. Ce qui causa de sérieux ennuis à un professeur, certes gauchisant, mais innocent. Vers la même époque, l’affaire du Bordeaux-Vintimille reste un des pires cas de meurtres racistes.
Sur les vingt chapitres, citons encore celui qui concerne le fameux wagon-salon 2419D de Rhetondes, où fut signé l’Armistice de 1918. Patrick Eris revient ici sur divers épisodes insolites ou marquants, historiques ou spectaculaires. Il ne s’agit pas seulement d’anecdotes vérifiées, mais de souligner que le train fait partie de notre vie, comme dans le cas du train jaune ou du tortillard de Palavas-les-Flots. On nous rappelle que certaines de ces affaires ont été transposées à l’écran ou dans la fiction romanesque. L’auteur évite la tonalité rébarbative des historiens, nous racontant avec autant de précision que de simplicité ces faits du passé, parfois encore récent. Les passionnés de chemins de fer ou de faits divers vont se régaler en lisant ce livre captivant.