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16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 05:46

 

C’est aux Éditions Biro & Cohen que sort le nouveau suspense de Marie Devois Van Gogh et ses juges. Une série de meurtres à l’arme blanche vise des magistrats autour de Paris. Un sixième crime vient d’être commis à Nanterre. Comme pour les précédents, on trouve près du cadavre un sachet contenant des éclats de peinture. C’est le seul indice relatif dont dispose la police. La victime n’avait pas de lien apparent avec les autres magistrats assassinés. Ce substitut n’avait pas été menacé non plus. Il a été attaqué par surprise, sans témoin.

C’est Fred Andersen, policier au "36" surnommé Le Danois, qui enquête sur cette suite meurtrière. Le géant blond se sentait tout petit devant ce type qui rôdait dans l’ombre. Il leva la tête, passa une main dans ses cheveux coupés en brosse comme pour masser ce crâne sous la calotte duquel son cerveau bouillonnait. Malgré tous les recoupements et hypothèses, Fred Andersen n’entrevoit encore aucune piste sérieuse. Il pourrait aussi bien s’agir d’un flic obtus ou d’un gendarme se vengeant d’un magistrat.

DEVOIS-2011Le juge Maxime Frot est bien content d’obtenir enfin un poste important à Paris. Il quittera sans regrets le tribunal de Vannes (Morbihan). Une nomination qu’il va fêter au restaurant avec son ami médecin Ronan. Alors qu’il regagne son domicile, Maxime Frot est mortellement agressé dans la rue. Ne doutant pas qu’il s’agisse de la même série, Fred Andersen se déplace en Bretagne. Frot n’a pas eu le temps de réaliser ce qui se passait avant de mourir, selon le légiste. Aucun témoin solide ayant vu qui que ce soit surveillant le juge. Pas même dans cette librairie BD fréquentée par Frot et son ami Ronan. Tandis que Fred Andersen regagne Paris, un courrier posté à Vannes a été adressé à la PJ. Le colis contient le couteau de combat ayant servi à tuer les magistrats. La police vannetaise recueille le témoignage du gamin qui a expédié le paquet. C’est une femme âgée qui le lui a confié pour le poster. Ou, peut-être, un homme déguisé.

Maëlle Aubier a été kidnappée chez elle, à Auvers-sur-Oise. Policière experte dans les trafics d’œuvres d’art, encore jeune, elle venait de prendre sa retraite. Maëlle ne tarde pas à identifier son ravisseur, ni à imaginer les raisons de sa séquestration. Elle ne court peut-être pas un danger mortel, même si l’homme est celui qui a supprimé les sept juges. Son voisin policier municipal finit par s’inquiéter. C’est ainsi qu’on découvre finalement la disparition de Maëlle Aubier. L’enlèvement d’une policière provoque le branle-bas dans les services d’enquête. Proche de Maëlle, Fred Andersen est particulièrement touché. Quand le criminel adresse des messages à la police, on comprend qu’il attend d’être écouté. Fred apprend que Maëlle menait ses propres investigations autour de Van Gogh…

 

Ayant déjà publié quatre polars, Marie Devois n’est donc pas une néophyte. Ce cinquième titre s’inscrit dans un univers qu’elle connaît bien, le monde de la Justice. D’ailleurs, elle évoque en filigrane l’activité des magistrats au quotidien, autant que les procédures liées aux affaires criminelles. Sans doute avons-nous ici un policier menant l’enquête. Héros plutôt solitaire, sûrement parce qu’il fut abandonné dès sa naissance. Pourtant l’ambiance est aussi proche du roman noir, par son côté sociétal. L’assassin et ravisseur, dont nous connaissons bientôt l’identité, commet des crimes pour démontrer quelque chose. La précision des lieux contribue à la véracité du récit, l’auteure fréquentant les villes et régions qu’elle décrit. La traque de l’assassin et ses mystérieuses motivations nous entraînent dans un suspense de très belle qualité.

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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 05:45

 

Parmi les grandes collections populaires des années 1950-60, Un Mystère a publié bon nombre de romans fort réussis. Avec pour logo un petit éléphant, ce sont environ 760 titres qui figuraient au catalogue de cette collection. Erle Stanley Gardner en fut la locomotive, avec des auteurs tels Peter Cheney, Raymond Chandler, Ben Benson, Ellery Queen, Mickey Spillane, William Irish, Bill Ballinger, etc... M-B.Endèbe, G.Morris, Steeman, Jean Bruce, puis Michel Lebrun en furent leurs premiers piliers francophones. Sans doute, malgré quelques rééditions, une grande part de ces romanciers sont-ils oubliés aujourd’hui. Voilà donc l’occasion d’en donner quatre exemples, à travers des auteurs très variés.

 

MYST-1Ben Benson : Attention au cheval bleu (1953)

White Sands est une bourgade de la côte Atlantique des Etats-Unis. Un double meurtre y mobilise la police. Le riche Charles Endicott, encore jeune, bienfaiteur de la ville, a été assassiné chez lui. Policier émérite, dan Hall mark lui aussi été tué. L’enquête est officiellement confiée à Paul Coyne. Il est incompétent, mais possède des soutiens politiques. En réalité, c’est l’inspecteur Wade Paris qui devra résoudre l’affaire. Policier pur et dur aimant son métier, ce dernier ne cherche pas la publicité, contrairement à Coyne. Wade Paris a le soutien du colonel Davies de la police d’état et du capitaine Springer, un vieil ami.

Le principal suspect est vite identifié. Le jeune Harold Dana est bien celui qui a proposé à Endicott cette statuette de cheval datant de l’époque T’ang. Un objet trouvé par hasard, synonyme de fortune pour le désargenté Harold. Le suspect a disparu depuis plusieurs jours. Sa jolie sœur Judy ignore où il se cache. Le brocanteur Lakos ne pourra pas répondre à Wade Paris : il a été assassiné voilà plusieurs jours, quand on le retrouve. La mort d’Olsen, vieux pêcheur du coin, peut également avoir un rapport avec cette affaire.

Traquer Harold n’empêche pas Wade Paris de s’intéresser à l’entourage de Charles Endicott : Karen Wyman, sa fiancée; Walter Almeida, son ami artiste; Mr Noble, qui s’occupe du musée d’Eastern City; George Hanft, l’avocat de la famille; Elisabeth et Henry, le couple de domestiques. Sans oublier Mrs Endicott, la mère de Charles. Le cheval bleu n’est sans doute pas le seul objet précieux ayant disparu, encore faut-il comprendre les motivations de l’assassin…

 

MYST-2S.A.Steeman : Haute tension (1953)

Sept ans après le meurtre de son mari, Rita Mortimer reçoit une étonnante visite nocturne. Raymond Cadet, l’assassin de son mari, vient de s’échapper de prison, avant de s’introduire chez elle. Bien que bousculée par Cadet, Rita se dit que l’homme va mettre un peu de piment dans sa propre vie. Ce chantage pour q’elle le cache chez lui, pour qu’elle lui obtienne de faux papiers, Rita en est volontairement complice. Certes, il la menace. Mais elle n’hésite pas à l’accompagner dans sa fuite quand Cadet prend la direction du Midi, étape vers l’Italie. Sur la route, Cadet provoque un accident. Tenter de sauver la victime, c’est se mettre en danger pour le couple. Ils approchent de la frontière, mais doivent se cacher durant plusieurs jours. Nouveau danger, à cause d’un policier niçois.

Le plus sage est de retourner vers Paris. Dans une discrète pension de Versailles, la vie reprend pour Rita et Cadet. Celui-ci renoue avec son ex-petite amie, Nicky. Rentrer chez elle puisqu’elle n’a plus sa place auprès du fuyard ? Rita n’a guère envie de renoncer à cette tension aventureuse. Ses rapports ambigus avec Cadet pourraient les entraîner vers un drame…

 

MYST-3Edward Gillot : Une poire pour la soif (1955)

George Halam est un escroc vivant de la crédulité des femmes. Compagnon séduisant pour femmes vieillissantes, il finit par dérober leurs économies avant de disparaître. Parmi ses récentes victimes, l’une s’est suicidée. Actuellement, il s’occupe de Mary Crosby. Celle-ci étant un peu plus coriace que les précédentes, George se demande s’il est raisonnable de persévérer. Ne vaudrait-il pas mieux retourner vivre sagement auprès de Marion Collins, qui est amoureuse de lui ? Une vie normale n’est pas faite pour l’aventurier qu’il imagine être. En réalité, le butin de ses escroqueries ne l’aide à subsister que quelques temps. Pour une prime de cent livres, il a même naguère dénoncé un complice, le gros Byron.

Enfin, George réussit à convaincre Mary Crosby d’acquérir une vieille bâtisse pour en faire un hôtel, où ils s’établiraient tous les deux. Selon son véritable plan, c’est surtout un lieu discret où il se débarrassera d’elle, le moment venu. Le fameux Byron venant de sortir de prison, cet endroit constitue pour George une très bonne planque. Il sait que son ex-complice ne lui fera pas de cadeau. Reste à trouver l’occasion, ou le courage, de supprimer Mary Crosby.

Mal vus de leur hiérarchie, l’inspecteur Paxton et le sergent Roberts recherchent un escroc dont-ils savent peu de choses. Un faux billet est leur seule piste, ce qui les mène chez Jane Collins, sœur de Marion. Paxton est bientôt sous le charme de la jeune femme. Ni Jane, ni Marion ne voulant dénoncer George, l’enquête risque de tourner court. Le gros Byron sera plus habile à faire parler Jane. La police ne localisera George que tardivement…

 

MYST-4Jean-Pierre Conty : Le Diable et son train (1956)

Il s’agit d’un recueil de quatre nouvelles, dont la première donne son titre au livre. Le diable et son train est un texte de 90 pages. Alda, la femme d’Émile, a prévu de s’enfuir avec Jacques, confrère de son mari. Sans doute Émile a-t-il été prévenu car, le soir venu, il intervient. Sûre qu’il a supprimé Jacques, Alda va témoigner contre lui. Pourtant, l’alibi d’Émile pour toute la soirée est parfait. Le commissaire et son adjoint s’opposent sur les hypothèses. Menacé par le mari, Jacques a-t-il prudemment préféré s’enfuir ? S’il l’a tué, Émile n’a pas eu le temps matériel de se débarrasser du corps. Quelques jours après, Jacques meurt dans un accident de la route, dans le Sud. Néanmoins, le commissaire persiste sur son idée. Espérer des aveux est illusoire, mais le comportement d’Émile peut le trahir…

Les autres nouvelles font une trentaine de pages chacune. La chambre sur la cour raconte une rapide enquête de police après le meurtre d’un homme. Quel témoignage croire : la voisine impotente d’en face, affirmant que la victime avait des maîtresses, ou la concierge qui affirme l’inverse ? Tout en la ménageant, le commissaire croit l’épouse coupable. Dans Ne me félicitez pas, deux policiers viennent arrêter un homme soupçonné du meurtre de sa femme. Il s’embrouille dans ses explications. L’épouse est-elle chez sa sœur, ou cette dernière est-elle complice du mari ? Le complice imprévu est l’histoire d’un procès. L’accusé a-t-il assassiné sa femme, ou s’agit-il d’un accident ? Bien que l’accusation soulève les bonnes questions, l’acquittement de cet homme pas très futé est probable. Il devrait éviter de se confier ensuite au premier venu, même par sympathie.

Cliquez ici pour ma chronique sur "Le polar de 1950 à 1980" .

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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 05:48

Le Prix du polar lycéen d'Aubusson 2011 est attribué au roman “Retour à la nuit”, d'Éric Maneval (Éditions Écorce). Cette récompense a été décernée à l'occasion de la 6e édition de ce prix, dans le cadre du 5e festival des Nuits noires d’Aubusson les 9, 10 et 11 juin 2011.
Le jury se composait de 250 lycéens venus de différents établissements du Limousin, entre autres Guéret, Limoges et Aubusson. Les votes de chacun, et leurs argumentations, ont été recueillis par les auteurs invités cette année au festival : Hafed Benotman, Laurence Biberfeld (qui présidait le festival), Sylvie Granotier, Cyril Herry, Marin Ledun, Jean-Hugues Oppel, Sébastien Rutés et Antonin Varenne.

Bravo à Éric, lecteur passionné et auteur talentueux, visiteur quasi-quotidien d'Action-Suspense, auquel j'adresse mes plus sincères félicitations pour ce Prix amplement mérité ! 

 

L'intrigue de “Retour à la nuit”, d'Éric Maneval :
MANEVAL-prix2011Âgé d’une trentaine d’année, Antoine Revin est veilleur de nuit dans un foyer de la région de Limoges. On y héberge des ados en difficulté sociale ou  psychologique. Maîtrisant sans trop de problème la situation, Antoine apprécie ce métier. N’étant pas éducateur, il n’a pas à s’intéresser au cas des pensionnaires. Pourtant, il discute souvent au milieu de la nuit avec la jeune Ouria. Parfois, il calme le petit Aymeric qui cauchemarde, croyant voir un moine templier. Une nuit, Antoine suit une émission de télé consacrée à l’affaire Firnbacher. Un jeune condamné est en prison depuis des années, accusé d’avoir tué et mutilé un enfant. Le portrait-robot d’un vague suspect jamais identifié frappe Antoine. Il connaît l’homme, lié à un épisode douloureux de sa propre vie.
Antoine avait huit ans. Il adorait plonger dans la Vézère, en aval du barrage de Treignac. Malgré les crues de la rivière, il ne craignait pas les risques. Ce jour-là, il fut heurté par un tronc d’arbre, et faillit mourir. Un inconnu se trouvant sur la rive le sauva des eaux. Ce blond barbu aux yeux bleus soigna ses multiples plaies, non sans lui faire un peu mal pour qu’il retienne la leçon, avant que l’enfant ne soit hospitalisé. Le corps d’Antoine est encore strié des cicatrices causées en cette occasion. Il les a montrées à Ouria, qui semble fascinée. Conscient que son témoignage sur le suspect du portrait-robot peut relancer l’affaire Firnbacher, Antoine s’adresse à un ami journaliste. Celui-ci le met en contact avec Teddy Romero, expert en tueurs pervers.
Après avoir photographié ses cicatrices, Romero et sa collaboratrice Mina, médium, interrogent en détail Antoine sous hypnose. Les faits sont proches de ceux du dossier Firnbacher. La méthode correspond à celle du “Découpeur”, qui a seize victimes à son actif. Sauf qu’Antoine est vivant et que l’inconnu l’a sauvé une révision du procès. Au foyer, une nuit suivante, le jeune frimeur Gaétan cause des troubles qu’Antoine parvient à réprimer avec l’aide d’Ouria. Après l’incident, un éducateur lui rappelle qu’il n’a pas à s’improviser psy. Un peu plus tard, Antoine soupçonne une présence suspecte autour du foyer…

 

Noire et psychologique, l’intrigue s’avère plus interrogative qu’oppressante, ce qui constitue un bel atout. Inutile de surcharger la tension quand l’histoire est bien pensée. Le format court (120 pages) permet au récit de garder une réelle densité. On sent le poids de son passé, chez le héros. Sans que ce soit un reproche, l’auteur aurait pu s’attarder sur la relativité des témoignages. Apporter une version disculpant un accusé, ce n’est pas anodin. On laisse au lecteur le soin de se poser lui-même les questions. Quant à la psycho des ados, on voit ici que certains éducateurs sociaux en ont une vision trop schématique. Prendre du recul, éviter l’affectif, c’est d’accord. Mais ces jeunes ont aussi un instinct, une sensibilité du vécu, qu’Antoine perçoit mieux que ses collègues. Un suspense qui se base sur de tels personnages, êtres humains donc imparfaits, ne peut que séduire…

 

Cliquez ici sur le site des Éditions Écorce.

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 05:44

 

Né dans le Tennessee en 1897, décédé en Californie en 1955, Horace MacCoy doit figurer parmi les premiers grands noms du roman noir. Scénariste de cinéma, Horace MacCoy est l’auteur de "On achève bien les chevaux" (adapté par Sydney Pollack); "Un linceul n'a pas de poches" (adapté par Jean-Pierre Mocky); "J'aurais dû rester chez nous"; "Adieu la vie, adieu l'amour"; "Le Scalpel"; "Corruption City"; "Les Rangers du Ciel"; et du recueil de nouvelles "Black Mask Stories".

Mon préféré est "J’aurais dû rester chez nous", que je viens de relire. Remarquable roman, qui n’est hélas plus réédité depuis 1982.

MacCoy1938L’histoire se passe en 1938. Âgé de 23 ans, Ralph Carston est un beau garçon venu d’une bourgade rurale de Georgie. Depuis quelques mois, il s’est installé à Hollywood, en colocation avec une aspirante comédienne, Mona. Bien qu’il écrive à sa mère des lettres rassurantes, le succès n’est toujours pas au rendez-vous pour Ralph. Ce n’est pas tellement son accent du Sud qui pose problème. Ni que ce Mr Balter (de l’agence Excelsior) qui l’a recruté, reste injoignable. C’est juste qu’ils sont des milliers de postulants, tels que lui. Par exemple, des filles comme Dorothy, qui finit par faire de la prison. Mona a été incarcérée aussi, mais le juge s’est montré clément. Ralph et elle sont invités à une soirée donnée par Mme Smithers, une femme mûre, riche et influente.

Encore candide, Ralph ne se sent guère à l’aise dans cette ambiance mondaine. Bien qu’elle ait un autre amant en titre, Mme Smithers n’est pas insensible au charme de Ralph. Ce qui ne plait pas à Mona, laquelle ne cache nullement son hostilité. À force de désillusions, la jeune femme se sent de moins en moins motivée. Mme Smithers ayant donné cent dollars à Ralph, celui-ci règle quelques dettes. Surtout la somme due à son épicier compréhensif, Abie Epstein. Sa protectrice a mis Ralph en contact avec un agent sérieux, Bergerman. Sans agressivité, le professionnel essaie de lui faire comprendre que Ralph n’a aucun avenir à Hollywood, que sa place est en Georgie. Je mourrai plutôt que de rentrer chez moi pense Ralph, toujours pas prêt à renoncer.

Mme Smithers l’invite dans un de ces bars fréquentés par le gratin d’Hollywood. Simple figurant, il ne se sent pas à sa place. Elle présente Ralph à un des meilleurs cinéastes du moment. Plus tard, ce dernier trouve un prétexte pour ne pas le recevoir. Employé dans la promo du cinéma, Johnny Hill sympathise avec Mona et Ralph. Hill n’est pas dupe du système hollywoodien. Il envisage d’écrire un livre dénonçant le mirage de l’industrie du cinéma. Sans vraiment réaliser, Ralph découvre les penchants masochistes de Mme Smithers. Alors que l’argent commence à manquer, Mona dégotte un job régulier, doublure d’une star. Dans le même temps, Dorothy s’évade de prison. Ralph peut compter sur l’épicier Abie pour lui prêter un peu de fric destiné à la fuite de Dorothy. Mais ils ont bientôt des ennuis avec la police…

 

Dans cet univers hollywoodien, où rien ne doit venir troubler le bizness, tout n’est qu’illusion. Des dizaines de milliers de jeunes américain(e)s ont voulu croire à leurs chances. Intoxiqués par les contes de fées médiatiques, ils ont imaginé devenir des stars. Puisque d’autres y sont parvenus, pourquoi pas moi ? Le pire étant, dans le cas de Ralph, qu’il n’y a pas de possible retour en arrière. Pour les siens en Georgie, il est déjà sur la voie du succès. Si bien des éléments ternissent ses espoirs, il n’a d’autre choix que de poursuivre dans l’impasse. S’il accepte la protection financière de Mme Smithers, c’est d’abord avec ingénuité, sans calcul, juste pour survivre en attendant. Il faut savourer la délicieuse scène où Ralph s’adresse à son miroir. Mona est bien plus pragmatique, Dorothy déjà plus désespérée.

En outre, n’oublions pas le contexte historique, l’imminence de la guerre. C’est avec violence qu’Horace Mac Coy dénonce l’hypocrisie du monde du cinéma : Vous soutenez la ligue antinazie parce que, dans ce foutu patelin, tous les producteurs sont juifs et vous vous dites qu’ils vous prendront pour un héros, en tant que chrétien ayant épousé leur cause. Si tous les producteurs étaient nazis, vous seriez les premiers à commencer le pogrom. Le personnage rebelle de Johnny Hill est quelque peu l’alter ego de l’auteur. Hill souligne la puissance exagérée des décideurs d’Hollywood : …il suffit de parler de syndicalisme ou d’organisation pour être classé comme rouge et mis sur la liste noire. J’ai assisté aux réunions de producteurs et je les ai entendus dicter leurs quatre volontés aux auteurs. Ils peuvent contraindre, intimider, et violer toutes les lois qu’ils veulent. Ils font les lois et ils possèdent les tribunaux. Est-ce qu’ils n’ont pas fait élire un gouverneur par le seul truc, aussi simple qu’astucieux, des soi-disant actualités ? Depuis, de Ronald Reagan à Arnold Schwarzenegger, le système a perduré.

Voilà un roman fascinant, intense, qui mériterait bien une réédition.

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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 07:08

Rendez-vous au bout du monde ! Chaque année à la Pentecôte, le gratin des auteurs régionaux,  français, voire internationaux, est présent au festival Le Goéland Masqué à Penmarc'h, à la pointe du Finistère-sud. En ce week-end de Pentecôte 2011, les lecteurs ont pu les rencontrer non seulement autour des livres, mais au gré des animations proposées par Roger Hélias et les enthousiastes bénévoles de l'organisation. Rétrospective en images de la première journée, samedi 11 juin.

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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 06:58

 

Auteur de plusieurs livres sur le cinéma, Vincent Mirabel vient de publier chez First Éditions Hollywood crime stories. Selon une formule ayant fait ses preuves, cet ouvrage évoque une quinzaine de faits divers à scandale. Il est bon de préciser que le titre, fort attractif, est ne reflète pas exactement le contenu. En effet, l’auteur revient sur des affaires hollywoodiennes, mais pas seulement.

Sont ici retracés le décès en 1920 à Paris de la jeune actrice américaine Olive Thomas, l’inévitable affaire Roscoe Fatty Arbuckle en 1921, la mort suspecte en 1922 du cinéaste William Desmond Taylor, le cas de l’acteur et réalisateur Max Linder dans les années 1920, l’étrange mort du producteur de cinéma Thomas Ince en 1924. Si le groupe de presse de Randolph Hearst s’est acharné sur Fatty Arbuckle, il donne au contraire une consigne de silence à ses journalistes pour l’affaire Thomas Ince.

MIRABEL-2011Sont aussi racontées le cruel meurtre d’Elisabeth Short en 1947, plus connue sous le nom d’affaire du Dahlia Noir, sur laquelle l’ancien détective Steve Hodel a peut-être fait la lumière; les dernières heures de Marilyn Monroe; Charles Manson et son clan criminel, qui assassinèrent entre autres l’actrice Sharon Tate, alors l’épouse de Roman Polanski; et la mort par noyade de la comédienne Natalie Wood, probablement accidentelle suite à un mauvais concours de circonstances. Voilà déjà de quoi intéresser les lecteurs voulant se remémorer ces faits divers anciens qui firent grand bruit.

Vincent Mirabel évoque encore un cas aux marges du cinéma et de la politique française, l’affaire Markovic. Si Alain Delon et le couple Pompidou furent cités dans le but de leur nuire, il s’agissait avant tout d’un méli-mélo entre truands et services secrets. Autre mort tragique, celle du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini. Est-ce son goût pour la provocation qui entraîna la mortelle agression du réalisateur homosexuel par trois costauds, peut-être mafieux ? De son vivant, Pasolini avait subi 160 attaques en justice autour de ses films. On n’est toujours pas sûr de savoir qui l’a fait assassiner.

À divers titres, quatre autres cas sortent du lot dans ce livre. La destinée troublée de l’actrice Jean Seberg qui, après de brillants débuts, ne concrétisa jamais la vraie carrière qui lui était promise. Militante pour les droits des Noirs américains, elle fut longtemps sous la surveillance d’un service du FBI, ce qui la perturbait sérieusement. Ses divers mariages et relations masculines ne plaidaient pas non plus pour la stabilité. Elle finit par se suicider à Paris en septembre 1979.

Dans un premier temps, le parcours de John Holmes pourrait prêter à sourire. Extrêmement membré, il fut la star des films pornographiques de la décennie 1970. John Holmes goûtait à tous les excès, sexe, drogue et alcool. En 1981, il fut impliqué dans un règlement de comptes entre truands. Il vécut ensuite une longue période tourmentée entre sa jeune amante mineure, qu’il traitait presque en esclave, et son épouse en titre. Pourchassé, il finit par témoigner au procès concernant la tuerie de l’été 1981.

C’est dans un hôtel de Bangkok qu’en juin 2009 fut retrouvé mort l’acteur David Carradine. Carrière en dents de scie pour le héros de la série télé Kung-Fu, et des Kill Bill de Quentin Tarentino. Âgé de 72 ans, David Carradine s’est-il suicidé ? Le scénario était un peu plus compliqué que ça.

Un chapitre très intéressant est consacré à la mort du producteur de cinéma Gérard Lebovici. Cet homme, qui avait fait fortune en finançant les films des plus grandes stars françaises, fut assassiné dans un parking souterrain en mars 1984. Il comptait beaucoup d’amis, mais ne manquait pas d’ennemis non plus. Vincent Mirabel propose une dizaine de possibilités. Mais c’est surtout la personnalité très originale, voire ambiguë, de Lebovici qui reste ici passionnante.

Pour tous les cas cités dans ce livre très intéressant, il ne s’agit pas de fictions mais d’histoires vraies, devenues pour certaines légendaires.

 

Dans le même genre, j'ai aussi chroniqué "Hollywood Scènes de crime" de Philippe Margotin (cliquez sur ce lien).

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9 juin 2011 4 09 /06 /juin /2011 07:11

 

Après Toulouse-Lautrec en rit encore, Jean-Pierre Alaux nous propose (chez 10-18) une deuxième aventure de Séraphin Cantarel Avis de tempête sur Cordouan.

Cette histoire débute le 2 avril 1974, au moment du décès du président Georges Pompidou. Originaire de Cahors, Séraphin Cantarel est conservateur en chef des Monuments français. Avec son épouse Hélène, archéologue de formation, ils séjournent du côté de Saint-Palais, sur la côte charentaise. Assisté de son jeune adjoint Théo, Séraphin Cantarel doit expertiser le phare de Cordouan. À l’entrée de l’estuaire de la Gironde, ce joyau architectural mériterait une restauration qui risque de s’avérer coûteuse. Théo étant en retard, Cantarel débarque seul sur le phare, après une traversée agitée. Il y fait la connaissance des gardiens, Bargain et Quéméret. Le fils de ce dernier doit se marier le lendemain ici-même, dans la chapelle du phare. Un bonheur pour Quéméret, que la vie n’a pas épargné.

ALAUX-11Le commissaire Loïc Hervouette leur apprend une terrible nouvelle : le fils de Quéméret a été retrouvé mort, empalé nu, dans un carrelet de l’estuaire. Mort suspecte, qui reste encore sans explication et ajoute un nouveau drame dans la vie du gardien. Sans doute est-ce lui qui, ayant quitté les lieux, a conservé la clé de la cave du phare, que Cantarel voudrait ausculter. Théo s’est installé chez Marguerite Weber, actrice oubliée depuis longtemps, dont les riches souvenirs retracent une part de la vie d’antan. Aux obsèques du fils Quéméret, on remarque l’absence incongrue de sa fiancée, la belle Suzanne. Il est vrai qu’elle a réputation de fille volage, loin d‘un modèle de vertu. Peu après, le policier Hervouette arrive à Cordouan, confirmant la disparition de Suzanne. À cause de la tempête, Cantarel et le commissaire sont bloqués au phare pour la nuit.

Pendant ce temps, Mme Cantarel mène sa petite enquête autour de la propriété de sa défunte tante Léonie, qui fut en son temps spoliée par une femme qui finit à demi folle. Le propriétaire actuel ne tient pas à vendre cette maison, où il n’a jamais mis les pieds. En effet, le passif familial de cette famille est fort chargé. Un ex-voto a été dérobé dans l’église de Talmont, dont le curé est un vieil ami de Cantarel. Le vol de cette maquette de frégate agite les bigotes locales. Au phare, on finit par forcer la porte de la cave. Cantarel fait une curieuse découverte qui explique certains comportements de Quéméret. Comme on le craignait, le cadavre de Suzanne est bientôt retrouvé. Elle était enceinte, du fils Quéméret ou d’un autre homme. Alors que Théo perd sa vieille logeuse amicale, on approche de l’arrestation (mouvementée) d’un suspect…

 

Ayant consacré un livre au phare de Cordouan (chez Elitys), Jean-Pierre Alaux connaît bien le Versailles des mers. Au fil du récit, il nous offre bon nombre de détails anecdotiques ou historiques, sur ce splendide phare, la côte de Charente et sur l’estuaire girondin. Notons un sympathique clin d’œil à Émile Cousinet, le plus improbable producteur de cinéma de tous les temps. L’auteur restitue aussi l’ambiance de cette année-là, très politique suite au décès présidentiel. De tradition gaulliste, proche de Maurice Druon, Cantarel suit ces question puisqu’il dépend des ministères.

Si ces éléments participent et donnent de l’authenticité au contexte, l’intrigue criminelle n’est pas oubliée. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un roman d’enquête, les héros étant davantage témoins des faits qu’acteurs d’investigations. Par exemple et sans rien dévoiler, le vol de l’ex-voto donne du sens au décès du jeune Quéméret. À divers degrés, le climat est mystérieux autant concernant le meurtre de la jeune Suzanne qu’au sujet de la maison de la tante Léonie. Une affaire très agréable à suivre.

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 05:37

 

Évoquer romans et collections d’autrefois, c’est un plaisir teinté de nostalgie qu’il m’arrive de partager ici avec d’autres lecteurs. POP1Parmi ces grandes collections sétalant des années 1950 aux années 1980, Spécial-Police du Fleuve Noir fut ma préférée. Car il ny eut pas que la mythique Série Noire ou l’inusable collection Le Masque qui attiraient les lecteurs, loin sen faut. On publiait tous azimuts, des éditions Ferenczi à celles de lArabesque, en passant par Un Mystère aux Presses de la Cité, La Chouette créée par Frédéric Ditis (les prémices de Jai Lu), Crime-Club chez Denoël, et tant dautres collections oubliées. Leur format de poche limitait les tarifs de ces livres, qui s’adressaient donc à un large public. Il s’agissait d’inédits en poche, très peu de rééditions.

 

L’ami blogueur Mic m’a toutefois fait remarquer qu’il manquait quelque chose dans ces évocations des romans de l’époque : le contexte éditorial et social. En effet, le système de diffusion actuel n’a guère de rapport avec ce qui existait alors. Pourrais-tu nous éclairer sur cette période particulière où la lecture était à chaque coin de rue : kiosque à journaux, gare ferroviaire, épicerie du coin...? demande Mic.

POP2Habitant d’un quartier de la gare, il est vrai que ces romans ont toujours fait partie de mon univers, les ayant vus dans les boutiques et kiosques de gare. On doit se souvenir que la vie s’organisait autour des petits commerces de quartier, de l’épicerie au boucher, du coiffeur au marchand de chaussures. Les grandes galeries marchandes ne sont apparues que plus tard. Le livre était à portée de main, pas forcément dans un lieu dévolu. La preuve, je me souviens d’une anecdote étant ado, au début des années 1970. En vacances avec mes parents, nous passions dans un hameau vraiment isolé au cœur du terroir, loin des routes principales. Deux commerces un brin vieillots, un bistrot et une boulangerie. Cette boulangerie vendait le quotidien du coin et… avait un présentoir (tourniquet) garni de romans du Fleuve Noir. Autrement dit, à cinq kilomètres à la ronde peut-être dix kilomètres, on ne pouvait se procurer en guise de lecture que le journal et des Fleuve Noir.

Voilà ce qui faisait la force, l’impact même de ces collections : leur implantation dans la moindre bourgade et dans des commerces non destinés à vendre des livres. Le réseau des commerciaux du Fleuve Noir fut particulièrement efficace sur ce point. POP6Frédéric Ditis négocia pour que J’ai Lu Policier, après sa collection La Chouette, se vende dans les Monoprix. Superettes de proximité avant la création des hypermarchés, c’était un excellent vecteur de ventes populaires. La Série Noire visait davantage les librairies, prestige Gallimard oblige. Des petites librairies, il y en avait bien plus que de nos jours. D’autres collections ont périclité assez vite, c’est évidement à cause d’un manque de visibilité. Ce qui reste peut-être vrai encore aujourd’hui pour des petits éditeurs, il faut l’avouer.

 

—“On trouvait ce genre de livres un peu partout dans les maisons (notamment les greniers et les caves) et c'est comme cela qu'à l'âge de 7 ou 8 ans j'ai découvert chez mes grands-parents ou chez mes oncles et tantes, ces fameux petits bouquins” précise Mic. Oui, ce formats poche aux tirages conséquents expliquent qu’on en trouvait dans toutes les familles, sans qu’importe le niveau social. Je me souviens encore que c’est mon copain de 6e, Didier N., qui m’a parlé de ces San-Antonio que lisaient son grand frère. Ils étaient d’une famille d’agriculteurs. Plus tard, une fille de milieu BCBG, étudiante en filière littéraire, me raconta qu’elle adorait “ces petits romans-là­” bien davantage que ceux qui étaient au programme de ses études.

POP3Des années 1950 au début des années 1980, ces livres bénéficiaient donc de très gros tirage. Restons prudents sur les chiffres. Je me souviens de ce que m’en a dit Brice Pelman, auteur du Fleuve Noir. Cela concerne globalement la période 1965-1980. Un débutant pouvait compter sur un tirage de 30.000 à 40.000 exemplaires; un auteur confirmé c’était le double, parfois le triple si sa notoriété grandissait. San-Antonio se vendait, au minimum, entre 100.000 et 120.000 pour des romans courants, souvent bien plus. Ses grands formats rivalisaient en tirage avec les Prix Goncourt. (pour plus de détails, lire l’article Le Fleuve Noir en chiffres, de l’Oncle Paul).

Un exemple : le premier roman de Brice Pelman au Fleuve Noir sorti en mai 1968 ne s’est pas très bien vendu, à cause des évènements, les grèves entraînant des blocages. Il a dû s’en vendre quand même dans les 10.000 exemplaires minimum. Plus tôt, fin des années 1950, les enquêtes des sœurs Bodin écrites par Jean-Pierre Ferrière se vendirent à 50.000 exemplaires par volume. Dans cette collection La Chouette, le tirage moyen était estimé autour de 25.000 exemplaires.

POP8Ne nous hasardons pas à chercher des comparaisons avec les tirages actuels, d’autant que les ventes annoncées incluent souvent grands formats et rééditions en poche. À part pour une poignée d’auteurs, on est loin des chiffres d’antan.

Un mot sur les romans d’espionnage, très prisés à l’époque. Deux principales raisons à leur succès. D’abord, en ces temps de Guerre Froide et de manque d’informations, le lecteur avait l’impression (bien relative) d’en savoir un peu plus sur la situation mondiale. Ensuite, il s’agissait pour l’essentiel de trépidants romans d’aventure, avec scènes sexy soft et rebondissements explosifs. De quoi satisfaire un lectorat alors généralement masculin. En majorité, les intrigues étaient plus linéaires que celles des romans policiers, se contentant de suivre les tribulations du héros intrépide.

 

—“Mais je suppose (mais peut-être que je me trompe), que les lecteurs en lisant ces bouquins ne retenaient pratiquement jamais le nom de l'auteur” s’interroge encore Mic, qui n’a pas connu cette époque.

POP7Question notoriété, il faut distinguer plusieurs temps assez différents. Au risque de schématiser, nous avons d’abord l’époque 1950-1965. Les collections et leurs auteurs doivent s’imposer auprès du public. Georges Simenon et Agatha Christie sont maîtres du roman policier. Les auteurs américains tels Dashiell Hammett et Raymond Chandler gagnent un public français. Peter Cheney, James Hadley Chase, Mickey Spillane, Ed McBain, William Irish et quelques autres en profitent. Côté auteurs français, San-Antonio ou Charles Exbrayat sont parmi les premiers à imposer leur style. Beaucoup d’auteurs, qui passent pour des besogneux, vont s’avérer de bons artisans. Ils intègrent les collections se vendant bien, mais on retient encore peu leurs noms. De 1965 à presque 1980, les lecteurs ont adopté quelques-uns de ces auteurs (notamment du Fleuve Noir) qu’ils suivent régulièrement.

Pourquoi ? Il savent que ceux-là ne les décevront pas, tout simplement. Et puis, ces livres de 220 à 250 pages se lisaient aisément. Dans les années 1970, quelques romanciers s’imposent un peu plus solidement, tels G.J.Arnaud ou Brice Pelman. POP5Leur vocation d’auteur et leur expérience font d’eux des valeurs sûres, attirant les lecteurs. D’autres ont progressé grâce à leur productivité. Il n’est pas rare qu’ils aient écrit un roman tous les deux mois. Six romans par an (ou plus) d’un Peter Randa, d’une Mario Ropp ou d’un Roger Faller, ça finit par marquer le public. Ceux qui ne publiaient qu’un roman par an, voire moins, avaient moins la cote auprès des lecteurs.

Être présents, proposer sans cesse de nouveaux romans, tel était le secret de leur notoriété. Ce qui explique aussi que certains auteurs ayant été publié chez Série Noire, pour deux ou trois titres (Pierre Latour, Pierre Vial-Lesou, Serge Laforest, etc.) aient acquis leur véritable réputation chez Fleuve Noir. En outre, ceux qui furent présents dans plusieurs collections Fleuve Noir (Spécial-Police, Espionnage, Angoisse, Anticipation, l’Aventurier) multipliaient les chances d’imposer leur nom. Alain Page, plus tard auteur de Tchao Pantin, en fit partie.

 

Le public retenait les auteurs qui lui plaisaient. À part San-Antonio, aucun n’a jamais été destiné à devenir une star dans l’esprit des lecteurs. On récompensait le bon boulot de ces auteurs en achetant leurs livres. Mais, pour la célébrité, André Lay ne serait jamais Alain Delon, M.G.Braun n’égalerait pas Belmondo. POP10Même Léo Malet, Jean Amila ou Michel Lebrun n’eurent le droit à une logique reconnaissance que sur le tard, parfois après avoir cessé d’écrire. Toutefois, on parle là d’une époque où Louis De Funès, Bourvil, Fernandel, Darry Cowl, ou d’autres amuseurs était plus apprécié du public populaire que les tragédiens de théâtre ou de cinéma. Cette génération préférait ceux qui leurs ressemblaient. Or, les romans policiers de ces auteurs leurs ressemblaient. Sans prétention à un quelconque élitisme.

Les couvertures illustrées de ces romans participèrent à leur succès. Le talent de Michel Gourdon au Fleuve Noir, de Giovanni Benvenutti chez La Chouette, donnaient une identité aux collections, créant une incitation à la lecture. Une sale tête de truand buriné, une jolie pin-up déshabillée, un portrait de mamie détective, une cave insalubre baignée de sang, un cadavre dans un paysage mystérieux, tout cela suggérait déjà le contenu. Quand, fin des années 1970, les photos remplacèrent les illustrations, le public ne s’y retrouva que rarement.

 

POP9Foisonnement d’éditions et de lecteurs, en ces temps où la télévision était encore rare, jusqu’à la décennie 1970. Ce média entrant dans tous les foyers n’explique pas tout. Les habitudes des Français changeaient, que ce soit pour la lecture ou pour divers autres loisirs. Pour la consommation, en général. L’édition populaire perdit le statut légal de publication mensuelle qui était très favorable à la diffusion massive. Elle connut donc un net fléchissement dans les années 1980 et 1990. Puis, outre le prix unique du livre, avec la mise en place effective des actuels systèmes de diffusion, on est enfin revenu à une visibilité incitative pour les lecteurs dès les années 2000.

Toutefois, ne confondons pas les best-sellers actuels avec les romans populaires d’antan. Pour cela, la fréquentation des Festivals et Salons du livre apporte quelques éléments de réflexion. Certes, on a vu la queue sur quinze mètres pour une dédicace de Fred Vargas ou de Maxime Chattam. POP4Mais aussi ces lecteurs ou lectrices approchant de la caisse avec une pile d’une dizaine de livres, dont aucun auteur très connu. C’est la curiosité qui guide le choix de ces lecteurs-là. Dans leurs livres en stock, qu’ils liront réellement, on ne trouverait guère que 10% d’auteurs stars, de best-sellers. La majorité de leurs lectures, ce sont des découvertes qui ne doivent rien au marketing publicitaire. Peut-être vaut-il mieux acheter chaque année vingt livres qu’on lira réellement, plutôt que trois ou quatre best-sellers qu’on survolera à peine, non ? Libre choix, qui s’apparente au lectorat traditionnel des romans populaires dont nous parlons ici. Plaisir et goût de la lecture guident encore une large partie du public. Heureusement !

 

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