Publié chez Baleine, voici le nouveau roman de Jean-Bernard Pouy “Colère du présent”. Une comédie grinçante, militante, souriante…
L’anarchie nous menace, le collectivisme est de retour, la chienlit nous guette. C’est la rébellion, l’insurrection, la révolte. En un mot : le foutoir ! Pas encore dans l’ensemble de la France, heureusement. Néanmoins, dans cette bonne ville d’Arras, chef-lieu du Pas-de-Calais — cher à l’ami Bidasse, ça s’agite sévère. Imaginez que nos braves CRS se sont fait piquer leur matos par des malfaisants, qu’il s’agissait de réprimer dans les règles. Si les contestataires s’organisent en Commune libre, où va notre pays, dites franchement ? Ces perturbateurs ont dressé des barricades au cœur d’Arras, bloquant tout un quartier, empêchant les activités commerciales — ainsi que les polices locales et nationales de passer. Peut-être faut-il revenir à l’origine de tout ce bordel pour mieux comprendre.
Chaque 1er mai à Arras, au centre-ville se tient un Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale. Le genre d’animation qui rassemble tous les fainéants de la soi-disant contre-culture. “Ça va des écolos aux anarchistes, des pacifistes aux trotskistes… Il y a des poètes, des économistes fumeux, des militants antifascistes, des amoureux du bio, des passionnés de la décroissance, des anti-nucléaires, des écrivains maudits, toute cette engeance…” Et encore, on oublie les excités qui sont contre tout, son contraire, et pas d’accord avec eux-mêmes. Eh ben, ces feignasses ont décidé de passer à l’action dès la fin de cette journée du 1er mai. Z’ont tout claquemuré avec tout ce qui leur tombait sous le tractopelle, pour monter leurs murailles de révolutionnaires à la noix. Barricades, et pourquoi pas Mai-68, tant qu’y s’y sont, ces trublions irresponsables ?
Envoyer le général Marc de la Villardeuse pour négocier et résoudre le problème, c’est sûrement pas une idée de génie. Vu qu’il préférerait un week-end sexe avec la jeune et sensuelle Moumou. Et que le lieutenant Cyprien, son assistant, passe son temps à lui préparer sa méthédrine, de la dope qui excite le neurone. C’est pas le colonel Tendron ou le capitaine Muller qui vont l’aider beaucoup, trop adeptes du chacun pour sa gueule. Le ministre peut toujours se pointer en hélico pour garantir l’intégrité de l’État et la régularité des opérations, il ne fait pas le poids face à Amila. Donc, en face, il y a Henry Fonda, Zo, Andros, la rousse en blanc, et quelques centaines d’excités. Plutôt calmes, les insurgés derrière leurs barricades, à vrai dire. Ils sont armés, et ont préparé plusieurs plans d’urgence.
Survolons donc les forces en présence. Des militaires entraînés prêts à donner l’assaut d’ici deux jours, au petit matin. Dirigés par un général allumé qui s’en fout de la hiérarchie et de son ministre, un con pétant. En face, des insurgés pas dirigés mais pas si irresponsables, qui espèrent que Liberté est encore un mot ayant un sens. Qui rêvent d’une Commune libre, une idée pas-neuve-mais-utile qui réveillerait les consciences de leurs concitoyens. Des révoltés pour lesquels la nudité est un symbole d’honnêteté, parfois. Deux conceptions opposées de la société, sans dialogue possible, qui risquent de finir par carnage et martyrs. Et voilà où ça nous mène, la tolérance. À moins que les protagonistes de cette affaire soient moins matamores qu’il n’y parait…
Par nature, l’Utopie ne se réalise jamais. Sauf dans quelques romans qui s’en amusent. Et qui suggèrent que, si des gens assez futés pour imaginer un autre monde se coalisaient, peut-être bien qu’il n’est pas exclu qu’éventuellement… Avec une pasionaria rousse, nue et idéalement galbée, de préférence. Et, en face, un général pas strictement militaire, bien sûr. De la fiction, puisque ça met en scène une solidarité illusoire; non sans admettre que même les insurgés ne s’entendent que rarement. Après tout, il n’est pas encore absolument interdit d’aspirer à ce rêve — non pas égalitaire, mais d’un équilibre juste et humaniste. Jean-Bernard Pouy ne donne pas de leçons, d’objectif insensé. Il joue avec ses fantasmes, qui sont quelquefois les nôtres, exagère, rigole et extrapole, souligne qu’une blanquette bien arrosée adoucit la réflexion. Il nous invite à réfléchir sur la superficialité de nos sociétés qui oublient l’essentiel : vivre, c’est tout ! Merci de nous le rappeler…