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16 décembre 2012 7 16 /12 /décembre /2012 06:33

 

Paru chez Seuil à l’automne, La demeure éternelle de William Gay fait partie des excellents romans de l’année 2012.

Mormon Springs est un vallon rural dans le Tennessee. En cette fin d’été 1943, on y trouve juste quelques maisons. Celle de Mme Winer et de son fils Nathan, dix-sept ans. Voilà dix ans que M.Winer, artisan local, a déserté leur domicile. GAY-2012Selon son épouse, il les a quittés, mais sa disparition a une autre cause. Ces temps-ci, Nathan est employé par M.Weiss, éleveur de volailles qui se flatte souvent d’avoir connu un passé glorieux. Pas loin de chez les Winer, il y a la maison de William Tell Oliver, vieux bonhomme qui finit là paisiblement une vie assez sombre, non sans observer le voisinage. En face de chez lui, c’est la propriété d’Hovington et de son épouse Pearl. En réalité, le véritable maître des lieux est désormais Dallas Hardin. Le pauvre Hovington étant souffrant, Hardin a transformé la maison en tripot, cabaret ou bordel, propice à tous les trafics et autres méfaits. Pearl et sa fille Amber Rose sont, en quelque sorte, à son service.

Dans la contrée, le trop débonnaire shérif Bellwether ne fait guère régner la loi. Si Hardin risque des ennuis, l’adjoint corrompu du shérif ne tarde jamais à l’avertir. On ne le poursuivra pas pour ses ventes illicites d’alcool, ni pour l’incendie dont a été victime la veuve Bledsoe, ni pour le vol d’un cheval appartenant à Blalock. L’époque où les cagoules blanches imposaient une violente justice expéditive est quasi-terminée. Un commando tentera bien d’attaquer la maison d’Hardin, mais ce sera un échec. Le jeune Winer reste ami avec Clifford Hodges, qu’on surnomme Grande-Gueule. Un bon à rien, vivant plutôt de rapines que de travail, traînant sur les routes du coin dans sa bagnole, qui a des ennuis avec sa femme. Au décès de Mme Weiss, son mari abandonne l’élevage de poulets, laissant Nathan Winer sans emploi. Il est préférable que le jeune homme aille cueillir des herbes dans les collines avec M.Oliver, au lieu de fréquenter Grande-Gueule Hodges.

Hardin engage Winer pour construire un nouveau bâtiment, près de la maison. Un chantier bien payé, dont le jeune homme va devoir finalement se charger seul. Un canif ayant appartenu à son père, une ancienne installation à alambic, pourraient lui donner des indices sur la disparition de M.Winer, dix ans plus tôt. Pourtant, c’est certainement M.Olivier qui possède la principale preuve. Sa mère s’étant amourachée d’un soi-disant voyageur de commerce qui les endette, la rupture est inévitable entre Nathan et Mme Winer. Le jeune homme renoue avec son copain Bille-de-pied Chessor, tandis que Hodges continue ses vagabondages incertains, allant jusqu’à agresser son ex-femme. Le jeu de séduction qui s’est amorcé entre Winer et Amber Rose se transforme en relation intime. Maître de la situation et se son entourage, Hardin parait encore l’être. Pour combien de temps ?…

 

Le thème n’est pas neuf, puisqu’il s’agit d’une chronique de l’Amérique profonde, ici dans les années 1940. Pourtant, ce roman s’avère fascinant si l’on ajuste notre lecture à son rythme. Probablement parce que tout n’est pas donné au lecteur. Le contexte et les décors sont clairement esquissés, mais laissent jouer notre imagination. Les dialogues sans tirets ni guillemets obligent à mieux écouter, à suivre de près les échanges. La profondeur des personnages se mérite, car elle se précise en cours de récit. C’est seulement page 120 qu’on nous dit : Hardin vivait dans un monde qu’il manipulait au jour le jour, on ne savait jamais à quel moment un renseignement pourrait se révéler utile. La vie était un puzzle qu’un inconnu avait dispersé d’un coup de pied le jour de sa naissance, et il n’avait pas fini de le reconstituer, une pièce à la fois, la tournant entre ses doigts pour voir où elle s’imbriquait avec le reste.

Bien sûr, on peut y voir une énième parabole du Bien contre le Mal, celui-ci étant incarné par le cynique Hardin. Néanmoins, ceux qui vont l’affronter ne sont pas de doux agneaux. William Tell Oliver est un vieil homme encore plein de ressources, moins blasé qu’il y parait. Le jeune Winer n’est pas si candide, si naïf. Il y a de la rudesse et du bon sens en lui, une capacité de décider ce qu’il est nécessaire de faire ou non. Il a plus de maturité que son ami Hodges qui, lui, exprime toute la dérision d’une vie de médiocre, coutumier des choix perdants.

Nous ne sommes pas dans un roman noir criminel, où la violence serait féroce, spectaculaire, omniprésente. Toutes les nuances de l’histoire, il faut prendre le temps de les savourer, oui. C’est ce qui crée cette ambiance psychologique pleine de justesse, avec des gens ordinaires dans le quotidien de cette année-là (celle où naquit l’auteur). La demeure éternelle fut le premier roman écrit par William Gay, décédé en février 2012. Traduit en France avant celui-ci, son troisième titre (La mort au crépuscule) a été récompensé par le Grand prix de Littérature policière 2010. Aucun doute, William Gay avait l’étoffe d’un grand romancier.

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 06:00

 

Dans la préface de ce recueil de nouvelles, Romain Slocombe résume fort bien l’univers et la démarche d’auteur de Crifo : Chaque nouvel opus de Thierry Crifo fait résonner les voix paumées de la société […] Et toute l’injustice, l’accumulation, le trop-plein, la connerie, la dégueulasserie qui conduisent à cet instantané où le monde bascule, où les verrous sautent, les plombs pètent, les digues cèdent, précipitant l’humain dans le faits divers terrifiant ou sordide, ou tout simplement titre et banal à en chialer […] CRIFO-2012Il possède cette qualité rare de sincérité, de tendresse, d’engagement total aux côtés des protagonistes et toujours se refuse à les juger.

En effet, une vraie sensibilité émane des histoires racontées par Thierry Crifo, dans ces portraits qui dessinent les blessures et les petits bonheurs de ses personnages. Que les dénouement soient sombres ou plus optimistes, les récits sont forts en images véridiques, parfois cruelles, comme en émotions. Pour les lecteurs connaissant encore peu ou mal cet auteur, ce recueil est le bienvenu.

 

Dans Les portes de la liberté, Édith sort de prison après trois ans de détention. Elle redécouvre la normalité, le plaisir d’un repas dans une brasserie et d’une après-midi sensuelle avec le serveur. Le soir, elle prend le train pour Paris. Elle remarque une jeune fille suspecte, qui dérobe bientôt le portefeuille d’un homme âgé. Maryse l’oblige à le rendre. Le vieux monsieur la remercie. A la gare Montparnasse, la jeune voleuse a été arrêtée. On désigne Maryse comme témoin. Elle refuse de dénoncer la fille. Vu sa situation, Maryse risque d’être impliquée... Marguerite, 79 ans, veuve depuis quelques mois, est l‘héroïne de Marguerite et les dimanches. À Saint-Mandé, son appartement est bien ordonné. Restant très active, elle aide volontiers le voisinage. Elle a de vieilles copines, fréquente la Maison de Quartier, participe à des activités théâtrales. Pour Marguerite, le dimanche est sacré. Ce jour lui rappelle tant de souvenirs liés à son défunt mari, Ernest. Et puis, il y a la coiffeuse et le marché. Ce dimanche-là, elle ne se réveille pas dans son état normal…

Dans Les pauvres ne se lavent jamais le lundi, retour sur l’histoire de Jeanne qui, gamine, trouva son prince charmant aux abords d’un Bains-Douches. Paris la pute nous présente Ginette, âgée de soixante-cinq ans. Elle se prostitue dans une Mercedes de location, du côté de la Madeleine. Le client se fait rare pour les putes défraîchies, mais il y a des miracles. Et puis, quand arrive le matin, Ginette reprend sa vie ordinaire de la journée. Autres ambiances pour Bella Ciao, coco et Destins dans la nuit, mais toujours des protagonistes attachants.

Toutefois, le héros le plus insolite est probablement celui de La vengeance du maso. Les clubs de nuit permettent tous les fantasmes. On y côtoie des couples libertins ou carrément plus pervers, oubliant ainsi la banalité de leur quotidien en jouant les oiseaux nocturnes. Si Jeanne accompagne Max, ami pas amant, c’est juste pour tromper le manque de passion dans sa vie. Si un vieux masochiste octogénaire se livre sur la scène d’un club, c’est pour son seul plaisir. Ceux qui ne comprennent pas ça, qui portent sur lui un regard humiliant, risquent d’être victimes de son ultime vengeance. À moins qu’une rencontre ne change tout…

Très belle initiative de réunir ces sept nouvelles, dont deux inédites et d’autres publiées ça et là, parfois réécrites pour ce recueil. Des textes sombres, éclairés non pas par les néons de la nuits, mais par une écriture de grande qualité.

"Rue du Départ" a aussi publié "Pile & Face" de Dominique Delahaye; et "Ton visage" de Pascal Millet. On se renseigne ici, sur leur site.

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 05:48

 

Ce n’est pas en Sicile qu’Andrea Camilleri situe l’intrigue de Intermittence, mais dans l’Italie actuelle. Un suspense disponible désormais en poche, chez Points.

CAMILLERI-2012PointsMalgré la crise économique, le groupe Manuelli reste une des puissantes sociétés italiennes. Âgé de soixante-quinze ans, même s’il a encore un certain prestige, son fondateur ne la dirige plus. Le vieux Manuelli a réservé un poste supérieur plutôt fictif à son fils quadragénaire Beppo au sein de l’entreprise. Les vrais directeurs généraux sont Mauro de Blasi, et son adjoint Guido Marsili. Le projet qu’ils mènent à bien actuellement, c’est le rachat de la société Artenia. Son président, Birolli, a commis trop d’erreurs pour continuer. Cela va entraîner une sévère casse sociale, une multitude de licenciements. En présentant positivement les dégâts, Mauro et Guido sont sûrs qu’il n’y aura pas trop de contestation. D’autant qu’on peut compter sur le soutien politique d’un député sous-ministre, qui dira ne voir dans ce rachat que des avantages pour l’emploi. Birolli va toucher le pactole pour ses actions, ce qui l’aide à taire ses scrupules.

La vie privée des deux directeurs n’est pas exactement sereine. Marisa de Blasi est une jolie femme, assez instable quant à ses amours. Elle a quitté le policier Formiggi pour épouser Mauro, il y a quelques années. Si Marisa a connu depuis des amants de passage, elle se croit maintenant éprise de Guido Marsili. Celui-ci l’a charmé grâce à la poésie, qu’il aime à lui susurrer tendrement, au point que Marisa songe à quitter Mauro. Cette perspective n’enchante guère Guido, qui tient plus à son poste qu’à cette amourette. Alors qu’ils doivent passer le week-end au chalet de Guido, il la largue en pleine montagne après l’avoir maltraitée.

Mauro a des soupçons sur la fidélité de sa femme. Aussi a-t-il demandé à son chef de la sécurité d’enquêter discrètement. Ce dernier piste la jeune femme, sans définir réellement qui est l’amant. Guido se montre prudent, plus proche que jamais de Mauro de Blasi, lui préparant son discours pour un congrès à venir. Toutefois, Mauro n’est pas irréprochable. C’est que la belle et intelligente Licia Birolli est fort attirante. Âgée de vingt-cinq ans, employée par un autre patron de grosse société, la blonde petite-fille du président de la société Artenia l’a invité à ce congrès de décideurs économiques. Il espère que, malgré ses légers soucis de santé, ce sera une occasion pour devenir intimes. Beppo Manuelli a des soupçons concernant la régularité du rachat de la société de Birolli, tandis que Marisa de Blasi cultive sa rancune contre son amant et son mari…

 

On peut dénoncer brutalement le monde des affaires, les dirigeants décomplexés des grandes entreprises agissant avec le plus arrogant cynisme. Andrea Camilleri préfère illustrer leur état d’esprit en finesse. Pendant la crise économique, les malversations entre combinards de haut niveau continuent. Le pire étant que, en parallèle, ces gens tiennent des discours publics moralisateurs. Sur le thème Responsabilité sociale et éthique de l’entreprise, ils se déclarent vertueux et irréprochables, participant activement au sauvetage des sociétés en péril, se souciant du personnel. Pendant ce temps, des sommes énormes transitent entre eux, illégalement et en secret.

La force de Camilleri consiste y à associer leur vie privée, afin de présenter une vraie intrigue à suspense. Car leurs comportements ne sont pas plus propres que dans leurs professions. Et les femmes gravitant dans ces milieux, ici une séductrice et une jeune femme intelligente, ne sont pas plus morales que ces hommes d’affaires. C’est une jungle où elles doivent se montrer sans pitié, comme les mâles, se sachant meilleures comédiennes qu’eux. Les péripéties ne diluent pas le propos de l’auteur, bien au contraire. C’est une façon de montrer que cet univers est foncièrement pourri. La secrétaire de direction en fait l'amère expérience. Intermittence est un roman qui vise juste, tout en nous offrant une passionnante histoire.

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 06:28

BEST3 

Mission impossible que celle consistant à définir quels seraient les douze romans majeurs de l’année, parmi ceux que l’on a lus ? L’exercice n’est pas facile, mais pas insurmontable non plus. Il se publie quantité de bons polars, très agréables à découvrir. Toutefois, il s’agit de sélectionner ceux possédant ce degré supérieur, qui fait la différence. Choix subjectif, diront certains fâcheux. Pas tant que ça.

 

 À bien observer la liste des romans retenus au final, ils ont plusieurs points communs. Le plus évident, c’est l’écriture. Aucun d’entre eux ne se contente de raconter une histoire. Ces douze auteurs soignent leur style, offrant une force supplémentaire à leurs récits. Des descriptions précises et nuancées, des portraits peaufinés et crédibles, ça ne n’improvise pas. Il est indispensable d’écrire avec maîtrise. Par exemple, comment se croire dans la capitale du Gabon (J.Otsiemi), ou dans le Delta du Niger (A.Molas), si les auteurs ne partagent pas un peu plus que le narratif ? BEST6La monstruosité des héros de J.Incardona et de H.Jaouen, qui semblent pourtant socialement insérés, devient évidente grâce à l’habileté avec laquelle ils sont dessinés. Quant au délirantes mésaventures du héros de Pierre Hanot, on n’y adhèrerait probablement pas sans son écriture inspirée.

 

Complémentaire, le deuxième atout est la construction des intrigues. Aucun de ces romans n’est linéaire car, là encore, ces écrivains ont structuré à merveille leur présentation des faits. Bel exemple, avec l’histoire qu’à reconstituée Ryan David Jahn, se déroulant sur seulement quelques heures. C’est aussi particulièrement le cas de Nicolas Bouchard, dont le parcours infernal du héros est disséqué dans ses moindres détails. Romans écrits et construits, voilà ce qui assure la belle solidité de ces douze titres.

 

On s’aperçoit qu’il existe un point commun supplémentaire. Les contextes de ces intrigues sont, à divers degrés, d’une violence réaliste. C’est fatalement le cas chez les marginaux campés par Hervé Sard. La dureté n’est pas uniquement dans le crime, elle se trouve dans la vie de ces personnages. BEST9Car l’omniprésence du démon décrit par Ken Bruen, ou ce que découvre l’adolescente mise en scène par Megan Abbott, c’est autant de la violence psychologique que l’univers de Donald Ray Pollock ou celui de Ron Rash. Pourtant, cette dureté évoquée avec puissance n’est pas effrayante. Tandis que les personnages négatifs s’enfoncent, les héros positifs puisent en eux-mêmes pour faire face. L’ex-prof et le jeune campagnard de Ron Rash le démontrent. Lueurs d’espoir et d’humanité.

 

À juste titre, on pourra objecter qu’il y a bien peu de purs polars ou de stricts romans noirs dans ma sélection. Peut-être parce que les étiquettes en question n’ont plus véritablement de sens. Récompensé par le Grand prix de Littérature policière cette année, le chef d’œuvre de Donald Ray Pollock ne figure pas dans une collection dédiée au polar. Est-ce si important, puisque ces titres s’adressent quand même au public concerné ?

 

Voici ma liste alphabétique des titres à retenir pour l'année 2012 :

BEST10Megan Abbott : La fin de l’innocence (Éd.J.C.Lattès)

Nicolas Bouchard : Ceux qui règnent dans l’ombre (Éd.Lokomodo-Asgard)

Ken Bruen : Le Démon (Ed.Fayard)

Pierre Hanot : Tout du tatou (Éd.La Branche)

Joseph Incardona : Trash Circus (Éd.Parigramme)

Ryan David Jahn : De bons voisins (Actes Noirs)

Hervé Jaouen : Dans l’œil du schizo (Presses de la Cité)

Aurélien Molas : Les fantômes du Delta (Albin Michel)

Janis Otsiemi : Le chasseur de lucioles (Éd.Jigal)

Donald Ray Pollock : Le diable, tout le temps (Albin Michel)

Ron Rash : Le monde à l’endroit (Ed.Seuil)

Hervé Sard : Le crépuscule des gueux (Krakoen)

Cliquez sur les titres pour lire mes chroniques à leur sujet.

 

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 06:37

 

Après Les six naïades de Laurent Corre, les Éditions du Caïman nous proposent un nouveau titre en cette fin 2012, La morte des tourbières de Jean-Louis Nogaro.

NOGARO-2012Ludovic Mermoz est étudiant en journalisme. Il vient d’hériter d’une tante dont il ignorait l’existence, Viviane Sallarue. Celle-ci habitait un village à une vingtaine de kilomètres de Saint-Étienne, dans les Monts du Pilat. Ludovic quitte son Alsace pour découvrir ce coin du Massif Central. Curieuse commune disposant d’un grand gymnase, et dont les noms de rues font très soviétiques. Au hameau Les Gueyes, la maison de Viviane Sallarue fait face à la ferme de l’antipathique Claude Bonnet. Autoritaire avec sa femme Lise, le paysan hargneux préfèrerait racheter la maison plutôt que d’avoir un voisin. Ludovic consulte le médecin de sa tante, ainsi que la gendarmerie, mais le décès par noyade de Mme Sallarue n’apparaît pas suspect. Pourtant, on peut se demander ce qu’elle faisait sur une tourbière en pleine nuit.

Ludovic réalise que le gymnase est dédié aux deux sports pratiqués ici, basket et majorettes. Les deux clubs ont même atteint un haut niveau. C’est la tante de Ludovic qui dirigeait avec fermeté l’équipe de majorette, aujourd’hui entraînée par Lola Campagnole. Une certaine rivalité existe entre les clubs, pour des raisons financières. Installé en France de longue date, l’entraîneur roumain des équipes de basket ne semble pas avoir été tellement hostile envers Viviane Sallarue. Mais des rumeurs affirmaient qu’elle attirait l’argent des sponsors en prostituant ses majorettes. Il est vrai que les conversations malintentionnées vont bon train au bistrot de Marthe. Claude Bonnet monte un commando visant à décourager son jeune voisin de rester dans les parages. Ce sera un fiasco pour les paysans.

Ludovic a sympathisé avec un marginal, surnommé Le Djerbien. Vivant dans son camping-car, il s’écarte par choix de la société actuelle. La chef des majorettes, Lola Campagnole, va bientôt compléter ce trio amical. De son côté, l’effacée Lise Bonnet va mener son propre jeu, maintenant que son mari est mal en point après l’opération commando. Le premier vrai voyage de Lise va la mener jusque dans l’Ain. Bien qu’ayant pris quelques précautions, c’est peut-être un rendez-vous risqué auquel elle se rend. Ludovic se renseigne sur l’historique des majorettes, sur la famille de l’entraîneur du club de basket, et sur Lucille Kerouec. Internée en psychiatrie depuis plusieurs années, celle-ci fut une majorette de haut niveau. Les secrets de ce village et de sa tante sont certainement fort dangereux à dévoiler…

 

C’est un roman d’énigme très réussi qu’a concocté Jean-Louis Nogaro, qui a déjà plusieurs suspenses à son actif. Un village et ses mystères, un contexte qui a fait ses preuves dans une multitude de polars, bien entendu. Il s’agit donc de créer une ambiance, d’apporter des spécificités à l’intrigue. Ce que l’auteur ne manque pas de faire ici, dans une histoire riche en nuances. On s’interroge sur le rôle de Lise Bonnet, on sourit de la bêtise de son mari, on adhère au petit groupe d’amis qui se forme, on observe ce petit monde avec bien des questions en tête. Qu’on ne s’étonne pas qu’une petite bourgade comme celle évoquée possède des clubs sportifs titrés. C’est le cas de nombreuses communes dans diverses régions. Voilà un polar dans la meilleure tradition, qui ne décevra assurément pas les lecteurs.

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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 06:04

 

Cette fois, la France est plongée dans le chaos, définitivement contaminée.Divers virus foudroyants et épidémies larvées avaient fait place nette, semant panique et désolation, exode et repli. À force de prendre la population pour des cobayes de l’industrie agroalimentaire, il fallait s’y attendre. À cause des nourritures viciées engraissant les animaux et autres engrais, l’Humain est touché. POUY-2012-BlondesOn assiste même à la métamorphose des gros porcs. À l’état sauvage, juste revanche peut-être, ce sont maintenant des prédateurs pour l’homme. Au début, cette désorganisation générale a profité aux partisans de la décroissance. Des groupes de résistants se voyaient déjà autonomes. Surtout dans certaines contrées du Centre-Ouest de la Bretagne, le Kreiz Breizh. Dans ces territoires desservis par l’isolement, beaucoup ont la révolte prompte, la rébellion n’ayant guère besoin de prétexte. Alors là, vu le bordel ambiant, ils se sont lancés. Non sans subir des représailles, il est vrai.

Suivant son frère Daniel et quelques amis, dont la belle Bérénice, Ariel fit partie de ces activistes. La fin d’un monde, c’est de début d’autre chose. Y compris pour les partisans de l’ordre, de l’agriculture intensive, du fric à protéger. L’Agrocorp, tel est le nom de la milice qui traque depuis des mois les combattants de l’utopie. Éviter leurs convois armés, c’est facile. Affronter les opérations de contrôle dans les campagnes, il faut alors ruser. Sachant que, progressivement, les résistants ont été trahis par leurs amis. Depuis, l’épuration était en marche. Comme au bon vieux temps. Marcher, de Guingamp à Douarnenez, c’est ce que fait Ariel. Il n’est pas seul pour ce parcours pédestre. S’inspirant de La vache et le prisonnier, au risque d’être surnommé Fernandel, Ariel est accompagné d’une blonde d’Aquitaine nommée Louise. S’il joue au brave benêt quand il croise des miliciens, il a des chances de rejoindre son frère entre Locronan et Douarnenez.

En chemin, Ariel a quelques comptes à régler, quelques soupçons à vérifier. Le cas de Gwen a été vite résolu, dans une gare désaffectée où il zonait. Celui d’Yves est plus complexe, car il ne sert plus à rien d’épargner désormais certains de leurs amis traîtres. Maintenant, alors qu’une normalité relative risque de revenir, il lui faut absolument retrouver Daniel, qui saura comment rebondir…

Il est inutile de vanter l’inspiration débridée de Jean-Bernard Pouy. Profonde, chacun peut interpréter le titre de cette longue nouvelle, s’appliquant à une vache comme à ce coin de la Bretagne profonde. Quant à ce futur presque apocalyptique, né de nos résignations, l’anarchie n’y a duré qu’un temps. Rien n’est encore remis en place, mais le retour à la normalité s’amorce. On navigue ici entre humour et amertume, espoirs déçus et fatales lâchetés. Une nouvelle n’est jamais anodine ou banale, quand elle est l’œuvre de J.B.Pouy.

Publié dans le cadre du Festival polar de Lamballe La fureur du Noir, ce recueil coordonné par F.Prilleux et D.Flageul est publié aux éditions Terre de Brume, donc aisément disponible partout. On y présente trois autres nouvelles. Terminus Atlantique de Dominique Chappey a pour décor un port industriel, ses docks et ses conteneurs. On suit un trio de guignols chapardeurs, de bras cassés qui se croient assez malins pour dévaliser les conteneurs. Attention, Blonde n’est pourtant pas n’importe qui. Dans Suicide blonde d’Anne-Céline Dartevel, c’est de Californie jusqu’à Tijuana que nous participons à la fuite effrénée, désespérée, du personnage central. Dans la région marseillaise, Banco! d’Olivier Roux nous invite à approcher une très dangereuse blonde, impitoyable quand il s’agit de jeux, de joueurs.

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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 06:00

 

À Londres, en décembre 1865. Lucien Wentworth est un fils de famille oisif âgé d’une trentaine d’années. Depuis qu’il s’est mis à fréquenter les plus sordides et décadents milieux du West End, il s’y complait au point de rompre tout contact avec son père. PERRY-2012-NoelCe dernier demande à son vieil ami Henry Rathbone de retrouver Lucien. Rathbone pourrait demander conseil à Hester Monk, épouse du détective William Monk, infirmière dirigeant la clinique qu’elle a créée. Rathbone rencontre le comptable de l’établissement, Squeaky Robinson. C’est un ancien délinquant, sûrement plus aguerri que le digne Rathbone pour enquêter dans le West End. Il va demander à son ami Crow de l’assister. Crow est un médecin clandestin, qui exerce du côté du port de Londres. Le duo débute bientôt ses investigations.

Les tavernes et salles de spectacles du côte de Haymarket sont sinistres et mal famées. Se renseigner dans de tels lieux sans trop attirer l’attention n’est pas si facile. Néanmoins, Lucien Wenthworth n’y est pas totalement inconnu. On raconte qu’il est tombé sous le charme fascinant d’une certaine Sadie. Plus que l’alcool ou les drogues, c’est cette femme qui retient Lucien dans ce monde de luxure. Sadie aurait un autre amant, Niccolo, probablement un rival violent pour Lucien. Crow et Squeaky s’enfoncent plus loin dans les endroits glauques du West End, sans en apprendre davantage. Le plus sage serait d’abandonner, ainsi qu’ils le conseillent à Henry Rathbone. Leur commanditaire ne peut s’y résoudre. Aussi le trio fait-il une nouvelle tentative pour récupérer Lucien dans ces sombres quartiers.

C’est ainsi qu’ils rencontrent la jeune Bessie, une prostituée mineure. Elle les guide au cœur de lieux de plus en plus crasseux. On leur parle d’un nommé Shadwell, inquiétant Homme de l’Ombre. Les confidences d’un certain Lionel Ash conduisent le trio dans un tunnel ensanglanté. Un meurtre y a été commis récemment. Qui en a été victime, Lucien ou plus certainement Sadie ? Dans les sous-sols sordides et répugnants de la ville, le trio et Bessie côtoient une faune entre dépendance et désespoir. Shadwell y inspire la peur, semble-t-il. Lucien est retrouvé, blessé d’un coup de poignard, et soigné par Crow. S’il n’est pas un assassin, qui est la victime et qui est le meurtrier ? Lionel Ash apparaît trop affaibli pour commettre un acte de violence. Reste à explorer encore plus profondément les entrailles de Londres, pour enfin affronter le coupable…

 

Les courts romans inédits d’Anne Perry dans la série Petits crimes de Noël ne sont pas de simples contes gentillets, mais de bonnes intrigues à suspense. Avec L’odyssée de Noël”, elle nous entraîne dans un univers souterrain qui cachait les plus sales perversions de l’époque victorienne. Loin du raffinement aristocratique, c’est au niveau des égouts qu’on trouve les opiomanes et les amateurs de plaisirs interdits. Jack l’Éventreur ne fera parler de lui que vingt-trois ans plus tard. Mais on est déjà dans des situations analogues, puisque comme Lucien il faisait partie de la bonne société. Saisissantes descriptions de l’aspect infernal de Londres au dix-neuvième siècle, où les flammes de l’enfer ne sont pas oubliées. Bien que fort disparates, les quatre enquêteurs ne manquent ni d’obstination, ni de courage, pour aller au bout de leur mission. Un roman policier historique très agréable.

 

PERRY-4contesUne édition des quatre premiers contes de cette série est désormais disponible. Ce livre de plus de cinq cent pages regroupe La disparue de Noël”, “Le voyageur de Noël”, “Le détective de Noël”, et “Le secret de Noël”. Petit survol de l’intrigue concernant ce dernier titre : Mi-décembre 1890. Le pasteur Dominic Corde et sa seconde épouse Clarice arrivent à Cottisham, un village au cœur de la campagne anglaise. Pendant trois semaines, Dominic va remplacer le révérend Wynter, déjà parti en vacances. Fidèle au pasteur habituel, Mrs Wellbeloved soccupera peu deux en cette période de fêtes. Le jeune châtelain local leur rend une amicale visite. Ils croisent aussi Mrs Paget ou Mrs Towers, dame âgée et seule. Dominic rencontre Mr Boscombe, qui fut lassistant du révérend Wynter, et son épouse. Fort bien accueilli, il sent que ces gens ont des soucis dargent. Tandis que Dominic pense à son futur sermon de Noël, Clarice remarque que le pasteur a oublié sa Bible personnelle. Personne ne sait où séjourne Wynter, pour la lui adresser. Il a aussi laissé sur place son matériel à dessin et des vêtements dhiver. Bientôt, Clarice découvre au fond de la cave le cadavre du révérend. Le médecin affirme que Wynter a été victime dune crise cardiaque. Pourtant, des traces indiquent que le corps a été traîné dans la cave. Dominic admet quil peut sagir dun meurtre. Pasteur à Cottisham depuis longtemps, Wynter connaissait sûrement beaucoup de secrets tus par les habitants.

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 05:57

 

Aux Éditions Télémaque, Le sang des maudits de Leighton Gage nous invite à suivre la première enquête d’un policier dans le Brésil de notre époque.

Mario Silva est originaire de São Paulo. Avocat de formation, il s’est engagé dans la police fédérale brésilienne il y a trente ans. Son choix s’explique par l’agression mortelle dont furent victimes ses parents. GAGE-2012Pour retrouver le malfaiteur tatoué qui se faisait appeler Cobra, il lui aura fallu sept années. La précieuse montre de son père fut le fil conducteur de son enquête parallèle. Face au coupable, la justice de Mario Silva fut immédiate. Plus tard, ce fut le mari de sa sœur qu’on tua dans des circonstances analogues à la mort de ses parents. Cette fois, Mario Silva ne tarda à découvrir le criminel. Devenu adulte, son neveu Hector Costa, le fils de sa sœur, intégra lui aussi la police fédérale. Âgé maintenant d’une trentaine d’années, Hector est delegado, adjoint de son oncle inspecteur principal.

Cascatas do Pontal est une ville de 250.000 habitants à l’ouest de l’État de São Paulo. C’est dans un hélico affrété par une grosse société de fertilisants agricoles, que l’évêque Dom Felipe y débarque pour inaugurer une nouvelle église. Le prélat est abattu par un tireur d’élite, dont la police du colonel Ferraz retrouve bientôt l’arme supposée. Le meurtre d’un ecclésiastique est une affaire d’état, qui exige que Mario Silva se rende sur les lieux. Il y est précédé par Hector, qui rencontre l’arrogant chef de la police locale. Le colonel Ferraz accuse implicitement les activistes du Mouvement des Sans-Terre. Ils auraient ainsi vengé le meurtre de leur leader local, Azevedo, et de sa famille. Ici, les propriétaires terriens restent hostiles aux lois de réquisition qui bénéficieraient aux paysans pauvres.

Curé de la nouvelle église, le père Gaspar était un ami du défunt évêque, comme lui proche des propriétaires. Selon le curé, des prêtres partisans de la Théologie de la Révolution sévissent aux côtés du Mouvement des Sans-Terre. Mario Silva et Hector s’informent auprès d’une journaliste indépendante, Diana Poli. Elle se montre assez coopérative, ce qui n’est probablement pas sans danger pour elle. Luiz Pillar, chef national des Sans-Terre, croit en leur victoire finale. Des activistes du Mouvement ont enlevé et tué Orlando Muniz Junior. Ce qu’ils revendiquent, accusant leur victime d’avoir été l’assassin d’Azevedo et des siens. Orlando Muniz Senior, n’est autre que le président de l’Association des Propriétaires Terriens. Entouré de ses mercenaires capangas, il compte se venger. Plusieurs autres meurtres vont émailler l’enquête du policier de São Paulo et de son neveu…

 

Cette première enquête de Mario Silva traduite en français est, ce que l’on peut appeler, une excellente surprise. On est bien loin des clichés exotiques du Brésil, et c’est tant mieux. L’action se déroule aujourd’hui dans ce pays, ne masquant pas sa réalité sociopolitique. Depuis la prise de fonction du président Lula en janvier 2003, certaines réformes ont été appliquées. Mais l’influence de l’Église catholique, des puissants propriétaires terriens, et des multinationales, reste très importante. C’est une véritable guerre permanente qui oppose les paysans sans terres et les propriétaires. Pourtant, l’État rachetant les terres inutilisées, il n’y a pas de spoliation. Il est probable que la hiérarchie de l’Église catholique prenne le parti des plus riches, comme toujours, ainsi que le suggère l’auteur.

Quant à la corruption et aux abus de pouvoir, même la démocratie ne peut guère y mettre fin. Leighton Gage souligne également que le Brésil est un pays où règne une sorte de violence naturelle, sans doute impossible à éradiquer. Violence qui, il faut l’avouer, sert parfaitement l’ambiance de cette intrigue. Enquête policière, certes, mais le contexte se rapproche nettement du roman noir. D’ailleurs, Mario Silva n’apparaît pas forcément opposé aux règlements de comptes radicaux. Voilà un suspense passionnant, dont le climat d’une belle intensité est vraiment remarquable. On espère que d’autres titres de cette série seront traduits en français.

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