Pour les retardataires n'ayant pas encore goûté aux aventures de Mémé Cornemuse, une formation accélérée permettra de situer le personnage : “Plus que le pognon dont elle n'avait jamais été l'esclave, Cornemuse aimait foutre la pagaille. S'éclater était son but principal et l'avait toujours été. Au cours de sa vie tumultueuse, elle avait navigué entre la pauvreté et la richesse, prouvant que "bien mal acquis profite souvent". Mais elle était capable de tout plaquer pour rester libre. "Ni Dieu, ni maître", comme Carmen Cru. Et pas de morale, non plus. Enfin, elle avait la sienne. Une sorte de logique à l'envers. Un peu pareil à un vieux réveil qui continue à faire tic-tac mais qui ne donne jamais l'heure exacte...” Vous voyez la farfelue, vous situez l'excentrique, vous cernez l'extravagante ?
Mémé Cornemuse, c'est comme le phœnix capable de renaître de ses cendres. Fabuleux drôle d'oiseau qui a fini en captivité, internée chez les dingos, quand même. Comme une pause, avant de rebondir sur le trampoline de son imagination. L'intrépide Mémé a d'abord mis le grappin sur Gilberto Van Pinderlok, un vieux qui avait l'air riche à millions, avant de s'échapper ensemble de la cage aux chtarbés. Direction Saint-Amand-sur-Fion, charmant village du département de la Marne. Voilà où se trouvait le château féerique de son pigeon du moment, Gilberto. Pas la première fois qu'elle doit déchanter, Mémé Cornemuse. C'est de la bâtisse déclassée, du prestigieux vermoulu, le soi-disant palais de son prince décati. Bah, s'il lui reste encore quelques tableaux de maîtres à fourguer, on doit pouvoir refaire la toiture et rénover tant bien que mal le manoir.
Tant pis si Jules Pignet, le maire, avait eu d'autres projets. Qu'il s'occupe de sa femme Ramona et de son fils Kéké, celui-là. Mémé Cornemuse, c'est l'Attila du progrès villageois. On fait comme elle dit, et on s'écarte de son chemin. Le “jeune couple” s'est offert un voyage de noces, entre-temps à Étretat ─ jolie allitération, non? On voit mal Mémé qui s'encombrerait longtemps d'un conjoint, une fois pompé l'essentiel de sa fortune. Petite photo en bord de falaise, et la voici accidentellement veuve. Elle aurait juste dû prendre le temps de vérifier l'état du cadavre de Gilberto, mais Mémé Cornemuse est une fonceuse qui ne jette jamais un œil dans le rétro. Retour sous le doux climat de Saint-Amand-sur-Fion. S'agirait maintenant que son parc d'attraction, The Kingdom of Bimbo Land, lui fasse gagner un peu de fric.
Mémé ne tarde pas à trouver une famille fortunée à racketter, les Duprez de la Tour. Vrai-faux kidnapping de leur gamin, Yanus, le temps d'une virée explosive ensemble chez Euro Disney. Après cette parenthèse hallucinée, Mémé rend le môme à ses parents, fait accuser le maire, et voit le curé local s'envoler avec la rançon. Tout est en ordre, donc. Et si on transformait le domaine en imitation de Lourdes, avec sa grotte miraculeuse et tout le bizness que ça entraîne ? C'est bien pour la notoriété de l'endroit, mais rien ne vaut un bon vieux lupanar pour attirer la clientèle. Déjà, Mémé Cornemuse a d'autres idées qui fusent dans son esprit obsédé par Jean-Claude Van Damme. Et voilà un chirurgien esthétique se nommant Mickey Spillane, comme l'écrivain de polar, et Jackie Stallone en guise de marraine. Y a que la mort qui pourrait un jour arrêter cette Mémé Cornemuse…
Avec leurs péripéties foisonnantes et des brochettes de personnages originaux, les romans de Nadine Monfils appartiennent à la catégorie du polar. Néanmoins, on est loin du petit suspense balisé, ou même de l'intrigue noire sur fond social. C'est un univers perso que développe depuis une vingtaine d'années cette romancière. Ses héros s'exposent aux situations les plus insensées, ne sont excités que par l'excès, ne sont jamais loin d'une démence capable d'atteindre des sommets.
Depuis qu'elle a créé le personnage de Mémé Cornemuse (Les vacances d'un serial killer, La petite fêlée aux allumettes, La vieille qui voulait tuer le Bon Dieu, Mémé goes to Hollywood), Nadine Monfils s'en donne à cœur-joie. La vie est trop courte pour les “prises de tête” permanentes, pour ne pas goûter les plaisirs qui s'offrent à nous. L'auteure nous invite a une philosophie Carpe Diem, la plus rigolote possible. Amusons-nous une fois de plus avec cette fort sympathique comédie.
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