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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 06:39

 

Après avoir raté les premiers romans des auteurs suédois Roslund & Hellström (La bête, Box 21, L’honneur d’Edward Finnigan), il était temps d’explorer leur univers. Avec La fille des souterrains (Presses de la Cité), leur quatrième titre…

ROSLUND-HELLSTROMUn vieux car rouge s’arrête en plein centre de Stockholm. Les jeunes passagers drogués sont débarqués sans ménagements. Quarante-trois enfants habillés de tenues bleues et jaunes sont laissés seuls dans le froid. Portant son bébé dans les bras, Nadja est la plus âgée, quinze ans. Les autres mômes et elle sont bientôt mis à l’abri au commissariat de Kronoberg. Le policier presque sexagénaire Ewert Grens et son adjoint Sven Sundkvist laissent rapidement leur collègue Mariana se charger de ces enfants étrangers. Ayant elle-même des origines roumaines, la jeune policière Mariana Hermansson comprend qu’il s’agit d’enfants des rues. Elle établit le contact non sans mal avec Nadja. Bien qu’on les nourrisse et qu’on les lave, cette troupe de gosse continue à craindre les uniformes qui les entourent.

Tandis que s’aggrave le cas médical de son épouse, Ewert Grens va enquêter sur le meurtre d’une quadragénaire. Le cadavre de cette femme a été retrouvé dans les sous-sols de l’hôpital Sankt Göran. Elle est morte poignardée par une série de coups mortels. S’il lui manque des chairs, c’est qu’elle a été attaquée par des rats depuis son décès. Une odeur de feu de bois sur le corps, et des traces menant vers les tunnels de la ville, confirment qu’elle a séjourné dans les souterrains. Les réseaux sont si vastes, que même un chien dressé ne trouvera que peu d’indices. Grâce au badge de la quadragénaire, on découvrira son identité : Liz Pedersen. Si Sven se souvient vaguement d’elle, c’est qu’elle s’était adressée à la police. Deux ans et demi plus tôt, sa fille Jannike avait disparu à l’âge de quatorze ans.

Difficile de chiffrer les quelques centaines de personnes vivant à dix-sept mètres sous le sol de la capitale suédoise. Voilà longtemps que, après un traitement en psychiatrie, Léo s’y est installé. Des petits larcins lui permettent de trouver le nécessaire pour lui et sa jeune compagne. Celle-ci ne sort qu’une fois par semaine, pour se procurer des médicaments. Le vieux Miller reste davantage proche de l’extérieur, rencontrant la diaconesse Sylvi, ancienne fille des rues. Ewert Grens, à la lecture du dossier, est convaincu que Jannike Pedersen est toujours vivante. Un agent d’Interpol confirme à Mariana plusieurs autres cas similaires d’enfants roumains abandonnés en Europe, pour un total de 194 gosses. Le trafic d’êtres humains engraisse parfois des organismes basés dans des paradis fiscaux, tandis que des bénévoles font ce qu’ils peuvent. À l’église Sankta Clara, le bedeau remarque une fille paumée, avant d’alerter la diaconesse Sylvi…

 

La Suède donne l’image d’un pays harmonieux capable de résoudre ses problèmes sociaux, quels qu’ils soient. L’état traite officiellement peu les questions des sans-logis, des jeunes en fugue, ou de la prostitution de rue. Hypocrisie, selon le duo d’auteurs, car leur pays est aussi désarmé que les autres face à tout cela. Sans doute l’état suédois n’a-t-il pas davantage de réponse quant à l’immigration, dans de si déplorables conditions, de mineurs éloignés de leur pays. Sur ce point, il est vrai que la Roumanie est loin de se montrer exemplaire. Tel est le contexte miséreux qu’on nous décrit dans cette noire histoire, d’un réalisme frappant.

Que ce soit dans les tunnels sous Stockholm ou dans la froidure de cette ville, on n’a pas de difficulté à visualiser ces sombres situations. L’empathie est flagrante, car le lecteur a le sentiment que personne n’a de véritable remède, qu’on n’en aurait pas non plus. Reste l’illusoire issue d’un nettoyage, provisoire. Quant à l’enquête sur le meurtre de la quadragénaire Liz, elle avance avec ses hypothèses et ses indices. En filigrane, l’état végétatif de l’épouse du policier Grens obscurcit sa réflexion. Plein de bonne volonté, son adjoint Sven essaie de progresser vers la vérité. Un roman passionnant, noir à souhaits, qui nous entraîne dans les secrètes profondeurs de la société suédoise et de notre monde actuel.

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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 05:12

 

Thierry Marignac est un type que je respecte. Y a intérêt, on dit qu’il a le coup de poing vigoureux, entraîné. Un mot de travers, il me claquerait la gueule et me mettrait KO illico. Faut pas rigoler avec les brutes de son espèce. Ou plutôt si, justement. Cette image de cogneur qu’il cultive n’est probablement pas fausse. Mais Marignac ne frappe pas pour gagner un quelconque combat. Il ne vise aucun titre de champion. Tout est trop éphémère pour espérer une gloire éternelle.

Par contre, pourquoi ne pas laisser une trace qui ne disparaîtra pas trop vite ? Traduire de l’américain ou du russe. Écrire des nouvelles, pour des publications disparates. MARIGNAC-2012Être l’auteur de plusieurs romans noirs persos (polars faisant réagir peut-être négativement ceux qui ne peuvent le situer, il en éprouvera d’autant plus de satisfaction). Tenter des anthologies d’artistes underground, alors que même celles consacrées à des auteurs reconnus restent dans l’obscurité. Des chemins escarpés et sinueux, éloignés des boulevards de l’édition. C’est là qu’il faut posséder un esprit de cogneur pour avancer, pour défendre ses choix.

La nouvelle initiative de Thierry Marignac correspond à ce caractère hors norme. Dans la collection L’Écarlate (Éd.L’Harmattan), il publie Des chansons pour les sirènes. Il s’agit d’une anthologie dédiée à trois poètes russes majeurs, auteurs qui représentent chacun une époque différente du 20e siècle.

 

Né en 1895, Sergueï Essenine s’est suicidé le 26 décembre 1925. Si ses textes étaient douloureux, ce ne fut pourtant pas un poète maudit, au sens strict. Il bénéficiait même de la protection de Trotsky et du régime. D’ailleurs, de nos jours, il semble réhabilité en Russie, peut-être au nom d’un nationalisme discutable… Sergueï Tchoudakov fut un personnage plus insaisissable. Il semble exister peu de photos de ce poète né en 1935, disparu dans les années 1990. Fit-il partie de ces ombres au service des soviets, ou fut-il un dissident masqué jouant avec sa marginalité ? Ses textes évoquent son temps, dans cette URSS si complexe, peut-être avec une ironie qui nous échappe quelque peu… Enfin, il y eut la flamboyante Natalia Medvedeva. Née en 1958, elle figure parmi les voix musicales rock de la Russie, à partir des années 1980. Commençant tôt une vie aventureuse, on lui prêta mille expériences. Ce qui est certain, c’est qu’elle fut une des compagnes de Limonov, qu’elle anima à une époque les nuits parisiennes. Elle est décédée en 2003, probablement d’une overdose. Pour autant, sa poésie n’est pas hallucinée, mais plutôt vibrante, déclamant des instants fébriles.

Ces trois artistes sont présentés, à sa manière toute personnelle, par Marignac. Qui nous traduit une sélection de leurs textes, en version bilingue russe et français. C’est la journaliste russe Kira Sapguir qui livre ses impressions, en guise de conclusion, sur chacun de ces poètes. Les lecteurs sont de moins en moins enclins à savourer la poésie, on le sait. Trop d’hermétisme, et d’efforts à produire pour pénétrer l’univers d’un poète, banalité si souvent entendue. Les beaux textes sont balayés par notre égocentrisme, notre manque de curiosité. Rares sont les Français qui connaissent les œuvres d’Essenine, de Tchoudakov et de Medvedeva, c’est évident. Eh bien, il faut l’avouer, nous avons grandement tort. Car c’est à une découverte d’autres tonalités que nous invite Thierry Marignac. Comme quoi un cogneur peut apprécier la sensibilité écorchée des poètes. Et leur rendre un bel hommage, en les mettant en lumière. Non, on ne parle pas ici de polar. Encore que ces trois-là pourraient être des héros de furieux romans noirs.

 

Lire aussi l'Interview Express de Thierry Marignac, et mes chroniques sur "Renegade Boxing Club" (Série Noire), "Le pays où la mort est moins chère", "Maudit soit l'Eternel".

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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 05:01

 

L’Amérique à la toute fin du 20e siècle. Nick Barrett et Todd Rosen furent des amis d’enfance à Brooklyn. Tous deux destinés à prendre les chemins de la criminalité, par des voies différentes. Irlandais d’origine mais new-yorkais pur jus, le père de Nick était un ex-policier. Alcoolique violent, maltraitant sa femme, il se recasa comme agent de sécurité dans la tour Nord. Nick, il a la rage pensait-on du jeune homme, non sans raisons. BRUEN-COLEMAN-2012Après des débuts dans la petite délinquance, grâce à son ami Todd qui effectue des missions pour ce mafieux, Nick va entrer au service du caïd Boyle. Celui-ci imite mal les authentiques Irlandais, mais Nick est assez sage pour bien se comporter. Surtout, averti par Todd, il n’accorde aucune confiance à Griffin, le second de Boyle. C’est un taiseux, ancien activiste de l’IRA, dit-on. Un type cruel, qui méprise ceux qui ne sont pas à a hauteur.

Todd Rosen est issu d’un clan de juifs new-yorkais. Il a été employé par son oncle Harry, qui traficote autour de l’aéroport JFK. Par son bizness, Harry est en affaires avec Boyle. Seul ou en duo avec Nick, Todd va accomplir quelques sales boulots pour le mafieux. Il parvient pendant longtemps à ne pas être repéré des flics. Un jour, sa vie prend une autre direction. Grâce, où à cause de son cousin Ira. Le capitaine O’Connor, du Bureau de Lutte contre le Crime Organisé, lui offre une unique chance de ne pas sombrer. On envoie Todd à Philadelphie, où il aura pour partenaire la séduisante Leeza Velez, marshal des Etats-Unis. Histoire de cœur et apprentissage du métier de flic, deux objectifs à ne pas rater pour Todd. Même si Leeza garde ses distances. Au point de disparaître, quand il est affecté à Boston Sud. Il y aura une autre femme, Kathleen Dolan, mais rien de comparable.

Nick s’est épris de la belle Shannon, une Irlandaise qui ne manque pas de répartie qu’il a croisée dans un bar. Séparée d’un certain Jeff, Shannon élève seule son fils trisomique, le petit Sean. Nick se sent vite complice du gamin, mais pas si facile de former un couple avec Shannon. Si Todd et Nick se revoient ponctuellement, l’Irlandais comprend instinctivement que son ami s’est endurci. Boyle est maintenant convaincu des qualités de Nick. Il lui offre costumes et montres de prix, appartement dans le quartier le plus huppé de New York. En échange, il s’agira d’éliminer Todd, car le froid Griffin est sûr que c’est un flic infiltré. Un cas de conscience retardé, quand Nick est blessé par balle et hospitalisé un temps. Son pire ennemi, ce n’est pas Todd, il en est conscient…

 

De bons scénarios avec des héros purs et durs, il s’en trouve encore parfois. Mais ce qu’ont écrit là Ken Bruen et Reed Farrel Coleman, c’est un véritable polar hard-boiled, une histoire de durs à cuire. Leur magnifique duo de boyos n’est pas le simple portrait de deux personnages à la fois si proches (par leur marginalité) et si différents (par leurs choix). Non, ce sont là deux types qui affrontent un destin chaotique, violent à tous points de vue. Le véritable roman policier ne doit pas comporter d'intrigue amoureuse exigeait l’écrivain S.S.Van Dine dans ses Règles du roman policier. Les auteurs contournent allègrement cette idée, n’ignorant pas qu’une présence féminine (ici double) est indispensable au roman noir. D’ailleurs, Coleman s’amuse avec ces références, faisant découvrir tardivement à Todd ces livres : Cette nuit-là, au lit, y a eu personne à part moi et Raymond Chandler.

C’est Ken Bruen qui lance la première partie de l’histoire avec ce Nick au parcours erratique, navigant au cœur d’un univers au parfum d’alcools forts et de dureté, dans cette tonalité qui lui est propre. Puis Reed Farrel Coleman raconte le cas de Todd, narration d’une noire vivacité: Cette tête de nœud avait raison, bien sûr. Aussi con que soit Boyle, il n’avait rien à voir avec le meurtre de K, pas directement. Mon combat, c’était contre Rudi, cet enculé calculateur, froid et insensible, un compte que j’avais bien l’intention de régler un jour. Deux styles non pas similaires, mais complémentaires. Et, sans doute, la même volonté partagée de nous proposer un roman noir dans la vraie tradition. Pas d’erreur, ces deux-là en sont les plus dignes héritiers.

Mes chroniques sur Ken Bruen : "Le Démon" - "En ce sanctuaire" - "London Boulevard" - "Brooklyn Reqiuem" - "Calibre".

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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 05:32

 

En juin 1974, la cathédrale de Reims va retrouver un certain prestige. Durement éprouvé par les bombardements de la première guerre mondiale, ce lieu historique (qui vit le sacre de nombreux rois de France) est embelli par les vitraux créés par Marc Chagall. ALAUX-2012Une cérémonie officielle autour de l’artiste rassemble les autorités. Le conservateur des Monuments français, Séraphin Cantarel est présent avec son jeune assistant, Théo Trélissac. Ces nouveaux vitraux risquent-ils d’être vandalisés ? Ayant reçu des lettres anonymes, l’abbé Sotte le redoute. Cantarel est aussi là pour veiller à leur protection. C’est pourquoi Théo et lui se sont installés pour quelques jours à la pension de famille "La Grenouillère", tenu par Norbert Lectoure et sa vieille mère. C’est alors que deux meurtres vont agiter la tranquille cité rémoise, visant des enfants.

Durant la cérémonie, Séverine Montalembert est retrouvée empoisonnée au cyanure dans un confessionnal de la cathédrale. Puis c’est Philippe Fortin, enfant de chœur âgé lui aussi d’une douzaine d’années, dont on trouve le cadavre en haut d’une des tours de l’édifice. Sa tête a été fracassée contre l’une des anciennes cloches du beffroi. Si Séverine n’a pas été violée, Philippe a bien été victime d’un pervers. La presse est rapidement accusatrice, évoquant de fantasmatiques messes noires et autres salacités morbides. Complexé par sa petite taille, l’inspecteur Gayant mène une enquête incertaine sur ce double meurtre. Il est bien facile de soupçonner le factotum et organiste de la cathédrale, Raphaël Ferragano. Avec son allure à la Quasimodo, il semble inquiétant. Pourtant, c’est le fils d’un herboriste local qui va être le premier inculpé, car il était proche de Séverine.

Hélène Cantarel ne tarde pas à rejoindre à Reims son mari et Théo. Elle garde un souvenir personnel de la cathédrale, une nuit terrifiante sur les toits du bâtiment à l’époque de ses vingt ans. C’est avec Théo qu’elle retourne visiter les lieux. Comme Séraphin, Hélène connaît en détails la petite histoire de la cathédrale. En particulier, celle de l’ange au sourire qui fut décapité jadis, dont la tête connut quelques tribulations. À la pension de famille, l’ambiance n’est pas au beau fixe pour Norbert Lectoure, à cause de sa violente mère Félicie. Au Café du Palais, où le trio côtoie un ancien colonel ombrageux, circulent des rumeurs troublantes sur des affaires de mœurs plutôt hypothétiques. Théo et le couple Cantarel cherchent autant la vérité que le policier Gayant. C’est probablement sur les toits de la cathédrale que, par un soir d’orage, Hélène et Théo trouveront des réponses…

 

Après Toulouse-Lautrec en rit encore et Avis de tempête sur Cordouan, c’est avec un plaisir certain qu’on retrouve ces sympathiques personnages pour une troisième aventure inédite. Cette décennie 1970 nous apparaît à la fois proche et bien différente de notre temps. Ce qui permet à l’auteur de souligner l’ambiance d’alors, le conformisme bourgeois de Séraphin, l’intrépidité d’Hélène, le caractère joueur de Théo. Évidemment, à travers anecdotes et faits historiques, ce roman donne l’occasion d’en apprendre davantage sur Notre-Dame de Reims et sur cette ville. Ces rappels ne nuisent nullement au rythme du récit, car Jean-Pierre Alaux est coutumier d’une belle fluidité narrative. Quelques protagonistes fort originaux traversent cette enquête, finalement pas si classique mais très solide. Intrigue mystérieuse riche en péripéties, pour un suspense de qualité.

(à lire aussi, de J.P.Alaux et Noël Balen : "Saint Pétrus et le Saigneur")

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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 08:43

 

Une nouvelle aventure de Jack Taylor, yes ! C’est chez Fayard qu’est publié Le Démon de Ken Bruen.

BRUEN-FAYARD2012Jack Taylor est à peu près présentable quand il s’apprête à prendre l’avion pour l’Amérique. Pourtant, son rêve ne s’accomplira pas encore cette fois, il est refoulé. L’ancien policier de la Garda, vaguement détective privé, retomberait facilement dans les tréfonds de cette Irlande qui subit fortement la crise économique. Qu’il soigne son éternel mal-être à la Guiness, au Jameson et au Xanax, ne peut guère améliorer sa situation. Ce logement qu’il a trouvé sur Nun’s Island, lui qui fut tant marqué par les nonnes, c’est à peine un refuge. Des amis, il lui en reste deux. Stewart, l’ancien taulard, ex-dealer converti au zen et au thé déthéiné. Et Ridge, l’authentique Irlandaise, policière homosexuelle qui a épousé un Anglo. Jack se raccroche à ce qu’il peut dans sa vie ressemblant à des sables mouvants.

Une mère de famille lui a demandé d’enquêter sur la disparition de son fils Noel. Quelques jours plus tard, le cadavre de l’étudiant est retrouvé, diaboliquement maltraité. La belle Emma, qui travaille dans un fast-food pour financer ses études, a renseigné Jack. Elle en savait peu, encore trop sans doute, puisqu’elle a suivi Noel dans les mêmes ténèbres. Une autre mère s’est adressée à Jack, pour un cas bien différent. Sa fillette trisomique est persécutée à l’école par les gamines de la puissante famille Sawyer. L’affaire parait aisée à régler, si Ridge en uniforme de la Garda va impressionner les petites sauvageonnes. Sauf que la policière doit être hospitalisée après sa visite chez les Sawyer, et que c’est elle qui risque de graves ennuis. Ah, et il y a également ce drogué satanique qui menace Jack de le vitrioler, sans vraiment expliquer pourquoi.

Stewart conseille à son ami de ne plus se frotter à aucune affaire sensible. Sauf que, lors d’une soirée organisée par Ridge et son mari, Jack a rencontré l’étrange Carl. Inquiétant, cet homme froid qui semble tout savoir sur l’entourage de Jack, sur son présent et certainement sur son passé. Quand il fut refoulé à l’aéroport, Jack avait échangé quelques mots avec un nommé Kurt, ressemblant diablement à ce Carl.

Dans un pub clandestin, Jack se procure sans tarder un Sig Sauer. Car c’est un danger mortel, dont il sent la sourde présence. Peut-être Jack devrait-il se laisser acheter quand il reçoit une coquette somme, le denier du diable. D’autant que sa joute orale face à Carl, dans un restaurant de luxe, ne tourne pas à l’avantage de Jack. Que le démon aille troubler le père Malachy, soit. S’il s’en prend à une vieille voyante du peuple Tinker et à d’autres proches, Jack se doit de réagir avec encore plus de cynisme que son ennemi…

 

Le Diable, Satan, Lucifer : comme il existe quantité de noms pour le désigner, il y a des milliers de manières pour le mettre en scène. Celle utilisée par Ken Bruen dans cette histoire est, sinon nouvelle, du moins assez singulière. S’il évoque l’ésotérisme satanique, il s’agit davantage de clins d’œil que de références. Les motivations du Démon importent relativement peu. C’est le duel entre lui et Jack qui prime. Il semble ne jamais quitter des yeux l’Irlandais. Aussi affaibli soit-il par toutes ses mésaventures (c’est le huitième titre de cette série), Jack reste coriace. Un héros qui va mal dans un pays en plein marasme, cela n’empêche pas l’auteur de nous faire sourire, amèrement parfois. Les livres sont toujours très présents, avec un hommage particulier à Seamus Smith pour Rouge Connemara. Même les lecteurs qui connaissent peu Jack Taylor comprennent vite son univers, grâce à des allusions à son passé. Quant à ceux qui aiment ce personnage, ils vont une fois de plus l’accompagner avec bonheur dans son éternelle quête contre le Mal. 

(Disponible dès le 17 octobre) 

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 05:08

 

On a trop souvent le sentiment que le thème de la sécurité publique n’est abordé que par la controverse, par la polémique agressive. Qu’il s’agisse de crimes dont sont victimes des mineurs, de règlements de comptes entre truands, d’émeutes faisant suite à des cas mal éclaircis, de meurtres attribués à un hypothétique tueur en série, ou de la fuite d’un père ayant supprimé toute sa famille, le débat n’est que rarement serein sur ces questions. Récupération politique, manipulation populiste, argumentaire fallacieux, tout est bon pour en rajouter sur les drames.

 

La première cause, c’est souvent la méconnaissance du contexte criminologique. CRIMINOLOGIE-2012Par exemple, les violences urbaines désignent (depuis 1995) tout acte violent commis à force ouverte contre des biens, des personnes ou les symboles des institutions par un groupe généralement jeune, structuré ou non, commis sur un territoire donné et revendiqué par le groupe comme étant sous sa domination. Pourtant, il est bon de compléter la définition en évoquant aussi les conflits entre gangs protégeant leurs trafics, ou les réactions provocatrices afin de déstabiliser l’ordre public. Il est alors plus aisé de comprendre que les émeutes, ou même le terrorisme basique, ne répondent pas à une simple logique de violence.

Autres crimes mal appréciés par le grand public : les violences conjugales. Entre situations conflictuelles aiguës au sein des couples et maltraitance chronique des enfants, ces situations peuvent déraper jusqu’au meurtre, ou à l’infanticide. Avec 174 victimes de leur conjoint ou ex-conjoint (146 femmes, 28 hommes, chiffres 2010), les policiers et les magistrats sont témoins au quotidien d’un phénomène de société. Qui ne se résume ni à un profil psychologique type du conjoint violent, ni à des statistiques, peu fiables puisque les plaintes sont rares et tardives... Voilà encore un débat suscitant des avis divergents, vivement opposés : les chiffres de la délinquance et de la criminalité. Il est vrai que l’état 4001, assurant le recensement de ces données, ne permet pas d’affiner suffisamment les catégories de faits, disent les spécialistes. Au risque de manipulation politicienne, qui sait ?

 

L’étude criminaliste compte depuis longtemps des évolutions majeures, grâce à des scientifiques tels qu’Alexandre Laccasagne ou Cesare Lombroso, mais aussi d’autres moins connus comme Gabriel Tarde (1843-1904). Pour lui, le crime est la conséquence des origines sociales et psychologique des criminels, mais provient également de l’imitation d’autres méfaits. Pas de déterminisme (on ne naît pas criminel), plutôt l’influence de la société poussant au passage à l’acte, au crime. Plus actuel, le criminologue québécois Maurice Cusson (né en 1942) a étudié les motivations des malfaiteurs, qui trouvent (eux) une certaine normalité dans leur activité. L’évolution du grand banditisme en France mérite d’être disséquée, si l’on veut comprendre comment on en arrive à la situation de notre époque. On peut même remonter jusqu’à la Cour des Miracles, sans oublier les mafias.

Dans La criminologie pour les Nuls, les éminents spécialistes que sont Alain Bauer et Christophe Soullez déclinent un maximum d’aspects liés au crime, à ses formes variées, à sa prévention, à son châtiment, à ses théoriciens, aux évaluations de l’action policière et aux règles aidant à contrer les multiples contextes criminels. En plus de 450 pages, ils font le tour du sujet de manière factuelle et claire, sans préjugés. Une passionnante exploration de l’univers en question, basée sur la réalité concrète et sur des études sérieuses. Ou des articles tels La théorie de la vitre brisée de James Q.Wilson et George L.Kelling, qui résume assez justement d’où naît la délinquance et comment tenter d’y remédier. Bien s’informer pour cerner les phénomènes criminels, c’est finalement ce que nous proposent les auteurs dans cet ouvrage très complet.

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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 05:13

 

C’est “Roman de gare” de Pierre Pelot qui conclut la collection Petits polars du Monde, proposée depuis juillet par Christine Ferniot.

PELOT-2012-ppmVoilà trois jours qu’il est là, attablé à la terrasse du buffet de la gare, observant les voyageurs, tous ces gens qui arrivent et disparaissent. Ils passent, enfermés dans leur bulle invisible, la normalité de leur vie et du quotidien. Peut-être qu’ils ne sont réels que parce qu’il regarde ces inconnus. Qu’ils existent “partiellement, furtivement, sur le bord d’un coup d’œil qui les frôle. Ils sont des laps d’existence.” Tant de gens qui coulent à flot continu, dans cette gare comme dans notre monde surpeuplé. Spectacle incessant, qui lui permet de s’imaginer autre chose qu’eux. De penser qu’il est capable de faire disparaître n’importe qui grâce à l’intensité de son regard. Tel ce gros homme déplaisant, dont il ne voyait pas les yeux derrière des lunettes opaques. Élégant, mais sûrement un salaud, qu’il aurait été capable de supprimer s’il n’avait pas quitté les lieux.

Tiens, il remarque ce type au profil grec, mais c’est un homme trop tranquille pour lui vouloir du mal. Voilà le quatrième jour qu’il est là. Le dernier jour, car malgré son anonymat, il y aurait probablement danger à continuer. C’est pourtant si bon de fantasmer sur les voyageuses, en particulier. Telle cette jeune femme, une “longue rousse, la peau laiteuse de son visage et de ses jambes, dans ce tailleur vert, jupe étroite et courte, talons hauts qui élançaient encore sa silhouette.” En tomber amoureux, la suivre dans un train, l’approcher au wagon-restaurant, être déçu sans doute. Dans la gare, enfin de l’inattendu, de la vraie surprise : une femme connue, accompagnée d’une paire de grizzlys en guise de gardes du corps. Il y en aurait des scénarios à imaginer autour d’elle et de son comportement outrancier, des histoires et des ragots à inventer…

 

Le plus merveilleux des postes d’observation, l’endroit où poser un regard sur nos contemporains, c’est effectivement une gare. Toutefois, si l’on s’amuse à ce jeu, restons plus lucides que le personnage chtarbé que nous présente Pierre Pelot. Un solitaire, dont l’équilibre mental s’avère plutôt bancal. Plus drôle encore, l’auteur dresse un portrait ironique de la célèbre Paulette Galichtré. Elle est très connue, la capricieuse et vindicative ex-députée de Vézelise (Lorraine). Bien que gaffeuse, ce n’est pas une pucelle dans sa catégorie. On n’aura aucun mal à situer cette habituée des émissions politiques à la télévision ou à la radio. Pelot lui offre une autre identité, n’ignorant pas qu’elle est prompte à traîner en justice quiconque la contrarie. Une histoire courte et enjouée, vraiment “écrite”, par un de nos grands romanciers populaires. Un clin d’œil : Pierre Pelot apparaît dans l’illustration de couverture, dessinée par Chauzy.

Les treize titres de cette collection : Didier Daeninckx (Les négatifs de la Canebière), Jean-Bernard Pouy (Ce crétin de Stendhal), Marc Villard (Tessa), Dominique Sylvain (Parfums d’été), Caryl Férey (Famille nucléaire), Alexandra Schwartzbrod (Momo), Chantal Pelletier (Crise de nerfs), Franck Thilliez (Le grand voyage), Michel Quint (Triste comme un enfant), Tito Topin (Un été 22), Marcus Malte (Les Indiens), Sylvie Granotier (Le temps égaré) et Pierre Pelot (Roman de gare).

D'autres titres de Pierre Pelot : Givre noir - Maria - Le méchant qui danse - Les normales saisonnières - Une autre saison comme le printemps.

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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 05:07

 

Désormais disponible en format poche, Sauvetage fatal de Kate Morgenroth nous entraîne en Alaska.

MORGENROTH-2012Sitka abrite une base de garde-côtes. Passionnée par son métier, Ellie Somers y est pilote d’hélicoptère. Dans son équipe, Teddy est son meilleur ami. Sam, ex-compagnon d’Ellie, lui aussi pilote émérite, la trouve trop intrépide. En pleine tempête, pour sauver un naufragé en mer, elle prend en effet quelques risques. L’essentiel est que tout le monde rentre sain et sauf. Hélas, une mission suivante se termine mal. Ellie perd le contrôle de l’hélico, et son co-pilote trouve la mort dans l’accident. Estimant qu’elle les a mis en danger, Teddy n’excuse pas l’erreur d’Ellie. Celle-ci est bientôt démise de ses fonctions, et traîne à Sitka. Sam voudrait que l’hélicoptère soit renfloué, afin de déterminer les causes du crash. Ellie croise par hasard à Sitka le dernier naufragé qu’elle a sauvé. Aussi audacieux qu’elle, le séduisant Nicolas lui offre l’occasion de quitter le secteur.

Ils s’installent au Caesar’s Palace de Las Vegas, où Nicolas a ses habitudes. La jeune femme remplace l’excitation du pilotage par la fièvre du jeu. Nicolas finance, Ellie perd de fortes sommes. À cause de son départ précipité, Sam et Teddy n’ont pas eu le temps de prévenir Ellie que l’hélico est renfloué. Ce qui a relancé l’enquête, car l’appareil a été saboté. Par des indices probants les deux hommes soupçonnent l'ex-naufragé d’être responsable de ce sabotage. Ils ne tardent pas à retrouver sa piste à Las Vegas. Sur place, tandis qu’ils surveillent le couple, Sam finit par entrer en contact avec Ellie, à l’insu de Nicolas. Celui-ci a besoin d’une pilote aussi expérimentée que la jeune femme, afin de récupérer en hélico un containeur sur un cargo. Périlleux hélitreuillage qu’Ellie accepte, car elle tient à découvrir le sens de cette opération…

 

Il s’agit du deuxième roman de Kate Morgenroth paru en France il y a quelques années. L’auteure apparaît parfaitement documentée sur les garde-côtes, leurs hélicoptères, la région de Sitka, ainsi que sur le monde du jeu à Las Vegas. Les descriptions n’en sont que plus détaillées. Les portraits nuancés des personnages rendent ceux-ci très crédibles. Si on comprend la passion d’Ellie pour le pilotage, son intrépidité la rend sympathique plutôt que réellement attachante. Le scénario est probablement plus excitant grâce au parcours aventureux des héros, que dans son dénouement assez attendu. Néanmoins, on se laisse volontiers convaincre par cette histoire.

(Disponible dès le 11 octobre 2012)

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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