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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 16:00

Ce mardi 15 décembre, rendez-vous avec la crème du crime !

Comme chaque année, Action-Suspense dévoilera ses

 

15 MEILLEURS POLARS 2015

Rendez-vous avec la crème du crime...
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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 05:55

En avril 1990, l'informaticien parisien Paul Tribot a besoin d'un peu de vacances. Dans sa CX, il prend la direction de la Bretagne. Il choisit un itinéraire moins fréquenté que les grands axes, pour se rendre en Pays Bigouden. Sans trop y réfléchir, contrairement à ses habitudes, il embarque une auto-stoppeuse. Cette Nathalie Nelson apparaît tendue, voire agressive. Lors d'une pause dans une station-service, elle dérobe le fric de la caisse. Elle ne tarde pas à braquer Paul avec son flingue, à lui donner des ordres. Sur le trajet, elle l'oblige à récupérer son complice, Joseph Serra. Celui-ci est aussi nerveux que la jeune femme. Paul apprend que Nathalie vient de séjourner pendant six ans en prison, qu'elle est sortie depuis seulement quelques jours. Elle envisage de partir au Canada.

Trouillard de nature, Paul est effrayé par les réactions de Nathalie : “Un rire sonore, glaçant, venant de derrière les cordes vocales. Un rire de hyène bien élevée.” Le trio prend bientôt en otage une jeune fille qui cherchait une voiture pour Lorient, Marie Fressier. Paul a commis l'erreur de dire à Nathalie qu'il allait loger dans une maison isolée, près d'un étang : une bonne planque pour elle et Joseph Serra. Le duo de malfaiteur menace de s'en prendre à Marie si Paul refuse de les conduire à l'adresse prévue. Peu courageux, il finit par céder. Le quatuor arrive ce lundi soir au lieu-dit le Stang, à Plonéour-Lanvern, non loin de Pont-l'Abbé. Ancien corps de ferme, c'est la maison agréable et chaleureuse d'un ami de Paul qui les attend à la fin d'une journée agitée.

Après une première nuit, la jeune Marie ne cache pas son antipathie envers Paul, qu'elle considère comme un lâche. Non sans raison, car il n'aurait pas empêché Joseph Serra de la violenter. Il est vrai que le complice de Nathalie n'est pas avare de coups contre Paul. Les deux victimes éprouvent le même sentiment concernant le charisme de Nathalie. Si Marie peut espérer un entente entre femmes, Paul ne voit pas de solution pour s'échapper. Même pas lorsqu'ils sortent tous quatre pour une balade sur les plages de La Torche. Il arrive à Nathalie de se remémorer les circonstances de son arrestation, suite à un projet de fourgon-sandwicherie pour lequel elle avait d'urgence besoin de fric. Si elle se repasse son “film”, le jeune femme reste attentive par rapport à ses prisonniers.

Suite à une humiliation, Marie éprouve un ressentiment de plus en plus ardent contre Paul. Elle fait profil bas, souhaitant que la situation se décante. Ce n'est pas le paysan voisin, Marcel Le Bihan, n'ayant rien remarqué lors de sa brève visite, qui sortira du pétrin Paul et Marie. Ni les appels téléphoniques du propriétaire de la maison, Paul ne pouvant lui faire passer un message d'alerte. Une sortie jusqu'à une ancienne usine de concassage du secteur permettra-t-elle à Paul, qui connaît bien les lieux, d'échapper enfin aux griffes de Nathalie Nelson et Joseph Serra ?…

Isabelle Micaleff : Un coin de paradis (Éd.Sixto, Le Cercle, 2015)

Il s'agit ici d'un polar à suspense de très belle qualité. Qu'il serait stupide de qualifier de “roman régional”, sous prétexte que la plus grande partie se passe en Pays Bigouden, dans le Finistère-sud. Par contre, Isabelle Micaleff a bien raison de situer l'intrigue dans des décors qu'elle connaît sûrement. Un “bout du monde” qui ne manque pas de charme, en effet. Elle a choisi de placer les faits dans une époque déjà lointaine, il y a un quart de siècle. Non par nostalgie, mais sans nul doute pour évoquer un monde un peu différent. Suffirait-il aujourd'hui d'une maison isolée pour se cacher ? Ce n'est pas certain.

Cette affaire se déroule sur une petite semaine, du lundi au samedi. Un huis-clos ? Pas exactement, l'auteure ne commettant pas l'erreur de confiner son quatuor dans cette maison tranquille. Par contre, c'est bien entre les quatre personnages principaux que tout va se jouer. C'est ainsi que le lecteur peut observer à loisir leurs comportements, et même entrer dans leurs pensées. Paul apparaît lâche, mais c'est plus nuancé. Le double-jeu de Marie vaut-il mieux ? Joseph est primaire et violent. Nathalie est forte, mais jusqu'à quel point ? Des retours en arrière retracent les évènements qui conduisirent Nathalie en prison (son “film”). De la psychologie et de l'action, au programme. Un polar fort convaincant.

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 05:55

Froid mois de décembre à Paris. Ancien policier, célibataire, Hugo est employé par la multinationale d’Esteban. Cet homme d’affaire cynique a ses entrées à l’Élysée. Esteban était riche et puissant, il imposait ses propres règles et n’appréciait pas qu’on se mêle de ses affaires. D’ailleurs, il n’était que rarement inquiété et quand cela arrivait, Hugo arrangeait les choses au mieux. Ultra-libéral actif et sans aucun complexe, Esteban avait besoin de conflit pour exister. Consciencieux et obéissant, Hugo élimine pour lui les gêneurs. Il estime n’être ni candide, ni obtus, mais avoir un fort sens du devoir. Il est assisté par le froid Boris, ex-mercenaire venu d’un pays de l’Est. Pourtant, la vie de Hugo change le soir où, dans un bar, il croise le singulier père Calvet.

C’est un prêtre alcoolique, qui se pose depuis toujours des questions sur la Foi. Il ne croit guère en Dieu, pas plus que dans l’être humain. Dans ce monde sans vérité, il lui restait l’humour noir et le whisky. Il donne un livre à Hugo, que celui-ci lit passionnément. C’est l’histoire d’un héros qui décide de faire le bien autour de lui. Voilà ce qu’attendait Hugo, l’occasion de montrer sa propre bienveillance envers les autres. À commencer par ce chiot, Bion, qu’il vient d’adopter et qui ne le quitte plus. Les adversaires de son patron, Hugo compte les sermonner au lieu de les tuer, désormais. Sauf que ce médecin humanitaire, qui veut dénoncer les trafics d’Esteban, n’est pas prêt à négocier. Sauf que ce trader qui a trop gagné de fric n’est pas très compréhensif, non plus.

Le plus gros problème actuel d’Esteban, ce sont les hackers du groupe Vendredi 13. Ils ont piraté de grosses sommes au profit d’œuvres caritatives, et dérobé des dossiers ultrasecrets de la société d’Esteban. Draker, Léonard, Robin, Élise, sont de jeunes surdoués de l’informatique. Le bar de Maud, c’est un peu leur QG. Elle refuse tout conformisme, cette blonde qui se teint en brune, qui fume parce que c’est interdit partout, qui vit avec le philosophe Patrick. Ces jeunes espérant que leurs actions conduisent à un monde plus juste, Maud ne peut que les apprécier. Malgré la complicité de l’informaticien Éric, au service d’Esteban, les V13 finissent par être identifiés. Boris ne comprend rien au nouvel état d’esprit de Hugo. Esteban s’interroge à son sujet. Plein de bonne volonté, le tueur repenti pense que la situation peut s’arranger. Mais un carnage est si vite arrivé…

Pia Petersen : Le chien de Don Quichotte (Pocket, 2015)

Vous n’aimez pas vraiment les polars, alors lisez ce roman. Vous n’aimez pas tellement les romans, alors lisez ce polar. Oui, cette histoire est à la frontière des genres. Un face à face pourrait le résumer : Je suis celui qui détient les pistolets Et moi, je suis celui qui détient le cerveau. Dans notre société où la violence est autant sociale qu’à main armée, est-il encore possible de faire baisser les tensions ? Envisager un autre mode de vie en se servant de son cerveau, est-ce illusoire ? Hackers utopistes contre champion du libéralisme économique ravageur, le vainqueur semble connu d’avance.

Même s’il est jalonné par quelques morts, ce n’est ni un roman d’action, ni une fiction criminelle. Péripéties et humour ne manquent pas. Ce qui rend délicieuse cette lecture, c’est le regard de Pia Petersen sur notre époque, notre système et ses contradictions. Hugo le tueur a toujours été un rêveur, par exemple. Les plus blasés d’entre nous sont, sans doute, devenus misanthropes (pas forcément alcoolos) à l’image du père Calvet. Un roman hors norme.

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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 05:55

Ça fait onze ans que Jeff Sutton est chauffeur de taxi à Dallas. Âgé de trente-six ans, il est un des rares Américains bancs employés par la compagnie Dillon. Lors d'une journée de repos, il reçoit la visite intrusive de trois policiers. Bien qu'il n'y comprenne rien, Jeff est bientôt menotté et transféré au poste de police de Westboro, quartier chic des environs. Fiché pour un vieil incident sans importance, il est accusé de l'enlèvement d'une gamine de douze ans, Gara Worth. Il a effectivement conduit la mère de cette collégienne à son domicile, la veille. On a trouvé les empreintes de Jeff sur une fenêtre chez cette cliente. Une explication pourtant rationnelle ne suffit pas : les enquêteurs sont convaincus d'avoir arrêté le coupable. Les médias adoptent immédiatement la version des policiers.

Jeff Sutton est placé en détention sans délai. Le lendemain, l'avocat commis d'office ne lui paraît nullement motivé, n'évitant pas son inculpation. Devant les caméras de télé, la mère de la kidnappée provoque un esclandre. Présomption supplémentaire de culpabilité pour Jeff. Il est enfermé dans le Couloir de la mort à la prison, afin de ne pas être mêlé aux criminels et délinquants ordinaires. Au parloir, il rencontre un inspecteur noir de la police de Waco, Larry Watson. Celui-ci a un autre suspect, Vernon Brightwell. Mais il est conscient que ses collègues bornés de Westboro ne suivront pas cette piste. Pour le reste, rares sont les discussions entre les quelques détenus du Couloir. Éviter tout affrontement est préférable, Jeff ne l'ignore pas.

Robert, psychopathe dénué du moindre remord, est son principal interlocuteur. Un homme à l'allure normale, plutôt attachant et clairvoyant, tant qu'on ne l'appelle pas Bob. Quand Jeff est hospitalisé pour une appendicite aiguë, il ne cherche pas à tricher pour rester plus longtemps loin de la prison. À son retour, l'avocat négocie un arrangement. Impossible, puisque Jeff n'est pas en mesure de dire où est la jeune victime. Si la Dr Comming est une séduisante psychologue, Jeff n'est pas sûr de pouvoir lui faire totalement confiance. Après dix mois de détention, le procès va commencer. L'avocat n'a pas retrouvé les étudiantes qui auraient pu expliquer une partie de l'affaire. Peu de témoins en faveur de la défense, tandis que l'accusation en présente deux, pourtant des repris de justice.

Dans son costume ayant appartenu à un condamné qui a été exécuté, Jeff n'a plus guère d'espoir. Même s'il est avéré que, pour le policier qui l'a arrêté, c'était sa première enquête criminelle, qu'il était inexpérimenté. Les jurés ne lui semble pas bienveillants, non plus. La police de Waco reste favorable à Jeff. L'inspecteur Watson vient d'ailleurs témoigner, mais ne paraît pas convaincre. Suit une longue délibération du jury, qui finalement condamne l'accusé. Jeff ne peut qu'espérer un miracle, un improbable rebondissement pour ne pas retourner dans le Couloir de la mort…

Iain Levison : Arrêtez-moi là ! (Éd.Liana Levi) au cinéma début 2016

Ce roman extrêmement vivant de Iain Levison a connu un beau succès depuis sa sortie en 2011. C'est largement mérité, car l'auteur nous fait partager (par un récit à la première personne) les épreuves traversées par le chauffeur de taxi Jeff Sutton. Une exploration du système judiciaire et carcéral américain, ainsi que des dérives policières lors d'enquêtes. On montre ici comment, lors d'un débat-télé, la censure s'opère dès que la police est tant soit peu mise en cause. Ce livre est dédié à la mémoire de Richard Ricci, mort des suites d'incarcération, soupçonné à tort de l'enlèvement d'Elizabeth Smart âgée de quatorze ans. L'auteur nous décrit les conditions d'emprisonnement, avec les chaînes aux pieds, les cages du Couloir de la mort, la nourriture infecte, et de rares gardiens compatissants.

C'est Robert, le psychopathe, qui évoque le mieux toute l'hypocrisie judiciaire : “Au cours de l'audience qui a fixé ma peine, mon avocat et la juge ont décidé d'un commun accord que je devais présenter mes excuses aux familles des victimes. Que je devais les écouter me raconter pendant deux heures que les gens que j'avais tués étaient merveilleux, et ensuite lire une déclaration disant combien je regrettais… La juge avait entendu trois experts psychiatres affirmer que j'étais incapable de remords, et elle venait me demander d'exprimer mes regrets par écrit… Mes victimes étaient un tas de merdes exigeantes, collantes et cupides. Et elles n'auraient donné leur chemise à personne. La plupart n'auraient pas filé dix cents à un mendiant… Tout ça c'est des connerie. C'est un spectacle.”

Réalisme et humour caustique vont de pair dans cet excellent roman, qu'on dévore avec passion. À noter la sortie au cinéma le 6 janvier 2016 du film de Gilles Bannier, avec Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen, Erika Sainte, Stéphanie Murat, adapté d'après ce roman. L'action se passe en France, à Nice. Reda Kateb incarne Samson Cazalet, un coupable idéal détruit en toute bonne conscience par les dérives de la justice.

Iain Levison : Arrêtez-moi là ! (Éd.Liana Levi) au cinéma début 2016
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11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 05:55

Si Michel Quint est l’auteur du best-seller “Effroyables jardins”, il fut récompensé en 1990 par le Grand Prix de Littérature Policière pour “Billard à l’étage”. Disponibles désormais en format poche, voici deux suspenses que l'on peut qualifier de romans noirs, de polars avec leurs mystères et leurs péripéties multiples…

 

"Close-up" : Miranda fait un numéro d’illusionniste au Quolibet, cabaret lillois sans prestige réunissant une poignée d’artistes. Miranda est une femme de presque quarante ans, aux yeux violets, à la voix profonde avec du brouillard dedans, du sanglot et du sang versé. De son vrai nom Octavie Dillies, Miranda a dû surmonter une séparation amoureuse particulière dix ans plus tôt. Quand son compagnon Éric fut victime d’un accident de chantier, il s’enferma seul dans sa nouvelle vie avec son handicap, au lieu de se retourner contre son employeur du BTP. Elle se débrouilla, changeant radicalement de vie, n’oubliant jamais Éric qui, lui, garde ses distances.

Menés par un certain Bruno, quelques clients du Quolibet ont été séduits par le numéro de close-up amusant et habile de Miranda. À tel point que le chef du groupe l’a engagée pour une soirée privée. L’artiste a reconnu ce client : le promoteur immobilier Bruno Carteret, PDG de Buildinvest, société qui employait Éric au temps de son accident. Miranda décide de se venger de celui qui, indirectement, causa l’échec de sa relation avec Éric. La soirée chez Bruno réunit le Gotha local surtout le clan Vailland, la riche belle-famille de l’homme d’affaires, notables méprisants et acerbes. Miranda exécute sa prestation avec brio, terminant par une prédiction : elle annonce que Bruno va mourir avant le prochain vendredi 13.

Quelques jours plus tard, le promoteur arrive sanguinolent au Quolibet. Il a été agressé dans son parking souterrain. On le soigne aussi bien que possible, avant qu’il ne s’explique. On en veut à sa vie à cause d’une opération immobilière foireuse, menée à Dubaï par le plus jeune membre de la famille Vailland. Bruno est capable de rétablir la situation, à l’échéance du prochain vendredi 13. S’il meurt, ce serait tout bénéfice pour son épouse. En attendant de savoir qui veut le supprimer, Bruno se place sous la protection de Miranda. Celle-ci entend bien le dominer, en guise de revanche…

 

Dans ce Close-up, on retrouve à la fois le remarquable style de l’écrivain, mais aussi toute son inspiration issue du roman noir. Miranda appartient à cette mythologie, dans le rôle de la femme fatale. Bruno, c’est la victime désignée, le persécuté qui doit réagir. Ajoutons le décor d’un cabaret de second ordre, celui de la ville avec l’agglomération lilloise, de puissants ennemis identifiés qu’il est dangereux d’affronter, nous voilà effectivement dans une ambiance noire qui apparaît longtemps sans issue. Nombreux sont les rebondissements ponctuant les mésaventures de Miranda et Bruno, tous répondant à l’implacable logique du récit. Encore un roman impeccable de Michel Quint !

Michel Quint : Close-up -&- Les amants de Francfort (Pocket, 2015)

"Les amants de Francfort" : Âgé de trente-cinq ans, Florent Vallin dirige les éditions En Colère. Il a quitté sa ville de Lille depuis quelques années, s’installant à Paris. Il reste en contact avec son épouse Clémence (née Debaisieux) et leur fils Maxime. Enseignante, la femme de Florent est aujourd’hui gravement souffrante. Clémence fut autrefois adoptée enfant par la famille Vallin, au décès prématuré de ses parents. Les Vallin et les Debaisieux étaient très proches. Florent lui-même a perdu son père très tôt. Proche des milieux d’affaires allemands impliqués en politique, Gérard Vallin fut exécuté en 1977 par la RAF, la bande à Baader. Si elle a désormais l’esprit désorienté, la mère de Florent a bien géré la fortune du défunt, que son fils a investi dans l’édition. À Paris, il est assisté par l’indispensable et fantasque Zina, une pulpeuse Roumaine qui contribue à la réussite des éditions En Colère.

Bien qu’aimant peu l’Allemagne, Florent participe à la Buchmesse, le salon du livre de Francfort 2009. Cet évènement est un pivot du marché international de l’édition. À l’hôtel, Florent rencontre des personnages insolites. Tel Sandor, un homme sans âge qui fait partie du décor. Quand il raconte un épisode de ses milles vies, on comprend vite que c’est un écrivain qui n’écrira jamais un seul livre. Dommage pour les éditeurs qui le sollicitent. Agent littéraire, Fitz est au service d’un important groupe. Sous ses airs de dandy léger, l’homme sait tout de son microcosme. Par pragmatisme et par sympathie, Fitz tient à faire des affaires avec Florent. Il lui présente la belle Lena Vogelsang, dont le jeune éditeur tombe illico amoureux. Florent et Lena deviennent vite amants.

Sans s’en cacher, la cynique Lena vise le rachat des éditions En Colère. Dans un premier temps, Florent accepte la cession de droits pour des traductions. C’est avec Zina que Lena réglera les détails concrets. Cette nuit-là, un couple est assassiné dans le même hôtel, découvert par la femme de chambre Magda. Le pittoresque Sandor pourrait être inquiété. Le couteau fétiche de Lena n’est finalement pas l’arme du crime. Elle en fait cadeau à Florent avant qu’il ne parte. Il ne peut éviter un séjour à Lille, l’état de santé de Clémence nécessitant une opération à risques. Clémence a besoin d’exhumer les souvenirs de la famille Debaisieux, dont elle connaît mal l’énigmatique histoire…

 

Dans le présent livre, son héros se qualifie d’éditeur de romans noirs : des romans certes intimes, peuplés de gens ordinaires, mais traversés par l’Histoire ! Le tragique n’y est pas sentimental, même si l’amour est un composant du récit, il y est politique, économique, historique, social. Cette seule phrase suffit à indiquer dans quel esprit Michel Quint a écrit Les amants de Francfort. Autre probable clin d’œil de l’auteur, quand il évoque un manuscrit soumis à Florent, intitulé Épaves : c’est le titre d’un classique du roman noir, de David Goodis. Quant à l’intrigue, riche en détails et présentant des destins maudits, elle est ici fatalement tortueuse, tourmentée. Ce roman dense d’un écrivain chevronné est un feu d’artifice, où s’entrecroisent toutes les couleurs du mystère, tous les sentiments.

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 05:55

Armand Roux est un romancier parisien. Veuf tôt, il apprécie sa vie de célibataire endurci. Il doit effectuer un séjour thermal d'un mois à Vichy. Il choisit de louer une maison, un peu à l'écart de la ville. Sans être sinistre, l'endroit n'est pas exempt de mystères. Ce qui excite sa curiosité. Les deux occupants de la maison, Salomon Denis et sa mère, se sont récemment pendus. On a suspecté l'homme d'être le criminel qui étrangla neuf jeunes femmes, six victimes puis trois autres, dans la région. Plutôt des ragots, sans doute. Explorant la pièce où furent retrouvés les corps des pendus, le locataire découvre une statue du Christ de grande taille, inversée, avec les pieds de Jésus vers le haut. Après s'être installé, il accepte l'invitation de l'octogénaire d'en face, Mlle Locre.

La vieille dame raconte qu'avec sa défunte sœur, elles naquirent dans la maison des Denis. Un revers de fortune les obligea à partir, pour habiter de l'autre côté de la même placette. On appela longtemps cet endroit La-Croix-de-Judas. Mlle Locre est convaincue que le fils Denis était un assassin. Sa mère devait supporter ce jeune homme ombrageux, souvent violent envers elle. D'ailleurs, Mlle Locre fut indirectement témoin d'un de ses crimes. Elle et sa sœur en avisèrent la police, sentant qu'on ne la croyait pas tellement. Il y eut bien une vague surveillance de Salomon Denis par un policier. Plus tard, l'étrangleur récidiva, en toute impunité. Son comportement restait bizarre aux yeux de la vieille demoiselle. Il disparut pendant six ans, et trois derniers crimes furent commis après son retour.

La version de Mlle Locre n'apparaît finalement pas si crédible. Néanmoins, le locataire rêve à Salomon et à Judas, pensant même entendre des bruits nocturnes. Il va trouver une collection d'articles sur les six premiers crimes, ainsi que des cadavres de poupées. Ce qui ressemble davantage à des gamineries qu'à de la monstruosité. Il contacte l'ex-notaire de la famille Denis, désormais retraité. À l'opposé de Mlle Locre, M.Delavigne déclare que le fils était quelque peu simplet, et plutôt victime de la cruauté de sa mère. Celle-ci savait se faire plaindre, alors qu'elle était très dure avec Salomon. La disparition durant six ans de Salomon Denis s'explique par son état de santé. Il se produisit également une sombre histoire de femme et d'enfant en bas âge, mal éclaircie par l'ancien notaire.

S'interrogeant toujours après les versions contradictoires, le romancier croit discerner des signes d'une présence fantomatique dans la maison. Il déniche bientôt trois cahiers de la main de Salomon. Un relevé des crimes de l'étrangleur, des poèmes, et des "Mémoires" intitulés "Ma Croix". À part son somnambulisme, l'auteur retrace quelques indices sur son existence. Ce qui fait de lui “un sympathique crétin”, selon le Parisien. Convoqué par le commissaire de police local, Roux lui livre ses trouvailles. Malgré tout, il lui reste bien des choses à découvrir concernant l'univers du défunt Salomon Denis…

Marc Agapit : La Croix de Judas (Fleuve Noir, 1972)

Sachant qu'il publia dans la collection Angoisse de 1958 jusqu'en 1974, ce roman de 1972 appartient à la dernière période de l'œuvre de Marc Agapit. S'il eut toujours une aisance dans l'écriture, on sent là une virtuosité d'auteur chevronné. En particulier grâce à la structure de l'histoire : récit à la première personne d'Armand Roux jouant au détective, témoignages de la commère voisine puis de l'ex-notaire, textes de Salomon Denis. Basé sur une série de mystères, un scénario qui n'a donc rien de linéaire. L'auteur se permet même un souriant "clin d'œil" final. Un suspense avec de la psychologie, des références au controversé Judas, des moments intenses voire durs, et d'autres bien plus légers : voilà la belle manière utilisée par Marc Agapit pour captiver ses lecteurs.

Soulignons cet hommage de Marc Agapit au créateur de Sherlock Holmes, éloge pouvant servir de leçon à quantité de romanciers de toutes les époques :

“Il suffit de lire Conan Doyle. Vous connaissez la façon de procéder de cet émérite conteur : au lieu d'exposer, comme font tant d'autres, un petit problème de rien du tout qui se complique à mesure que le temps passe jusqu'à devenir un véritable imbroglio absolument incompréhensible grouillant de personnages nouveaux et d'actions nouvelles entassées, si bien qu'on crie "Grâce" et qu'on ferme le livre avant d'avoir tout lu… Sherlock Holmes lui, ou si vous préférez Conan Doyle, vous met au contraire sous les yeux un problème très difficile en apparence, lequel peu à peu s'amenuise avec de plus en plus de clarté jusqu'à la solution finale. Et alors on s'écrie "Ah, ça n'était que ça !" Eh oui, c'est là le grand art : aller du compliqué au simple. Faire surgir la clarté de l'obscurité, et non pas le contraire.”

Prenez-en de la graine, amis auteurs.

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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 05:55

Zoran est un type instable, pas le gars capable de jouer au funambule sur le filin fragile de sa vie. Péter la forme ou péter les plombs, c’est alternatif pour Zoran. Il voyage aller-retour du pôle nord au pôle sud, sans arrêt. Dans leur verbiage codifié, les psys appellent ça "bipolaire". Qu'il ait besoin de repos, aucun doute, alors pourquoi pas en Corse. Il y rencontre Betty, la suit pour un bref séjour dans la secte insectophile d’Erwin. Ce n’est pas ça qui rendra Zoran moins cyclothymique maniaco-dépressif. Voilà l’ancien qualificatif pour bipolaire. De même que test VIH ne serait pas aussi perturbant que dépistage du SIDA. L’ayant introduit chez Erwin, Betty accuse Zoran de l’avoir contaminée.

S'il y a un coupable, c'est fatalement ce gros con de tatoueur malpropre. Sans délai, Zoran retrouve l’animal, et le supprime presque. Il s’attarde dans l’officine bordélique, où il découvre un flingue datant de l’époque d’Adolf. Normal, ce foutu tatoueur quasi-occis fricotait avec les nazillons de la bande à Lucky. Des motards bons aryens, qui ont échangé leurs cerveaux sans valeur contre des abonnements au PSG. Surtout, Zoran dégote les treize kilos de Vendredi 13, qui devaient assurer la fortune des nazillons. Cette drogue de synthèse, ça pue pire que la merde que c’est, mais ça fait décoller vertigineusement. Encore faut-il avoir des clients pour cette puissante saloperie. Il est évident que le brutal Lucky et ses tarés White Skins ne tarderont pas à vouloir récupérer leur bien.

Attention, il y a également Mattéo, le mac de Fadimatou et Pamela, qui vient de sortir de prison. Cette came, avec son complice Raymond, il tente de se l’approprier. Méfiance encore, Lisandru et Pasquale Albertoni sur le coup, eux aussi. Corses, comme Mattéo, gérants du club de jeux d’argent L’Odalisque, ce sont des rusés. En particulier Pasquale, froideur incarnée et tête du duo. Il ne faudrait pas négliger Jean-Claude Prédoin, dit JC. Flic plus raciste que la moyenne, viré de la BAC, c’est le roi des ripoux. Son honnête collègue Stef a bien du mérite, à supporter un pareil facho. Peut-être que Zoran vendrait plus facilement sa dope du côté de Marseille ? Pas du tout satisfaisant, alors rendez-vous à Monaco avec Pasquale, mais gare à l’embrouille. Retour à Paris, pas forcément au calme pour Zoran…

Pierre Hanot : Tout du tatou (Éd.Pocket, 2015)

D'emblée, évitons la fausse route, la gourance d’estimation, l'erreur à ne pas commettre. Ne confondons pas avec les bête-sellers simplifiés d’un Marc Guillaume, évoqués pages quatre-vingt-onze et suivantes. Un petit polar distrayant, un suspense sympa à défaut d’être original ? Que nenni ! Chez Pierre Hanot, l’écriture inspirée est virevoltante, imagée, pétaradante, embrasée, ricanante, enjouée, mordante. Les chapitres sont courts, afin d’exprimer la tonalité rythmée des aventures de Zoran et des autres.

Les portraits ne sont pas dessinés façon aquarelle à l’eau tiède ; on taille dans le vif, mais avec le doigté indispensable. Si le gourou est un escroc, on le démontre par l’exemple. Le flic ripou, il ne suffit pas de dire qu’il est détestable, on prouve son militantisme haineux. Et si on met en scène des Corses, on n’omet pas quelques dialogues en langue locale, n’en déplaise aux pinzuti. De l’action, de la baston, ou du flingue efficace, ça ne manque pas dans cette histoire : “Devant leurs dénégations, il avait exhibé son flingue, langage des signes déchiffrable même par les sourds-muets. Un des lascars ne savait pas lire. Pasquale avait soigné la ponctuation en lui imprimant sa crosse dans l’arcade sourcilière…”

Pierre Hanot est un virtuose vocabulaire décapant, du tempo agité et de l’idée frappante. Du polar qui secoue, de la noirceur pimentée d'humour, que ça fait du bien !

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 05:55

À Paris, au milieu des années 1980. Âgé de trente-cinq ans, Charles Gaubert habite rue de Sèvres. Célibataire, il n'est guère attirant et s'habille de façon vieillotte. Il occupe un poste d'aide-comptable dans l'entreprise Renard-et-Richard, cent quarante-trois employés. À l'opposé de cette vie routinière, Charles Gaubert est un tueur sadique. Il aime maltraiter ses victimes, les frapper avant de les supprimer. La première fut une jeune Anglaise, qu'il rencontra par hasard. La deuxième était une brune antiquaire des Puces de Saint-Ouen. Il vient d'en éliminer une troisième : Évelyne, dix-huit ans, travaillant à la RATP. Il suit dans les journaux l'avancée de l'affaire, quand le commissaire Bouvier fait le lien avec le cas de l'antiquaire. On traite bientôt le tueur de Monstre, des psys s'expriment sur sa folie. On indique qu'un clochard était été témoin du meurtre d'Évelyne.

Chez Renard-et-Richard comme partout, le personnel commente le double crime. Denise Liénard, jeune rousse excitante, est intérimaire depuis la veille à la Comptabilité. Elle ne tarde pas à soupçonner Charles Gaubert. Celui-ci la frappe mortellement dans les bureaux de l'entreprise, avant de cacher le corps dans un placard. Ce soir-là, il va voir “Vera Cruz” au cinéma, une histoire de tueur cynique avec Burt Lancaster. Puis il faut se débarrasser du cadavre en le jetant dans la Seine, non sans contre-temps. D'ailleurs, on retrouve bien vite le corps de Denise Liénard. Dès le lendemain, le commissaire Bouvier interroge les employés de chez Renard-et-Richard, en particulier ceux de la Compta ayant tant soit peu connu la nouvelle victime du tueur. Charles Gaubert ne présente qu'un alibi incertain. Il sent que le policier est sûr que l'assassin est membre du personnel, et qu'il le coincera.

Charles Gaubert estime prudent de jeter aux égouts quelques indices pouvant l'incriminer. Le soir même, un inspecteur de l'équipe du commissaire Bouvier s'invite à son domicile, rue de Sèvres. Bien qu'il ne paraisse pas vraiment le suspecter, il vaut mieux jouer profil bas, ce dont l'aide-comptable a l'habitude. En fait, c'est son collègue Georges Dumonier qui se trouve dans le collimateur de la police. Il est vrai que cet homme marié se prend pour un grand séducteur. Au sein de l'entreprise, les petites secrétaires s'inquiètent, aussi organise-t-on un covoiturage pour les protéger.

C'est ainsi que la décomplexée Babette devient l'amante de Charles Gaubert. Pour lui, le sexe reste moins puissant que sa cruauté de tueur. Tandis que Georges Dumonier est toujours absent, on pense à une dépression. La direction en profite pour complètement restructurer le service comptabilité. Au bénéfice de Charles Gaubert, qui monte un peu en grade. On apprend l'arrestation de Dumonier. Néanmoins, la police possède également des indices pouvant, après examen, les orienter sur la piste de Charles Gaubert. Il va se mettre au vert en Corrèze, dans une ferme abandonnée du côté d'Uzerche. À l'heure où toute la France recherche le criminel, pas sûr qu'il y soit véritablement à l'abri…

Gérard Delteil : Un garçon ordinaire (Fleuve Noir, 1985)

Il s'agit là du cinquième polar de Gérard Delteil, publié en 1985 dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir sous l'égide de Patrick Mosconi, après Solidarmoche, Kalashnikov, Votre argent m'intéresse” et Les Chiens de garde” (parus en 1984). Si la France d'il y a trente ans ne nous paraît pas si lointaine, certaines ambiances sont néanmoins assez différentes. L'entreprise Renard-et-Richard veut garder l'aspect d'une "grande famille", plus besogneuse que dynamique. L'habillement du jeune inspecteur Tridon (jeans, boots, blouson) tranche avec celui des policiers de génération précédente. Surtout, même si des affaires se sont déjà produites en France, il n'est pas si fréquent que l'on parle chez nous de "tueurs en série". Une notion encore souvent réservée aux Américains ou aux Anglais, avec leurs "serial killers", à l'époque.

Il y a aussi des situations qui ne changent pas, décrites avec une bonne dose d'ironie : Plusieurs individus, dénoncés par des voisins ou des collègues, ont été appréhendés, interrogés et relâchés. On compte parmi eux trois Arabes, un Chinois, et un réfugié polonais qui ne parle pas un mot de français… Ça me rassure un peu sur l'efficacité de la police et de la collaboration de la population. Le pays se mobilise, paraît-il, pour la chasse au monstre, des associations d'anciens combattants proposent leurs services pour effectuer des battues, un ancien candidat aux présidentielles en profite pour se faire interviewer et rappeler qu'il a toujours réclamé le renforcement des effectifs des forces de l'ordre et l'îlotage systématique de la région parisienne. Un autre politicien déplore la suppression de la guillotine. L'ex-fiancé d’Évelyne déclare qu'il fera justice lui-même si le maniaque lui tombe entre les mains. La famille de l'antiquaire offre une prime et veut engager un détective privé. Les médias sont assaillis de coups de fils et de lettres anonymes...

Gérard Delteil choisit ici la narration à la première personne : c'est le tueur qui raconte son histoire. En effet, le récit est plus percutant en employant ce procédé. Son héros sadique prétend maîtriser ses instincts, contrairement à l'interprétation par les psys. Ce qui ne l'empêche pas de commettre quelques bourdes. Il nous invite à partager son jeu du chat et de la souris (et ses tourments) face aux enquêteurs. Les péripéties ne vont donc pas manquer. Un livre à classer parmi les romans noirs, pour son climat et son excellent portrait de "tueur en série".

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