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27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 05:55

Londres, printemps 1868. Depuis six mois, Mr Thomas Tapley est locataire de deux pièces chez Mrs Jameson, une veuve quakeresse stricte sur la moralité. D'une allure insignifiante et bien que n'ayant visiblement pas beaucoup d'argent, Thomas Tapley est un charmant gentleman sexagénaire. Il se promène souvent en ville, semble féru de lectures tel un érudit, et suit l'actualité dans les journaux. Il n'a rien révélé de son passé, et il ne paraît recevoir personne chez Mrs Jameson. En cette fin d'après-midi, apparemment après cinq heures, Mr Tapley a été assassiné dans son logement. On lui a asséné de violents coups mortels, tandis que Mrs Jameson et son employée Jenny n'ont rien entendu. Probablement pas un cambrioleur. Il est difficile de comprendre comment l'inconnu a pénétré dans la maison, jusqu'à l'étage.

Dans la même rue habitent Lizzie Martin et son mari Benjamin Ross, inspecteur à Scotland Yard, avec leur jeune protégée Bessie. Alerté par Jenny qui a découvert le corps sanglant, Benjamin Ross s'occupe immédiatement de l'affaire. Ni la veuve Jameson, ni sa bonne, ne sont suspectes. C'est sur la victime que le policier se pose des questions : “Un certain nombre de mystères entourent le défunt. Notamment comment il a acquis le talent de se faire héberger chez des femmes respectables, et comment il a persuadé celle-ci en particulier de lui confier une clé de l'entrée principale de sa maison. Il semblait dans le besoin. Il s'exprimait bien et était éduqué, mais il a surgi de nulle part…” Selon le chef de Ross, le superintendant Dunn, soit le coupable était un voleur, soit Tapley était lui-même un homme louche fuyant un fâcheux passé.

Assisté par le compétent sergent Morris, l'inspecteur Ross cherche des indices sur le lieu du crime. De son côté, l'agent Biddle ne trouve guère de témoin connaissant vraiment le défunt. Lizzie, qui vit un clown rôder dans leur quartier, s'informe elle aussi. Le petit Joey, enfant des rues, aurait remarqué un visiteur chez Tapley à l'insu de la logeuse. Un homme jeune et riche, circulant dans une rutilante calèche. Issu d'une famille prestigieuse, fier de sa réussite sociale, l'avocat Jonathan Tapley contacte la police. Il est le cousin germain de Thomas Tapley, de dix ans plus âgé que l'avocat. Celui-ci a pris en charge Flora, sa nièce de dix-neuf ans, quasiment fiancée à un jeune homme de la haute société, fille du défunt, tandis que le cousin Thomas menait une vie quelque peu chaotique à l'étranger. Il n'avait pas averti ses proches de son retour en Grande-Bretagne.

Benjamin Ross s'invite chez l'avocat, réclamant des alibis que Jonathan Tapley lui fournit. Manière aussi de rencontrer Flora Tapley. Elle n'a pas tenu rancune à son père, si absent fut-il. Lizzie fait la connaissance de Horatio Jenkins, détective privé, ancien de l'agence Pinkerton au États-Unis. Il est missionné par une cliente française, mais la mort de Tapley pourrait être source d'ennuis pour le détective et elle. Benjamin se déplace à Harrogate, chez le notaire du défunt. Tapley n'était pas si pauvre, laissant un certain héritage à sa fille, et des documents peut-être dignes d'intérêt. Mrs Jameson en a probablement vu davantage qu'elle ne le pensait. Épaulé par Lizzie, l'essentiel pour Benjamin Ross sera de retrouver la clé… de l'énigme.

Ann Granger : Un flair infaillible pour le crime (Éd.10-18, 2015) – Inédit

Lizzie Martin est l'héroïne d'une série, dont voici le quatrième épisode après “Un intérêt particulier pour les morts”, “La curiosité est un pêché mortel”, “Un assassinat de qualité”. Des histoires (inédites en français) à lire soit séparément, soit dans la chronologie. Aucun problème pour s'y repérer, car de rapides rappels nous renseignent. Une visite chez la tante Parry nous l'indique : c'est là que Lizzie Martin débarqua à Londres, en qualité de dame de compagnie. Première aventure qui fut l'occasion de renouer avec Benjamin Ross. Entre-temps, le couple s'est marié. À chaque fois, tandis que Ben mène en professionnel son enquête, Lizzie y contribue en parallèle. En compagnie de la jeune Bessie, dont le franc-parler l'éclaire parfois sur des hypothèses ou sur le caractère des gens.

Le décor n'est pas sans rappeler celui des romans d'Anne Perry, puisque ces intrigues se déroulent également dans la seconde moitié du 19e siècle à Londres. Il est vrai que l'ère victorienne est propice aux scénarios énigmatiques, à la confrontation entre les ambiances dans la bonne société et dans la population plus modeste, voire fort pauvre. La logeuse appartenant à la communauté des quakers illustre, par exemple, cette classe moyenne qui vivait sans luxe. Lizzie et Ben eux-mêmes sont issus de milieux simples. Nous sommes là dans un polar historique de très belle qualité, avec une parfaite reconstitution de l'époque, où le suspense et les investigations gardent la priorité.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 05:55

Voilà six mois que le parti de droite néo-franquiste a repris le pouvoir en Espagne. Une purge médiatique a balayé l'audiovisuel public. Bien qu'il ne cache pas ses opinions de gauche, le journaliste Diego Martín y a échappé. Son émission de radio hebdomadaire reste percutante quand il s'agit de dénoncer, avec l'appui d'un ami magistrat, la corruption des élites. Par le passé, Diego Martín a payé cher ses investigations : son épouse Carolina fut exécutée par des narcotrafiquants. Cette fois, il enquête sur le meurtre de Paco Gómez, jeune élu droitiste assassiné le soir des élections. Avec le juge David Ponce et la singulière détective privée Ana Durán, originaire d'Argentine, Diego cherche des éléments, sachant déjà que Paco Gómez était le descendant d'une famille directement impliquée dans le franquisme.

L'avocate Isabel Ferrer vient de lancer une association, destinée à rendre justice à ceux dont les enfants furent volés au temps de la dictature. Un sujet sensible qui intéresse les médias espagnols. Son émission sur la mort de Paco Gómez ayant été un succès, Diego ne peut guère passer à côté, lui non plus. Un premier contact est établi entre la détective Ana et Isabel Ferrer. L'avocate sait qu'elle peut avoir confiance en Diego. Elle espère que le juge Ponce pourra donner un caractère judiciaire à ces affaires d'enlèvements de bébés. Si son association excite les médias, elle suscite l'hostilité de beaucoup de fachos haineux. Le franquisme et ses héritiers sont virulents, partout infiltrés. Isabel Ferrer fait parvenir à Diego un dossier accablant. Ana, qui a connu l'équivalent en Argentine, ne peut que se ranger aux côtés d'Isabel Ferrer.

Aller-retour à Paris pour Diego, où il enregistre le témoignage d'Emilia Ferrer, la grand-mère de l'avocate. En 1946, elle fut victime du vol de son bébé à la naissance. Émission-choc, quand Diego aborde la question avec cet entretien, tandis que dans le même temps Isabel est agressée par des sbires opposés à son association. Le scandale agite bientôt toutes les strates de la société espagnole, par ailleurs secouée par la crise économique. Les réflexes totalitaires du pouvoir ne risquent-ils pas de se reproduire ? On en oublierait presque le meurtre du vieux notaire franquiste Pedro de la Vega, celui du médecin de Barcelone Juan Ramírez, l'assassinat du banquier Adolfo Ibañez, et la mort de sœur Mari-Carmen à Valence. Pourtant, il s'agit bien d'une série criminelle qui fait suite au meurtre de Paco Gómez…

Marc Fernandez : Mala Vida (Préludes Éd., 2015)

C'est un thème abordé par plusieurs polars qui est au centre de l'histoire : les bébés volés par la dictature franquiste aux familles communistes d'alors. Il serait imprudent d'affirmer que cette pratique odieuse concerna des centaines ou des milliers d'enfants. L'omerta due à l'amnistie générale espagnole post-Franco, et la probable destruction de preuves plus ou moins concrètes, empêchent la levée du secret. Même si, loin des exactions comparables de la junte en Argentine, il ne se produisit que quelques cas isolés, il serait légitime de lourdement condamner toutes les familles et institutions qui y contribuèrent.

Marc Fernandez connaît bien l'univers du roman noir, lui qui fut un des cofondateurs du magazine Alibi. Marqué par un épisode douloureux, autant que motivé par ses convictions, son héros Diego Martín est un authentique reporter "à l'ancienne" adepte de l'enquête de terrain. “Les règles de base du journalisme, en somme. Des règles qui semblent avoir été oubliées depuis longtemps. Dans un monde où il faut aller toujours plus vite, être le premier sur le coup, quitte à donner une info non vérifiée voire fausse, lui aime aller à son rythme, prendre son temps.” Le rôle de l'avocate Isabel Ferrer est également capital dans cette intrigue, pas uniquement au sein du militantisme associatif. Un thème sombre, des péripéties racontées avec fluidité, pour un noir suspense entraînant.

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24 novembre 2015 2 24 /11 /novembre /2015 05:55

Journaliste à Presse Océan, Stéphane Pajot est auteur de polars (Carnaval infernal, 2011 ; Aztèques freaks, 2012 ; Deadine à Ouessant, 2013 ; AnomalieP, 2014). Sans doute nous régalera-t-il encore de futures intrigues, d'une tonalité personnelle enjouée et fluide. Mais Stéphane Pajot est avant tout un grand amoureux… de Nantes. On l'imagine volontiers explorant le moindre recoin de sa ville, observant et se renseignant sur tout ce qu'il peut y avoir d'insolite. Au final, ses investigations regroupées sur le thème des animaux donnent un guide urbain original comme celui-ci : “Nantes est un zoo”.

Va-t-il simplement nous énumérer les créations de l'Île de Nantes, bien connues depuis que la compagnie Royal de Luxe (scindée aujourd'hui en trois structures différentes) lança ses animaux géants mécaniques ? Les éléphants et autres bêtes réinventées (araignée, héron...) sont bien sûr évoqués. Toutefois, Stéphane Pajot a répertorié bien d'autres animaux, présentant de vraies singularités. Au cimetière de la Bouteillerie, on remarque la statue d'un “chien fidèle” semblant être le gardien de la tombe où il est allongé. Sur les cinq Fontaines Wallace nantaises, on note en guise d'ornement que le sculpteur fait figurer des poissons. Quant aux gargouilles “mal de mer” de l'église Saint-Similien, elles méritent également le coup d'œil. Sur les murs du musée Dobrée, on apercevra entre autres un minotaure et un dragon. Sur les bains-douches, le bestiaire est forcément aquatique.

Jeanne d'Arc reste fièrement à cheval sur sa statue équestre place des Enfants-Nantais. Tandis que celle du général Cambronne est entourée d'aigles impériaux. Les statues des lions de l'ancien palais de Justice s'allongent pacifiquement dans un square. Il n'y a pas que les monuments. Dans le souvenir des authentiques Nantais, on se remémore les ânes du Jardin des Plantes promenant les enfants dans une carriole, le bœuf gras autrefois star des carnavals, la statue de 1887 d'un gorille enlevant une femme ayant peut-être inspiré King Kong, la dresseuse de lions Martha la Corse. Par ailleurs, on retrouve quelques exemples d'animaux sauvages, savamment empaillés par des taxidermistes.

Stéphane Pajot : Nantes est un zoo (Éd.d'Orbestier, 2015)

Omniprésents, les animaux à Nantes ? Oui, même grâce à certaines enseignes, comme ce gros chien rouge du vieux quartier du Bouffay. Et puis le canard jaune bien visible d'un sex-shop, de remarquables oiseaux bien perchés, ce cochon chef-cuisinier, des bêtes au brushing impeccable, une girafe multicolore, Hector l'ours en peluche géant de la rue Franklin, etc. Pour les nostalgiques de la télé d'antan, le chien Pollux veille toujours sur la sépulture de Serge Danot (1931-1990), le créateur du Manège Enchanté. Évènements festifs, tels ces canards par milliers sur l'Erdre que le public put pêcher à la ligne, et créations artistiques tous azimuts (toucan, pélican, ours grimpant aux arbres...) parfois éphémères, sont encore l'occasion de rendre hommage au monde animal.

La ville n'est pas uniquement le royaume des pigeons. Ce guide particulier et franchement sympathique propose un bestiaire urbain nantais recensant des dizaines d'animaux vivants ou figurés, en tous genres. Les textes de Stéphane Pajot (page de gauche) sont complétés par autant de très belle photographies (page de droite). À la fin de ce livre, un plan de Nantes permet de situer aisément les lieux concernés. Les habitants de l'agglomération nantaise feront sans nul doute des découvertes. Quant à celles et ceux vivant plus loin, voilà un excellent moyen d'en savoir davantage sur l'ambiance et les décors de Nantes, ville de culture et de patrimoine.

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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 06:20

Un inconnu est retrouvé mort dans la parcelle des rhinocéros du zoo de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire). Il aurait fait une chute fatale de plusieurs mètres, avant d'être encorné par un rhinocéros en furie. Les gendarmes et la jeune procureure Tiphaine Chevreau sont vite sur place. Que faisait la victime ici, dans la nuit ? François Gay, fils du propriétaire, confirme que ce n'était pas un employé de leur Bioparc. On découvre l'abri où cet homme s'était installé en clandestin, dans le parc. Ce serait un Nigérien ayant profité du transfert d'un girafon vers ce zoo. En somme, un accident malchanceux pour un migrant caché.

La journaliste Julie Lantilly, du Courrier Ligérien (remis à flot par Ouest-France) a réussi à s'infiltrer parmi les enquêteurs. Quelques jours plus tard, elle revient quand le directeur Pierre Gay est de retour. Un passionné très impliqué dans la préservation des espèces animales. Il retrace pour Julie l'historique de sa famille et du zoo. Ce nouvel incident lui en rappelle un précédent, datant de 1998. Pourtant, la sécurité n'est pas un vain mot à Doué-la-Fontaine. À la réouverture du parc, Julie remarque un quatuor de touristes en Bentley. Peu enthousiastes, ils apparaissent en décalage par rapport à la clientèle populaire.

Renseignement pris, il s'agit d'Attilio de Abreu, néo-châtelain de la région, riche homme d'affaires international, avec des amis. Ce qui n'explique guère leur présence au zoo. Des excentriques ? “On n'est pas excentrique à quatre. Non, ils sont venus vérifier quelque chose qui ne pouvait pas attendre...” estime la journaliste. Sachant qu'Attilio de Aubreu a bien un lien avec le Niger, faut-il imaginer son implication dans la présence du clandestin ? Et un dysfonctionnement ayant conduit à la mort du Nigérien ? Julie se doit aussi de parler de cette autre affaire, sept brebis égorgées et quelques autres blessées par un animal féroce en divagation. Une psychose s'installe chez les éleveurs du secteur.

Gino Blandin : Micmac au Bioparc (Éditions Geste noir, 2015)

Grâce à un son collègue du journal, Frédéric Colin, il est possible à Julie d'approcher du château rénové d'Attilio de Abreu. Une bâtisse somptueuse, aménagée par des équipes venues d'ailleurs. Le propriétaire n'a aucun contact avec les villageois voisins, même si ses proches semblent loger dans la demeure. Explorer les souterrains menant au château, Julie n'y tient pas du tout, mais son ami Frédéric s'y aventure dans la nuit. Une escapade risquant de lui poser de gros problèmes, côté gendarmerie et justice. À moins que Julie s'arrange pour éviter que l'avocate du châtelain porte plainte pour de Abreu.

Tandis qu'une battue est organisée contre la bête tueuse de moutons, peut-être un félin, la journaliste repère un curieux barbu rôdant dans les parages. Pierre Gay reconnaît ce Bob Richardson, douteux baroudeur, sans doute en affaires avec Attilio de Abreu. S'il joue un rôle dans ces évènements, ça reste des suppositions pour Julie et le directeur du zoo. La menace se précise quand Julie et la vétérinaire du Bioparc sont ciblées par un incident dans l'enclos des lions. Néanmoins, la téméraire journaliste persiste à chercher la vérité…

 

Voilà une authentique intrigue policière, dans la belle tradition du roman d'enquête. Une héroïne aussi intrépide que charmante, des situations énigmatiques, des personnages fort suspects, un mort et des incidents à répétition, l'affaire ne manque ni de péripéties ni d'hypothèses à suivre. L'autre atout favorable, c'est l'aspect documentaire de l'histoire. Il est question de préservation de la nature sauvage. Et des réglementations parfois mal appliquées. Mais ce n'est pas seulement le zoo de Doué-la-Fontaine, effectivement au cœur du sujet, qui est évoqué. On nous décrit également l'Anjou et la pittoresque région saumuroise, avec par exemple ses Coteaux-du-Layon, agréables vins du Val de Loire. Un secteur géographique assez peu utilisé dans le polar, semble-t-il. Pour son nouveau roman, Gino Blandin nous a concocté un très bon suspense, qui se lit avec grand plaisir.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 05:55

En Californie, les deux frères Spellacy étaient natifs du quartier de Boyle Heights, peuplé de prolos d'origine irlandaise. En ces premières décennies du 20e siècle, avec tous ces catholiques fervents de leur entourage, devenir religieux ou policier constituaient les meilleures voies pour progresser. Desmond Spellacy choisit la prêtrise. Durant la guerre, il fut aumônier-parachutiste. Ce qui lui octroya des médailles et de solides relations. Il entra tôt dans la hiérarchie épiscopale. En 1947, âgé de trente-huit ans, fréquentant les milieux huppés, Desmond est chancelier auprès du cardinal Hugh Danaher. Ce dernier s'affiche exigeant sur le financement des projets de l’Église. Il peut faire confiance à Desmond pour trouver les solutions, quitte à frayer avec des mafieux de la construction.

Il est l'ami de gens troubles tels que Jack Amsterdam, Mexicain par sa mère, Juif par son père, homme d'affaire dont l'entreprise de bâtiment masque des activités illégales. Son passé de proxénète, on ne doit plus s'en souvenir. Desmond Spellacy couvre aussi les écarts des dignitaires catholiques. À ce rythme, vu son efficacité, on le nommera Évêque auxiliaire avant ses quarante ans. Ce qui signifie pour lui être “enterré vivant”, car son équilibre dépend de sa vie publique, golf et soirées mondaines. Même si des morts suspectes se produisent, ce sont des incidents que Desmond ne craint pas de surmonter, en bon combinard. On peut déjà dire que, vingt-huit ans plus tard, au milieu des années 1970, on le retrouvera dans une paroisse oubliée de tous au milieu du désert.

Son frère Tom Stellacy est devenu policier. Il a fondé une famille, mais son épouse a été internée à Camarillo pour raisons psychiatriques. Sa fille est devenue nonne, son fils a une entreprise vendant des objets religieux. Toujours l'influence catholique. Tom fit partie de la brigade des mœurs de Wilshire. À cause d'embrouilles avec la prostituée Brenda (au service de Jack Amsterdam), il fut muté grâce à des appuis à la Brigade criminelle de Los Angeles, où il se trouve en 1947. Il a alors une quarantaine d'années. Son supérieur Fred Fuqua applique des méthodes "modernes", espérant devenir préfet de police. Tom a pour partenaire Frank Crotty, flic plus ancien que lui. Avec son langage "direct" et son manque de conscience professionnelle que Tom tolère volontiers. Frank a investi ses bakchichs dans une affaire commerciale avec des asiatiques.

Ce sont les patrouilleurs Bingo (pas très futé) et Lorenzo (un Noir consciencieux, promis à de hautes fonctions bien plus tard) qui sont les premiers à trouver un cadavre de femme découpé en deux, à l'angle de la 39e Rue et de Norton. L'inconnue a un cierge planté dans le vagin et un rose tatouée près du pubis. Les indices autour sont brouillés. Cette belle jeune femme sera difficile à identifier. Frank Crotty estime logiquement que leur enquête est vouée à l'échec. Leur chef Fuqua crée une "brigade des crimes graves" à cette occasion, ce qui n'a guère de sens. Les dénonciations et autres témoignages farfelus ne vont pas les aider. Savoir, grâce au légiste asiatique, qu'elle mangea peu avant sa mort des pâtés impériaux, non plus. Le journaliste Howard Terkel attend, lui, des révélations croustillantes sur cette affaire criminelle. L'affaire de "la Vierge impure" est lancée.

Tom trouve un peu de répit auprès de son amante, Corinne Morris, qu'il sauva naguère lors d'une prise d'otage foireuse. Quand Mgr Gagnon est victime d'un infarctus alors qu'il se trouvait avec une pute, Tom et Frank avec Bingo et Lorenzo s'arrangent pour exfiltrer le cadavre. Desmond et le cardinal imagineront une explication du décès digne du prélat défunt. Les frères Spellacy se revoient pour un déjeuner, même s'ils restaient en contact. Les vacheries fraternelles fusent entre eux. Si l'épouse de Tom devait sortir de psychiatrie, ce qu'annonce Desmond, ça risquerait de bientôt compliquer la vie privée du policier et de Corinne.

On ne peut se contenter de vagues suspects, dans le genre du pervers Rafferty. Par son ex-colocataire Gloria, la victime est finalement identifiée : Lois Fazenda. Le CV de cette jeune femme de vingt-deux ans, originaire de Medford dans le Massachusetts, vivant en Californie depuis trois ans, montre son instabilité. Ses proches actuels et ses amants de passage disposent d'alibis. Serait-ce dans le milieu ecclésiastique, avec ses prolongements financiers, que Tom Spellacy devrait enquêter ? Ce dossier, officiellement résolu par Frank Crotty, ne sera pas sans impact sur son frère Desmond et lui…

John Gregory Dunne : True confessions (Éd.Seuil, 2015) – Coup de cœur –

Le meurtre jamais élucidé après-guerre d’Elisabeth Short à Los Angeles, voilà une histoire qui nous rappelle quelque chose ? Une dizaine d'années après le présent roman, James Ellroy écrira “Le dahlia noir” s'inspirant du même sujet. D'une façon plus factuelle et dure, avec une narration moins enjouée et moins souple que dans ce “True confessions”. Les deux titres ont chacun leurs mérites, mais l'ambition n'est pas identique.

John Gregory Dunne pointe du doigt l'hypocrisie générale régnant en Californie après la guerre. En plein essor, cet État se veut dynamique, s'autorisant jusqu'à des malversations financières qui ne semblent inquiéter personne. Corruption et faux-semblants à tous les niveaux : au sein de l’Église catholique (tels ces civils décorés d'Ordres religieux, ce Monseigneur recevant de luxueux cadeaux à chaque anniversaire, sans parler des contrats d'urbanisme dévolus aux amis), dans la police (entre lucratifs pots-de-vins aux inspecteurs et honneurs pour les chefs), tandis que la presse en tire profit également.

Le récit est ponctué de sourires, en témoigne ce passage. Desmond évoque un futur pèlerinage de groupe en Europe, quinze étapes en quatorze jours : “On saute Paris pour gagner directement Lourdes, avec un peu de chance on y entendra parler un sourd-muet, ou un aveugle recouvrira la vue en notre présence. Un voyage pareil, ça doit être marqué par des temps forts. Puis une nuit à Fatima. Apparemment, on fera halte à tous les endroits où la Sainte Vierge a atterri. Puis une audience générale du pape à Rome, pour les élèves du Saint-Rosaire et quinze mille de leurs amies les plus proches. Je servirai de chaperon, c'est tout. ─ De peur qu'elles se fassent niquer par les macaronis ? ─ C'est curieux, Tommy, j'avais l'intuition que tu ferais une remarque dans ce style.” D'autres scènes et dialogues sont d'un humour encore plus grinçant.

Initialement paru en français sous le titre “Sanglantes confidences”, ce roman bénéficie d'une nouvelle traduction. Si des écrivains confirmés comme George Pelecanos (qui signe la préface de cette édition) et Thomas H.Cook considèrent que c'est un roman majeur, on ne pourra pas les contredire. D'abord, soulignons une belle galerie de personnages, où chacun est présenté avec autant de franchise que de subtilité. On visualise aisément le mafieux entrepreneur Jack Alexander, l'arriviste chef de la police Fuqua, le cardinal qui s'affiche intransigeant, les flics de base Bingo et Lorenzo, la décomplexée Corinne, ainsi que tous les autres. Avec, au centre, les frères Spellacy. Tous deux intelligents, ils portent un regard divergeant sur ce qui les entoure, et sur leur propre vie. Bien que sa foi soit très relative, Desmond pense grimper encore dans l'échelle sociale. Tandis que Tom apparaît d'un cynisme blasé, pas dupe de la médiocrité ambiante, fut-ce chez les catholiques.

Latinos, Noirs, Asiatiques, Irlandais, et bien d'autres communautés ethniques, cohabitent dans l'agglomération de Los Angeles en 1947. John Gregory Dunne s'applique à nous faire partager le climat de l'époque, dans une brillante reconstitution. Sans porter de jugement, il esquisse les réalités. Son “écriture” s'avère splendide, non seulement fluide mais avec le ton juste, dans les dialogues autant que dans la structure scénaristique. Par exemple, il insère en finesse le passé militaire de Desmond, pour nous faire comprendre que le "plan de carrière" du prêtre débute là. Pas si anecdotique non plus, le cas des pompes funèbres de Sonny McDonough, dont un ou deux paragraphes expliquent son arrangement avec l'épiscopat pour les obsèques de paroissiens pauvres. Habiles retours sur l'origine des frères, ou sur la folie de l'épouse de Tom, aussi. Ce sont tous ces détails qui offrent du caractère, de l'humanité, de l'authenticité à l'histoire.

L'enquête sur le meurtre de "la Vierge impure", Lois Fazenda ? Elle progresse, bien sûr. On connaîtra le nom du présumé assassin. Ce dont, ainsi que le dit George Pelecanos, on se contrefiche. Ce n'est pas un roman d'énigme. Il s'agit d'un portrait soigné de la Californie d'alors, d'un puzzle parfaitement cohérent. Y compris dans sa conclusion, vingt-huit ans après les faits criminels. “True confessions” de John Gregory Dunne est un roman noir d'une qualité exceptionnelle, ça ne fait aucun doute.

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21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 11:30
Rennes : exposition “Boire” au Musée de Bretagne

Au Musée de Bretagne (Salle Georges Henri Rivière), à Rennes, du 16 octobre 2015 au 30 avril 2016, exposition “Boire”.

Certes, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé (article L.3323-4 du Code de la Santé Publique). Mais boire est un geste quotidien partagé par tous. Cet acte physiologique, mais aussi culturel, résonne de façon particulière en Bretagne, où perdurent stéréotypes et représentations du buveur. L’exposition interroge ces pratiques en quatre thématiques : la soif, le goût et le plaisir, la convivialité et la recherche d’effets.

Un parcours "santé", un café, un ton décalé le tout illustré par l’artiste Jochen Gerner…. Autant de propositions pour permettre au public de découvrir l’exposition de manière ludique et interactive. Au travers de la scénographie, conçue par Alexis Patras, soutenue par l'identité visuelle de Jochen Gerner, le visiteur est amené à construire sa réflexion autour de cette question fondamentale : « Pourquoi est-ce que je bois ? » Plusieurs sujets filmés par l'ami Gérard Alle sont présentés dans le cadre de cette expo.

Le musée de Bretagne entreprend un projet encore inédit, qui valorise les collections matérielles (archives filmées et sonores, œuvres d'art et créations contemporaines) et croise les approches historique, sociologique, plastique et cinématographique. Les documents et œuvres présentées témoignent tous d'un rapport au boire : celui de pratiques quotidiennes, occasionnelles ou festives ; celui d'un regard artistique ou documentaire sur une réalité, constatée, grossie ou fantasmée ; celui d'un questionnement, moral, médical, culturel, individuel ou via la société toute entière. De multiples prismes et mises en perspective, chacun étant invité à considérer le sujet sous un angle très contemporain, le ramenant sur le terrain de ses propres pratiques.

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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 05:55

Dans la collection "Points Crime" présentée par Stéphane Bourgoin, un duo de journalistes présente vingt-cinq cas de femmes criminelles. Certaines sont peut-être encore dans les mémoires, telles la jeune et violente Florence Rey, l'infirmière Christine Malèvre, Simone Weber, Marie-Élisabeth Cons qui tua le mari de sa fille Darie Boutboul, ou les activistes politiques Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon. D'autres ne figurèrent dans l'actualité que le temps de leurs crimes, de leurs procès. Des affaires aussi fortes, malgré tout. Jeunes filles, amoureuses, épouses, mères, et cas divers, telles sont les cinq catégories classées par les auteures.

Voici quelques-uns des dossiers évoqués dans ce livre…

En décembre 1994, à Haubourdin (près de Lille), Lila Carli tente d'abattre son père dans la rue, avec un pistolet-mitrailleur. Le quinquagénaire hospitalisé survivra. Âgée de vingt-cinq ans, sa fille est arrêtée quelques jours plus tard. Violent tyran domestique, le père dominait depuis longtemps sa femme et ses filles, pratiquant l'inceste comme un droit naturel, empêchant Lila d'avoir le moindre petit ami. Une situation glauque que personne ne soupçonnait, dit-on. En février 1998, Albert Carli est jugé et lourdement condamné pour ce qu'il imposa à sa fille Lila. Quant à elle, jugée peu après, la Justice admit sa culpabilité sans infliger de peine. On pouvait la considérer en priorité telle une victime, dans un contexte familial faussé, perverti, expliquant son exaspération criminelle.

En 1985, Simone Weber fut accusée du meurtre de son amant Bernard Hettier, cinquante-quatre ans, dans la région de Nancy. Une relation complexe semblait exister entre ces deux personnes. La nuit supposée du crime, une voisine remarqua que la lumière resta allumée en permanence. Le corps de Bernard Hettier a-t-il été découpé en morceau, par Simone Weber, comme l'estime la Justice ? Sachant qu'elle épousa quelques années plus tôt un monsieur de soixante-dix-neuf ans qui décéda vingt-deux jours plus tard, on peut la suspecter. Elle attirerait des hommes alors que, aux yeux de l'opinion, la quinquagénaire n'a pas l'allure d'une séductrice ? En 2001, Simone Weber accorde une interview exclusive à Anne-Sophie Martin, reproduite ici. Elle donne sa version de l'ensemble de l'affaire. Des réponses qui peuvent convaincre ou pas, car il y est beaucoup question de “hasards”.

En Mars 2001, Yolande Ginoud est retrouvée morte dans une maison de Lille. L'endroit est la propriété de Louis Mirefois, riche industriel nordiste de soixante-huit ans. Et, dans une moindre mesure, de Marie-Pierre Suton, veuve âgée de cinquante-sept ans. En réalité, ce lieu est un “donjon”, dédié aux pratiques sadomasochistes. Les décors et de multiples éléments en témoignent. On reçoit ici des dominateurs hommes et femmes avec leurs soumises, pour de chaudes soirées, une clientèle issue de la bonne société. Marie-Pierre et Louis en sont les maîtres et maîtresses en titre, ce qu'ignore leur entourage familial. Voilà quelques année que Yolande, âgée d'environ trente ans, a rejoint le couple. La bisexualité lui convient sûrement autant que les mises en scènes sado-maso. Louis fut-il plus tendre avec Yolande ? Probablement est-ce ce qui excita la jalousie de Marie-Pierre. Elle plaida un accident lors d'un jeu pervers entre femmes. Ce qui n'expliquait assurément pas tout.

Anne-Sophie Martin – Brigitte Vital-Durand : Crimes de femmes (Éd. Points, 2015)

Habitant la Haute-Garonne, Jean-Jacques Brice et Karine Helne passaient pour un couple harmonieux, parents de deux enfants. Malgré une différence d'âge importante entre eux, dix-huit ans. Leur histoire se gâte quand, début 1997, Karine porte plainte contre Jean-Jacques pour violences conjugales, après onze ans de vie commune. Car ce qui apparaît bientôt, c'est leur côté Bonnie and Clyde. D'août 1988 à décembre 1996, ils ont commis ensemble à deux bon nombre de braquages visant des banques. Ils s'enfuyaient sur leur cyclomoteur, après des opérations rapides et sans bavure. Ça leur rapporta plus de 4,6 millions de francs (700.000 €). L'excitation des hold-up céda la place à une vie dorée trop calme. Ce qui entraîna la fin de leur aventure.

Angèle Joubert, 40 ans de mariage, est une femme droite et fière. Chef d'entreprise, elle a géré son patrimoine financier avec sérieux et compétence. Sauf qu'il s'agit pour Mme Joubert de maintenir les apparences. Ruinée de longue date, elle est l'auteure de multiples malversations, espérant être renflouée par miracle. Finalement, son mari Lucien s'en aperçoit en 1998. Elle se voit obligée de le supprimer, de faire disparaître le corps découpé en morceaux. Pendant six mois encore, elle réussit à cacher le meurtre. Un "homme de main" ayant refusé de l'aider avait pourtant alerté un ami gardien de la paix. Secrets, mensonges, dissimulation, volonté déterminée de préserver une façade sociale honorable : à son procès, le portrait psychologique d'Angèle Joubert est accablant. Ses deux fils et leur famille ne peuvent que la renier, même si elle croit avoir fait pour le mieux.

La neurologue Mireille Renan est exemplaire d'une glorieuse trajectoire professionnelle. Issue d'un milieu simple, son obstination courageuse lui a permis d'affronter maintes épreuves. Elle a fini par s'installer dans la région de Besançon, où elle est fort appréciée. Elle n'a jamais compté d'amis proches durant sa vie, se consacrant à son parcours. Sa fille Flore n'a pas du tout le profil de femme active et ambitieuse de sa mère. Elle élève ses filles Marie et Judith. Mireille Renan se persuade que Judith serait maltraitée, un diagnostic dramatique injustifié. Une obsession à caractère dépressif, qui va déraper lorsque la neurologue kidnappe sa petite-fille.

Les actes meurtriers commis par des femmes sont exceptionnels, selon les chiffres. C'est pourquoi ils nous apparaissent souvent plus marquants, ce qui peut expliquer une sévérité parfois plus grande chez les jurés de leurs procès. À l'opposé, faut-il les considérer comme des "victimes" ? Sans doute pas, car s'il existe un point commun entre elles, c'est la prise de décision généralement réfléchie et déterminée dans le passage à l'acte. Assassinats, et non des homicides de circonstances. Les vingt-cinq affaires assez récentes retracées ici permettent aux lecteurs de revenir posément sur le sort de ces femmes.

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 05:55

Âgé de douze ans, Jean-Pierre est le fils de Suzanne et Hector Duruy. Employé de banque, son père est un homme à la morale rigoureuse et aux idées définitives. Jean-Pierre avoue préférer sa tante Mathilde, sœur de sa mère, et son oncle Euloge Malec. Ex-comptable, ce dernier est devenu inventeur. On ne sait s'il a déposé des brevets, mais le couple vit assez modestement. Ce qui suscite les railleries d'Hector Duruy, même si l'oncle Euloge exprime toujours une belle convivialité. Toutefois, les parents de Jean-Pierre reçoivent une lettre où tante Mathilde apparaît fort inquiète, probablement effrayée. La nouvelle invention de son mari pourrait bien s'avérer terrifiante, au point de présenter un danger

Ce dimanche-là, les Duruy rendent visite (sans Jean-Pierre) au couple, mais Euloge reste absent. À leur retour, le soir-même, l'oncle et la tante arrivent chez les Duruy. Plus sobre et sérieux que d'habitude, Euloge affiche une soudaine aisance financière. Grandiloquent et sans réplique, il affirme : “En effet, j'ai réussi à découvrir, à mater, à mettre à mon service la force la plus formidable qui existe depuis la création… Qu'il vous suffise de savoir que désormais, toutes les possibilités me sont permises. Je puis obtenir, rien qu'en le souhaitant, tout ce que je désire...” D'ailleurs, se qualifiant de "super-démiurge", l'oncle Euloge exige de pouvoir adopter Jean-Pierre, dont il ferait son successeur.

Sans doute à cause de la contrariété causée par ce diable d'oncle Euloge, le père de Jean-Pierre meurt d'une attaque d'apoplexie. Peu après, c'est son épouse qui décède d'une crise cardiaque. Se retrouvant orphelin, après les obsèques, Jean-Pierre se rend chez son oncle et sa tante. Cette dernière vient de mourir d'un coup de poignard dans le cœur. Une courte enquête suffit à déterminer que c'est réellement un suicide. S'installant avec son oncle, Jean-Pierre doit bientôt aller se ravitailler au village voisin. Il subit des réactions agressives de la population locale. En fait, c'est parce que l'on considère ici Euloge comme un sorcier, suite à un malentendu et à une altercation avec le maire.

Dépressif et lymphatique ces derniers temps, l'oncle Euloge est habité par un sursaut de vie. Il tient à initier son jeune neveu, en lui montrant comment exercer la toute puissance qu'il détient. Euloge emprunte à des gens qu'il croise leur fluide, afin de “se gonfler d'Id”, c'est à dire d'alimenter ce flux qui lui permet tout. Impressionnant pour Jean-Pierre, même s'il ne comprend pas les détails du raisonnement. Le gamin s'avoue intimidé, mais fait confiance à son oncle. Euloge aurait inventé une machine utile à des malfaiteurs en fuite. Grimé en groom, Jean-Pierre va participer au processus quand un client et sa femme paient pour voyager grâce à ladite machine. Autre problème à venir pour l'oncle Euloge : les villageois sont décidés à lui “faire la peau”, l'accusant toujours d'être un sorcier…

Marc Agapit : Le fluide magique (Fleuve Noir, 1965)

Ce roman de Marc Agapit fut publié il y a cinquante ans (1965) dans la collection Angoisse du Fleuve Noir, dont cet auteur fut un des ténors. Comme pour “Greffe mortelle”, qui vient d'être réédité, c'est un enfant qui raconte l'histoire. C'est donc dans l'esprit d'un môme de douze ans que Jean-Pierre décrit sa relation avec son oncle. À cet âge, comment ne pas être influencé par un personnage charismatique de son entourage ? Même pas besoin de pratiquer un hypnotisme virtuel : il est plus excitant de vivre avec lui, qu'avec son père trop strict. Toutefois, le jeune narrateur peut en arriver à sa poser des questions sur la santé mentale de cet oncle original. Quant à ses activités rémunératrices, elles relèvent du domaine de l'intrigue policière.

Évoquant en guise d'explication le philosophe Spinoza autant que le scientifique Newton, l'oncle Euloge se situe entre les deux. La toute-puissance, c'est ce qu'il prétend approcher, en précisant : “Pour agir, il me suffit de "tordre" mon cerveau d'une certaine façon. Ce n'est là, naturellement, qu'une image : il s'agit seulement de mettre en œuvre une certaine faculté de notre cerveau, lequel en contient des quantités latentes que nous découvrirons un jour.” Suffit-il de vouloir, d'ordonner par la pensée, pour que se réalisent les choses, pour tout dominer ? Tel est le thème exploité par l'auteur, illustré par de multiples péripéties car nous sommes dans une fiction animée, un conte énigmatique. Le talent de Marc Agapit mérite d'être souligné, afin que des lecteurs actuels s'y intéressent.

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