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18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 05:55

À Bruges (Belgique), le commissaire Pieter Van In forme une famille avec sa compagne, la juge d'instruction Hannelore Martens, et leurs deux enfants. Depuis peu, Van In s'essaie au sport, à la musculation intensive. Dans son métier, il est entouré de sa fidèle équipe de policiers : Carine son assistante amoureuse de lui, Guido Versavel son adjoint homo, et les autres. Cette nuit-là, un monsieur ivre en cellule de dégrisement, a claironné qu'il fallait s'attendre à plusieurs meurtres dans la région. Dès le lendemain Van In et Versavel vont questionner ce retraité aisé, Hubert Blontrock, joueur invétéré ayant ses habitudes au casino de Blankenberge. Rappelant qu'il était saoul, il reste imprécis dans ses réponses. Peut-être a-t-il peur d'en dire davantage ? Hubert Blontrock est bientôt retrouvé mort chez lui, d'une balle dans la bouche, non sans avoir été torturé. Absente au moment des faits, sa veuve Marie-Louise est affable, mais ne peut renseigner les policiers.

Au casino de Blankenberge, Van In se laisse tenter par les jeux d'argent. S'il bénéficie de "la chance du débutant" dans un premier temps, il ne tarde pas à perdre ses gains. Sans doute Van In est-il atteint par le virus du joueur, car il va y retourner plus tard, à l'insu de sa compagne. Devilder, le patron du casino, se montre courtois et généreux avec lui, non sans arrières-pensées. Le commissaire perd de grosses sommes. Hannelore et Versavel ont compris ce qui se passait, et s'inquiètent de cette onéreuse passion. De son côté, la juge Hannelore s'avoue troublée par un nouvel avocat, Olivier Vanderpaele. Décomplexé, il est plus qu'allusif quant à une relation intime. Hannelore n'est pas du genre à céder, mais Van In est vite jaloux quand il s'aperçoit des manœuvres de Vanderpaele. S'il continue à miser exagérément au casino, il est souhaitable que Versavel et Hannelore interviennent.

Nathan Six est un exécuteur. Il prend un certain plaisir dans l'accomplissement des crimes dont il est chargé par le Maître du Jeu. À Blankenberge, il fait une nouvelle victime. Merel Deman est une ex-employée de la société de transports de malades E&O. Elle venait de se faire refaire les seins trois jours plus tôt dans une coûteuse clinique spécialisée. Pour les enquêteurs, pas de piste à espérer. Van In et Versavel interrogent Willy Gevers, ancien associé de Blontrock dans une société d'antiquités appelée Pair et Impair. Celui-ci reste flou, n'allant assurément pas dire aux policiers qu'il anime un casino clandestin "mobile". Toutefois, il laisse entendre que Blontrock n'était plus si riche, ayant beaucoup perdu au jeu. Nathan Six s'est attaqué à l'arme blanche au vieux Charles Maréchal, nouvelle victime désignée. La cible n'est que blessée, et le tueur doit abandonner sa voiture près de lieu de l'agression. Cette fois, des indices peuvent aider Van In et ses collègues à le traquer…

Pieter Aspe : Faites vos jeux (Éd.Albin Michel, 2015)

C'est déjà la seizième enquête du commissaire flamand Van In traduite en français. Une telle série suppose de développer un univers autour du héros. C'est le cas, et le lecteur s'y sent rapidement à l'aise, identifiant sans difficulté les proches de Van In. Ce policier avait déjà quelques défauts, dont une forte tendance à l'alcoolisme, un peu calmée par sa vie en couple. Le voici qui risque d'être touché par la passion des jeux de casinos. Celui de Blankenberge n'étant qu'à environ une demie-heure de Bruges, facile de s'éclipser pour y tenter sa chance. Même les joueurs atteints de cette addiction savent pourtant que seuls les casinos gagnent toujours. Cette histoire souligne également que, dans ces milieux, les gros joueurs se connaissent, formant un cercle d'habitués.

Qu'on ne s'étonne pas que soit cité ici l'exécuteur Nathan Six, car il apparaît tôt au cours de cette intrigue. Tueur en série, il incarne le "comment" de ces crimes, encore faut-il découvrir le "pourquoi" et le nom de son commanditaire, le Maître du Jeu. Nous sommes là dans un roman policier respectueux de la meilleure tradition du genre, ne l'oublions pas. Tandis que se déroule la vie privée et professionnelle des enquêteurs, l'énigme reste donc à élucider. Non sans certains dangers pour le commissaire et son assistante, on le verra. Car la tonalité n'est pas ronronnante, il y a aussi de l'action. Forme classique pour un fort agréable polar, qui se lit avec grand plaisir.

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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 05:55

Quand on utilise l'expression "culture polar", c'est une manière de souligner que cette littérature à succès possède de longue date son histoire. À partir des débuts du 20e siècle, les éditeurs lancent des collections populaires, avec plus ou moins de réussite. Après la 2e Guerre Mondiale, la demande est bien plus forte, pour des romans français ou étrangers ménageant du suspense, qu'il s'agisse d'espionnage ou de policiers. Chez Gallimard, la Série Noire nait durant l’été 1945, à l'initiative de Marcel Duhamel. Il la dirigera durant trente-trois ans (1945-1977). Trois autres mousquetaires du roman noir vont lui succéder : Robert Soulat (1977-1990), Patrick Raynal (1990-2005), Aurélien Masson (depuis 2005). Les impératifs de l'édition ont changé entre-temps : on est passé du petit au grand format, et les parutions sont moins nombreuses. Mais l'esprit du roman noir a été préservé depuis soixante-dix ans. La Série Noire est donc toujours pleine de vie… et de crimes.

70 ans de la collection : C'est l'histoire de la Série Noire (1945-2015)

À l'occasion de cet anniversaire paraît un ouvrage dédié à cette collection : “C'est l'histoire de la Série Noire (1945-2015)”. Édition publiée sous la direction d'Alban Cerisier et Franck Lhomeau, avec la collaboration d'Aurelien Masson, Claude Mesplède, Patrick Raynal, et Benoît Tadié. Avant-propos d'Antoine Gallimard.

« Ami de longue date de Jacques Prévert et de Raymond Queneau, féru de littérature américaine, Marcel Duhamel s’est entièrement voué à cette passionnante et frénétique entreprise éditoriale, commencée modestement avant de devenir l’une des collections phares de la NRF. Bon marché et largement diffusée, la Série Noire a été accueillie à bras ouverts par les lecteurs français de l’après-guerre fascinés par l’Amérique, scène mythique de ces romans noirs rugueux et haletants, hérités des pulps et puissamment relayés par le cinéma. "C’est Duhamel qui a créé le genre avec sa Série Noire, a pourtant écrit Manchette. Duhamel a inventé la grande littérature morale de notre époque. Il faisait semblant de ne pas le savoir." L’homme, professionnel tenace, n’était pas dogmatique ; sa collection ne l’a pas été plus que lui, trouvant, de son vivant comme à sa suite, les moyens de se réinventer ou de se réajuster, sans piétiner l’héritage. Jamais un album n’avait été consacré à l’histoire éditoriale, commerciale et littéraire de cette collection emblématique, riche de quelque trois mille titres. L’anniversaire de ses soixante-dix ans offre l’occasion d’y remédier, en retraçant un parcours rythmé par la succession de quatre directeurs et par les métamorphoses d’un genre, porté par plusieurs générations d’auteurs – anglo-saxons, français puis du monde entier –, tous porteurs d’une certaine conscience de notre temps. Trois cents documents, issus notamment des archives de la maison Gallimard, viennent ainsi illustrer des contributions inédites sur l’histoire de la Série Noire, d’hier à aujourd’hui » nous dit la présentation de ce livre.

Exemple, parmi les documents, se trouve la fiche de lecture du "Grand sommeil" de Raymond Chandler, rédigée par Raymond Queneau : "Roman de policier plutôt que roman-policier" écrit-il. "Ne brille pas par l'ingéniosité de l'intrigue, ni la profondeur du mystère". Néanmoins, "Le grand sommeil", traduit de l'anglais par Boris Vian, paraîtra dans la Série Noire en 1948. Bien d'autres documents et anecdotes sont là pour mieux faire connaître l'univers de cette collection mythique. Franck Lhomeau et Claude Mesplède, grands spécialistes du roman noir, ayant contribué à ce livre, c'est encore une sacrée référence. À la fin de l'ouvrage, on retrouvera tous les titres de la collection depuis 1945.

 

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 05:55

C'est Octave, cinq ans, “un petit garçon joli comme un ange, aux yeux bleus, aux boucles dorées, intelligent”, qui observe et raconte les mésaventures de ses parents, et de ses six frères et sœurs. Octave joue un rôle quelque peu fantomatique parmi eux. Toute sa famille habite dans le château du grand-père, le docteur Albert Ade. Cet aïeul apparaît sévère, car il se veut garant de l'hérédité familiale, d'une droiture sans faille. Quand Ernest, l'aîné de ses petits-enfants, sort de prison pour une condamnation après un petit vol, le grand-père le chasse de sa propriété. M.Cueille, l'amoureux de Clémence, sa petite-fille de dix-neuf ans, espère se marier avec la jeune fille. Ayant aussi un vague antécédent délictueux, M.Cueille se voit refuser par le docteur Ade d'épouser Clémence.

Les parents d'Octave sont de retour de voyage, accompagnés de M.Khan, l'assistant du père de famille. Cet Indien semble attiré par Madame Ade, peut-être parce que celle-ci affiche un esprit troublé plutôt que par amour. Il finira par quitter le château, disparaissant dans des circonstances bizarres. Le père d'Octave voudrait savoir où son épouse cache le petit Alfred, enfant du couple que personne n'a jamais vu. Si le grand-père médecin est un homme de rigueur, son fils n'est qu'un freluquet. Le plus fort de la famille, c'est Charles. Âgé de quatorze ans, il est grand, musclé, et cruel. Méchant de nature, excessif en tout, il ne craint guère les corrections physiques que lui inflige sa sœur Clémence. Étrangler toute sa famille et mettre de l'argent de côté semblent ses deux obsessions.

Paralysé à la suite d'une "attaque", le grand-père médecin est bientôt retrouvé pendu. Le petit Octave a vu rôder une étrange Bête dans la propriété. Ce pourrait être une des sales idées de son frère Charles, pour effrayer son entourage. Toutefois, la Bête apparaît encore bien plus dangereuse, sans doute meurtrière. Un certain Lefort, docteur défiguré, s'installe dans une maison sans confort proche du château. Charles et lui sympathisent lors de visites nocturnes de l'adolescent chez Lefort. Malgré son incontestable force physique, le jeune Charles s'avère plus faible à la lutte que le médecin défiguré.

Il est probable que ce nouveau venu ait de mauvaises intentions, concernant les habitants du château. Sa violence visant des figurines ensorcelées indique sa volonté destructrice. D'ailleurs les décès vont maintenant se succéder dans la famille Ade. Certes, noyades et chutes mortelles peuvent toujours être attribuées à de la malchance, ou au hasard. Malgré sa paranoïa, la mère d'Octave n'en croit rien. Elle est décidée à protéger coûte que coûte l'invisible enfant Alfred. Contre son mari ou contre la Bête rôdant pour tuer ? Bien que des policiers surveillent la propriété, seront-ils assez forts pour arrêter le criminel ?…

Marc Agapit : Greffe mortelle (Éd.Mille et Une Nuits, 2015)

De son vrai nom Adrien Sobra (1897-1985), Marc Agapit fut l'auteur-phare de la collection Angoisse du Fleuve Noir, produisant deux à trois titres par an de 1958 à 1974. Professeur d'Anglais célibataire, c'est à la soixantaine qu'il écrivit ces romans où règnent la mort et des ambiances étranges. “Une œuvre magistrale dont les thèmes récurrents sont l'Enfer et la mythologie et qui, bien que résolument fantastique, a des accointances avec le policier” écrit François Guérif dans le "Dictionnaire des Littératures Policières" de C.Mesplède.

Les intrigues de Marc Agapit sont servies par deux grandes qualités. D'abord, la fluidité de la narration, sachant que bon nombre de ces histoires sont racontées par des enfants. Candeur et imaginaire enfantin, face à des situations glauques et morbides, le contraste fonctionne à merveille. Autre élément capital, la non-dramatisation du récit : l'auteur ne surenchérit pas dans le spectaculaire, il garde volontairement un côté factice. Il présente des monstres fort laids, des personnages violents, des silhouettes inquiétantes, et cultive le mystère. Néanmoins, on sourit autant que l'on tremble en lisant ces aventures.

Les rééditions de romans de Marc Agapit sont rares, hélas. C'est à l'initiative de l'écrivain Philippe Vasset que “Greffe mortelle” paraît à nouveau (pour un prix modique) dans la collection "Mille et une nuits". Heureuse idée, et bel hommage de sa part en préface de cet ouvrage. Il n'a pas tort de souligner que la littérature populaire a toujours été négligée par les beaux esprits, mais également qu'existe un ostracisme envers les auteurs français singuliers tels que Marc Agapit : “Personne ne conteste la valeur de Philip K.Dick, de H.P.Lovecraft ou de Stephen King, pour ne citer que des monuments. Tous viennent de pays où les frontières entre les genres sont plus poreuses qu'en France, et tous ont été célébrés chez eux avant d'être publiés ici. Mais des auteurs d'espionnage, de fantastique ou de terreur français, ça n'existe pas.”

Grâce à “Greffe mortelle”, les lecteurs actuels sont invités à redécouvrir le talent d'un de nos excellents auteurs d'antan, afin que Marc Agapit et son œuvre restent logiquement dans les mémoires.

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15 novembre 2015 7 15 /11 /novembre /2015 05:55

Située entre le Nicaragua et Panama, la république du Costa Rica est un des pays les plus stables de l'Amérique centrale, peuplé de cinq millions d'habitants. Ancien guérillero, don Chepe vit désormais à Paraíso, dans la province de Guanacaste, sur la côte Pacifique. Ce solitaire ne fréquente guère que le bar de son amie doña Eulalia et une poignée d'amis. Sergent de la Force publique, le Gato en fait partie. Il arrive que don Chepe s'improvise détective pour lui offrir son aide. En cette saison pluvieuse, c'est ce qui se produit quand un cadavre est découvert dans la région. Don Chepe connaissait Antonio Rivas, trente ans, et sa mère María. Cette famille est originaire du Nicaragua voisin. Des “Nicas”, comme on dit ici, par opposition aux “Ticos” natifs du Costa Rica.

Qu'Antonio ait été mêlé à un trafic de drogue, puisqu'on en a trouvé sur lui, don Chepe n'y croit pas du tout. C'est une mise en scène, d'autant que le corps gisait dans un lieu pas si isolé. On ne peut pas s'attendre à une enquête sérieuse de la part de la police. Après les obsèques d'Antonio, ses proches Nicas et don Chepe font face à des réactions xénophobes dans un bistrot. Au lendemain de cette vive altercation raciste, un cousin d'Antonio est agressé à la machette. Grièvement blessé, il est hospitalisé et s'en remettra peut-être. Il est peu probable que les “Ticos” agressifs en soient les responsables. Ligia, policière amie du Gato, est d'une honnêteté irréprochable. Elle leur apprend que le tueur d'Antonio était un gaucher, et qu'il y a quand même un témoin du meurtre.

C'est ainsi que don Chepe et Chato interrogent le pêcheur Arnoldo. Selon sa version, les malfaiteurs étaient des “Nicas”, mais cette impression est douteuse. Don Chepe se rend à Liberia, la ville où Antonio était employé dans une usine de conditionnement d'oranges. Le directeur de cette entreprise prospère confirme qu'il s'agissait d'un salarié fiable, sans exclure des embrouilles de sa part dans un trafic de drogue. Discrètement, à l'insu du contremaître Luis, un collègue et ami d'Antonio contacte don Chepe. Le défunt lui avait confié des documents comptables concernant cette usine. Ligia les consulte, confirmant qu'il s'agit certainement d'un trucage financier. Quant à trouver des preuves impliquant la nébuleuse qui en bénéficie, c'est bien difficile.

Via un atelier de mécanique auto servant d'intermédiaire dans des trafics de drogue, don Chepe et le Gato trouvent une piste exploitable. Quand ils essaient d'alpaguer le dealer Pérez, celui-ci réplique dans un échange de tirs, blessant légèrement don Chepe avant de réussir à s'enfuir. Sans doute est-ce en utilisant la ruse que l'enquête avancera : il faut tenter de piéger le fameux Luis. Ligia continue, elle, à chercher des preuves financières. Pour Don Chepe, l'affrontement avec le commanditaire de l'affaire est inévitable : “La loi et la justice ce n'est pas la même chose, et moi je suis trop vieux pour rester là, à attendre l'arrivée des miracles.”

Daniel Quirós : Pluie des ombres (Éd. l'Aube Noire, 2015)

Dans cette partie du monde, l'image du Costa Rica est plutôt bonne. La solidité du pays tient au tourisme grâce à des sites séduisants, aux investissements fonciers, et à ses rapports économiques avec les États-Unis. Cette façade de tranquillité fait oublier que la majorité de la population vivote, tandis que les plus puissants engrangent les profits. Le mécanisme de la corruption est fort bien expliqué par l'auteur. Quelques billets pour les sans-grades qui feront semblant de ne rien voir, un pactole pour les dirigeants tricheurs. Et tant pis pour ceux qui seraient trop curieux ou pas assez obéissants : on usera de la violence à leur encontre, on les supprimera au besoin. Ce n'est pas tant que la police soit inactive, mais il existe des moyens de la museler, de calmer le zèle.

L'autre principal aspect évoqué, c'est le racisme. Un ouvrier venu du Nicaragua accepte un salaire plus faible qu'un habitant du Costa Rica. Beaucoup d'entreprises s'offrent ainsi de meilleures marges, et du personnel moins exigeant. Schéma classique, créant la division entre populations locales et étrangères. Généralement trop lâches pour s'en prendre aux vrais responsables, les "perdants" désignent d'aussi pauvres qu'eux. Ce roman noir baigne dans une ambiance sombre et pluvieuse. Voilà une intrigue de très bon niveau. À travers l'enquête de don Chepe, personnage mûr, rebelle assagi mais toujours réactif, ce sont les réalités du Costa Rica que nous dessine Daniel Quirós.

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14 novembre 2015 6 14 /11 /novembre /2015 05:55

À l'initiative de l'éditeur Otto Penzler, chaque année paraît un recueil de nouvelles qui recense les meilleurs textes des auteurs américains du moment. Un écrivain confirmé choisit au final parmi les nouvelles sélectionnées. Ce type d'ouvrage fut publié plusieurs années sous le titre “Moisson Noire”. Donald Westlake, Lawrence Block, James Ellroy, Michael Connelly présidèrent au choix des textes. Pour cette édition, c'est Harlan Coben qui décide quelles sont les vingt nouvelles présentées. Il a retenu les auteurs suivants :

Brock Adams, Eric Barnes, Lawrence Block, David Corbett et Luis Alberto Urrea, Brendan Dubois, Loren D.Estleman, Beth Ann Fennelly et Tom Franklin, Ernest J.Finney, Ed Gorman, James Grady, Chris F.Holm, Harry Hunsicker, Richard Lange, Joe R.Lansdale, Charles McCarry, Dennis McFadden, Christopher Merkner, Andrew Riconda, S.J.Rozan, Mickey Spillane et Max Allan Collins. Certains de ces noms sont mal connus en France, d'autres ont déjà une solide réputation dans le suspense. Une présentation biographique permet de situer chacun de ces auteurs. Tous apportent leur inspiration personnelle et leur propre tonalité à ces courtes histoires. Cette diversité rend le recueil d'autant plus plaisant à lire. Une belle sélection, variée à souhaits.

Harlan Coben présente “Insomnies en noir” (Éd.Pocket, 2015)

Cinq exemples parmi la vingtaine de nouvelles :

Joe R.Lansdale : “Pluie d'étoiles”. Deel s'était engagé pour combattre en Europe, durant la Grande Guerre. Quatre ans plus tard, le voici de retour dans son petit coin d'Amérique. Il retrouve sa femme Mary Lou, vingt-huit ans, et leur fils de huit ans, Winston. Pendant sa longue absence, leur voisin Tom Smites aida beaucoup Mary Lou et son fils. Métis d'une Indienne et d'un Suédois, Tom est un beau jeune homme. Deel se montra autrefois très paternel envers lui. S'il renoue avec son monde, Deel reste marqué par les images fortes des épreuves guerrières qu'il a traversées. Une explication s'impose entre Tom et lui, lors d'une partie de chasse. Il est certain que la mort sera au rendez-vous, quoi que fasse le shérif Lobo Collins.

Lawrence Block : “Table rase”. Âgée de vingt-trois ans, Katherine Tolliver (dite Kit) n'a eu qu'une demie-douzaine d'amants. Son vrai premier petit ami, ce fut Douglas Pratter. Huit ans après leur séparation, elle le recontacte à Toledo. Il est marié, il a un métier stable, il a plaisir à la revoir. Leurs retrouvailles se concluent logiquement par une relation sexuelle. Pourtant, Kit n'est nullement une romantique. Ni cette jeune femme équilibrée installée à New York, ayant réussi socialement, ainsi qu'elle veut paraître. Elle s'est interrogée sur son parcours sexuel, débuté alors qu'elle avait treize ans. Et sur sa vie, qui changea de cap à la mort brutale de ses parents. Kit efface maintenant tout ce qui a trait à certains moments de son passé.

Max Allan Collins, d'après l'œuvre de Mickey Spillane : “Mort depuis longtemps”. Grant Kratch fut condamné à mort et exécuté, son décès effectif fut authentifié. Il s'agissait d'un violeur et tueur en série plutôt fortuné. Ayant assassiné pas moins de trente-sept jeunes femmes, il méritait son sort. C'est le détective privé new-yorkais Mike Hammer qui l'arrêta à l'époque, dix ans plus tôt. Or, Mike vient de le repérer, bien vivant, à l'aéroport. Il le piste jusqu'à son hôtel, et s'arrange pour obtenir ses empreintes digitales. En fait, ce serait celles d'Arnold Veslo, petit truand disparu de la circulation depuis belle lurette. Kratch trouva-t-il le moyen d'échapper à la mort, ou bien s'agit-il d'un sosie ? Avec sa brune partenaire Velda, le privé Mike Hammer enquête. En effet, il y eût d'autres victimes imputables à Kratch après sa mort supposée.

Richard Lange : “Tueur d'enfant”. Veuve, Bianca est la plus âgée des employés de service à l'hôpital, en majorité Latinos. Ses propres enfants restent proches d'elle. Alors qu'elle est de retour dans sa maison, un policier passe pour une enquête de proximité. Quelques jours plus tôt, un bébé a été abattu en pleine rue. Ce quartier de Temple Street est de plus en plus dangereux. Bianca affirme au policier qu'elle n'a rien vu. Pourtant, comme d'autres ici, elle sait que le tueur est un voyou appelé Marionnette (José est son vrai prénom). Mais Bianca a déjà elle-même quelques soucis avec sa fille Lorena, et sa petite-fille Brianna. Peut-être quelqu'un dénoncera-t-il Marionnette ? Pour Bianca, trouver un peu de paix en compagnie de son voisin salvadorien Rudolfo ne serait pas désagréable.

Brendan Dubois : “En patrouille”. Cooper est une vaste et pauvre agglomération de l’État du Massachusetts. Mariée, Erica Kramer y exerce le métier de journaliste free-lance. En vue d'un reportage de fond, elle a obtenu de participer à une patrouille de police nocturne. Parmi les soixante flics, elle a choisi d'accompagner l'agent Roland Piper. Parce que c'est le plus chevronné. Peu ambitieux, il aime s'occuper du secteur du Canal. Ce quartier sensible de Cooper abrite squatteurs et trafics. Une fois posées les règles de respect entre eux, Erica et Roland partent en mission. Le seul incident important pendant la nuit, ce sera un cambriolage en cours dans une bijouterie. Laissant Erica à l'abri, Roland Piper intervient, avant de se faire assommer, un choc pas trop grave. Les collègues de l'agent interrogent Erica, qui ne sait rien sur les gens abattus à l'intérieur de la bijouterie...

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 05:55

Fin 1999, à Washington DC. Originaire de Louisiane, Sullivan Carter est un baroudeur de l'info. Ex-correspondant de guerre en Bosnie, il reste marqué par cette expérience. Malgré son esprit frondeur et son alcoolisme, Sully Carter est apprécié par R.J., le grand patron du journal. Par contre, le courant passe mal avec sa prétentieuse chef de service Melissa. Sully a pour amis la magistrate Eva Harris et le policier John Parker. Il est aussi proche de Sly Hastings, repris de justice noir, caïd du quartier de Park View. Ces trois-là constituent de bonnes sources d'infos. Sur sa moto Ducati, tant qu'il n'est pas trop ivre, Sully n'est jamais loin quand il se produit des faits divers au cœur de la capitale fédérale.

Le cadavre de Sarah Reese, quinze ans, a été découvert dans une benne à ordure près de Georgia Avenue. La jeune fille a été assassinée alors qu'elle sortait de son cours de danse. Dans la supérette d'en face, chez Doyle's, elle avait été importunée par un trio de jeunes blacks. Qui apparaissent vite comme les principaux suspects. Si ça grouille bientôt de flics et de médias, ce n'est pas seulement parce qu'une Blanche a été tuée dans un quartier en majorité peuplé de Noirs. Sarah était la fille du juge David Reese, ambitieux président de la Cour fédérale. Dans une précédente affaire, Sully Carter été en conflit avec lui, le juge n'ayant pas tenu sa parole. Le journaliste glane quelques vagues renseignements, pour un premier article sur ce meurtre. Mais il aurait besoin de témoignages plus solides.

D'après Sly Hastings, les trois suspects ne sont pas coupables. De Park View à Princeton, personne n'est assez stupide pour tuer une fille blanche dans ces quartiers : “On lui a tranché la gorge… La question c'est pourquoi, pas qui.” Malgré tout, pour préserver son bizness, Sly va devoir un peu collaborer avec la police. Muni de son pistolet Tokarev M57 acquis en ex-Yougoslavie, Sully se sentira davantage en sécurité par ici. À vrai dire, tout le monde semble se désintéresser de la mort de Sarah Reese dans ce coin. Il n'y eut guère plus de réactions quand la prostituée de vingt-cinq ans Lana Escobar fut assassinée, ou à la disparition de l'étudiante de vingt-quatre ans Noel Pittman, pas encore retrouvée. Une Guatémaltèque et une Jamaïcaine : leurs cas n'entraîna pas d'enquêtes approfondies.

Sully est obligé d'assister à la déclaration officielle du juge Reese. Même s'il le rencontre ensuite, il n'attend rien du père de la victime. Le journaliste est le seul présent lorsque le trio de suspects est arrêté. Une exclusivité remarquée. Le policier John Parker l'informe que l'on a trouvé le cadavre putrescent de Noel Pittman. Dans son article suivant, Sully ne se prive pas de faire le lien entre les victimes, Sarah, Lana et Noel. Ce n'est pas sans conséquences : Lorena Bradford, sœur de Noël, lui signifie qu'il n'est pas le bienvenue aux obsèques de la jeune femme. Et les autorités doivent organiser une réunion de quartier, pour rassurer les habitants de Princeton, niant le risque d'un tueur en série.

Il existe un point commun entre Noel et Lana : toutes deux avaient posé pour des photos très sexe. Sully approche certains clients de prostituées, bien que cette piste incertaine ne le mène peut-être nulle part. Rudy Jeffries, un de ses contacts dans la hiérarchie policière, lui rappelle les chiffres de la criminalité à Washington, et que peu d'affaires sont résolues. Selon les dossiers, Sully s'aperçoit qu'il y eût au moins cinq meurtres similaires depuis l'an passé. Impossible qu'il ne s'agisse pas d'un serial killer. Sous anonymat, quelqu'un affirme que le juge Reeves fréquentait assidûment ce quartier, éloigné des secteurs chics où il vit…

Neely Tucker : La voie des morts (Série Noire, 2015)

À l'époque où se place ce roman, Internet était encore balbutiant, le travail journalistique restait basé sur l'investigation de terrain. “À l'ancienne ?” Ce serait exagéré, car à la fin du 20e siècle, les moyens ne sont plus si artisanaux. Pourtant, quand il s'agit de creuser sur une affaire, des relations dans divers milieux sont essentielles. Et les méthodes classiques ont leur utilité : dans le bureau du journaliste, il y a une carte de tous les assassinats recensés à Washington récemment, avec des punaises colorées indiquant la race et le sexe des victimes. Surtout, pour dénicher des témoignages crédibles et des faits fiables, il faut s'impliquer, observer au plus près les évènements et cogiter, non pas attendre dans un bureau. Une forme de journalisme qui n'a plus tellement cours, semble-t-il.

Expérimenté, toujours motivé mais se marginalisant, Sully Tucker est un “dur à cuire” offensif dans la tradition du roman noir. On ne nous le présente pas meilleur qu'il n'est, ayant un regard plutôt caustique sur ses concitoyens, sans illusion sur l'impunité des classes dirigeantes, blasé par un système défavorable aux minorités raciales. Il n'a pas de préjugés, il fait son métier de reporter, que ses hypothèses soient exactes ou non. Cette intrigue dresse un portait sociétal de l'Amérique peu avant les années 2000. En termes de criminalité, des centaines de meurtres et des milliers de disparitions rien qu'à Washington, ce pays est loin de l'efficacité exemplaire. Quant au tueur en série, il paraît s'inspirer d'un vrai cas. Le réalisme sombre de l'ambiance, et le caractère du héros, offrent deux atouts majeurs à ce noir suspense très prenant. Jolie réussite et belle maîtrise, d'autant que c'est un premier roman.

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 16:00
Lyon : deux rendez-vous avec des romancières polar

À Lyon, la librairie L'Esprit Livre (76 rue du Dauphiné, 69003 Lyon) propose deux rencontres avec des romancières.

Mercredi 18 novembre à partir de 19h : Odile Bouhier "Sur les traces de la police scientifique" – Une rencontre en deux temps, avec tout d'abord l'évocation des romans  d'Odile Bouhier qui mettent en scène le commissaire Kolvair à l'époque des années folles à Lyon ; puis une discussion autour de la figure d'Edmond Locard, père fondateur de la police scientifique au début du 20e siècle à Lyon.
Samedi 5 décembre à partir de 19h : Elena Piacentini – Rencontre autour des romans d'Elena parus aux éditions Au-delà du Raisonnable suivi d'un repas avec l'auteur (sur inscription)
Les inscriptions pour le repas sont à envoyer impérativement avant le 21 novembre à
contact@lesprit-livre.fr en indiquant son Nom, Prénom, nombre  de personnes et ses coordonnées (compter 25-30 euros/personne)
Librairie L'Esprit Livre – 76 rue du Dauphiné –
Lyon

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 08:00

 

Le festival Noir sur la Ville est annulé.

 

 

Lamballe (Côtes d'Armor) Festival Noir sur la Ville 2015

Le grand rendez-vous du polar et du roman noir dans l'Ouest, c'est samedi 14 et dimanche 15 novembre à la salle municipale de Lamballe.

Les débats programmés : samedi à 15h : Héros singulier, auteurs pluriels (Quand le héros à plusieurs pères ou mères) – samedi à 16h30 : Les auteurs étrangers – dimanche à 14h30 : La Série Noire – dimanche à 16h : Le polar en revues.

Les auteurs annoncés : Karine Giebel, Marie Vindy, Laurence BiberfeldElsa Marpeau, Dominique Manotti, Sandra Martineau, Sandrine Collette, Sophie Hénaff, Stéphanie Benson, Sylvie Deshors, Béatrice Nicodème, Zygmunt Miłoszewski, John Harvey, Georges Arion, Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, Franck Bouysse, Marin Ledun, Hervé Sard, Jacques Olivier Bosco, Philippe Georget, Sébastien Gendron, Denis Flageul, Gérard Alle, Benoît Séverac, Bruno Ségalotti, Claude Mesplède, Hervé Le Corre, Pascal Dessaint, Patrick Bard, Olivier Truc, Marcus Malte, Thomas Bronnec, Vincent Gravé, Gianni Pirozzi, Hervé Jubert, Jean-Christophe Tixier, Jérémie Le Corvaisier, Olivier Thomas.

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