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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 05:55

Ça fait onze ans que Jeff Sutton est chauffeur de taxi à Dallas. Âgé de trente-six ans, il est un des rares Américains bancs employés par la compagnie Dillon. Lors d'une journée de repos, il reçoit la visite intrusive de trois policiers. Bien qu'il n'y comprenne rien, Jeff est bientôt menotté et transféré au poste de police de Westboro, quartier chic des environs. Fiché pour un vieil incident sans importance, il est accusé de l'enlèvement d'une gamine de douze ans, Gara Worth. Il a effectivement conduit la mère de cette collégienne à son domicile, la veille. On a trouvé les empreintes de Jeff sur une fenêtre chez cette cliente. Une explication pourtant rationnelle ne suffit pas : les enquêteurs sont convaincus d'avoir arrêté le coupable. Les médias adoptent immédiatement la version des policiers.

Jeff Sutton est placé en détention sans délai. Le lendemain, l'avocat commis d'office ne lui paraît nullement motivé, n'évitant pas son inculpation. Devant les caméras de télé, la mère de la kidnappée provoque un esclandre. Présomption supplémentaire de culpabilité pour Jeff. Il est enfermé dans le Couloir de la mort à la prison, afin de ne pas être mêlé aux criminels et délinquants ordinaires. Au parloir, il rencontre un inspecteur noir de la police de Waco, Larry Watson. Celui-ci a un autre suspect, Vernon Brightwell. Mais il est conscient que ses collègues bornés de Westboro ne suivront pas cette piste. Pour le reste, rares sont les discussions entre les quelques détenus du Couloir. Éviter tout affrontement est préférable, Jeff ne l'ignore pas.

Robert, psychopathe dénué du moindre remord, est son principal interlocuteur. Un homme à l'allure normale, plutôt attachant et clairvoyant, tant qu'on ne l'appelle pas Bob. Quand Jeff est hospitalisé pour une appendicite aiguë, il ne cherche pas à tricher pour rester plus longtemps loin de la prison. À son retour, l'avocat négocie un arrangement. Impossible, puisque Jeff n'est pas en mesure de dire où est la jeune victime. Si la Dr Comming est une séduisante psychologue, Jeff n'est pas sûr de pouvoir lui faire totalement confiance. Après dix mois de détention, le procès va commencer. L'avocat n'a pas retrouvé les étudiantes qui auraient pu expliquer une partie de l'affaire. Peu de témoins en faveur de la défense, tandis que l'accusation en présente deux, pourtant des repris de justice.

Dans son costume ayant appartenu à un condamné qui a été exécuté, Jeff n'a plus guère d'espoir. Même s'il est avéré que, pour le policier qui l'a arrêté, c'était sa première enquête criminelle, qu'il était inexpérimenté. Les jurés ne lui semble pas bienveillants, non plus. La police de Waco reste favorable à Jeff. L'inspecteur Watson vient d'ailleurs témoigner, mais ne paraît pas convaincre. Suit une longue délibération du jury, qui finalement condamne l'accusé. Jeff ne peut qu'espérer un miracle, un improbable rebondissement pour ne pas retourner dans le Couloir de la mort…

Iain Levison : Arrêtez-moi là ! (Éd.Liana Levi) au cinéma début 2016

Ce roman extrêmement vivant de Iain Levison a connu un beau succès depuis sa sortie en 2011. C'est largement mérité, car l'auteur nous fait partager (par un récit à la première personne) les épreuves traversées par le chauffeur de taxi Jeff Sutton. Une exploration du système judiciaire et carcéral américain, ainsi que des dérives policières lors d'enquêtes. On montre ici comment, lors d'un débat-télé, la censure s'opère dès que la police est tant soit peu mise en cause. Ce livre est dédié à la mémoire de Richard Ricci, mort des suites d'incarcération, soupçonné à tort de l'enlèvement d'Elizabeth Smart âgée de quatorze ans. L'auteur nous décrit les conditions d'emprisonnement, avec les chaînes aux pieds, les cages du Couloir de la mort, la nourriture infecte, et de rares gardiens compatissants.

C'est Robert, le psychopathe, qui évoque le mieux toute l'hypocrisie judiciaire : “Au cours de l'audience qui a fixé ma peine, mon avocat et la juge ont décidé d'un commun accord que je devais présenter mes excuses aux familles des victimes. Que je devais les écouter me raconter pendant deux heures que les gens que j'avais tués étaient merveilleux, et ensuite lire une déclaration disant combien je regrettais… La juge avait entendu trois experts psychiatres affirmer que j'étais incapable de remords, et elle venait me demander d'exprimer mes regrets par écrit… Mes victimes étaient un tas de merdes exigeantes, collantes et cupides. Et elles n'auraient donné leur chemise à personne. La plupart n'auraient pas filé dix cents à un mendiant… Tout ça c'est des connerie. C'est un spectacle.”

Réalisme et humour caustique vont de pair dans cet excellent roman, qu'on dévore avec passion. À noter la sortie au cinéma le 6 janvier 2016 du film de Gilles Bannier, avec Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen, Erika Sainte, Stéphanie Murat, adapté d'après ce roman. L'action se passe en France, à Nice. Reda Kateb incarne Samson Cazalet, un coupable idéal détruit en toute bonne conscience par les dérives de la justice.

Iain Levison : Arrêtez-moi là ! (Éd.Liana Levi) au cinéma début 2016
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commentaires

T
Coucou ^^<br /> <br /> Ils n'auraient pas dû transposer le film en France, je trouve...
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C
Le problème, c'est que les Américains ne sont pas prêts à remettre en cause leur système judiciaire, et que rares sont leurs films (même s'il en existe) abordant la question côté accusé. Et si des Frenchies allaient tourner l'histoire chez eux, ils ne seraient sûrement pas les bienvenus - surtout au Texas. <br /> Amitiés.
P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> J'ai déjà eu l'occasion de citer le site Death Penalty Information Center www.deathpenaltyinfo.org<br /> <br /> Voyez ce cas que j'avais remarqué et qui présente des similitudes avec la situation évoquée dans le livre de Levison.<br /> Il y a même un passage sur la bouffe infecte dans le couloir de la mort. Et les conditions matérielles ( et psychologiques ) infâmes.<br /> <br /> http://www.deathpenaltyinfo.org/node/6310<br /> <br /> http://www.deathpenaltyinfo.org/death-row-former-texas-death-row-inmate-testifies-congressional-hearings-solitary-confinement<br /> <br /> What I didn’t know then was that this wrongful death sentence was only part of the torture I would experience for the next 18-and-a-half years. I didn’t know that I would be forced to live in an 8x12 cage. I didn’t know I would have to use a steel toilet, connected to my steel sink, in plain view of the male and female corrections officers would walk the runs in front of my cell. I didn’t know that for years on end I would have no physical contact with a single human being.<br /> <br /> I didn’t know that guards would feed me like a dog, through a slot in my door. Instead of providing basic nutrients, the food sometimes contained rat feces, broken glass, or the sweat of the inmate who cooked it. This diet caused me health problems that continue today. The prison gave me no phone to call my loved ones, no television to keep up with the world and local events, and no real medical care. I lived behind a steel door, with filthy mesh-covered windows looking out to the run; my only window to the outside world was a tiny one on the top of the back wall of my cell. With its peeling, old, and dull paint, my cage was the image of an abandoned one-room project apartment. If I had known when I was sentenced all I would have to go through before I would win my freedom, I don’t know if even my faith in my own innocence would have been enough to sustain me.<br /> <br /> http://www.deathpenaltyinfo.org/anthony-graves-becomes-12th-death-row-inmate-exonerated-texas<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> En effet, les témoignages ne manquent pas sur la dureté des conditions d'incarcération aux États-Unis, en particulier dans les « couloirs de la mort » des prisons. La motivation de ce traitement infect et dégradant des prisonniers étant : « S'ils sont là, c'est parce qu'ils on été jugés coupables, condamnés. » Le système pénitentiaire américain se base sur la « certitude » d'un jugement équitable. Alors que, il y a quelques années, un rapport d'Amnesty International estimait (je cite de mémoire, excusez l'approximation) qu'un tiers des détenus américains méritaient leur sanction, un 2e tiers avait été plus lourdement condamné que ça ne le devait, et qu'un dernier tiers était très probablement innocent. Et pourtant, tous sont traités avec inhumanité. Le héros de Iain Levison « préfère » se trouver dans « le Couloir », car au milieu des « droits communs » il serait en plus maltraité par les prisonniers, s'agissant de supposé kidnapping d'enfant. Il ironise d'ailleurs sur toutes ces lois portant des prénoms de fillettes, lois contraignantes mais qui ne règlent rien, car les enlèvements de mineures restent un permanent « fait de société » dans ce pays.<br /> Amitiés.
L
je découvre grâce à ton article qu'il y a une adaptation cinématographique de ce roman de Iain Levinson. Je pense que j'irai le voir car je suis curieux de savoir comme le réalisateur s'est approprié cette histoire. A l'époque j'avais particulièrement aimé le bouquin que j'avais chroniqué ( et que je remettrai au gout du jour sans doute pour l'occasion). C'est d'ailleurs à travers ce roman que j'avais découvert cet auteur dont j'ai depuis acheté tous les bouquins. Amitiés Claude
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C
Salut Serge<br /> Les scénarios autour de l'injustice sont souvent forts. Ce roman de Iain Levinson offre une sacrée bonne base, que le cinéaste aura certainement bien exploitée. <br /> Amitiés.
S
Salut Claude.<br /> Oui, le roman est très bon. C'est le 1er film de Gilles Bannier, réalisateur TV, dont des épisodes de la série "Engrenages", une référence en la matière. A voir assurément...<br /> Amitiés.
C
Salut Bruno<br /> Eh oui, toujours un peu plus d'info, avec cette sortie cinéma. Tu peux la reprendre quand tu veux. J'avais zappé ce roman (que j'ai pourtant acheté en 2011) jusqu'ici. A tort, évidemment, car c'est excellentissime. <br /> Amitiés.

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