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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 04:55

Pineta est une station touristique à dix kilomètres de Pise. Massimo Viviani, trente-sept ans, ex-mathématicien, a ouvert quelques années plus tôt son propre bistrot, le BarLume, dans cette petite ville qui est le berceau de sa famille. D'ailleurs, son grand-père Ampelio et un quarteron d'amis ayant largement dépassé la septantaine sont les plus fidèles clients du bar de Massimo. Parfois envahissants, les vieillards ! Tiziana Guazzelli est serveuse à temps partiel au BarLume. Ce qui laisse une certaine liberté à Massimo, quand le besoin s'en fait sentir. Pineta accueille ponctuellement des congrès, tel celui qui réunit en ce mois de mai des scientifiques du monde entier. "International Workshop of Macromolecular and Biomacromolecular Chemistry" : avec un pareil intitulé, ce doit être du sérieux.

À l'hôtel Santa Bona, Massimo et Aldo, vieil acolyte de son grand-père, assurent le service traiteur pendant les pauses du congrès. Un des Japonais présents, Koichi Kawaguchi, ne se passionne guère pour les conférences, car il est plutôt expert en informatique. Quant au lunatique professeur hollandais Antonius C.J.Snijders, il préfère chevaucher un vélo et trouver des attractions touristiques peu onéreuses. On déplore le décès accidentel du professeur japonais Asahara, soixante-quatorze ans, qui a fait une mauvaise chute dans sa chambre d'hôtel. Connu pour être un imbécile antipathique, le commissaire Vinicio Fusco est chargé d'enquêter. Convoqué par le policier, Massimo comprend qu'il ne s'agit pas du tout d'une mort naturelle : on a versé une dose de médicament contre-indiqué dans la boisson du vieux scientifique. Ça ressemble donc bien à un meurtre.

Même si l'information est censée ne pas être trop tôt divulguée, le grand-père Ampelio et ses amis en débattent au bar de Massimo. Client de passage, le professeur Snijders révèle avoir été témoin d'une scène avec la victime : l'éminent Asahara projetait de donner un avis négatif quant aux crédits accordés à son compatriote scientifique Watanabe. Voilà qui entraînerait la fin des recherches de l'intéressé et de son équipe. Un bon motif de vouloir éliminer Asahara. Ça mérite d'être indiqué au commissaire Fusco. Le service traiteur étant annulé, vu que le congrès est en deuil, Massimo accepte de jouer au traducteur pour aider le policier Fusco. Durant les interrogatoires des participants, il va traduire de l'anglais à l'italien, tandis que Koichi Kawaguchi traduira les réponses des Japonais.

Watanabe affecte de mépriser la suspicion criminelle le concernant. Selon un de ses confrères nippons, l'ordinateur trouvé dans la chambre du professeur Ashara n'est pas celui qu'il utilisait couramment. Massimo contacte un ami informaticien de l'université de Pise afin qu'il explore l'appareil. En effet, le contenu de cet ordinateur ne présente pas grand intérêt. Impossible même de s'en servir pour une présentation lors d'un congrès. Alors que Tiziana a redécoré le bar en son absence, Massimo s'énerve à peine, se concentrant sur cette énigmatique affaire. Si le farfelu Snijders ne peut pas l'aider, Koichi Kawaguchi est un spécialiste de l'informatique et de ses astuces…

Marco Malvadi : Un tour de passe-passe (10-18 + Christian Bourgois Éditeur, 2015) - Inédit -

On retrouve avec un grand plaisir les protagonistes de “La briscola à cinq”, premier titre de cette série inédite. On s'imagine volontiers dans ce paysage toscan, à l'ombre de l'orme sur la terrasse du bistrot de Massimo, écoutant les palabres d'Ampelio et des ancêtres qui y jouent quotidiennement aux cartes. Après la “briscola”, il sera d'ailleurs question d'un autre jeu, le bonneteau, dont le vieil Aldo reste un habile expert. Ambiance pittoresque, bien sûr, mais la technologie de pointe s'invite dans cet épisode. D'abord, Internet arrive (avec difficulté) sous forme de Wifi au BarLume. Ensuite, ce sont des pointures du monde scientifique qui sont réunies en congrès, ce printemps-là à Pineta. La modernité (aussi incarnée par Tiziana) côtoie donc la tradition dans cette histoire.

L'humour est omniprésent dans ce roman. En témoigne le portrait du policier : “Massimo éprouvait pour le commissaire Vinicio Fusco de l'irritation et de la compassion. Triste et agaçant était à ses yeux le mélange d'arrogance, de prétention, de bêtise et d'entêtement qui, compressé avec un goût douteux en bloc d'environ un mètre cinquante-cinq, lui donnait naissance. Et comme c'est toujours le cas avec les individus antipathiques, une caractéristique aussi insignifiante que la taille se changeait chez lui en défaut impardonnable, ainsi qu'en occasion de moquerie.” La circulation urbaine à Pise n'échappe pas à l'ironie, non plus, l'aménagement routier semblant hasardeux : “En roulant dans ce bordel amoncelé, Massimo avait parfois l'impression que la mairie s'était ingéniée à créer un minigolf...” Cette comédie policière inédite est un délicieux bonheur de lecture.

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 04:20

Directeur de la collection Rivages/Noir depuis 1986, qui a permis au public français de découvrir nombre de chefs-d’œuvre du roman noir et policier, François Guérif a fait don à la BnF d’une partie de ses archives personnelles couvrant une large période depuis ses débuts dans l’édition en 1978 jusqu’à aujourd’hui. Composé pour l’essentiel de la correspondance avec les auteurs, ce don rejoint les fonds d’archives de littérature policière que le département des Manuscrits de la BnF constitue depuis plusieurs années et qui contribuent à la valorisation de ce genre.

Avec la revue Polar, les collections Red Label, Engrenage International, Fayard noir et Rivages/Noir (plus de vingt-cinq ans de publications), François Guérif a fait connaître en France quelques-uns des plus grands écrivains de romans policiers et romans noirs contemporains, parmi lesquels les auteurs américains James Ellroy, Dennis Lehane, James Lee Burke ou Tony Hillerman. Il a tissé des liens privilégiés avec les écrivains, dont il cherche toujours à publier l’œuvre entière, dans des traductions particulièrement soignées.

La correspondance que cette figure emblématique de l’édition française a entretenue avec les auteurs de toutes nationalités dont il a édité les textes constitue l’essentiel de ce don précieux : on y trouve les échanges de lettres avec les Français Jean-Patrick Manchette, Léo Malet, Thomas Narcejac ou Pierre Siniac, les Américains Robert Bloch, Robin Cook, Howard Fast, Jim Nisbet, Ellery Queen et James Ellroy ou encore le Cubain Daniel Chavarria. Ces lettres sont autant de témoignages sur les oeuvres et les auteurs que sur l’engagement auprès d’eux de cet éditeur exigeant et passionné. Ces archives contiennent également d’autres documents inédits comme ce petit texte dactylographié de Howard Fast, "Another time", datant de 2002, une pièce de théâtre en deux actes jamais publiée. (Communiqué de la BnF)

François Guérif offre à la BnF ses archives personnelles
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21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 04:55

Deux romans de Dominique Arly, publiés dans la collection Spécial-Police du Fleuve Noir des années 1970...

 

"Faites-moi une fleur" (Fleuve Noir, 1973)

Comme souvent pendant ses vacances, l'étudiant Hugues Marestier est envoyé en mission par son oncle Prosper. Cette fois, direction la Bulgarie, avec pour but d'en ramener une plante nouvelle, non sans avoir vérifié que celle-ci sera véritablement exploitable. C'est dans les cordes d'Hugues, puisqu'il étudie la biologie. Il n'ignore pas que la valeur de ces plantes originelles est conséquente, car ce sont quantités de fragments de ces souches qui sont ensuite commercialisés à travers le monde. Le commanditaire de l'affaire n'est pas le seul à s'intéresser à ce nouveau produit qui rapportera tant. Un puissant groupe américain est sur le coup. Ainsi qu'une jeune femme repérée par des collègues allemands d'Hugues, une Danoise que l'étudiant va tenter de prendre en filature.

Hugues s'aperçoit qu'il a été berné, que la Danoise lui a filé entre les pattes. Il lui a suffi d'échanger ses vêtements avec une Suédoise prénommée Karen, à laquelle elle a laissé sa voiture. Faute de mieux, Hugues suit Karen jusqu'à un lieu touristique : “Nous arrivâmes aux Sables d'Or au coucher du soleil. La plus belle station bulgare de la Mer Noire, disait mon guide. C'était vrai.” La mystérieuse Danoise fait de temps à autre des apparitions brèves dans cet enchanteur décor balnéaire.

Svetlana, son père et ses cousins, Bulgares concernés par la transaction, attendent avec une certaine nervosité l'arrivée du créateur de la nouvelle plante, un Russe. Hugues et Svetlana sont agressés lors d'une soirée, puis le père de la jeune femme est enlevé. Avec les cousins, des costauds, Hugues va devoir le sauver sur le yacht où on l'a séquestré. Peu après l'arrivée du Russe, les précieuses graines sont volées. À moins que ce ne soient pas les vraies ? Quand Hugues se rend au laboratoire où il doit expertiser les fameuses graines, elles sont à nouveau dérobées. À force de mésaventures, Hugues commence à discerner la vérité…

Dominique Arly : Faites-moi une fleur + Une fleur en hiver

"Une fleur en hiver" (Fleuve Noir, 1979)

Édouard Delmont est un policier retraité. Il vit avec son épouse à Valjoux, un village de l'Ain. Voilà plusieurs fois que des amis le sollicitent pour retrouver des disparus. Missions dont il se passerait volontiers, car il ne dispose pas des mêmes moyens que la police ou la gendarmerie. Même s'il y a conservé certaines relations. Édouard n'ignore pas que ces affaires débouchent trop souvent sur des drames. Il accepte néanmoins de rechercher la petite-fille d'Henri Guillan. Malade, ce vieux monsieur a connu tant d'épreuves dans sa vie. Pour lui, pour son employée de maison Mme Aubin, pour François Joulain, parrain de cette Véronique, l'ancien policier va tenter d'en apprendre davantage sur sa disparition.

Le jeune femme revenait d'un voyage en Italie, avec son amie Liliane. Quand leur voisin Jean-Pierre Suchet chercha Véronique à la gare, aucune trace d'elle. Pourtant, Liliane dit l'avoir quittée peu avant, à un précédent arrêt du train. Se peut-il que Véronique ait, entre-temps, croisé quelqu'un dans ce train, et qu'elle ait subitement décidé de partir avec lui ? Hypothèse fort improbable. Par contre, il est possible que Jean-Pierre Suchet n'ait pas dit toute la vérité. Édouard doit-il dès lors en aviser la police ? Sans doute est-ce prématuré, car une vérification mettra bientôt Jean-Pierre hors de cause.

La jeune Véronique a-t-elle connu un coup de foudre en Italie, au point d'y rester ? À contrecœur, Édouard se rend les jours suivants dans le village de Spaluzella où séjourna la disparue. En réalité, le vieux policier s'aperçoit qu'elle n'a jamais mis les pieds dans cette bourgade italienne. Véronique était nettement plus perverse que ne l'imaginaient ses proches. Elle apparaissait plutôt sage, mais sortait avec clandestinement avec un jeune homme des environs. Qui vient d'ailleurs de se tuer en voiture. Si Édouard fait toutes ces découvertes, ça n'indique pas pour autant où se trouve actuellement la jeune disparue. À force de tourner en rond dans son département, l'enquêteur trouvera finalement des témoins utiles…

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 04:55
Alfredo Noriega : Mourir, la belle affaire ! (J'ai Lu, 2015)

Les rééditions en format poche offrent l'opportunité de découvrir des titres que l'on a pu négliger à leur parution initiale. C'est probablement le cas de “Mourir, la belle affaire”. Inhabituelle et déstabilisante histoire dans un décor fort peu familier, un inclassable, “hors normes” à tous égards. Polar noir ou roman sociétal, difficile de se prononcer car l'intrigue ne se dévoile qu'à travers un chassé-croisé nocturne et brumeux. C'est ce qui donne sa tonalité particulière, et rapidement fascinante, à cette intrigue…

 

Quito, capitale de l'Équateur, altitude 2850 mètres, une agglomération de deux millions et demi d'habitants. À l'ombre du volcan Guagua Pichincha, la vieille cité coloniale côtoie la ville moderne, issue d'un essor urbain labyrinthique et anarchique. L'Équateur, un pays latin conjuguant foi et violence. “Les lascars avaient déjà pris la fuite, la police arrivait, ainsi qu'une ambulance. La rue où habitait Heriberto Gonzaga S'était remplie du spectacle qu'engendre la violence dans une ville née pour prier.” Ici, règles et lois sont des notions approximatives, puisque la mort fait pleinement partie du quotidien… Un accident de la route cause les décès de Julio et Marianna. Leur amie Maria de Carmen Sosa s'en sort, non sans séquelles psychologiques. Le conducteur du 4x4 qui a heurté leur voiture pourrie s'est enfuit sans attendre. Pendant deux ans, nul ne cherche à l'identifier.

Quand survient le suicide de Maria de Carmen, le policier Heriberto Gonzaga vérifie que l'enquête fut bâclée. Il se sent impuissant. Pourtant, en secouant un épicier qui fut témoin de l'accident, Heriberto trouve une piste. Le chauffard serait l'architecte Ortiz, sans doute impliqué dans des affaires de blanchiment. Le policier l'abat sans hésiter et lui vole son nouveau 4x4. Le défunt Ortiz a une fille de dix-huit ans, Paulina. Pas insensible, Heriberto la prend en filature tandis qu'elle visite des églises. À l'inverse de son oncle et de sa mère, Paulina n'éprouve aucun esprit de vengeance.

Le légiste Arturo Fernadez est braqué par trois sbires à la solde des Ortiz, qui cherchent Heriberto Gonzaga. S'ils épargnent la grand-mère du policier, ils tuent le chauffeur du taxi transportant dans la nuit Paulina et Heriberto. Ainsi s'acheva la vie singulière de Devoto Santos, qui se paya son taxi de curieuse façon. Le père du brigadier Segundo Cifuentes étant autopsié après un arrêt cardiaque en voiture, c'est ainsi qu'il fait connaissance du légiste Arturo. Consultant le rapport médical sur l'accident causé par Ortiz, il espère relancer l'affaire. Tandis que Heriberto navigue toujours dans la métropole quiténienne, avec ou sans Paulina, le légiste rencontre la grand-mère du policier. Cifuentes et lui poursuivent une enquête qui a peu de chances d'aboutir…

 

“Voilà comment est la nuit, sans trêve ni compassion, uniquement soumise au destin. Heriberto la regarde, le visage envahi par l'absurde ; tous deux sont épuisés, crasseux et morts de faim. Depuis un bon bout de temps, ils n'arrivent pas à comprendre, ne serait-ce que cela, pourquoi ils sont ensemble.” Paulina et le policier, couple hautement improbable, en effet. Dès que l'on adopte un certain fatalisme des habitants de Quito, on se sent à leurs côtés dans ces tribulations équatoriennes. Ce qui apparaît déroutant, peut-être, c'est qu'aucun d'eux ne cherche vraiment d'explication, ni de vérité. Comme si la torpeur valait mieux que la réalité. On vous répond facilement “Et...?” dans le sens de “Qu'est-ce que ça peut me faire ?” Ambiance éloignée de nos critères occidentaux : il faut prendre le temps d'y adhérer. L'auteur s'attarde sur des personnages au parcours gratiné. Tels le chauffeur de taxi Devoto Santos, ou l'attachante aïeule du policier Gonzaga. Parce que c'est un roman insolite, il mérite un large public.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 04:55

À Édimbourg, de nos jours. Tony McLean vient d'accéder au grade d'inspecteur de police. Il ne dispose que d'une petite équipe composée de Robert Laird, dit Bob La Grogne, et de Stuart MacBride, un nouveau venu. Sa supérieure McIntyre ne lui accorde pas autant de moyens qu'à Charles Duguid, enquêteur confirmé au surnom peu flatteur. Pour McLean, un cambriolage qui peut s'inscrire dans une série de vols : à chaque fois, on annihile l'alarme pourtant sophistiquée, au domicile de récents défunts pour y dérober des bijoux. Charles Duguid est chargé d'une affaire plus sensible : l'ancien banquier Barnaby Smythe a été assassiné chez lui, éviscéré dans une mise en scène d'horreur. Bien que retraité, il restait encore puissant dans cette région d'Écosse. McLean est vaguement associé à l'enquête.

Dans le quartier de Sighthill, le corps momifié d'une jeune fille vient d'être découvert sur un chantier, dans la cave d'une demeure en rénovation. Une pièce secrète, où la victime fut crucifiée, violentée, étripée, selon un étrange rituel morbide. Si le parquet présente un dessin curieux, c'est dans des niches masquées que McLean trouve les principaux indices : des bocaux contenant des restes humains. Avec ses adjoints, il devra remonter le temps, car la robe de la victime indique qu'elle est morte vers le milieu des années 1940. Ce que confirme Jenny Spiers, qui dirige une boutique de vêtements vintage, et qui pourrait bien devenir une amie de McLean. Selon les déductions du policier, ce crime fut commis par six personnes. Sa supérieure McIntyre estime que ce n'est pas un cas prioritaire.

La demeure a longtemps appartenu au banquier Farquhar et à son fils Albert. Il serait bon de retrouver des infos sur le maçon qui façonna la cave secrète, ce que le jeune agent Stuart MacBride tente d'établir. Bienveillants avec McLean, le légiste Angus Cadwallader et son assistante Tracy lui offrent autant qu'ils peuvent un maximum d'éléments. L'affaire Barnaby Smythe trouve abruptement son dénouement, par le suicide de Jonathan Okolo, un Nigérian immigré clandestin. Duguid et McIntyre sont satisfaits. La mort d'un autre homme âgé, Buchan Stewart, oncle homosexuel de l'inspecteur Duguid, ressemble fort à celle de Barnaby Smythe. Là encore, un crime vite résolu, car le voisin et vieil amant de la victime se suicide en laissant des aveux. McLean n'est pas convaincu dans les deux cas.

Orphelin dès sa prime enfance, Tony McLean fut élevé par sa grand-mère Esther, femme appartenant à la haute société d'Édimbourg. Ayant végété dans le coma durant dix-huit mois, Esther vient de mourir. McLean laisse le notaire Jonas Carstairs s'occuper de tout, obsèques et succession. Le policier est assez surpris d'apprendre qu'il hérite d'une fortune, venant de son aïeule. Sans doute Carstairs voudrait-il lui fournir quelques détails, mais il n'en aura pas le temps. C'est chez sa grand-mère que McLean parvient à interpeller le cambrioleur en série. Dans l'appartement de ce Fergus McReadie, on retrouve son butin. Dont un bijou datant de 1932, ayant un lien avec la victime de la demeure des Farquhar. D'autres décès suspects se produisent, en apparence des suicides. Face à la mort qui rôde depuis plus de soixante ans, Tony McLean sera-t-il le plus fort ?…

James Oswald : De mort naturelle (Éd.Bragelonne, 2015)

C'est avec une très belle découverte que débute la nouvelle collection Bragelonne Thrillers. Ce suspense de James Oswald n'est pas à classer strictement parmi les romans d'enquête. Certes, le héros en est un policier dont nous allons suivre les investigations. On comprend bientôt que c'est tout l'univers de McLean qui importe ici, pas seulement son métier. Ses relations avec les autres sont nuancées, confiance ou sympathie vis-à-vis de certains, plus en retrait quand ça s'impose. Sans doute, une sensibilité qui lui vient des épreuves qu'il a connues par le passé. Il est confronté à des meurtres sanguinolents, actuels ou anciens, qu'on peut qualifier de démoniaques. Ce qui, par des sensations floues ou glauques, a de quoi perturber quelque peu l'esprit, quand on est pas parfaitement "zen".

McLean est un personnage que l'on trouve très vite attachant. Quant à l'histoire, elle est de celles où il convient de s'installer, sans chercher trop rapidement les clés de l'intrigue. Toutes les pièces du puzzle dessineront le même tableau, on l'imagine. Retenons autant les protagonistes secondaires car, grâce à une construction habile, nul ne joue ici de rôle inutile. Pour les lecteurs comme pour l'enquêteur, il ne s'agit pas seulement de "suivre des pistes", d'envisager des coupables, mais de s'immerger dans cette ambiance où plane le mystère. Tout sera-t-il totalement rationnel, dans cette Écosse empreinte d'énigmatiques mythes ? Nous verrons bien. James Oswald nous propose un roman diablement excitant, franchement convaincant.

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 04:55

Léo Tanguy est mort ! À travers son site Internet où ses articles soulignaient quelques-uns des dysfonctionnements de notre société, le cyber-reporter indépendant ne s'était pas fait que des amis. Léo Tanguy est allé trop loin, cette fois : on l'a assommé, avant d'incendier la grange où il gisait. À l'origine, ce sont des épandages par des drones qui ont amené Léo à enquêter. Déverser des larves de pyrales sur des champs cultivés, c'est contaminer et détruire les récoltes à venir. Car il n'y a guère de parade contre ces papillons maléfiques, surtout quand ils attaquent par milliers maïs et céréales. Utiliser des OGM ? Il reste des agriculteurs honnêtes qui s'y refusent. Ceux du Mouvement Pour la Terre, en particulier. Le recours au chimique, à tout ce qui engraisse l'industrie phytosanitaire, ça suffit !

Un autre produit se développe depuis quelques temps, le VertuMax. Version plus écolo des traitements habituels ? Ça reste à prouver. C'est le genre de produit invasif qui, une fois sa mission première remplie, s'étend et devient aussi dangereux que les autres, sinon davantage. Énormes enjeux financiers autour du VertuMax, on l'imagine bien. Il n'est donc pas surprenant qu'on ait voulu éliminer un fouineur tel que Léo Tanguy, officiellement décédé. Sauf que le reporter assiste, savamment grimé par ses proches qui sont les seuls informés, à son propre enterrement au cimetière de Plouguer. Non, Léo Tanguy n'est pas vraiment mort, mais la prudence s'impose. Même défendre l'écologie concrète, comme le fait Nine, la maire de cette commune, c'est risquer des représailles.

D'autant que le P2R, Parti pour un Renouveau Républicain, est très présent dans la région, avec un discours populiste. Le Flohic, son chef régional, semble entretenir des ambitions politiques nationales, d'ailleurs. Grâce à son ami nain Potiron, Léo Tanguy remonte la piste de son agresseur jusqu'à ses commanditaires. Bernard, l'exécutant, fut engagé par Quentin Froger, enseignant ultra-catho, qui servait d'intermédiaire pour Hamelin, un des principaux adjoints de Le Flohic. Le P2R s'oppose publiquement au MPT, d'accord, mais en venir à un acte criminel, ça sent la grosse-grosse embrouille. Rester dans l'ombre, faire confiance à la force de frappe du nain Potiron, ça ne satisfait pas tant Léo Tanguy. Alors, dans son vieux Combi, tous deux vont se joindre à la Marche avançant vers Paris.

Au départ, il y avait juste deux frères paysans. Puis des centaines de personnes ont aussi voulu porter à Paris leurs revendications. Peut-être sont-ils maintenant des milliers, qui arriveront le 14 juillet sur les Champs-Élysées. Des sympathisants du MPT, des citoyens ordinaires, plus des infiltrés du P2R, très certainement. Crâne d'Œuf et La Natte, eux, ce sont d'authentiques adeptes de la bazarchie, version améliorée de l'anarchie. Ils sont les auteurs d'un chant de marche anar du plus bel effet. Il y a encore Ben-Hur, militant de toutes les causes marginales. Et la belle Camélia, qui fait concurrence à Suzie, l'amante de Léo. Et tant d'autres… Pendant ce temps, le père de Léo alimente son site Internet avec quelques révélations. Le 14 juillet à Paris s'annonce spectaculaire, cette année…

Hervé Sard : Larguez les anars ! (Éd.La Gidouille, 2015)

Comme on le sait, Léo Tanguy est le cousin breton de Gabriel Lecouvreur, héros de la série Le Poulpe. Selon le même principe, un nouvel auteur reprend le personnage à chacun des épisodes, lui accordant des aventures bien sûr pimentées. Tel son parent poulpesque, Léo Tanguy s'intéresse avant tout aux "gros", aux puissants, à ceux qui dérèglent notre monde au profit des trusts, de la finance, de l'industrie internationale. Car ils bénéficient toujours d'appuis locaux, du soutien de décideurs politiques ou économiques. Si les "mouvements citoyens" semblent encore peu gangrenés, certains en tirent néanmoins parti. Derrière le prétexte de l'anti-écotaxe, il y avait bien des structures manipulatrices, par exemple. Léo Tanguy, avec sa sincérité, n'échappe pas à une part de naïveté à ce sujet.

Il s'agit d'une comédie policière, c'est vrai. Qui n'est pas dépourvue d'humour grinçant. Le nain qui accompagne ici Léo assume sa particularité physique, car rien n'interdit d'évoquer le nanisme sans complexe. La Marche permet à l'auteur de nous dessiner de succulents portraits, évidemment. L'arrivisme politicard autant que le poids de multinationales ne sont pas ménagés, avec une belle ironie, non plus. Un regard sur notre époque, manière de nous alerter sur les "abus de pouvoir" dont nous sommes ainsi victimes. Avec tous ces drones et ces caméras qui nous surveillent, interrogeons-nous. L'excellent Hervé Sard a su capter tout ce qui fait la saveur de l'univers de Léo Tanguy, dans ce très bon polar.

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 17:30
Hommage à Jean Vautrin, mort à 82 ans, grand nom du roman noir

De son vrai nom Jean Herman, l'écrivain Jean Vautrin vient de nous quitter ce 16 juin 2015, à Gradignan. Cinéaste, scénariste et dialoguiste, il était né le 17 mai 1933 à Pagny-sur-Moselle. Avec "Un grand pas vers le bond Dieu", il fut consacré en 1989 par le Prix Goncourt. Il fut aussi lauréat du Prix des Deux-Magots, du Prix du roman populiste, du Prix Louis-Guilloux (pour l'ensemble de son œuvre). Le 11 janvier 2014 a été inaugurée dans la commune de Saint-Symphorien, en Gironde, une médiathèque à laquelle a été attribué le nom de Jean Vautrin.

Comme pour Michel Quint ou Hervé Jaouen, qui ont évolué vers d'autres genres littéraires, il est probable que le grand public ne retienne pas toujours les romans de catégorie noir-polar de cet auteur. Pourtant, son apport au genre fut considérable. Il suffit de relire "A bulletins rouges" ou "Canicule", "Billy-ze-kick" ou "Typhon-gazoline" pour réaliser la force de ses intrigues. On aurait envie de citer tant de titres qui marquèrent les lecteurs. Fluidité narrative et noirceur des sujets, telle fut généralement la tonalité des polars de cet auteur. Gardons en mémoire qu'il fut un des grands noms du roman noir dès la décennie 1970.

Jean Vautrin fut récompensé en 1980 par le Prix Mystère de la Critique pour "Bloody Mary" (Ed.Mazarine). Il collabora à une bédé de Tardi, "Le cri du peuple", et signa encore (avec Dan Franck) la série "Les aventures de Boro, reporter-photographe" (1987-2009) qui compte huit volumes. Quelques-uns de ses romans furent, logiquement, adaptés au cinéma. Un grand écrivain populaire quitte la scène, mais il restera dans nos cœurs et dans nos lectures de passionnés. Merci, m'sieur Vautrin !

Hommage à Jean Vautrin, mort à 82 ans, grand nom du roman noir
Hommage à Jean Vautrin, mort à 82 ans, grand nom du roman noir
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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 04:55

Pour les amateurs de suspense de qualité supérieure, Pocket propose dès ce mois de juin deux remarquables nouveautés en format poche.

 

John Katzenbach : "Le loup"

Âgé de soixante-quatre ans, ce new-yorkais a connu un certain succès en publiant quatre thrillers. Alors qu'il craint que sa santé décline, il veut connaître un ultime moment de gloire. Commettre une série de crimes parfaits, d'anthologie, ça ne s'improvise pas. Il est marié à la secrétaire du directeur d'un collège privé. Son épouse se mésestime elle-même, restant admirative de son héros écrivain. Ce dernier va s'inspirer du Petit Chaperon Rouge pour son chef d'œuvre criminel, un conte plus sanglant à l'origine. Il se baptise le grand Méchant Loup. Il adresse des messages menaçants à trois femmes rousses, concluant par ce mots : “Et comme la petite fille du conte, vous avez été choisies pour mourir.”

Les trois victimes désignées ? La Rousse n°1 est le Dr Karen Jayson, quinquagénaire qui exerce dans le Massachusetts. Elle vit seule avec ses deux chats. Pleine de compassion pour les malades, dans sa vie privée, elle aime jouer les humoristes sur scène. La Rousse n°2 est Sarah Locksley, trente-trois ans. Depuis un an, elle a abandonné son métier d'institutrice après un drame familial. Dépressive, elle s'abrutit d'un mélange d'alcool et de médicaments, vivant nue chez elle dans le désordre. La Rousse n°3 est Jordan Ellis, dix-sept ans, étudiante dans une école privée préparant à l'université. Depuis le divorce de ses parents, elle n'est plus si bonne élève. À cause de ses cheveux roux, elle se sent aussi à l'écart des autres. C'est une excellente sportive, ce qui plaît au Grand Méchant Loup. Rédigeant le suivi de son projet, l'écrivain sait déjà que ses cibles n'ont pas de solutions concrètes pour réagir. Qui survivra à son jeu meurtrier ?...

Peu de commentaires à émettre sur un tel suspense signé John Katzenbach, Grand prix de Littérature policière 2004 pour “L'analyste” (réédité aux Presses de la Cité). Ce romancier gère son intrigue avec une rare maestria. S'il s'agissait simplement d'un “jeu du chat et des souris (rousses)”, ce serait déjà très réussi. Un tueur en série qui s'efforce de se montrer plus astucieux que la moyenne, un postulat classique souvent bienvenu. L'auteur va plus loin, car il met en scène un écrivain, censé mener la danse. Ce personnage fait part aux lecteurs de toute sa conception de ce qu'il va illustrer, de sa psychologie et de ce qu'il pense (à tort plus qu'à raison) être celle de ses futures victimes. C'est là que Katzenbach s'avère magistral. Ces passages “mise au point” ne sont jamais ennuyeux. Ces réflexions sur son métier ne ralentissent nullement le récit. Une histoire à dévorer, si le Grand Méchant Loup des contes d'antan nous en laisse un morceau.

Chez Pocket, le TOP du suspense : John Katzenbach et Lauren Beukes

Lauren Beukes : "Les lumineuses"

Chicago, novembre 1931. Auteur d'une altercation mortelle, Harper Curtis prend la fuite. Il est pourchassé dans Grant Park, où se sont réfugiés les miséreux, victimes de la Grande Dépression. Frôlant le lynchage, il est seulement blessé au pied. Harper réussit à se faire soigner au Mercy Hospital. À sa sortie, il est comme guidé vers un quartier très pauvre de la ville. Une maison, dont il a dérobé la clé à une victime, semble l'attendre. Le cadavre fraîchement assassiné d'un certain Bartek, peut-être le propriétaire du lieu, gît dans cette maison. Harper y trouve aussi une valise pleine de dollars en gros billets, un vrai pactole. Il découvre là une chambre étrange, tel un mausolée dédié à la mort de plusieurs femmes. Face à ces noms féminins qu'il a tracés, aux objets hétéroclites qu'il doit laisser près des corps, une pulsion habite le violent Harper. C'est la Maison qui lui réclame de les tuer.

Après La Luciole, danseuse de cabaret, les victimes à venir ne vivent pas uniquement à son époque. Grâce à la Maison, il voyage à volonté dans le temps. Quand il ouvre la porte, c'est sur l'année qu'il a choisi entre 1929 et 1993. Ce qui lui permet d'approcher d'abord ces filles, plus ou moins longtemps avant le moment où il a décidé de les assassiner. Arrêter ce jeu sinistre, Harper y songe brièvement. Fasciné par ses meurtriers voyages, magnétisé par les objets qu'il dépose près des cadavres, Harper continue jusqu'à ce que son hypothétique liste soit close… Née en août 1968, Kirby Mazrachi est élevée seule par sa mère Rachel. Se pensant artiste, un peu droguée, Rachel a trop souvent l'esprit absent pour s'avérer maternelle. C'est sans doute ce qui accélère la maturité de Kirby. Dès 1974, Harper va venir à la rencontre de cette victime désignée, mais il est bien trop tôt pour la tuer. Ce n'est que le 23 mars 1989 qu'il va la poignarder, lors d'une promenade avec son chien. Gravement blessée, sa force de caractère aide Kirby à survivre…

Un magnifique suspense, aussi surprenant qu'intelligent. Ce pourrait être l'histoire d'un tueur en série peu différent de la moyenne. Mais les raisons de sa violence obsessionnelle sont moins ordinaires. La manière dont il commet ses meurtres est carrément étonnante. Tels beaucoup de serial killers, Harper est itinérant. Ce n'est pas géographiquement qu'il voyage, c'est dans le temps. Un postulat issu de la littérature Fantastique mais on ne quitte pourtant pas le domaine du polar, car c'est bien le crime qui reste le moteur de ce roman. Traquer un assassin aussi spécial, ça suppose déjà une multitude de situations complexes pour la jeune Kirby. Pour originale qu'elle soit, l'idée initiale ne suffirait peut-être pas à convaincre. L'auteure va nettement plus loin. Dans la construction extrêmement habile du récit, dont Harper et Kirby constituent les deux lignes principales. Surtout, c'est un vrai portrait de l'Amérique qui est ici dessiné, à travers l'évolution de Chicago et ses aspects sociologiques abordés en toile de fond. Sans ces subtiles précisions qui ne nuisent nullement au tempo du roman, l'intrigue manquerait de véracité. Digne d'un Stephen King au mieux de sa forme, un “suspense riche”, un polar supérieur, magnifiquement maîtrisé.

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