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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 04:50

En ce mois de juin 2015, la collection format poche Babel Noir propose deux suspenses de très belle qualité.

Bruce DeSilva : "Pyromanie"

Au nord-est des États-Unis, Rhodes Island est le plus petit État du pays. La seule métropole est Providence, sa capitale. Natif de cette ville, Liam Mulligan sera bientôt quadragénaire. Séparé de sa femme, il est journaliste pour le principal quotidien local. Ce métier est une vraie vocation pour Mulligan. Même si la presse est en crise, rien d'autre ne l'excite que l'investigation à l'ancienne, le reportage en profondeur. Dans un État où la corruption est omniprésente, où emplois fictifs et magouilles diverses sont monnaie courante, il y a tant de sujets à dénoncer. Parfois, il doit obéir au rédacteur en chef, et traiter des articles genre “la chienne qui a traversé le pays pour rejoindre ses maîtres”. Ou accepter d'être secondé par le fils du propriétaire du journal, jeune freluquet frais émoulu d'une école spécialisée. Sans lâcher ce qui l'intéresse vraiment.

En trois mois, neuf incendies ont causé cinq morts dans le quartier de Mount Hope. C'est là que Mulligan et Rosie, la chef des pompiers, vécurent leur enfance. Aujourd'hui, il n'y reste plus que des immeubles assez délabrés et de modestes maisons. Rosie s'investit au maximum pour sauver ce qui peut l'être, tandis que Mulligan veut comprendre ce qui se passe. Selon les enquêteurs d'incendie Polecki et Roselli, des sinistres dus à la malchance. Pour le journaliste, ils ne sont pas accidentels. S'il n'y a pas d'escroquerie apparente, il peut s'agir d'un pyromane. Sur les photos du public regardant les incendies, Mulligan repère un asiatique, qu'il baptise “M.Extase”. Le bookmaker Zerilli organise des groupes de vigiles volontaires pour surveiller le coin. Avec des battes de base-ball, d'où leur surnom, les DiMaggio. On n'est pas à l'abri d'une bavure. Si Gloria, photographe du journal, n'est pas insensible au charme de Mulligan, celui-ci débute une relation amoureuse avec la belle Veronica Tang. Jeune journaliste, elle dispose de sources sûres, y compris sur des cas ultra-confidentiels…

Voilà un polar qui s'inscrit dans la lignée du roman noir traditionnel. “À l'ancienne”, par certains aspects. Très probablement parce que Mulligan est un journaliste aux méthodes évoquant le temps passé de la grande presse d'investigation. C'était écrit dans le journal, donc c'était de l'info confirmée. Les reporters ne se fiaient qu'à leur expérience de terrain et à leurs contacts. Sans être âgé, Mulligan est un vétéran de la génération des purs et durs, avec ulcère à la clé. Un héros qui n'est pas sans rappeler les meilleurs détectives de la littérature policière. Y compris par sa rudesse, et parce qu'il est entouré de jolies femmes. Dessiné avec soin, son univers nous devient rapidement familier. Les portraits de tous les personnages apparaissent très crédibles, souvent subtils. Bon dosage entre humour et noirceur, dans cette intrigue à suspense de premier ordre. Un roman très excitant, à ne pas manquer !

Polars poches 2015 chez Babel Noir : Bruce DeSilva et Louise Penny

Louise Penny : "Défense de tuer"

À la fin juin, le couple Gamache séjourne au Manoir Bellechasse, luxueuse auberge des Cantons-de-l'Est, au bord du lac Massawippi. C'est dans cette hôtellerie construite tout en bois qu'ils comptent célébrer leurs trente-cinq ans de mariage. Armand Gamache est un policier chevronné de la Sûreté du Québec. Son épouse Reine-Marie est bibliothécaire. Ils sont là pour se reposer, profiter de la baignade, et du service stylé du Manoir. Mme Dubois en est depuis longtemps la propriétaire. Entre la chef de cuisine Véronique Langlois et le maître d'hôtel Pierre Patenaude, les clients ne peuvent qu'être satisfaits. Certes, le jeune serveur Elliot joue au rebelle, mais ça trouble peu l'activité de l'auberge. Les Finney, une famille d'Anglos du Québec, est également réunie ici. Gamache s'interroge à leur sujet.

Bert et Irene Finney sont les parents âgés de ce groupe. Leur fils Thomas est l'aîné, marié à Sandra, tous deux sexagénaires. Sa sœur Julia Martin ne se joignait pas jusqu'à là à ces réunions familiales. Elle est l'épouse d'un homme d'affaires, en prison pour détournement de sommes conséquentes. La sœur cadette Marianna est présente avec son enfant, Bean. Curieux prénom pour un môme asexué de dix ans, mais sa mère garde quelques secrets vis-à-vis de sa famille. Arrivent bientôt ceux que les Finney nomment leur frère Spot et sa femme Claire. En réalité, ce sont de vieilles connaissances du couple Gamache. Il s'agit de Peter et Clara, les artistes peintres du village de Three Pines, où l'inspecteur-chef mena plusieurs enquêtes. Pas plus que Julia, Peter et Clara ne sont heureux d'être venus. Les Finney ont inauguré la statue de leur ancêtre Charles Morrow aux abords de l'auberge. Gamache note la tension régnant au sein de la famille. Le personnel est assez tendu, lui aussi. Par une nuit de tempête et d'orage, chutant de la stèle où elle est posée, la statue cause une victime parmi ses descendants. Gamache est convaincu qu'il y a meurtre. Il convoque ses collègues Jean-Guy Beauvoir et Isabelle Lacoste…

C'est le quatrième opus des aventures d'Armand Gamache, de l'anglo-québécoise Louise Penny. Peut-être faut-il le rappeler : plutôt que l'action brutale et rythmée, la romancière préfère les ambiances feutrées, les descriptions précises des décors autant que des faits et gestes, les portraits nuancés et la psychologie des personnages. Le meurtre ne se produit qu'après une grosse centaine de pages, ce qui indique que l'auteure a pris son temps pour installer son sujet. Et elle a eu parfaitement raison, car cette méthode offre une densité plus crédible ensuite. D'ailleurs, le lecteur est prévenu : “Ce n'est jamais bon signe dans une réunion familiale. Plus ils sont retors, plus ils sourient” confie Clara. Louise Penny nous présente une subtile histoire, pleine de raffinement et de beau suspense.

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6 juin 2015 6 06 /06 /juin /2015 04:55

Dans l’Égypte actuelle, après les derniers épisodes de la révolution, le pouvoir est encore instable. Directeur du Musée archéologique du Caire, Kamal Nasser fait tout ce qu'il peut pour préserver l'activité des lieux. Entre les trafics d'objets anciens, vrais ou faux, et les ambitions politiques d'Hemheb Sabri, directeur du Conseil des Antiquités, son rôle n'est pas toujours facile. Marion Evans, étudiante franco-américaine âgée de vingt-quatre ans, a obtenu de travailler à l'inventaire des réserves du musée pendant un an. Marion participe aussi à des chantiers extérieurs, des fouilles supervisées par Hassan Tarek sur les abords du plateau de Gizeh. Mais la jeune femme va bientôt connaître de sérieux ennuis.

Une fouille permet de trouver une statuette supposée volée dans le sac de Marion. Elle nie avoir dérobé cet objet, qui est d'ailleurs une copie, ce qui ne trompe pas Kamal Nasser. On a cherché à piéger l'étudiante, c'est certain. Marion réussit à s'enfuir, à disparaître dans la métropole cairote. Chef de la police des Antiquités et du Tourisme, Najja Menes met tout en œuvre pour retrouver la fuyarde. Il doit se montrer efficace : comme Kamal Nasser, le policier a des comptes à rendre au puissant Hemheb Sabri. À Paris, le quadragénaire Yvan Sauvage, expert réputé dans le domaine de l'art, est alerté sur l'affaire concernant Marion Evans. Ils ont vécu de précédentes aventures ensemble, et ont même été intimes.

Sans délai, Yvan Sauvage se rend en Égypte afin de venir en aide à Marion, si possible. Il rencontre Menes (qui le fait prendre en filature par ses hommes) et Kamal Nasser. Yvan explore le bureau de Marion au musée, puis son logement, désordonné après une fouille policière. Une piste conduit Yvan du côté de Gizeh, jusqu'à la boutique du vieil antiquaire Daoud Abdel. Ce dernier prétend ne pas se souvenir de Marion, alors qu'elle est cachée chez lui. Après le départ d'Yvan, Daoud est agressé par deux hommes cherchant la jeune femme. Elle est parvenue à s'enfuir une fois de plus. Par un message crypté, Marion fait comprendre à Yvan qu'elle est à l'Institut Français d'Archéologie Orientale. Yvan n'a pas réussi à la joindre assez vite. Convoqué par Menes, il apprend que Marion est emprisonnée à Kanater. En cellule individuelle, certes, mais l'endroit reste sinistre.

Depuis Paris, l'amie avocate d'Yvan, Victoria, essaie d'intervenir en faveur de l'étudiante. Quand il obtient un bref contact avec Marion, elle demande à Yvan de s'adresser à Hassan Tarek, responsable des chantiers archéologiques. Très méfiant, celui-ci se montre brutal quand Yvan l'approche. Tandis qu'un employé du Louvre reçoit clandestinement un paquet venu d’Égypte, Hemheb Sabri soigne son image publique en passant à la télévision, avant de fare un saut jusqu'à Anvers. On ne sait qui est intervenu pour que Marion obtienne sa liberté conditionnelle. Libre, elle reforme son duo avec Yvan. Si Daoud reste un allié sûr, ce n'est pas sans danger pour lui. Tandis qu'Yvan et elle essaient de comprendre la situation, il n'est pas exclu non plus que Marion retourne en prison…

Samuel Delage : Cabale pyramidion (Albin Michel, 2015)

La base de cette histoire est plutôt bien résumée par ce constat du vieux Daoud : “Voleur, voilà le plus vieux des métiers en Égypte. Depuis des millénaires, nos trésors ont excité la convoitise. Il existe des chemins de voleurs dans tous les temples, les mastabas et les pyramides. Quand le pouvoir d'un Pharaon venait à vaciller et que le peuple se révoltait, on entrait dans les périodes intermédiaires, des périodes de décadence, de disette et de pillage. Tous les lieux sacrés en étaient alors victimes… La révolution de janvier 2011 a été un désastre culturel, nos musées ont été pillés, nos œuvres vandalisées, mais les autorités ont étouffé le scandale.” En effet, dans ce pays à la démocratie fragile, c'est de trafic et de pouvoir dont il est question, voilà ce qui alimente l'intrigue.

C'est un pur roman d'aventure, dans la belle tradition, qui nous est proposé par Samuel Delage. Non sans références aux richesses archéologiques égyptiennes, bien sûr. On retrouve le couple de “Code Salamandre” (Éd.Belfond, 2011) : le dynamique Yvan, expert en art et commissaire-priseur, toujours prêt à affronter des conditions énigmatiques, et la jeune Marion, dont l'équilibre personnel ne sera guère favorisé par ces péripéties. Il nous est aisé d'imaginer le contexte post-révolutionnaire récent du pays, les rues grouillantes de monde du Caire, autant que les sites antiques célèbres. Il ne nous reste donc plus qu'à suivre nos deux héros dans leurs tribulations mouvementées. Un très bon suspense !

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5 juin 2015 5 05 /06 /juin /2015 05:30
Collection Territori – nouvelle formule dès maintenant

La collection Territori, née au mois de juin 2014 aux éditions Ecorce, inaugurée avec les romans “Clouer l'Ouest” de Séverine Chevalier et “Pur Sang” de Franck Bouysse, s'associe désormais à l'éditeur La Manufacture de Livres. Ces deux structures ont l'ambition commune de développer une collection réunissant des auteurs français contemporains et des romans dont les intrigues se situent dans des espaces naturels. Territori s'inscrit dans une époque, à l'heure de la surexploitation des ressources naturelles, des inégalités croissantes dans la répartition des richesses, d'initiatives alternatives qui visent à s'éloigner des métropoles aseptisées pour se rapprocher de la nature et renouer avec elle – renouer avec soi-même à l'heure où l'individualisme prôné à outrance mène à une perte de repères et d'identité.

Extrait d'un entretien pour le Populaire du Centre – La Montagne, mai 2015 :

« Se référer au Nature Writing ne consiste pas à prétendre que la France possède son Montana ou son Michigan, ni surtout à comparer la griffe d’auteurs américains tels que Jim Harrison ou Ron Rash, David Vann ou Cormac McCarthy, pour ne citer qu’eux, à celle des auteurs français que la collection envisage de publier. Nous n’avons ni le même rapport à l’espace, aux distances, ni surtout la même histoire, mais il aurait été prétentieux d’inventer un nouveau terme et absurde de prétendre inaugurer un nouveau genre, d’autant que la littérature en France est loin d’être vierge en matière d’écriture de la nature. Il ne s’agit donc pas de se mesurer à, ou de faire comme, mais d’investir un territoire existant et de le questionner ici et maintenant par le biais de romans et d'écritures qui témoignent d'une époque.»

Ce "transfert" occasionne un nouveau format et une ligne graphique modifiée. Les ouvrages seront présents sur le catalogue de la Manufacture de Livres et diffusés nationalement. Les deux premiers romans programmés pour ce 5 juin 2015 sont : “Crocs” de Patrick K. Dewdney (en coédition Ecorce / La Manufacture de Livres – collection Territori) et “Clouer l'Ouest” de Séverine Chevalier (réédité à La Manufacture de Livres – collection Territori). La première édition du roman de S.Chevalier n'est plus disponible.

Le sixième roman d'Antonin Varenne, intitulé “Battues”, sort aux éditions Ecorce, dans la collection Territori ce même jour.

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5 juin 2015 5 05 /06 /juin /2015 04:30

La Librairie du Québec, 30 rue Gay-Lussac (Paris 5e), et les éditions Sarbacane vous donnent rendez-vous samedi 6 juin 2015 de 15h à 17h

avec Aude Massot, Pauline Bardin et Edouard Bourré-Guilbert,

auteurs de la bédé humoristique “Québec Land”.

Rendez-vous dédicaces à la Librairie du Québec (à Paris)
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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 04:55

Chez Omnibus, paraît un double roman signé San-Antonio : “Y a-t-il un Français dans la boîte à gants”. Il ne s'agit pas d'une aventure du célèbre commissaire, mais de romans complémentaires : “Y a-t-il un Français dans la salle ?” (publié en 1979) et “Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants” (paru en 1981). L'histoire débute ainsi : ancien ministre et chef d'un puissant parti, le RAS, Horace Tumelat est un homme politique sans scrupules, macho, manipulateur, sournois, impitoyable, plutôt vulgaire en privé – qui reste malgré tout attachant. Il fricote volontiers avec sa secrétaire Ginette Alcazar, sous l'œil de son majordome Juan-Carlos.

Ses aspirations élyséennes vont se trouver brusquement compromises : d'abord, il hérite d'un encombrant secret après le suicide de son oncle, le vieil Eusèbe qui s'est pendu. Héritier de sa maison, il s'y rend et croise Paul Pauley le flic qui le surveille de près, ainsi que Georgette Réglisson, la femme de ménage. Celle-ci a une très jolie fille : Noëlle, blonde, dix-sept ans, elle joue de la flûte et plaît beaucoup au Président. Tomber amoureux de la juvénile Noëlle, ça ne peut que compliquer sa vie et ses ambitions. Horace Tumelat a d'autres soucis : dans le mur de la salle de bain de son oncle, il cache depuis plus de vingt ans le secret qui a poussé le vieil Eusèbe au suicide.

Dans “Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants”, suite directe du premier roman, Horace Tumelat va chercher à se venger d'une journaliste en mettant sur pied une machination diabolique. Autour de lui, gravite une galerie de personnages sulfureux et détestables : une épouse délaissée et frigide, une secrétaire amoureuse et jalouse, un photographe de presse à scandale et maître chanteur, un flic zélé et cinglé... Frédéric Dard avait voulu signer ces deux livres de son pseudo, San-Antonio, même si le commissaire n'y figure pas. Car il utilise dans ce diptyque toute l'invention langagière, et la frénésie des situations abracadabrantes, qui offrent à ses lecteurs un infini plaisir. 878 pages de Frédéric Dard à ce rythme, ça ne se refuse pas.

San-Antonio : Y a-t-il un Français dans la boîte à gants (Omnibus) - ou San-A en grands caractères ?

Si l'on nous cite les titres suivants : “À prendre ou à lécher”, “Ça ne s'invente pas”, “Concerto pour porte-jarretelles”, “N'en jetez plus”, “Si ma tante en avait”, il y a de fortes chances que l'on pense immédiatement à des romans de San-Antonio. Entouré du gras et tonitruant inspecteur Bérurier, du vieux et fidèle policier Pinaud, de sa brave femme de mère Félicie, le commissaire chéri de ces dames est au cœur d'enquêtes bondissantes et de péripéties explosives. Pas la peine d'en dire plus, si ce n'est que le langage est aussi (ou d'abord) ce qui excite les lecteurs de San-Antonio. Pour celles et ceux qui voudraient lire ou relire ces aventures, ayant un problème de vue ou cherchant un confort de lecture, la librairie Ilivri présente les cinq titres cités ici en grands caractères. On peut se renseigner sur leur site (cliquez ci-dessous)...

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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 07:50

Quand Saddam Hussein naît en 1937 dans la région de Tikrit, l'Irak reste un pays instable, bien que les Anglais aient placé sur le trône Fayçal 1er. À Bagdad, le pouvoir central est impuissant face aux conflits interethniques et religieux, les tribus étant puissantes dans chacun de leurs fiefs. Saddam est un bébé non désiré, qui n'a jamais connu son géniteur. Sa mère va bientôt se remarier, et aura d'autres enfants, Saddam apparaissant comme le bâtard de la famille. Son beau-père, “Ibrahim Hassan est un colosse au tempérament vicieux et brutal. Adipeux, le visage encadré d'un collier de barbe, la lèvre surmontée d'une fine moustache, il a le regard dur et froid. Il sera le tortionnaire de Saddam pendant six longues années.” Ce salopard, l'enfant n'est pas près d'oublier qu'il sent mauvais.

Jusqu'à l'âge de dix ans, Saddam est un va-nu-pieds en guenille qui survit, éprouvant une certaine jouissance à tuer des animaux. Une enfance solitaire, faisant de lui un être retors et cynique. En 1947, il se réfugie chez son oncle Khairallah, qu'il admire. Ancien officier, il a été chassé de l'armée, devenant instituteur à Bagdad. Il va scolariser le petit Saddam. Il lui offre même, vers l'âge de quatorze ans, un revolver. Objet fétiche que l'ado garde en permanence avec lui, et dont il se servira finalement. L'oncle Khairallah va surtout être le mentor, l'inspirateur politique de Saddam Hussein. À l'exemple de Nasser en Égypte, les peuples arabes militent pour la décolonisation totale de leurs pays. En Irak, le parti Ba'as gagne des partisans. Saddam y adhère jeune, jusqu'à en devenir le tyrannique leader…

Idi Amin Dada est né en Ouganda entre 1923 et 1925, à Koboko, au cœur de l'Afrique noire. Peu certain d'être son géniteur, son soldat de père abandonne vite sa famille. Fille d'un chef tribal du Congo, sa mère Assa mène durant l'enfance d'Idi Amin une vie plutôt vagabonde. Cette mystique pratique la sorcellerie, assortie de rituels sanglants. Gros bébé joufflu, son fils baigne dans cette ambiance glauque. En 1941, Assa et Idi Amin se rapprochent de la capitale ougandaise. “Victime d'une discrimination ethnique à l'encontre des Nubliens, [il] n'ira que quelques mois à l'école. Il a alors entre treize et seize ans, une carrure déjà herculéenne et des mains larges comme des battoirs. Avec d'autres laissés-pour-compte, il monte parfois à Kampala pour se colleter avec les étudiants, plein de haine contre ces privilégiés qui s'imaginent certainement bien supérieurs à lui...”

Vers la fin de son adolescence, sa mère Assa dégote un certain caporal Yafesi Yasin, avec lequel ils vont vivre quelques temps. Un militaire dont le décès sera assez suspect, qu'on suppose dû à la sorcellerie d'Assa. En 1946, Idi Amin devient soldat dans la King's African Rifles, en tant qu'aide-cuisinier. Ce qui ne l'empêchera pas de participer à des massacres, et d'en tirer un immense plaisir. “Ses protecteurs britanniques cautionnent également son accession au pouvoir lors du coup d'état du 25 janvier 1971. Commence alors le règne déjanté d'Idi Amin Dada...” qui va marquer la décennie jusqu'en avril 1979. Il causa près de trois cent mille victimes durant son règne cruel. “L'anthropophagie rituelle sert aussi à s'approprier la force d'autrui et à inspirer la terreur chez les ennemis, une coutume à laquelle l'enfant devenu dictateur ne dérogera pas, notamment en gardant toujours en réserve dans des congélateurs les têtes de quelques contestataires présumés...”

Véronique Chalmet : L'enfance des dictateurs (Éd.Points, 2015)

Idi Amin Dada et Saddam Hussein sont deux des despotes présentés dans cet ouvrage. On y lit aussi les “portraits d'enfance” de Pol Pot, Staline, Kadhafi, Hitler, Franco, Mussolini, Mao et Bokassa. Est-ce que les premières années de vie et le contexte familial des futurs dictateurs expliquent leur désir de pouvoir absolu, leur violence pour conquérir le sommet et réprimer les opposants ? Généralement solitaires, parfois ballottés, souvent maltraités, ces enfants-là développent une forme particulière de charisme. Ils ne charment pas, ils imposent leur force. Ils ont été seuls, ils s'entourent d'un groupe ou d'une tribu, de personnes déterminées. Des criminels aussi, car si le chef sans pitié donne les ordres, les exécutants ne rechignent pas, au contraire.

Cet ouvrage est réédité en poche, dans la collection de Stéphane Bourgoin “Points Crime”, qui publia déjà “L'enfance des criminels” d'Agnès Grossmann. Ces livres ont toute leur place dans ce cadre, car tout dictateur est un assassin au même titre qu'un tueur-en-série ou qu'un meurtrier d'occasion. Enfants mal-aimés ou mal élevés, il ne s'agit nullement de justifier ou d'excuser les tyrans, mais de montrer les circonstances qui ont précédé leur prise de pouvoir. Les rappels historiques de ce genre sont toujours utiles, nécessaires.

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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 04:55

Istanbul est une métropole de plus de quatorze millions d'habitants. Bien qu'âgé de cinq ans seulement, Alper Kamu figure parmi les plus insolites d'entre eux. Déjà autodidacte, il est dispensé d'école maternelle. Il écrit et il lit couramment, des romans et des ouvrages savants. Ses parents ont engagé une baby-sitter, Hatice Abla, ne manquant pas de charme aux yeux du gamin. Âgée de seize ans, elle vient d'un lointain village. Malgré sa présence, Alper continue à passer du temps dans la rue. En particulier avec ses amis de l'immeuble Güzelyayla, quelque peu plus vieux que lui. Il ne craint plus trop d'y croiser Gazanfer, son ennemi juré, qui séjourne en prison. Alper y fait la connaissance d'Ümit, douze ans, qui habite là avec sa famille depuis peu. Curieuse ambiance chez eux, Alper l'a compris.

Si Ümit ne respire guère la joie de vivre, Alper comprend bientôt que c'est parce que “toute sa famille ressemblait à un paratonnerre de malheurs”. Il y a sa mère, souffrant de tachycardie, perpétuellement en train de geindre sur ses maux. Et puis ses deux sœurs aînées, Dilek et Safinaz, qui n'affichent pas vraiment leurs sentiments. Seul Yusuf, le jeune oncle d'Ümit, apparaît sympathique. Colombophile amateur, il a placé un pigeonnier sur le toit de l'immeuble Güzelyayla, essayant d'entraîner un couple de pigeons, Héra et Zeus. Une réussite relative, il faut l'avouer. Il y a encore l'oncle Abdullah, vague parrain de toute la famille. Et puis aussi, il y avait Mehmet, le frère handicapé d'Ümit. Ce dernier l'a étouffé mortellement, acte qu'il reconnaît et qui lui vaudra, pour le moins, un suivi social.

Dans le même temps, les parents d'Alper sont également confrontés au décès de l'oncle Nebi. Celui-ci vivait pauvrement, ayant rompu quelques années plus tôt avec son épouse, la tante Feriha. On ne peut pas dire qu'elle ait bonne réputation auprès de la mère et du père d'Alper, cette femme-là. En guise d'héritage, Alper récupère la série complète des romans Pardailhan et tout un lot de photos ayant appartenu à l'oncle Nebi. Sur une d'elles, une certaine Adalet, qui semble bien avoir été "la femme de sa vie" du défunt oncle. Alper imagine qu'il existe donc un petit mystère, puisque c'est Feriha que Nebi épousa. Lors d'une soirée alcoolisée au raki entre ses parents et des amis, Alper entend à nouveau parler de cette Adalet. Ce qui n'éclaire pas davantage l'énigme la concernant.

Bien que la version d'Ümit soit claire, Alper ne croit pas que son ami ait tué son frère. Il lui faudrait des preuves pour convaincre Onur Çalışkan, le commissaire de police adjoint. Le policier a de l'estime envers l'art déductif d'Alper (il en fait la preuve encore une fois dans un autre dossier), mais personne ne veut douter de la version des faits. Afin de mieux les connaître, Alper accompagne Ümit et sa famille dans un parc de loisirs. Il frôle la noyade, peut-être poussé par son ami. Tandis que son ennemi Gazanfer est sorti de prison, et que se prépare une rixe guerrière entre ados de deux quartiers stambouliotes (pour une histoire de Düldül), Alper poursuit la mission finalement assez risquée qu'il s'est fixée…

Alper Canigüz : Une fleur en enfer (Mirobole Éditions, 2015)

Après “L'assassinat d'Hicabi Bey”, c'est avec un franc plaisir que l'on retrouve le petit Alper Kamu pour une deuxième aventure. S'il n'a que cinq ans, il est diablement débrouillard, le bougre ! Entre un père tristounet, une mère dépressive et une baby-sitter inutile, il garde toute son indépendance. Doté de belles capacités intellectuelles, Alper reste un émule de Sherlock Holmes et autres détectives prestigieux. S'il suit les évènements et observe son univers citadin, s'il interroge plus ou moins habilement les protagonistes, des réponses ne lui seront données que tardivement. La vie du quartier ne se résume pas à des énigmes, il a aussi une "vie sociale", Alper. Même s'il n'est pas chaud pour querelles et bagarres.

N'oublions pas d'évoquer les amours, fussent-ils fantasmés, du petit Alper. Il s'éprend de Begüm Gülüm, une belle doctoresse de l'hôpital, qui le soigne : “[Elle] s'est alors esclaffée de si bon coeur que j'eus la certitude que le maléfice lié à nos sorts était désormais rompu, et que si j'avais eu douze ou treize ans de plus, elle eût accepté sur-le-champ ma demande en mariage.” Du côté de la baby-sitter Hatice Abla, elle le traite trop comme un enfant pour cultiver l'espoir : “Je suis resté bouche bée un long moment avant de me rendre compte que je n'avais jamais subi d'affront aussi lourd de ma vie. La femme que j'aimais flirtait sous mes yeux avec un mufle, tandis que je restais assis sur ses genoux, à l'aise comme un pacha !” C'est avec beaucoup d'humour qu'est racontée cette délicieuse nouvelle enquête d'Alper Kamu.

- Disponible dès le 4 juin 2015 -

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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 04:30
Règlement de comptes à Polar City

Je ne parle que très rarement de « la vie du site » chez Action-Suspense. Me gargariser de succès, ça n'est pas ce qui intéresse les visiteurs. Vous aimez les chroniques, les suggestions de lectures, vous satisfaire est mon objectif. Sans prétendre faire l'unanimité, sûrement, chacun ayant le droit d'apprécier ou pas ce que je propose. Du moins, j'essaie de rester positif.

Un certain anonymat d'Internet permet à des gugusses de se défouler, de prendre pour cibles ceux qu'ils n'aiment pas. C'est mon cas avec un nommé Christian G. Il y a quelques années, un éditeur ami m'alerta en rigolant et en ajoutant que je méritais une médaille : sur un forum, ce Christian G.me traitait de « gros con, double con ». Que me vaut tant de haine de la part de cet auteur nantais (deux ou trois titres auto-édités, peu vendus) ? Je l'ignore. Je ne le connais pas, il ne m'intéresse pas. Je sais juste que cet olibrius se prend pour un rebelle, un anti-système, un anarchiste publiant « underground », vendant « sous le manteau » (ce sont ses formules, assez datées).

Il me semble que c'est plutôt un « nanar » qu'un « anar ».

Voilà que ce trublion minable récidive. Il n'a pas aimé que, dans un commentaire chez mes camarades du site Unwalkers, j'évoque mes bonnes relations avec Thierry Marignac. Vengeur, rageur, dépité, notre Christian G. squatte la page Facebook d'un autre blogueur pour vomir : « J'aime bien Le Nocher qui est passé tailler sa petite pipe, lui qui correspond à la virgule de connerie crasse près à ce que dénonce Marignac. » Quelle classe, non ? Cette réaction a été enlevée par l'ami blogueur.

Hélas, certains sont dépourvus du moindre talent. Alors ils agressent, ils insultent, ils ironisent, s'affichant marginaux. L'indépendance d'esprit, ça commence par le respect des autres. La médiocrité d'un Christian G. serait pitoyable s'il ne passait son temps sur Internet à cracher sur les lecteurs de polars, sur le monde de l'édition, auquel « il se refuse d'appartenir », ben voyons. Rien de grave, sans doute. Mais la bêtise crasse est perturbante.

Tournons la page.

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Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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