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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 04:55

Novembre 1918. Âgée de trente ans, Léonie Rivière est veuve de guerre. Mort sur le front, son mari Antoine avait déjà perdu sa fortune par des investissements douteux. Léonie vit seule à Paris, dans ce quartier de Montparnasse où elle croise des artistes tels Modigliani ou Cendrars. Elle survit en écrivant quelques piges pour les journaux, sous le pseudo de Lys de Pessac. En ce 11 novembre, règne partout une excitation particulière, symbole du conflit terminé. Gagner maintenant la paix, se déshabituer de la guerre, ça viendra avec le temps. Léonie rencontre Edgar Prouville, séduisant ancien combattant. Elle a envie qu'il lui parle de cette guerre qui lui a pris son mari Antoine. De son côté, Edgar a vécu un épisode sanglant au printemps 1917, non loin du Chemin des Dames. Bien que sur ses gardes, ce rescapé est légèrement blessé par un coup de poignard, qui ne s'explique guère.

Se disant marchand d'art, Edgar est devenu l'amant de Léonie. Celle-ci préfèrent ne pas s'arrêter à ses idéaux réactionnaires et à sa conception cynique du marché de l'art. Après les obsèques de Guillaume Apollinaire, Léonie accepte de stocker dans son appartement les toiles achetées par Edgar. Elle ignore comment il se procure ces tableaux, dont l'un est signé Modigliani. Finalement, Léonie est engagée par les journaux L'Excelsior et Le Petit Parisien. Elle va faire équipe avec le photographe Norbert Rameau, qu'elle croisa furetant à Montparnasse. Leur première enquête concerne les agences matrimoniales, florissantes avec tant de veuves. Léonie interroge une spécialiste sur les méthodes de ces officines, et sur les motivations de ces candidates au mariage. En catalogue, l'agence dispose d'une photo appât du sémillant Edgar. Qui se fait appeler dans ce cas Arthur Séverin.

Edgar a disparu. Chez Léonie, des traces de sang s'avèrent inquiétantes. Parmi leurs amis artistes, on prétend ne pas connaître Edgar ou Arthur. Norbert Rameau et Léonie trouvent le gourbi où il logeait, impasse de la Gaîté. Ils sollicitent les ministères, où l'on finit par avoir trace de l'affaire sanglante du printemps 1917. Arthur Séverin en aurait réchappé, effectivement. Mais rien n'indique qui a pu vouloir aujourd'hui le faire disparaître. Le duo découvre, rue Delambre, le véritable appartement d'Arthur ou d'Edgar. Divers documents démontrent qu'il a agi tel un escroc au mariage, sans vergogne. Les tableaux stockés chez Léonie seraient-ils des faux ? Le Modigliani est bientôt authentifié par un expert. Norbert et Léonie aimeraient que le policier Meissonnier et son adjoint Bonny les aident. Occupé sur une autre grosse affaire, l'inspecteur vérifie finalement une série d'empreintes digitales...

Michel Quint : Veuve noire (Éd.L'Archipel, 2013)

Si Michel Quint est l'auteur de l'excellent “Effroyables jardins”, les lecteurs devraient aussi se souvenir qu'il fut récompensé par le Grand prix de Littérature policière pour “Billard à l'étage” (1989). Et que sur environ quarante ouvrages, longs ou plus courts, aucun n'est ni moyen, ni passable. Tous ses livres possèdent de véritables qualités, liées en majeure partie à l'écriture.

Descriptif ou plus lyrique, Michel Quint donne toujours le mot juste, la tournure adéquate. Exemple d'une scène lumineusement décrite en quelques lignes : “Ils sont à La Rotonde, Libion à son poste, colosse hiératique derrière son zinc, et il écoute Léonie rappeler ses frasques à Modigliani, éternel costume en velours, d'ouvrier, qui dessine dans son cahier bleu, d'un seul trait, main droite, et tient son ballon de rouge de l'autre.” Pour évoquer une période si oubliée, Michel Quint est un des rares écrivains qui possède cette force évocatrice capable de reconstituer parfaitement l'ambiance d'alors.

Apollinaire est encore dans tous les cœurs, l'ombre d'André Breton grandit, Jean Cocteau couche avec l'éphèbe Radiguet, Gertrude Stein s'impose peu à peu, Kiki de Montparnasse pose pour les peintres prometteurs ou confirmés, toute une faune artistique s'agite dans un Paris renaissant. Entrer dans l'Après-guerre suivant ce noir conflit, après les fautes de nos militaires (dont l'offensive Nivelle), après les mutineries et les fusillés pour l'exemple, après tant de morts et de gueules-cassées, avant les réparations financières qu'on exigera de l'Allemagne, tel est le douloureux arrière-plan de cette histoire.

Les femmes vont vers une plus grande autonomie, telle l'intrépide et délicieuse Léonie. C'est aussi un temps où escroqueries et crimes ne manquent pas. Arnaqueurs et assassins imaginent une impunité causée par cette période trouble. Grâce à son indéniable talent, Michel Quint entraîne ses lecteurs dans cet univers, pour une aventure tumultueuse et fascinante.

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 04:45

Marc-Alfred Pellerin (1936-2009) publia quelques romans remarqués, dont quatre dans la Série Noire : Salauds les copains, Presses de la Cité, 1968 - Un sabre dans les nuages, Plon, 1985 - El Loco, Julliard, 1990 - La Pelouze, Gallimard, 1995 - La Pente, Gallimard, 1995 - La Bourde, Gallimard, 1996 - N'oublie pas d'avoir peur, Gallimard, 2000 (Prix Sang d’Encre 2001) - Inokenti, Albin Michel, 2004 (Prix Culture et Bibliothèque pour tous 2005). Issu d’une famille de forestiers, il a géré une forêt dans le Perche. Dès lors, botanique et sylviculture l’ont passionné. Appartenant à plusieurs associations de botanistes, il s’est vu confier des missions d’observation forestière en République de Yakoutie (Sibérie Orientale), au Québec, au Chili.

Un inédit de Marc-Alfred Pellerin est publié à titre posthume en ce mois d'octobre 2013 : “L'Alerce” (Éd.La Chambre d'échos). En voici la présentation :

“L'Alerce”, un inédit 2013 de Marc-Alfred Pellerin

« Sur les contreforts andins du Chili austral, aux prises avec un monde ténébreux et sauvage évoqué avec un réalisme saisissant, deux êtres s’engagent aveuglément pour une vie commune sur laquelle planent l’opprobre social et une accusation de crime.
Leur histoire d’amour a la simplicité d’une tragédie ancienne. De forêts en à-pics de montagne, de scieries en chantiers de coupe, dans une longue chevauchée ils défient l’adversité et se trouvent pris en étau entre la nécessité et la loi de l’argent-roi établi sur l’exploitation des ressources primitives.

Dans un Chili intemporel fouetté par la pluie et les vents, un récit lyrique où s’imbriquent l’observation sociale, une évocation forte du milieu forestier et la lutte du couple pour sa survie.
« Ventisquero ».
Parti à grands pas, le Chef invente déjà le dessin du chemin qu’il va falloir tracer pour rejoindre la piste. Du plat de la main, il frappe les arbres, cinq gros et quelques maigrichons.
[…]

Brèves morsures de la chaîne entaillant le pied de l’arbre, à la naissance des racines. Longues séquences entrecoupées d’accélérations furieuses pour se dégager lorsque l’arbre menace de coincer la chaîne sous son poids. Arrêt pour une reprise de souffle, de rythme. Pétarade un peu creuse du moteur pendant que la chaîne tourne à vide avant d’attaquer à pleine écorce, en un nouveau point. À l’oreille, l’habitué des chantiers devine les étapes de l’exécution, l’approche du dénouement. Silence. Long cri d’alerte. Ultime coup de scie. Deuxième cri aussitôt noyé dans le craquement final. Nouveau silence pendant que vacille la cime, ses tonnes de branchages et de feuilles. Puis le fracas de la masse abattue, arrachant tout sur son passage. Et la secousse de la montagne, faisant sous les pieds trembler le sol. »

 

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 04:55

Saint-Vincent-des-Vignes est un petit village du Beaujolais, comptant moins de cinq cent électeurs. Situé près du mont Brouilly, la localité est un pays de vignobles. Âgé d'à peine quarante ans, premier adjoint à la mairie de sa commune, Archibald Sirauton a été juge d'instruction à Lyon. Se métamorphosant en viticulteur, adoptant un aspect moins soigné, il a choisi de revenir dans sa propriété familiale, le manoir de l'Ardières. Il y est entouré de Bougonne (sa mûre employée, qui mérite son sobriquet) et du jeune Filoche (un ancien délinquant, qui ne manque pas d'instinct). Sans oublier son chien Tirbouchon, labrador au pelage anthracite, animal fort intelligent. Ponctuellement, Archibald reçoit ici sa compagne Xavière Sifakis, comédienne. Il est de ceux qui veulent faire vivre leur terroir.

Deux vieilles sœurs bigotes viennent de découvrir près de la chapelle du mont Brouilly le cadavre égorgé de Joseph Marzot, le maire de Saint-Vincent. Près du corps, on découvre des signes qu'elles estiment lucifériens. Sachant qu'une petite secte s'est installée dans les environs, il faut s'attendre à tout avec ces Naturiens. Pour Archi et Filoche, il s'agit plus certainement d'une mise en scène imitant un rituel satanique. Ce n'est pas qu'Archi ait du respect pour la secte Naturia, machine à décerveler comme tous ces groupuscules, mais il ne le sent pas impliqués. Selon le fils du maire, son père paraissait nerveux peu avant sa disparition. Peut-être parce que sa fille Marina a quitté le village, pour s'acoquiner avec ce voyou de Paulin Camut, qui exploite une boite de nuit techno.

Ce meurtre semble surtout lié au récent achat par Marzot du Vignoble du Diable. Selon la rumeur, un mauvais investissement que ces terrains peu productifs. Le gourou de la secte a tenté lui aussi d'acquérir cette propriété, ayant appartenu à un repris de justice. Croire que Bacchus, le défunt cambrioleur, ait enterré son butin en bijoux quelque part dans le Vignoble du Diable est plausible, mais Archi en doute car la police fouilla les lieux. On peut s'interroger sur ce camion italien venant du port de Gênes, ou sur les visites de Marina et Paulin Camut à la secte Naturia. Les réponses du gourou sont peu convaincantes.

Par ailleurs, si les viticulteurs Brandin et Fournier sont coutumiers des disputes, leurs fils respectifs ont l'air de comploter ensemble. Cédric Fournier est victime d'un accident de voiture, son bolide ayant été saboté. Puis c'est le fils Brandin qui est assassiné. Tant pis pour l'incompétent commissaire Poussin, qui se prend un peu trop pour Humphrey Bogart, il n'a qu'à se fourvoyer sur des fausses pistes. Archi et l'adjudant-chef Fernandez vont démêler seul cette affaire criminelle...

Philippe Bouin : Le vignoble du Diable (Presses de la Cité, 2013)

Philippe Bouin est un romancier chevronné, qui publie depuis plusieurs années. Il s'est imposé en particulier avec des suspenses tels que “Comptines en plomb” (2008, Prix polar Cognac), “Paraître à mort” (2010), “Va, brûle et me venge” (2011). Il s'agissait d'excitants polars sombres, aux intrigues sinueuses. Il apparaît clairement que cet auteur a choisi un nouveau registre avec “Le vignoble du Diable”. Sans pour autant abandonner la forme tortueuse du récit (on est loin d'une enquête linéaire), il y a énormément d'humour dans cette histoire campagnarde racontée avec une tonalité enjouée et fluide. Même si quelques crimes sont commis, nettement moins de noirceur, au profit d'un bon suspense et d'une ambiance drolatique.

Les comédies policières se servant de décors ruraux sont généralement savoureuses. On se souvient de celles, exemplaires, de Charles Exbrayat. C'est l'occasion d'offrir aux lecteurs des portraits souriants. Dès le début, l'ambiance est donnée grâce au duo d'hallucinées confites en religion. L'allure baba-cool du héros (devenu méconnaissable pour ceux ont côtoyé le magistrat qu'il fut), l'ironie de Bougonne (qui se revendique “cougar”), et même les pensées intimes du chien Tirbouchon (qui n'apprécie guère le mauvais goût) confirment l'esprit amusé. On est en droit de penser que des caractériels hargneux tels que Fournier et Brandin ne sont pas si éloignés de la réalité. Bien d'autres protagonistes sont également croqués, dont un commissaire à nœud papillon plagiant Philip Marlowe. Un très agréable polar, à lire en consommant (avec modération) quelques verres de Beaujolais.

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 04:55

Il se passe des trucs bizarres dans la Grosse Cité, grande ville d'un futur proche. Gustave Flicman habite en famille avec ses parents et ses cinq sœurs. C'est un jeune agent de police, en poste au commissariat de quartier Adinike® (pour des questions de budget, les services publics sont sponsorisés). Depuis quelques temps, plus de cent-trente livreurs de pizzas ont été attaqués par un étrange individu. Il s'agit d'un nain barbu vêtu d'un pyjama et portant un bonnet, ce qui n'est pas le portrait du délinquant ordinaire, faut l'avouer. Il ne vole d'ailleurs que les pizzas, jamais d'argent. Ce jour-là, Gustave le repère et essaie d'interpeller le gnome. Le nain en pyjama réplique en lui balançant une enclume, figurez-vous. Gustave s'en sort bien, quand même, bientôt rejoint par son collègue Pticop.

Officiellement, l'affaire n'intéresse pas vraiment leurs chefs. Pourtant, en tête à tête, le supérieur hiérarchique éclaire la situation pour Gustave. Selon les théories d'un savant du dix-neuvième siècle, les lutins sont des créatures qui existent vraiment, puisqu'on les a imaginées. Ce qui fait que, de nos jours, vu qu'on a construit des villes à la campagne, ces gnomes sont devenus des Lutins Urbains. Explication tordue, p'têtre bien, mais il vaut mieux que la population ne soit pas informée au sujet de ces créatures. Gustave constate que, même dans sa famille, personne ne croit aux lutins, à part sa plus jeune sœur. Ah, on vient d'arrêter un suspect qui ressemble vaguement au nain en pyjama. Ce SDF de 71 ans est un marginal qui tient à son enclume, mais pas le coupable, pense Gustave.

Le jeune policier déniche une piste. Un énigmatique Professeur B. connaîtrait le fin mot de cette affaire. Son adresse est à peine secrète, puisque c'est à l'Université d'Onirie qu'on le trouve, en banlieue de la Grosse Cité. Bien que son collègue Ptitcop l'ait prévenu que c'est dangereux, l'intrépide Gustave va débarquer là-bas pour l'arrêter. Il est accueilli par l'ado Loligoth, une jeune fille plutôt pas banale. Gustave se retrouve dans une sorte de vieil hôtel à l'abandon, avant de pénétrer dans une drôle de salle où le décor le rend fiévreux. Diplômé en lutinologie, le Professeur B. n'apparaît pas dangereux et lui parle volontiers du Pizz'Raptor. Par contre, face à un groupe de gnomes, Gustave ne fait pas le poids. Et s'il insiste, il risque de passer pour un fou, comme ceux qui enquêtèrent avant lui. Téméraire, Gustave tente malgré tout de démêler ce furieux micmac...

Renaud Marhic : Lutins Urbains – L'attaque du Pizz'Raptor (Éd.P'tit Louis, 2013)

Journaliste, romancier et créateur de la collection Polars&Grimoires, Renaud Marhic est pluridisciplinaire. Il nous propose cette fois un roman-jeunesse, s'inspirant de personnages qu'il créa voilà environ dix ans. Ces Lutins Urbains s'adressent d'abord aux enfants, dont l'imaginaire reste encore peu vicié par le manque de fantaisie qu'on leur impose ensuite. Quelques adultes savent conserver une part juvénile, donc ceux-là liront avec grand plaisir ce conte actuel. Qu'on prévienne les plus âgés, ils risquent d'entendre parler d'une souris verte à pois bleus qui roule en quad. Grands ou moins grands, on ne risque pas de s'ennuyer une seconde, en suivant les aventures hyper-agitées et aussi mystérieuses qu'étranges de l'agent de police Gustave Flicman.

S'il se sert du folklore lié aux lutins, trolls, et autres énergumènes nés des légendes, l'auteur esquisse tout de même des aspects de notre société. Le monde d'aujourd'hui n'a pas encore de commissariat de quartier Adinike® ou de Palais de Justice Happy Burger®. Expliquons assez tôt à nos mômes pourquoi ce serait anormal. Quant à la paix sociale qui justifie l'incarcération arbitraire d'un innocent, bien sûr que ça ne s'est jamais produit. S'adressant en priorité à des jeunes, Renaud Marhic raconte cette histoire avec beaucoup d'humour et de péripéties. Un suspense très agréable, pour tous publics.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 04:55

Au début des années 2000, grâce à l'éditeur Marc Alpozzo, Franck Thilliez publia son tout premier roman en numérique, “Conscience animale”. C'est en 2005, qu'il rencontre le succès avec “La chambre des morts”. Ce roman est récompensé par le Prix des lecteurs Quais du Polar et par le Prix SNCF du polar français. En 2006, “La forêt des ombres” vient confirmer que Franck Thilliez a gagné un large public. De “La mémoire fantôme” (2007) à “Puzzle” (2013), en passant par “Le syndrome E” (2010) ou “AtomKa” (2012), chaque titre de cet auteur fait partie des best-sellers. Toutefois, ceux qui lancèrent réellement Franck Thilliez (ainsi que Karine Giebel, d'ailleurs), ce furent Jack Pop (1949-2007) et sa compagne (qui signait Woômanh). C'est dans leur collection Rail Noir, aux éditions La Vie du Rail, que Thilliez commence vraiment à imposer son inspiration. Les deux romans qu'il publie alors ont pour héros le tourmenté commissaire Sharko.

Franck Thilliez : Train d'enfer pour Ange rouge + Deuils de miel (Pocket, 2013)

Dans “Train d'enfer pour Ange rouge” (Rail Noir, 2004), l'épouse du policier (Suzanne) a disparu depuis environ six mois, sans qu'apparaisse aucun indice. Sharko est chargé d'enquêter sur une série de meurtres. Des jeunes femmes sont victimes d'un tueur cruel les entraînant dans des jeux sadiques, qu'il filme jusqu'à leur mort. On retrouve leurs corps torturés et mutilés, non sans que l'assassin laisse des signes destinés à la police. Il contacte bientôt Sharko, pour lui apprendre que c'est lui détient son épouse. D'après ses dires, elle va prochainement accoucher, alors que Sharko ignorait qu'elle était enceinte. Ces révélations décuplent les motivations du policier. Une piste l'amène dans les milieux du sadomasochisme, un univers très secret, potentiellement menaçant. L'enquêteur s'intéresse aussi à un jeune réalisateur de snuff movies. Une direction erronée, qui va inciter le tueur en série à réagir contre ce réalisateur et ses proches. Même en parvenant à identifier le criminel et à sauver sa femme, l'avenir s'annonce sombre pour Sharko...

Le policier va connaître une seconde aventure dans “Deuils de miel” (Rail Noir, 2006). Il a vécu un drame un an plus tôt, à cause d'un chauffard nommé Patrick Chartreux. C'est dans l'église d'Issy-les-Moulineaux que débute sa nouvelle enquête. Le cadavre d'une femme quinquagénaire y a été retrouvé nu. Chevilles entravées, mais pas de traces de sévices ou de blessures. Son crâne rasé était couvert de papillons, sept gros insectes vivants. L'auteur de cette mise en scène pourrait être un fan d'histoires horrifiques, mais il n'a pas manqué de sang-froid. Il a laissé un laissé un message mystérieux, au sens mystique ou apocalyptique, que Sharko doit tenter de décrypter. Docteur en théologie, Paul Legendre amorce une interprétation du message. Sept fléaux destructeurs, un chiffre qui prend du sens. Même s'il découvre de nouveaux indices, Sharko va s'enfoncer peu à peu dans une sombre atmosphère, non dénuée de folie...

Puissants, noirs et troublants, ces deux romans sont désormais disponibles chez Pocket, réunis en un seul livre. Excellente occasion de découvrir ces premiers thrillers, car il est fort possible que les admirateurs de Franck Thilliez n'aient pas lu ces titres-là. Idem pour les lecteurs connaissant encore mal les œuvres de ce romancier. Par ailleurs, “Puzzle”, le nouveau suspense de Franck Thilliez, vient de paraître aux éditions Fleuve Noir. Nul doute qu'il soit tout aussi intense que les précédents.

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8 octobre 2013 2 08 /10 /octobre /2013 04:55

Loupo est un braqueur actuel. Solitaire dans l'âme, même s'il opère avec son ami Kangou, sur les tuyaux de leur copain Le Chat. Loupo fréquente peu le milieu des truands, dont il sait se faire respecter, au besoin. Avec Kangou, qui pilote les motos volées à chaque coup, ils pillent les banques de Paris et de sa région. S'il est surnommé Le Flingueur, c'est parce que Loupo tire à chaque braquage pour impressionner employés et clients. Il a amassé un joli tas de fric, auquel il ne touche pas. Marié à la belle Maria, père de famille, Kangou se shoote un peu et perd pas mal de fric au jeu. Néanmoins, Loupo peut avoir une confiance totale en lui. Le Chat leur a promis un vrai gros braquage pour très bientôt, mais il faut patienter avec des coups moins fructueux.

Loupo n'est pas de ceux qui bénéficieraient de circonstances atténuantes devant la Justice. Certes, abandonné par sa mère, il connut l'orphelinat, l'Assistance Publique d’Évry, ce qui attisa certainement sa révolte intérieure. Tôt, avec quelques-uns de ses potes, Loupo s'engagea dans la délinquance, apprentissage qui n'est jamais sans conséquences. C'est ainsi qu'ils perdirent leur ami Smalto. Ce qui n'arrêta pas Loupo dans sa marche en avant, vers des braquages toujours plus juteux, autant que risqués. Le dernier en date va mal tourner. Comme toujours, Loupo tire pour affoler les gens présents dans la banque. Par accident, il touche un môme, dont il ne sait s'il est mort ou blessé. En plus, il n'y a quasiment pas de fric dans cette agence, car on les a prévenus.

Très vite, Loupo culpabilise au maximum, envisage le suicide, mais songe plutôt à se rendre après avoir laissé son pactole à Kangou. Quant à savoir qui les a balancés, volontairement ou pas, c'est le petit ami du Chat, l'Ange blond. Avant de se livrer aux flics, c'est une affaire que Loupo doit régler. Le gang qu'il a en face de lui est dangereux, mais il a des arguments-choc et pas grand chose à perdre. S'il était capable de s'attacher à la jeune Nora, sincèrement amoureuse de lui, peut-être agirait-il autrement. Même quand il a l'occasion de rencontrer la mère du môme qu'il a atteint, la culpabilité ronge Loupo. Il se sent tel un monstre. Les flics ont pisté Nora, mais Loupo parvient à s'échapper par les toits, non sans difficultés. Après avoir trouvé refuge chez Kangou et sa famille, le gros coup attendu se prépare...

Jacques-Olivier Bosco : Loupo (Éditions Jigal, 2013)

Quand une histoire est racontée par le héros, à la première personne, ça donne du rythme et ça permet des images explicites puisque personnelles : “C'est pour ça que je m'y sens chez moi, la nuit. Seulement la nuit. J'ai les sens qui guettent, qui attendent. Je me rappelle tous les coups qu'on faisait, les petits cambriolages de pavillons, les casses d'entrepôts. Parfois la nuit était glacée, mordante et agressive...”

Ce mode narratif incite le lecteur à chercher l'angle positif, même si celui qui nous parle n'est pas un saint. C'est là que Loupo ne correspond pas à cette approche. C'est un type froid, déjà “en sursis” bien avant cet épisode de sa vie. Il ne souhaite ni admiration, ni pitié. Ses moments d'apitoiement sur lui-même (“Je suis un monstre. Je le savais. Je le savais.”) ne sont pas destinés à nous émouvoir. Il n'éprouve pas de plaisir à s'enrichir par les braquages. Il a juste besoin de cette adrénaline qui afflue pendant quelques minutes, de l'excitation du casse, aussi brève soit-elle. Voilà la seule drogue de ce loup solitaire.

L'auteur fait référence à Léo Malet et André Héléna, pionniers du roman noir à la française. Il est vrai que la délinquance glissant vers la criminalité est intemporelle. La violence devient vite l'unique réponse des gens traqués. En réalité, Loupo fait parfois penser aux personnages désabusés de David Goodis, conscients qu'ils seront rattrapés par la fatalité. Ils ont connu trop de déboires pour solliciter la sympathie. Cette notion n'existe pas dans le monde des animaux, or Loupo se veut animal. Il va déranger le lecteur, ne l'ignore pas. C'est pour cette raison-là que, malgré de petites faiblesses, ce polar trouve une certaine force.

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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 04:55

Jamais la Bretagne n'a été un paradis pour les pauvres bougres. Par ses origines, Nicolas Scouarnec fit partie de ces campagnards miséreux, journaliers de ferme en ferme, au tout début du 20e siècle. À la différence des résignés, c'est un rebelle, un insoumis invétéré. On ne tarde pas à le surnommer Gwaz-Ru, le Gars-Rouge. Sobriquets et réputations vous collent à la peau dans ces contrées finistériennes. De retour de l'armée, le jeune homme s'est radicalisé, se sentant proche des idéaux bolcheviques. Il se laisse convaincre par des militants communistes que son avenir est à Quimper, la grande ville. Il s'y installe dans les années 1920, pour devenir ouvrier du bâtiment. C'est “en bas de l'échelle” qu'il apprend ce métier. Le premier bilan est mitigé. Un boulot de forçat, un contremaître communiste sévère, mais l'entreprise est dirigée par un patron social.

Dans la chambrette voisine, loge un professeur de philosophie, Vincent, avec lequel Gwaz-Ru sympathise. Au fil de leurs conversations, le rural complète son éducation, structure sa conception du monde. S'il adhère au parti communiste, il conserve son indépendance d'esprit face au dogmatisme du contremaître Bodiger. Gwaz-Ru tombe bientôt sous le charme de Tréphine, la serveuse du petit restaurant où il a ses habitudes vespérales. Leur marivaudage dominical aboutit en toute logique à un projet de mariage. Pas question de dépenses inutiles, ni de banquet festif, et encore moins de passage à l'église pour célébrer leur union en février 1926. Si le parti les aide à obtenir un meilleur logement, Gwaz-Ru reste réticent à la discipline communiste. Quant à leur vie de famille, il est bien décidé à ne “laisser personne la canaliser.” Ils auront bientôt une flopée d'enfants.

Gwaz-Ru et Tréphine auraient pu reprendre le petit restaurant qui employait celle-ci. Mais les gens de la terre y retournent fatalement, si la chance est avec eux. Tenue par un vieux couple, la ferme de Goarem-Treuz se trouve à quelques encablures de Quimper. Le verger, les légumes et les fleurs que Tréphine ira vendre aux halles, et surtout l'indépendance tant voulue par Gwaz-Ru, tout plaide pour qu'ils s'y installent. Son ultime chantier de maçon, dans une église, offrira encore une leçon au révolté qu'est toujours Gwaz-Ru. Après leur déménagement définitif, il vivra de plusieurs métiers complémentaires. Le voisinage, telle cette comtesse ruinée et sa fille, l'amuse sans le passionner. Le régionalisme naissant et la politique, le philosophe Vincent et lui s'y intéressent toujours. Pourtant, alors qu'arrive la guerre, il vaut mieux observer ça de loin. Toutefois, la neutralité n'a qu'un temps...

Hervé Jaouen : Gwaz-Ru (Presses de la Cité, 2013)

Toute une série de romans d'Hervé Jaouen sont consacrés à la vie des Bretons au cours du vingtième siècle. Chacune de ces histoires illustre le parcours d'une branche d'une large famille. Cette fois, c'est en deux tomes qu'il va nous raconter la vie de Nicolas Scouarnec et des siens. “Faire son chemin en dehors de la route, ce n'est pas pareil que dérailler” dit Gwaz-Ru pour expliquer sa détermination à choisir son sort. Durant l'Entre-deux-guerres, le marxisme est une expérience neuve, tentante pour les révoltés. À l'embrigadement, il préfère un “ni dieu, ni maître” plus anarchiste. Ce qui ne l'empêche pas de causer un esclandre à la cathédrale Saint-Corentin au début de la guerre, entonnant L'Internationale en langue bretonne. C'est bien à la création d'un clan traditionnel qu'on assiste ici, l'aîné de ses fils commençant à émerger avant la seconde partie à venir.

Le portrait de Gwaz-Ru montre qu'on peut être à la fois rebelle dans l'âme, sans négliger des valeurs familiales. Un principe qui fut probablement partagé par un certain nombre de Bretons, à l'époque. Avec prudence et recul, quand même. Car il existait un risque de dérives régionalistes, liées au communisme où, à l'inverse, au service du nazisme. Hervé Jaouen sait à merveille nous faire partager le quotidien de ses personnages, la vérité de leurs gestes et de leurs pensées, l'ambiance et le décor dans lesquels ils évoluent. Les lecteurs conscients de leurs racines, Bretons ou de toute autre région, y retrouveront des images qui ont forgé leur identité, leur caractère. Bien qu'il s'agisse d'une fiction, c'est autant un témoignage réaliste sur nos récents ancêtres.

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 05:48

Au nord-est des États-Unis, ne comptant qu'un million d'habitants, Rhodes Island est le plus petit État du pays. La seule métropole est Providence, sa capitale. Natif de cette ville, Liam Mulligan sera bientôt quadragénaire. Séparé de sa femme, la jalouse et agressive Dorcas, il est journaliste pour le principal quotidien local. Ce métier est une vraie vocation pour Mulligan, qui n'aime guère qu'on l'appelle par son prénom. Même si la presse est en crise, rien d'autre ne l'excite que l'investigation à l'ancienne, le reportage en profondeur. Dans un État où la corruption est omniprésente, où emplois fictifs et magouilles diverses sont monnaie courante, il y a tant de sujets à dénoncer. Parfois, il doit obéir au rédacteur en chef, et traiter des articles genre “la chienne qui a traversé le pays pour rejoindre ses maîtres”. Ou accepter d'être secondé par le fils du propriétaire du journal, jeune freluquet frais émoulu d'une école spécialisée. Sans lâcher ce qui l'intéresse vraiment.

En trois mois, neuf incendies ont causé cinq morts dans le quartier de Mount Hope. C'est là que Mulligan et Rosie, la chef des pompiers, vécurent leur enfance. Aujourd'hui, il n'y reste plus que des immeubles assez délabrés et de modestes maisons. Rosie s'investit au maximum pour sauver ce qui peut l'être, tandis que Mulligan veut comprendre ce qui se passe. Selon les enquêteurs d'incendie Polecki et Roselli, ces sinistres sont dûs à la simple malchance. Pour le journaliste, ils ne sont pas accidentels. S'il n'y a pas d'escroquerie apparente, il peut s'agir d'un pyromane. Sur les photos du public regardant les incendies, Mulligan repère vite un asiatique, qu'il ne tarde pas à baptiser “M.Extase”. Le bookmaker Zerilli, ami du reporter, organise des groupes de vigiles volontaires pour surveiller le coin. Avec des battes de base-ball, d'où leur surnom, les DiMaggio. On n'est pas à l'abri d'une bavure. Mulligan obtient aussi certaines infos de son copain assureur, McCracken.

Si Gloria, photographe du journal, n'est pas insensible au charme de Mulligan, celui-ci débute une relation amoureuse avec la belle Veronica Tang. Jeune journaliste, elle dispose de sources sûres, y compris sur des cas ultra-confidentiels. Par contre, alors qu'on célèbre les obsèques d'un ancien caïd de la Mafia,Mulligan pense en connaître plus qu'elle sur les possibles successeurs mafieux. À vrai dire, ceux-ci sont d'honorables hommes d'affaires ayant rompu avec le banditisme. Il est établi que le pyromane utilise une cafetière garnie d'essence, doté d'un minuteur. Alors qu'un pompier retraité de ses amis est suspecté, Mulligan offre à Polecki la photo de “M.Extase”. On va bientôt l'alpaguer. Toutefois, il a de bons alibis. Quand se produit une série d'incendies simultanés à Mount Hope, la population se mobilise. Approcher de trop près la vérité va causer de nouvelles victimes. Et Mulligan doit se réfugier chez sa tante Ruthie. Néanmoins, il finira par désigner les coupables...

Bruce DeSilva : Pyromanie (Actes Noirs, 2013)

Voilà un polar qui s'inscrit dans la lignée du roman noir traditionnel. “À l'ancienne”, par certains aspects. C'est très probablement parce que Mulligan est un journaliste dont les méthodes évoquent le temps passé de la grande presse d'investigation. C'était écrit dans le journal, donc c'était de l'info confirmée. Les reporters ne se fiaient qu'à leur expérience de terrain et à leurs contacts. À notre époque, on communique alors que la vocation de ces journalistes consistait à informer, sans trop se laisser piéger par les officiels. Lobbies et micro-trottoirs ont supplanté leur honnêteté. Sans être âgé, Mulligan est un vétéran de la génération des purs et durs, avec ulcère à la clé. Un héros qui n'est pas sans rappeler les meilleurs détectives de la littérature policière. Y compris par sa rudesse, et parce qu'il est entouré de jolies femmes.

Dessiné avec soin, son univers nous devient rapidement familier. Les portraits de tous les personnages apparaissent très crédibles, et souvent subtils. La devise de l’État de Rhodes Island, c'est “Hope”, l'espoir. Ça prend un sens, ici. Mais son moteur, c'est la corruption. “Ceux d'entre nous qui vivent ici savent qu'il en existe deux sortes, la bonne et la mauvaise, comme pour le cholestérol. La mauvaise enrichit les politiciens et leurs amis cupides au dépens du contribuable. La bonne améliore l'ordinaire des fonctionnaires sous-payés (…) La bonne corruption est sans matière grasse. Elle est biodégradable. Elle évite la paperasserie.” Bon dosage entre humour et noirceur, dans cette intrigue à suspense de premier ordre. Un roman très excitant, à ne pas manquer !

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