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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 04:55

Novembre 1918. Âgée de trente ans, Léonie Rivière est veuve de guerre. Mort sur le front, son mari Antoine avait déjà perdu sa fortune par des investissements douteux. Léonie vit seule à Paris, dans ce quartier de Montparnasse où elle croise des artistes tels Modigliani ou Cendrars. Elle survit en écrivant quelques piges pour les journaux, sous le pseudo de Lys de Pessac. En ce 11 novembre, règne partout une excitation particulière, symbole du conflit terminé. Gagner maintenant la paix, se déshabituer de la guerre, ça viendra avec le temps. Léonie rencontre Edgar Prouville, séduisant ancien combattant. Elle a envie qu'il lui parle de cette guerre qui lui a pris son mari Antoine. De son côté, Edgar a vécu un épisode sanglant au printemps 1917, non loin du Chemin des Dames. Bien que sur ses gardes, ce rescapé est légèrement blessé par un coup de poignard, qui ne s'explique guère.

Se disant marchand d'art, Edgar est devenu l'amant de Léonie. Celle-ci préfèrent ne pas s'arrêter à ses idéaux réactionnaires et à sa conception cynique du marché de l'art. Après les obsèques de Guillaume Apollinaire, Léonie accepte de stocker dans son appartement les toiles achetées par Edgar. Elle ignore comment il se procure ces tableaux, dont l'un est signé Modigliani. Finalement, Léonie est engagée par les journaux L'Excelsior et Le Petit Parisien. Elle va faire équipe avec le photographe Norbert Rameau, qu'elle croisa furetant à Montparnasse. Leur première enquête concerne les agences matrimoniales, florissantes avec tant de veuves. Léonie interroge une spécialiste sur les méthodes de ces officines, et sur les motivations de ces candidates au mariage. En catalogue, l'agence dispose d'une photo appât du sémillant Edgar. Qui se fait appeler dans ce cas Arthur Séverin.

Edgar a disparu. Chez Léonie, des traces de sang s'avèrent inquiétantes. Parmi leurs amis artistes, on prétend ne pas connaître Edgar ou Arthur. Norbert Rameau et Léonie trouvent le gourbi où il logeait, impasse de la Gaîté. Ils sollicitent les ministères, où l'on finit par avoir trace de l'affaire sanglante du printemps 1917. Arthur Séverin en aurait réchappé, effectivement. Mais rien n'indique qui a pu vouloir aujourd'hui le faire disparaître. Le duo découvre, rue Delambre, le véritable appartement d'Arthur ou d'Edgar. Divers documents démontrent qu'il a agi tel un escroc au mariage, sans vergogne. Les tableaux stockés chez Léonie seraient-ils des faux ? Le Modigliani est bientôt authentifié par un expert. Norbert et Léonie aimeraient que le policier Meissonnier et son adjoint Bonny les aident. Occupé sur une autre grosse affaire, l'inspecteur vérifie finalement une série d'empreintes digitales...

Michel Quint : Veuve noire (Éd.L'Archipel, 2013)

Si Michel Quint est l'auteur de l'excellent “Effroyables jardins”, les lecteurs devraient aussi se souvenir qu'il fut récompensé par le Grand prix de Littérature policière pour “Billard à l'étage” (1989). Et que sur environ quarante ouvrages, longs ou plus courts, aucun n'est ni moyen, ni passable. Tous ses livres possèdent de véritables qualités, liées en majeure partie à l'écriture.

Descriptif ou plus lyrique, Michel Quint donne toujours le mot juste, la tournure adéquate. Exemple d'une scène lumineusement décrite en quelques lignes : “Ils sont à La Rotonde, Libion à son poste, colosse hiératique derrière son zinc, et il écoute Léonie rappeler ses frasques à Modigliani, éternel costume en velours, d'ouvrier, qui dessine dans son cahier bleu, d'un seul trait, main droite, et tient son ballon de rouge de l'autre.” Pour évoquer une période si oubliée, Michel Quint est un des rares écrivains qui possède cette force évocatrice capable de reconstituer parfaitement l'ambiance d'alors.

Apollinaire est encore dans tous les cœurs, l'ombre d'André Breton grandit, Jean Cocteau couche avec l'éphèbe Radiguet, Gertrude Stein s'impose peu à peu, Kiki de Montparnasse pose pour les peintres prometteurs ou confirmés, toute une faune artistique s'agite dans un Paris renaissant. Entrer dans l'Après-guerre suivant ce noir conflit, après les fautes de nos militaires (dont l'offensive Nivelle), après les mutineries et les fusillés pour l'exemple, après tant de morts et de gueules-cassées, avant les réparations financières qu'on exigera de l'Allemagne, tel est le douloureux arrière-plan de cette histoire.

Les femmes vont vers une plus grande autonomie, telle l'intrépide et délicieuse Léonie. C'est aussi un temps où escroqueries et crimes ne manquent pas. Arnaqueurs et assassins imaginent une impunité causée par cette période trouble. Grâce à son indéniable talent, Michel Quint entraîne ses lecteurs dans cet univers, pour une aventure tumultueuse et fascinante.

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commentaires

P
Bonjour M. Le Nocher,<br /> <br /> Juste pour dire que certains noms dans cette histoire sont évocateurs.<br /> Léonie, c'est le vrai prénom d'Arletty, qui s'appelait Léonie Bathiat.<br /> Elle déclara après la guerre - l'autre, la Seconde - face aux reproches d'avoir fréquenté des officiers allemands &quot; Mon coeur est français, mais mon cul est international ! &quot;<br /> Il paraît que le prénom Léonie, comme beaucoup de prénoms fin 19ème - début 20ème siècle, est de nouveau à la mode chez les petites filles d'aujourd'hui. Ces prénoms rétros que des parents choisissent de donner à leurs enfants.<br /> Une affaire d'escroquerie au mariage et peut-être de meurtres, pendant et après la Première Guerre mondiale, avec des coeurs consolateurs ? Michel Quint a sans doute pensé en écrivant ce roman à Landru, arrêté en 1919 ?<br /> Les noms des deux policiers ont peut-être été choisis comme cela, ou alors ce sont des clins d'oeil à des personnes réelles ? <br /> Pierre Bonny était ce policier pourri qui fabriqua des preuves pour incriminer injustement Guillaume Seznec dans la disparition de Pierre Quémeneur - la machine à écrire - et fit des coups tordus dans d'autres affaires dont Stavisky. Avant de s'acoquiner avec Henri Laffont-Chamberlain dans la Carlingue, la Gestapo française de la rue Lauriston ( Paris 16ème ), Ce qui lui valut d'être fusillé comme collabo le lendemain de Noël 1945.<br /> Fernand Meyssonnier ( avec cette orthographe, mais la différence n'exclut pas que Michel Quint ne s'en soit pas inspiré ) était le bourreau, l'exécuteur en chef des arrêts criminels c'est à dire des condamnations à mort, en Algérie française jusqu'à l'indépendance. Il a ainsi beaucoup guillotiné pendant la guerre d'Algérie, sachant qu'en 1956-1958 le Garde des Sceaux a fait exécuter 80 % des condamnés à mort dans le cadre des événements d'Algérie, dans les cas qui lui étaient soumis. Alors que c'était François Mitterrand, qui, devenu Président 25 ans plus tard, fera abolir la peine de mort.<br /> Fernand Meyssonnier est mort en 2008 je crois. Il avait créé un musée privé, le musée de la justice, qui montrait surtout des guillotines, d'autres objets et des archives et photos en rapport avec des affaires criminelles s'étant soldées par des exécutions capitales. Ce musée, comparable quoique différent, à celui de la Préfecture de police de Paris, au-dessus du commissariat de Paris 5ème, a depuis fermé.<br /> En parlant du Montparnasse des artistes, je recommande le livre d'Olivier Renault, qui vit dans ce quartier depuis plus de 20 ans et qui dirige la librairie l'Arbre à Lettes Boulard, la rue Boulard croisant la rue Daguerre dans le 14ème.<br /> <br /> Montparnasse, les lieux de légende<br /> Olivier Renault<br /> Parigramme, mars 2013<br /> <br /> http://www.amazon.fr/gp/product/2840967707/ref=olp_product_details?ie=UTF8&amp;me=&amp;seller=<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> A propos de cette période, puisque l'action se passe cinq ans plus tard (en 1924) dans les mêmes quartiers, je recommande &quot;La mort n'a pas d'amis&quot; de Gilles Schlesser. <br /> N'attendez pas que j'en dise davantage sur l'intrigue de &quot;Veuve noire&quot; de Michel Quint car, si j'ai suggéré ici des éléments, c'est dans le roman que sont les réponses. <br /> Oui, de &quot;vieux&quot; prénoms ressurgissent depuis quinze ans, tels Mathilde ou Noémie, et pourquoi pas Léonie. S'ils s'agit d'hommages à des aïeules, c'est très bien. Si les parents connaissent l'histoire de ces ancêtres, c'est encore mieux.<br /> Ah, l'inspecteur Bonny ! On connait bien son parcours de pourri, oui. Il fabriqua UNE preuve dans l'affaire Seznec, oui. Toutefois, ne nous fions pas uniquement aux ouvrages de Denis Le Her, son petit-fils. Car un tas d'autres éléments à charge existaient contre Guillaume Seznec, en particulier concernant le trajet fatal à Quémeneur, ses silences ou ses versions variées. Je ne prends pas parti, je n'accuse pas, je ne défends pas, soyons clairs. Denis Le Her s'est juste trop servi de l'histoire de Bonny, surtout au temps de la Gestapo française, pour étayer sa thèse... et c'est ainsi qu'elle n'a pas été retenue par la Justice.<br /> Ce faisant, Denis Le Her se rapprochait de cette méthode &quot;à l'américaine&quot; consistant à choisir soit un coupable parmi les suspects, soit une preuve plus ou moins avérée, et à bâtir toute une thèse là-dessus. Le plus bel exemple serait Patricia Cornwell avec &quot;Jack l'Eventreur affaire classée&quot;, où le raisonnement est largement faussé. Vous qui vous êtes beaucoup documenté sur les cas judiciaires, vous trouverez bien d'autres cas basés sur une... fausse piste.<br /> Amitiés.

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