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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 05:48

Au nord-est des États-Unis, ne comptant qu'un million d'habitants, Rhodes Island est le plus petit État du pays. La seule métropole est Providence, sa capitale. Natif de cette ville, Liam Mulligan sera bientôt quadragénaire. Séparé de sa femme, la jalouse et agressive Dorcas, il est journaliste pour le principal quotidien local. Ce métier est une vraie vocation pour Mulligan, qui n'aime guère qu'on l'appelle par son prénom. Même si la presse est en crise, rien d'autre ne l'excite que l'investigation à l'ancienne, le reportage en profondeur. Dans un État où la corruption est omniprésente, où emplois fictifs et magouilles diverses sont monnaie courante, il y a tant de sujets à dénoncer. Parfois, il doit obéir au rédacteur en chef, et traiter des articles genre “la chienne qui a traversé le pays pour rejoindre ses maîtres”. Ou accepter d'être secondé par le fils du propriétaire du journal, jeune freluquet frais émoulu d'une école spécialisée. Sans lâcher ce qui l'intéresse vraiment.

En trois mois, neuf incendies ont causé cinq morts dans le quartier de Mount Hope. C'est là que Mulligan et Rosie, la chef des pompiers, vécurent leur enfance. Aujourd'hui, il n'y reste plus que des immeubles assez délabrés et de modestes maisons. Rosie s'investit au maximum pour sauver ce qui peut l'être, tandis que Mulligan veut comprendre ce qui se passe. Selon les enquêteurs d'incendie Polecki et Roselli, ces sinistres sont dûs à la simple malchance. Pour le journaliste, ils ne sont pas accidentels. S'il n'y a pas d'escroquerie apparente, il peut s'agir d'un pyromane. Sur les photos du public regardant les incendies, Mulligan repère vite un asiatique, qu'il ne tarde pas à baptiser “M.Extase”. Le bookmaker Zerilli, ami du reporter, organise des groupes de vigiles volontaires pour surveiller le coin. Avec des battes de base-ball, d'où leur surnom, les DiMaggio. On n'est pas à l'abri d'une bavure. Mulligan obtient aussi certaines infos de son copain assureur, McCracken.

Si Gloria, photographe du journal, n'est pas insensible au charme de Mulligan, celui-ci débute une relation amoureuse avec la belle Veronica Tang. Jeune journaliste, elle dispose de sources sûres, y compris sur des cas ultra-confidentiels. Par contre, alors qu'on célèbre les obsèques d'un ancien caïd de la Mafia,Mulligan pense en connaître plus qu'elle sur les possibles successeurs mafieux. À vrai dire, ceux-ci sont d'honorables hommes d'affaires ayant rompu avec le banditisme. Il est établi que le pyromane utilise une cafetière garnie d'essence, doté d'un minuteur. Alors qu'un pompier retraité de ses amis est suspecté, Mulligan offre à Polecki la photo de “M.Extase”. On va bientôt l'alpaguer. Toutefois, il a de bons alibis. Quand se produit une série d'incendies simultanés à Mount Hope, la population se mobilise. Approcher de trop près la vérité va causer de nouvelles victimes. Et Mulligan doit se réfugier chez sa tante Ruthie. Néanmoins, il finira par désigner les coupables...

Bruce DeSilva : Pyromanie (Actes Noirs, 2013)

Voilà un polar qui s'inscrit dans la lignée du roman noir traditionnel. “À l'ancienne”, par certains aspects. C'est très probablement parce que Mulligan est un journaliste dont les méthodes évoquent le temps passé de la grande presse d'investigation. C'était écrit dans le journal, donc c'était de l'info confirmée. Les reporters ne se fiaient qu'à leur expérience de terrain et à leurs contacts. À notre époque, on communique alors que la vocation de ces journalistes consistait à informer, sans trop se laisser piéger par les officiels. Lobbies et micro-trottoirs ont supplanté leur honnêteté. Sans être âgé, Mulligan est un vétéran de la génération des purs et durs, avec ulcère à la clé. Un héros qui n'est pas sans rappeler les meilleurs détectives de la littérature policière. Y compris par sa rudesse, et parce qu'il est entouré de jolies femmes.

Dessiné avec soin, son univers nous devient rapidement familier. Les portraits de tous les personnages apparaissent très crédibles, et souvent subtils. La devise de l’État de Rhodes Island, c'est “Hope”, l'espoir. Ça prend un sens, ici. Mais son moteur, c'est la corruption. “Ceux d'entre nous qui vivent ici savent qu'il en existe deux sortes, la bonne et la mauvaise, comme pour le cholestérol. La mauvaise enrichit les politiciens et leurs amis cupides au dépens du contribuable. La bonne améliore l'ordinaire des fonctionnaires sous-payés (…) La bonne corruption est sans matière grasse. Elle est biodégradable. Elle évite la paperasserie.” Bon dosage entre humour et noirceur, dans cette intrigue à suspense de premier ordre. Un roman très excitant, à ne pas manquer !

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commentaires

N
Tout à fait d'accord avec toi, mon Claude ! Gros gros bisous !
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C
Toujours câline, ma Nadine ! <br /> Un auteur a faire découvrir aux lecteurs d'outre-Quiévrain, aussi ! <br /> Je t'embrasse avec toute l'affection que tu sais.
P
Bonjour M. Le Nocher, Norbert,<br /> <br /> A propos de l'Etat du Rhode Island, vous trouverez peut-être quelque intérêt à regarder cet article :<br /> <br /> http://www.murderbygaslight.com/2013/04/the-hart-meservey-murder.html<br /> <br /> Cordialement
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C
Bonjour Philippe<br /> Un cas criminel intéressant, effectivement. Mal résolu, parce qu'embrouillé par une &quot;expertise graphologique&quot; contestable. Elles ne sont que rarement déterminantes, d'ailleurs. Dans ces cas-là, le seul indice peut venir quand quelqu'un cherche à maquiller son écriture lors d'un test postérieur. Ici, le graphologue étudia la chose sur des documents existants, avec une grosse marge d'erreur. Je note qu'on n'a guère cherché de &quot;mobiles&quot;, hors l'agression d'une femme seule. <br /> Les puritains d'alors (leurs prénoms indiquent qu'il s'agit de purs protestants ou anglicans) n'ont sûrement jamais accolé le mot &quot;sexuel&quot; à cette affaire... Amusant, dans le livre de Bruce DeSilva, est racontée une anecdote sur un rédacteur en chef refusant d'utiliser le mot viol dans son journal. Il traduisait la formule &quot;Au viol, au viol&quot; crié par une victime, de façon fort alambiquée...<br /> Amitiés.
N
Bonjour Claude,<br /> Je surveillais ce roman depuis sa parution, du coup je suis content de lire aujourd'hui ta chronique enthousiaste, notamment parce qu'il a été récompensé aux USA des Edgar et Macavity Awards du meilleur premier roman en 2011, tout en étant finaliste des autres prix - Barry et Anthony Awards, il me semble. Il a même figuré cette année-là dans la liste des 10 meilleurs premiers romans de Publishers Weekly ! Et c'est aussi le premier opus d'une série, d'autres enquêtes de Liam Mulligan ayant été publiées depuis. Quant au héros de la série, il est visiblement directement inspiré par son auteur Bruce DeSilva qui a lui-même été journaliste d'investigation durant une quarantaine d'années. Voilà pourquoi je me disais que tout ça pouvait correspondre à un très bon polar américain, parmi les nouveautés nombreuses qui nous viennent de là-bas. Quoique l'un de mes gros coups de coeur, d'ailleurs paru dans cette même collection cet été, reste l'excellent &quot;Polarama&quot; de David Gordon (j'ai vu que tu avais particulièrement aimé aussi !), et que celui-ci a été finaliste de plusieurs prix, mai sans arriver à en décrocher un.<br /> C'est peut-être le phénomène Millenium qui a fait que je me suis longtemps désintéressé de cette collection, mais depuis ils ont su se diversifier et publier de très bonnes choses.<br /> D'ailleurs, paraît aujourd'hui &quot;Persona&quot;, le premier volet de la nouvelle trilogie d'Actes Sud, signée Axl Eric Sund, &quot;Les visages de Victoria Bergman&quot;, qui n'a rien à voir avec le reste de la production scandinave selon l'éditeur. Et puis, le fameux &quot;Silo&quot; de Hugh Howey qui inaugure leur nouvelle collection &quot;Exofictions&quot;, plus axée SF. Bref, beaucoup de (bonnes ?) découvertes en perspectives !<br /> Bonne journée à toi ! Amitiés.
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C
Bonjour Norbert<br /> &quot;Millénium&quot; a été une locomotive et, ne soyons pas hypocrites, permet aujourd'hui encore de financer une part de la production d'Actes Noirs/Actes Sud. &quot;Polarama&quot; a été un bonne surprise, oui. Eh bien, ce &quot;Pyromanie&quot; est tout autant réussi. D'ailleurs, l'auteur semble avoir été bien encouragé par les cadors américains du roman noir et du thriller. Le résultat est à la hauteur. Un petit côté Lawrence Block peut-être, mais surtout une belle touche personnelle. Tu ne seras pas déçu, c'est évident (et les passionnés de roman noir non plus). Dans la production Actes Noirs, quelques titres à suivre de près, c'est exact. On va y jeter un bon coup d'œil.<br /> Amitiés.

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