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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 05:55

Dans les Vosges, aujourd'hui. D'une belle allure, Martel a longtemps dilapidé sa jeunesse, claquant tout son fric. Après un temps dans l'armée, il s'est assagi, s'occupant de sa mère avant de la placer dans une coûteuse maison de santé. Martel est syndicaliste à l'usine Velocia, fabriquant des fournitures pour l'automobile. La crise s'y fait de plus en plus sentir, confortant le rôle social de Martel. Il gagne un bonus en assurant la sécurité de spectacles locaux avec son jeune collègue Bruce, adepte du bodybuilding. Insuffisant à surmonter son endettement. Alors il a piqué dans la caisse du CE. Il risque de gros ennuis. C'est alors que la direction déménage sans prévenir une machine de l'usine. L'excitation gagnant le personnel, il va manœuvrer pour masquer son détournement. Il doit se méfier de la belle Sonia Meyer, la DRH pas si conciliante, qui pourrait entraver ses projets.

Circulant dans sa vieille SAAB, Rita Kleber est inspectrice du travail. Elle est restée amie avec son ex-compagnon Laurent, architecte aisé qui habite près de chez elle. Elle exerce son métier avec fermeté, mais humainement, sans chercher à nuire aux entreprises de la région. Elle est assez attirée par Martel, le beau syndicaliste. Par hasard, Rita recueille une jeune inconnue, probablement étrangère, fuyant elle ne sait quoi.

Le vieux Pierre Duruy habite une bâtisse isolée, qu'on nomme La Ferme. Il s'est installé là peu après la guerre d'Algérie. Il fit partie des commandos d'exécuteurs de l'OAS, qui eurent tout intérêt à faire oublier leurs exactions. Bientôt veuf, disposant d'une part du trésor de l'Organisation, il éleva sa fille dans ces conditions. Duruy est le grand-père de Bruce. Et de Lydie, jeune délurée qui s'est acoquinée avec une bande de copains de son lycée professionnel.

C'est de La Ferme que s'est échappée la jeune inconnue. Elle prétend s'appeler Victoria, dix-huit ans. Rita préfère éviter de la confier à la police. La fille risque de beaucoup plaire à son frère artiste, Gregory, qu'il vaudrait mieux calmer. Martel et Bruce ont accepté un job bien payé pour le compte des frères Benbarek, les caïds du secteur. Il s'agissait d'aller à Strasbourg kidnapper une prostituée. Ils ont été payés, mais la pute a disparu. Bruce va tenter de la retrouver, sympathisant avec un apprenti et un jeune chômeur qui l'ont vue. S'impatientant, les Benbarek s'en prennent à Martel. Armé, il a bien l'intention de réagir. Victor Tokarev, le mac russe de la prostituée, ne peut rester passif sur ce coup. Il envoie son homme de main, Jimmy Comore, du côté d'Épinal. Alors que l'usine est sur le point de fermer et que la neige s'étale sur les Vosges, l'affaire autour de Victoria pourrait entraîner quelques victimes...

Nicolas Mathieu : Aux animaux la guerre (Actes Noirs, 2014) – Coup de cœur –

Certains romans nous présentent des héros d'exception, des personnages au charisme ou au destin remarquables. Ici, l'auteur a choisi l'inverse. Évoquant un coin de France qu'il connaît, il dresse le portrait de gens modestes, issus de la population ordinaire. Des ouvriers d'une usine obsolète passée de deux cent-cinquante à quarante salariés, qui va droit vers la fermeture. Un syndicaliste sans autre pouvoir que de claquer l'argent du CE. Une inspectrice du travail qui, à titre privé comme dans son métier, est pleine de bonne volonté mais influe peu sur les événements. Un combinard tel le jeune Bruce, dépassé par ses plans bancals. Des adolescents du lycée pro, dont le présent est aussi cafouilleux que l'avenir est incertain. Des truands d'une envergure bien relative, quand même dangereux. Plusieurs générations, dont un ancien de l'OAS dont la famille s'effiloche, ou de vieux ouvriers nostalgiques des glorieuses luttes d'antan.

Voilà le quotidien de tous ces gens-là, le reflet réaliste d'une bonne partie des Français. Dont ceux qui croient pouvoir se débrouiller alors qu'ils sont définitivement largués. La crise n'est pas seule responsable de leurs maux. Derrière les discours volontaristes, les décideurs économiques et politiques ont, de longue date, choisi d'ignorer cette population de base. Alors ils vivotent, chacun pour soi, sans perspective ni fric, rêvant à peine d'une vie meilleure. Ou s'engagent dans des histoires probablement foireuses.

Nicolas Mathieu réussit à décrire avec crédibilité cette France actuelle sans la caricaturer, sans la montrer plus médiocre qu'elle n'est. Certes, l'ambiance est sombre, fort peu souriante. Néanmoins, s'agissant d'un premier roman, l'auteur maîtrise avec une belle habileté son intrigue, l'univers de ses personnages. Bien qu'ils soient nombreux, on les situe sans difficulté. En particulier grâce à une souplesse narrative de bon aloi. Un vrai roman noir sur un aspect de notre pays, de nos régions, aujourd'hui.

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 07:40

Stéphane Néguirec est natif de Guingamp. Ce jeune Breton possède une âme vagabonde. Il a préféré ses spectacles poétiques, plutôt qu'une vie stable auprès de son épouse et de ses enfants, à Saint-Malo. Ses voyages l'ont mené de plus en plus loin, jusqu'à Cotonou, métropole la plus importante du Bénin. Stéphane n'a que de vagues projets, cherchant seulement à s'intégrer parmi la population de ce pays africain tropical.

Il s'est installé dans un logement fort modeste du quartier de Tokpota, à Porto Novo. Il n'est pas le dernier à profiter des nuits béninoises, dans les bars où certaines filles ne disent pas non à son fric. Ayant été agressé en compagnie d'une jeune pute, il reçoit l'aide d'une belle Ghanéenne, qui se fait appeler Déborah Palmer. Elle le paie pour pouvoir vivre un temps chez lui.

C'est dans une tigresse en peluche que la jeune femme cache son pactole. Le couple étant à nouveau agressé chez Stéphane, ils trouvent refuge dans une auberge minable. Déborah propose alors de le payer pour devenir l'épouse du Breton. Un mariage blanc, d'autant qu'elle n'est pas attirée par lui. Le faussaire Ignace leur procure sans tarder les documents censés officialiser leur union. En cas de contrôle, ces “faux” grossiers ne feraient pas un instant illusion. Peu après, le couple est encore attaqué. Cette fois, ils sont enlevés par les sbires d'un chef musulman. Les Blancs kidnappés ont une certaine valeur, même si un Français vaut moins qu'un Américain. Le ravisseur va bientôt céder Stéphane à un vrai islamiste, qui a fait préparer un cercueil pour son otage.

Ansah Ossey est un Ghanéen qui se fait appeler Jésus Light. Avec des complices, il a été l'auteur d'un gros braquage dans son pays. Mais ses amis ont été abattus, et sa compagne Paméla a fui avec le conséquent butin. C'est au Bénin que Jésus pense la retrouver. Il est bientôt confronté à un commissaire de police corrompu, qui lui prend l'argent qu'il gardait. Sans le sou, il contacte un ami pêcheur prêt à l'aider. Pas gratuitement : “Non mais, quel était ce pays étrange où, pour rendre le plus élémentaire des services, on pensait d'abord à vous essorer ?” La meilleure piste est une coiffeuse qui doit savoir où se cache Paméla. Jésus pense à l'obliger à le conduire jusqu'à elle. Mais les Africaines savent réagir... Quant à Stéphane et Déborah, ils vont tout faire pour sortir des griffes de l'islamiste...

Florent Couao-Zotti : La traque de la musaraigne (Éd.Jigal, 2014)  ─ Coup de cœur

Précisons d'abord que Florent Couao-Zotti, écrivain béninois, n'est pas un néophyte, ayant à son actif une œuvre reconnue bien au-delà de son pays. C'est avec finesse qu'il utilise le langage, épicé de certains mots typiques. Ceux-ci sont présents, définis dans un glossaire, sans être envahissants. Sans doute faut-il retentir que les Zems sont des taxis-motos très utilisés au Bénin, que les kpayos évoquent toute marchandise de contrefaçon, ou que l'axuévi est l'alcool le plus consommé ici. Chaque titre de chapitre est une formule de type proverbiale, telle “Le chameau ne se moque pas des bosses des autres”.

Il convient de savourer le récit, délicieusement écrit. En témoigne cet extrait, qui dépeint en quelques lignes l'ambiance nocturne entre Cotonou et Porto Novo : “La nuit avait drapé les rues de ses ombres noires, massives et épaisses. Les réverbères les froissaient à peine à travers leurs éclairages attiédis et pâlots, comme si les responsables de la société d'électricité publique avaient peur d'en relever la puissance. Sur la chaussée, les automobilistes et les motocyclistes roulaient comme à l'habitude, à l'emporte-pièce, zigzagant à l'humeur, freinant à l'inspiration, tournant à l'instinct.”

Racontée avec une tendre ironie, l'histoire s'attache autant aux personnages qu'au décor du littoral citadin béninois. Nous suivons d'un côté les mésaventures de Jésus Light, qui a beaucoup de mal à retrouver sa compagne. Et d'autre part, un jeune Breton égaré sur le continent africain. “Ça faisait trop longtemps qu'on le roulait dans la confiture... Il voulait savoir désormais avec quelle genre de pâte on allait le pétrir.” Bien que l'intrigue ne soit pas absolument mystérieuse, le suspense est bien réel, et les rebondissements incessants. Un roman captivant et écrit avec style, jouant avec le langage, comment ne pas adorer ?

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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 05:55

Mourmelon-le-Grand est une commune champenoise du département de la Marne, non loin de Reims. Depuis Napoléon III, elle abrite un vaste camp militaires français. En 1958, elle doit compter plus de quatre mille habitants. Une garnison américaine est encore présente, en plus des nos soldats. On dénombre alors plus de soixante-dix bistrots, qui accueillent volontiers ces troupes en goguette. Comme celui de Lydie, “Les flots bleus”, qui élève seule sa fille Mireille. Le café de René Moncornet reçoit plutôt les ouvriers, dont ceux des abattoirs. Ça reste un des pivots de l'économie locale, cet endroit où passe le bétail. Maquignon et boucher, le quadragénaire Michel Garandeau y traite beaucoup de ses affaires. Celui-ci est l'époux de Françoise, plus jeune que lui.

Cette femme moderne est naturellement la cible des commères du coin, à l'esprit étriqué et aux propos fielleux. En ce moment, c'est une affaire de pédophilie troublant la population, qui excite les cancanières. Un commerçant de la ville figure en bonne place parmi les suspects. Les mêmes mauvaises langues ironisent sur Colette, jeune femme de milieu modeste, d'une beauté sauvage éclatante. Elle est mariée à Marco. Pompier entre autres fonctions, Marco est le factotum communal. Brave garçon, un peu ivrogne depuis que ça va moins bien avec la fougueuse Colette. Il n'est pas exclu qu'elle le trompe. Dans la famille Rogain, on trouve celui qu'on surnomme Le Goupil. Il fait office de garde-champêtre, faute d'être compétent en quoi que ce soit.

Charles-Émile Chartier est le personnage le plus respecté de Mourmelon. Adjoint au maire, et secrétaire de mairie, marié à l'effacée Mounette, il a perdu un bras durant la guerre. Ce qui n'empêche pas ce manchot d'organiser chaque année de main de maître le bal des pompiers. C'est tout un cérémonial, qui commence par la traversée à pied de la ville, afin que Charles-Émile puisse saluer son monde. Dans la salle prêtée par les militaires, il y a l'espace payant réservé aux élites qui vont aussi dîner, et la piste de danse destinée au reste de la population. Bien que musicien amateur, Michel Garandeau accompagne ce soir-là l'orchestre, et n'est pas le dernier à mettre de l'animation. La sensuelle Colette fait un passage très remarqué, danseuse plus endiablée que les autres.

Jacky, qui se surnomme Zaz car il cultive des allures de zazou, est très excité par la fête. Le bal est une fois encore une belle réussite, dont se félicite Charles-Émile. C'est alors qu'une alerte au feu mobilise quelques-uns des pompiers. Du sérieux, car un fort incendie se propage du côté des abattoirs. On va sortir un cadavre de femme des décombres. Anormal qu'elle se soit trouvée là. Il s'agit assurément d'un meurtre. Le brigadier Lapouge va mener une rapide enquête de gendarmerie, un coupable idéal faisant l'affaire...

Jérôme Bellay : Le bal des pompiers (Cherche-Midi Éd., 2014) ─ Coup de cœur ─

Depuis de nombreuses années, Jérôme Bellay est un personnage influent dans les médias. Sans doute a-t-il peu de temps à consacrer à l'écriture romanesque. On peut le regretter, car ce livre montre qu'il ne manque pas de talent. Pourquoi situe-t-il cette intrigue à Mourmelon-le-Grand ? Natif de Châlons-en-Champagne, l'auteur a vécu plusieurs années ici. Sachant qu'un ado de quatorze ans est le témoin des faits, plus que le réel narrateur, on peut supposer qu'il s'est servi de souvenirs de jeunesse. Avant tout, il s'agit de la chronique locale d'une époque, avec une très belle galerie de portraits. La traversée pédestre de la ville permet de rencontrer toutes les couches sociales de la population.

Soyons bien conscients que 1958 n'a pas grand chose de comparable avec notre temps. La guerre mondiale a laissé des séquelles, même si elle a donné du prestige à quelques-uns. Si la politique divise, on garde une certaine bonne humeur. L'économie française se porte de mieux en mieux, favorisant les notables d'après-guerre en une période où le petit commerce est roi. Les gens modestes habitent des maisons sans grand confort, mais on envisage de futurs HLM plus coquets. L'armée américaine joue un rôle modernisateur aux yeux de beaucoup : “La Jeep est à la mode. En slalomant entre les bouses, les péquenots du coin ont l'impression d'avoir passé une vitesse dans la modernité. Ils se prennent pour des fermiers du Wyoming, même s'ils utilisent cet engin militaire pour tirer des charrettes à foin... Les autres guettent les surplus.”

L'aspect criminel n'est nullement oublié. Dans ces années-là, un bal des pompiers est une fête incontournable. Mais, comme dans tout groupe, c'est alors que peuvent exploser les rivalités. Jérôme Bellay se sert parfaitement de tout le contexte présenté au fil de la soirée pour nous plonger dans le drame. Une histoire policière impeccablement réussie. Voilà qui mérite un Coup de cœur.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 05:55

La France des années 2050 a beaucoup changé. Né en 2025, librement élevé par des parents non-conformistes, Franck Doutandre n'est guère à l'aise dans ce monde-là. Tout a commencé avec la prise du pouvoir par les féministes ultra, peu après la naissance de Franck. La présidente Elsa Mindacié lança rapidement ses réformes autoritaires. Au nom de “la femme-victime-ancestrale”, on édicta quantité de lois sexistes contre les hommes. Régulation des naissances dans l'esprit eugéniste, évaluation de la dangerosité potentielle des bébés, enseignement dirigé favorisant les filles, tous postes de décision réservés aux femmes : une politique visant à détruire l'ennemi masculin, qui fut reprise et amplifiée par Anaïs Pouagne-Deferre, l'actuelle présidente. Quand on a été, comme Franck, élevé selon des principes hors-normalisation, difficile d'adhérer aveuglément à cette gynocratie.

Les déboires de Franck débutent réellement lorsqu'il veut se marier avec Amandine. Son analyse prénuptiale, dictée par la critères officiels, détecte qu'il serait porteur du “gène du viol”. Plus question de mariage, pour Amandine. Serveur au Café des Ombres, Franck se montre maladroit en séduction avec sa collègue Cynthia. S'ensuit une plainte qui lui fait perdre son job. Interpellé, Franck est obligé de suivre un pénible stage de redressement moral, sous les ordres de la grosse et agressive Annabelle. Chez un psy, Cynthia réalise un peu tard que le discours ultra-féministe l'a manipulé. Éduquée à la conquête victorieuse, elle en oubliait que charmer est un jeu. Franck comprend bien vite qu'il doit feindre la soumission, apparaître dans la normalité de son époque. Déjà, il se promet de prendre sa revanche. Quand le stage se termine, on lui offre un emploi dans une morgue.

Franck n'est pas convaincu par la rébellion des masculinistes : “La guerre doit se mener sur le terrain des idées et mobiliser des individus de toutes conditions sociales et de tous genres. L'ennemi, c'est la bêtise et elle n'a pas de sexe !” Méfiant envers son supérieur, Franck se tient tranquille, tandis que la présidente Pouagne-Deferre persiste à lobotomiser les foules. Les futures mesures anti-hommes sont carrément démentielles. Par contre, la tolérance envers les femmes fautives augmente, déniant leur culpabilité. Christine et Fabienne sont les deux premières à subir successivement la vengeance de Franck. Il y aura aussi Élodie, cas à part puisqu'il s'agit d'une prostituée clandestine. Ce n'est pas la vaste enquête en cours autour de ses viols, qui cause à Franck des cauchemars sur fond de requiem. C'est le déséquilibre de la société, alors qu'il cherche simplement l'amour...

Catherine Marx : Moralopolis (Tabou Éditions) – Coup de cœur –

Il est heureux que cette histoire soit écrite par une femme, car un auteur homme eût été taxé du plus ignominieux machisme, d'être un vil réactionnaire contre les justes avancées en faveur de la population féminine. Et pourtant, tout ce que décrit Catherine Marx dans ce roman d'anticipation n'est que la vérité extrapolée, déjà partiellement en action. Certes, nous n'en sommes pas à vivre sous la dictature d'un pouvoir féministe radical. La répression n'en est pas encore au point qu'elle évoque, si virulente même contre ceux qui ne causent aucun tort aux femmes. Néanmoins, on s'en rapproche à grand pas. Depuis quelques années, la Justice “excuse” largement les femmes infanticides, un traitement psychologique se substituant à l'essentiel de la peine de prison. Par contre, gare au grand-père accordant un bisou chaste à ses petits-enfants, le voilà rapidement classé pédophile.

La situation pourrait donc empirer, nous suggère l'auteure. À travers l'eugénisme, qui guette les handicapés : “Ah, les belles allocutions publiques pour vanter la grandeur d'âme et la tolérance des politiciens vis-à-vis des personnes handicapées, par exemple. Ça vaut son pesant de cacahuètes comme modèle de duplicité. Oui, on a aménagé la ville pour mieux les intégrer à la société […] Ils peuvent nous dire merci ! Seulement ce qu'on tait, c'est qu'on exècre le handicap, qu'on ne veut pas de handicapés, qu'on agit en amont pour ne plus en mettre au monde...” Quant aux contrôles sur la dangerosité supposée des mômes, en est-on si loin ? Quant aux pères divorcés présentés comme d'infâmes tyrans et des obsédés sexuels, n'est-ce pas déjà un argument ? Cultiver une violente opposition avec les hommes, “victimiser” sans nuance les femmes, certaines s'y emploient, hélas.

Anticipation, oui, mais c'est aussi un regard sur notre société actuelle : “Sous l'effet conjugué de la sur(dés-)information, du stress et du pharmaco-dopage, l'être humain a métamorphosé ses schémas de pensée. Atteint par la fièvre acheteuse, envahi par de faux besoins qu'il jugera vitaux et urgents à satisfaire, sa capacité à s'émouvoir pour autrui s'est lentement mais considérablement atrophiée. Il a perdu le sens de la compassion, il n'est plus que peur, condamné à mener un combat autocentré pour ne pas être broyé par une société de consommation qui exige de lui une servilité absolue, en échange d'un statut social précaire, mais néanmoins indispensable pour subsister en qualité d'acteur économique […] Paradoxalement, plus on grimpe dans l'échelle sociale, plus c'est surfait, l'accumulation de biens matériels et le sentiment de réussite occultant le côté dérisoire et vain de cette conquête matérialiste.”

Bien sûr, “Moralopolis” n'est pas une thèse, c'est une fiction. Dans un proche futur, bien que son comportement soit ordinaire, un jeune homme se voit étiqueté “violeur”. Comme il n'est ni un mouton gobant les discours de la présidente, ni un collabo admettant trop commodément des pratiques dictatoriales, il tente de réagir. Il est prêt à respecter les femmes en se comportant à égalité, mais tout le pousse à aller trop loin. Pourtant, derrière les principes despotiques, perce parfois chez celles qu'il croise un romantisme féminin parfaitement normal. Plutôt entraînante, la tonalité du récit est majoritairement ironique, mordante sur quelques points. Outre un léger érotisme, il existe une certaine part de suspense, quant au sort du jeune Franck. Un roman sociétal, assez sombre sur notre avenir, sans être désespéré car l'humour n'est pas absent, qui mérite un grand coup de cœur.

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14 novembre 2013 4 14 /11 /novembre /2013 05:55

La Ville, c'est une métropole américaine en 1935. Henry le Rouge en est le tout-puissant maire depuis 1929. Au centre d'un cercle d'amis hommes d'affaires, il règne avec la plus grande fermeté. Il s'appuie sur les forces de police, et aussi sur les vigiles de l'UAS, l'Unité Anti-Subversion. Ces derniers affrontent sans pitié les syndicats, qui ont lancé des grèves contre les établissements de certains proches du maire. Ce qui ne va pas empêcher des attentats visant Bernal, patron de Capitol Industries, ou Altabelli, deux amis de Henry le Rouge. Le détective Ethan Poole est un sympathisant des mouvements sociaux. Il soutient Carla, pasionaria communiste, et son comparse Enrique. Au besoin, Ethan Poole n'hésite pas à pratiquer le chantage contre des gens tels que Roderigo Bernal. Toutefois, il mène aussi de vraies enquêtes. Comme cette affaire Prosnicki, où une femme voudrait retrouver son fils Casper disparu depuis sept ans.

Frank Frings est journaliste pour La Gazette. Ce migraineux se soigne aux cigarettes de haschich. Il est l'amant de Nora Aspen, chanteuse de jazz quelque peu connue. Celle-ci sent actuellement une sourde menace autour d'elle. Les attentats ciblant des proches du maire sont des faits divers qui intéressent Frings. Quelques années plus tôt, convaincu par la vitalité et les promesses d'Henry le Rouge, il fut favorable à son égard. Ayant déchanté depuis l'élection, le reporter écrit des articles agressifs. Et surtout, il cherche des preuves des malversations du maire. L'industriel Bernal a de bonnes raisons de l'aider : “Quand le système des petits arrangements du maire s'effondrera, ce sera le chaos, et je veux savoir à quel moment se produira ce dénouement inéluctable. Je ne veux pas mourir, M.Frings. Or, des morts, il y en aura avant la fin de tout ceci.” Lui qui connaît certains secrets de la Ville, il offre au journaliste une piste sérieuse.

Les Catacombes sont les archives de la police et de la justice de la Ville. Arthur Puskis en est le documentaliste depuis vingt-sept ans. Maniaque des classements minutieux, il remarque l'existence d'un double dossier sur la même affaire. Des deux photos trouvées, laquelle est vraiment celle du criminel Reif DeGraffenreid, qui fut condamné il y a quelques années ? Il s'avère que la photo de substitution est celle d'un certain Prosnicki. Le maire a été avisé de la petite enquête d'Arthur Puskis. Déjà, il a lancé un homme de main sur la trace d'Ethan Poole, non pour ses sympathies syndicales, mais parce qu'il s'informe sur le cas Prosnicki. Vérifiant les dossiers des Catacombes, Arthur s'aperçoit qu'une vingtaine de condamnés n'ont jamais été emprisonnés. Qu'est-ce donc que ce Projet Navajo ? Quel rapport avec le Massacre de la Fête d'anniversaire, datant de 1929, car un lien existe. Quand on lui présente la machine moderne qui remplacera les dossiers des Catacombes, Arthur comprend que les autorités municipales veulent détruire les preuves...

Toby Ball : Les Catacombes (Éd.10-18, 2013) – Coup de cœur –

Témoignant des réalités sociales sur fonds d'intrigue criminelle, le roman noir évolue avec son temps, c'est normal. Dans notre monde déréglé, le témoignage de tels polars garde une certaine importance. Néanmoins, les passionnés aiment à retrouver les ambiances des romans noirs d'autrefois.

Ceux qui évoquaient les mafias, la corruption généralisée et les embrouilles si courantes durant l'Entre-deux-guerres aux États-Unis. Ceux qui décrivaient la Prohibition, les clubs mal famés, les truands cyniques, les trafics en tous genres. Ces romans qui montraient la Ville sans la nommer, puisqu'il pouvait s'agir de New York, de Chicago ou autre métropole. Ceux qui mettaient en scène des personnages sombres, des détectives ou journalistes d'investigation, qui possédaient leurs propres principes moraux. Face à des notables pourris ou des caïds sans états d'âmes, tous avides de pouvoir.

C'est une immersion dans les décors fantomatiques de cette Ville corrompue, que nous propose Toby Ball. C'est une ambiance “à l'ancienne” qu'il reconstitue avec soin, selon les critères du roman noir authentique. Le climat de mystère et de menace est omniprésent : “Parce que la situation est encore plus terrible que vous ne le pensez. Vous n'avez aucune idée de ce qui s'est passé, ni de ce qui se passe. Le Massacre de la Fête d'anniversaire, l'élimination du gang de White, le Projet Navajo, les hôpitaux qui sont en réalité des prisons, la disparition de familles entières...”

Sachant que cette phrase apparaît environ deux cent soixante pages avant le dénouement, c'est dire que les questions énigmatiques et les diverses péripéties ne manquent pas ensuite. Héros atypique, le bureaucrate Arthur Puskis apparaît d'une certaine façon comme le pivot de cette noire histoire. Un suspense (inédit) à la manière traditionnelle, qui procure un réel bonheur aux lecteurs.

- "Les Catacombes" de Toby Ball est disponible dès le 21 novembre 2013 -

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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 04:55

Garden Hills est une petite localité de Floride, située non loin de l'autoroute reliant Tampa à Orlando. En cette fin des années 1960, il n'y reste qu'une douzaine de maisons habitées. Cette cité minière a pourtant été florissante, pendant un temps. Des ingénieurs y ayant détecté du phosphate en quantité, Jack O'Boylan acheta les terrains disponibles afin de construire une usine pour traiter le minerai de phosphate extrait du sol. Ce qui attira bon nombre d'ouvriers, pour lesquels Jack O'Boylan fit bâtir une ville, dans le creux des terres déjà exploitées. Celui qui profita le plus de la manne financière, ce fut Mayhugh Aaron, dit Fat Man. Peut-être finit-il à moitié fou, mais il avait négocié sans céder un sacré pactole. Cette fortune profite aujourd'hui à son fils, Fat Man Junior. Il habite la plus riche maison de Garden Hills, sur une butte dominant la ville quasi-morte. Car entre-temps, le phosphate s'épuisant, Jack O'Boylan cessa son industrie ici, et la plupart des ouvriers partirent.

Le fils Fat Man tenta de maintenir un semblant d'activité à Garden Hills, répandant lui-même la rumeur illusoire selon laquelle Jack O'Boylan reviendrait un jour relancer la ville. Fat Man pèse désormais près de trois cent kilos, pour un mètre soixante-cinq. Son régime consiste à boire un substitut alimentaire qui ne le fait pas maigrir, vu qu'il en consomme jusqu'à douze litres par jour. Il végète au milieu de ses milliers de livres achetés au poids, alors qu'il aurait peut-être pu poursuivre un parcours universitaire. Fat Man est assisté par Jester, ancien jockey pesant quarante-cinq kilos, qui conduit sa Buick Sedan aménagée. En réalité, même s'il reste passionné de cheval, la carrière de jockey de Jester fut très brève. Il fut ensuite employé dans un cirque. C'est là qu'il rencontra “Nestradidi, la Noire princesse africaine”, singulière contorsionniste prénommée Lucy. Il s'installa à Garden Hills avec elle, à l'époque où il fut engagé par le père de Fat Man Junior.

Celle qui espère redonner vie à Garden Hills, c'est Dolly Furgeson. Jolie fille préservant sa virginité, elle fut élue Reine du Phosphate à l'âge de seize ans. C'est alors qu'elle partit pour New York. Elle avait pour ambition d'y retrouver Jack O'Boylan puisque tout le monde le connaissait là-bas. Avec ses atouts, Dolly saurait le convaincre de revenir. Durant deux ans, elle ne fut que danseuse go-go, vivotant dans un hôtel. Néanmoins, elle sut tirer de vraies leçons de cette expérience. La Floride est une région qui attire les touristes. Un peu de publicité sur l'autoroute, un télescope payant braqué sur les curiosités de Garden Hills, il y a des projets à mener. Ce qu'elle a expliqué à Fat Man, qui n'y croit pas. Malgré tout, également incité par Jester, il a financé les premières lubies de Dolly. Wes Westrim et sa fille ne sont pas difficiles à convaincre non plus. Pour réussir, il faut viser le sommet, c'est toute l'ambition de Dolly...

Harry Crews : Nu dans le jardin d’Éden (Sonatine Éditions, 2013) – Coup de cœur

En œnologie, comme dans la littérature policière, il existe de bons petits vins gouleyants, des vins de qualité à davantage savourer, et des grands crus qui sont de vrais nectars. De ces derniers, on n'en goûte qu'avec parcimonie, tant ils sont rares. En se demandant si le mot “vin” est suffisant pour caractériser ces boissons exceptionnelles. Telle est l'image que donne ce roman d'Harry Crews qui, écrit en 1969, a mûri dans quelque fût avant de nous parvenir.

Ne le nions pas, même si sa thématique reste actuelle, savoir que l'action date de la fin des années 1960 ajoute un arôme qui pimente encore notre dégustation. Bien que située en Floride, c'est dans l'Amérique profonde d'alors que nous plonge l'intrigue. À peine s'agit-il d'une bourgade, tout juste un site exploité puis délaissé par un industriel fantôme. Nul doute que l'auteur s'inspire de toutes les villes de la “ruée vers l'or”.

C'était le deuxième titre de cet écrivain, pourtant on y sent déjà une vraie maturité. Pour dessiner les portraits des personnages, Harry Crews ne se borne pas à un récit linéaire où chacun aurait sa part de vicissitudes. Avec souplesse, il revient sur tel épisode de leur vie, qui va expliquer leur comportement à l'heure où l'espoir renaît à Garden Hills. Ainsi, quand Wes retourne dans son trou (inutile) de foreur, juste pour participer au projet de Dolly, on comprend sa démarche. S'il est pitoyable, surtout quand il ne peut plus se vêtir correctement, Fat Man n'est pas malhonnête, au fond.

À chacun, aussi ridicules soient-ils, l'auteur offre une évidente humanité. Dolly domine la situation, ayant mieux compris le monde après ses tribulations new-yorkaises. La tonalité est ironique, pas d'une cruauté sardonique, car on ressent une certaine tendresse pour ce petit univers. Quelle que soit l'étiquette, noire ou pas, un roman remarquable.

– "Nu dans le jardin d’Éden" est disponible dès le 7 novembre 2013 –

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 04:55

Jean-Baptiste Le Goff est capitaine de police à la PJ de Versailles. Séparé de son épouse et de leur fille Marie, ce quadragénaire habite dans Paris, rue de la Croix-Nivert. Depuis peu, il a fait la connaissance de la serveuse Julie, peut-être espoir d'un nouveau départ. Le Goff est chargé de l'enquête concernant la disparition dans l'Essonne de Lucas, treize ans. Il va interroger les parents, mi-sévères mi-absents, ainsi que les voisins, leur fils, et le principal du collège. Il semble s'agir d'une fugue. Malgré une semaine de recherches intensives, pas de trace de Lucas. L'ado est séquestré par un couple vivant en marge. Jean-Claude Pichon et sa femme Monique sont finalement plutôt embarrassés par la présence de Lucas. Par ailleurs, on vient de retrouver dans le même secteur le cadavre d'un enfant Rom âgé de dix ans. La victime a été maltraitée, avant d'être étranglée et déposée là.

Le nommé Besson croit avoir vu quelque chose de suspect dans les environs. Témoignage incertain, car cet homosexuel a des soucis à cause de ses amours contrariées. Son petit ami Albert, qui se fait également appeler Bruno, a récemment disparu. Grâce à un copain habitué des lieux parisiens gays, Besson retrouve bientôt son ex. Retrouvailles tendues, car Bruno/Albert se planque. Chez les Pichon, il est temps d'éliminer Lucas. L'ado parvient à s'enfuir après avoir assommé son ravisseur. Hospitalisé, dès qu'il est remis du choc, le jeune Lucas repère rapidement la maison où il fut retenu. Les Pichon ont déguerpi sans tarder, prenant la direction du Cotentin où l'épouse a de la famille. Ces piteux Bonnie and Clyde sont arrêtés du côté de Barneville-Carteret et renvoyés à la PJ versaillaise. Parmi les relations de Pichon, se dessine la piste d'un énigmatique Claude.

Le Goff ne néglige pas le cas de Besson, qui n'a assurément pas dit toute la vérité. Celui-ci refusant de se montrer coopératif, on lui offre un petit séjour en cellule. Il finit par donner une version assez complète de son témoignage. Ce qui permet d'arrêter Bruno/Albert. Si ce dernier est un petit voleur, il n'a pas le profil du criminel. Après une quinzaine de jours, l'affaire est relancée par la découverte d'un cadavre. Âgé de dix-huit ans, le marginal Yves Tétois fréquentait certainement des homosexuels. Le Goff n'oublie pas le classieux Claude, ce quinquagénaire qui joue à être “invisible”. Suivant ses pressentiments, le suspect reste prudent. Quand le policier déniche un indice solide, ce “Claude” ne tarde pas à menacer la famille de Le Goff. Un amateur d'art fortuné fut l'amant de celui que cherche l'enquêteur. Mais c'est l'intuitive Clothilde qui sera déterminante pour éclairer la vérité...

 Marie-Laure Banville : Achève, et prends ma vie (Pascal Galodé Éd.) – Coup de cœur

Il existe une tradition dans le polar, celle du “suspense malin”. Il se situe au croisement entre le pur roman d'investigation, axé autour de l'enquêteur face à un lot de suspects, et l'intrigue détaillant les multiples facettes, toutes importantes, d'une affaire criminelle. Il ne convient pas seulement d'alimenter une énigme solide et de suivre les protagonistes. Un auteur doit se montrer habile, ruser avec les faits présentés, guider ses lecteurs sur des voies parfois détournées, sans jamais réellement s'éloigner de son sujet. Quand l'exercice est réussi, on peut parler de “suspense malin”. C'est le cas ici.

Sachant qu'il s'agit d'un premier roman, il faut souligner la maturité d'écriture de Marie-Laure Banville. C'est avec fluidité qu'elle nous entraîne dans les méandres de cette histoire, et avec aisance qu'elle navigue dans les décors parisiens et de proche banlieue, autour de l'Yvette. Malgré des meurtres sordides ou le cas perso du policier, elle ne tombe jamais dans le piège d'une tonalité trop dramatique. Au contraire, le couple Pichon prête à sourire, de même que les affres sentimentales de Michel Besson. D'autres personnages s'avèrent singuliers, dont la vieille mère menteuse du principal suspect. Le dénouement eût pu être un peu plus vif. Ce n'est pas un sérieux défaut, puisqu'on a pris un vrai plaisir à suivre le récit. On ne peut que souhaiter lire d'autres romans à venir de cette auteure.

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26 août 2013 1 26 /08 /août /2013 04:55

Entre fleuve et océan, à proximité de la campagne viticole, Saproville-sur-Mer est une ville portuaire d'importance. S'y trouve le siège de France-Océan, un des principaux quotidiens régionaux français. C'est un des grands journaux issus de la Libération, détenu depuis par la famille Kerbrian du Roscoät, dont l'aïeul René fut un grand nom de la Résistance. Pour la population des régions concernées, toute l'information se résume à ce qui paraît dans ce journal. Après René, ce fut Luc Kerbrian du Roscoät qui dirigea le quotidien, avant d'en céder les rênes à son fils Fabrice. Ces dernières années, ce dernier modernisa ce média, y ajoutant une édition dominicale, créant une télévision, misant sur l'info en numérique. Des progrès indispensables, même si Luc n'approuvait guère, et si de vieux routiers du faits-divers tel que le reporter Franck Schirmeck quittèrent la rédaction.

Fabrice Kerbrian du Roscoät a été assassiné. Pas question de faire des vagues autour de la respectée famille. D'ailleurs Luc, qui a repris la direction de France-Océan, y veillera. Et si la situation financière est défavorable, il saura y remédier. À la PJ, le commissaire Yann Le Trividic et son équipe mènent une enquête prudente. Néanmoins, son adjoint Lesieur a de la mémoire : Carvalho, l'actuel DRH du journal, possède un passé trouble. Coupable, peut-être pas, mais il détient sûrement d'utiles éléments. José Barteau, comptable dans une entreprise nautique, a été abattu à son tour. Le lien direct n'est pas flagrant, même s'il pouvait exister des griefs entre Fabrice et lui. Connaissant bien les dessous de son ancien journal, Schirmeck renseigne tant soit peu la police. Bientôt, le directeur de la rédaction va faire figure de suspect numéro 1. Où serait-il davantage en sécurité qu'en prison ?

Victor Boudreaux a cessé ses activités de détective privé. Entre sa compagne Jeanne, une passionnée de classiques du cinéma, et son ami de la DCRI Edgar Ouveure, il récupère après un AVC. Il lui tarde de retourner à La Nouvelle-Orléans, sa ville de cœur, où habite sa nièce Joliette. Des émissaires d'une puissante agence d'investigation affirment que la jeune femme serait impliquée dans un trafic d'objets religieux. Ennuyeux, car les colis sont envoyés de Saproville jusqu'en Louisiane, sous le nom de Victor Boudreaux. Il est temps pour lui de s'armer d'un Glock et de disposer de renforts, la famille manouche Estefan. Secouer un petit truand, puis un brocanteur véreux, l'aidera à s'orienter vers la bonne piste. Pendant ce temps, la juge Sophie Lazaro-Borgès file le parfait amour avec le flic Hoareau, beau Réunionnais. Et, après un troisième meurtre dissemblable, la PJ tente de cerner la vérité dans cette complexe affaire...

Michel Embareck : Avis d'obsèques (Éd.L'Archipel) – Coup de cœur –

Ce modeste survol de l'intrigue ne risque pas de dévoiler l'essentiel de ce polar, ni d'en dénaturer la lecture. Car c'est grâce à la narration enjouée de l'auteur que l'histoire trouve sa tonalité. Certes, on pourrait qualifier ce roman de comédie à suspense. Les portraits des protagonistes sont riches d'une ironie savoureuse, et les dialogues ciselés avec humour. On aime clins d'œil (Edgar Ouveure, par exemple) et anecdotes (telle la petite combine dans un salon du livre), autant que les références à des films d'anthologie chers à Jeanne. Le patronyme du faits-diversier n'est probablement pas innocent non plus. On apprend aussi que pour apprivoiser les manouches, il faut apprécier le ragoût de hérisson.

L'ex-baroudeur Victor Boudreaux nous invite, via ses souvenirs nostalgiques, à une visite perso de La Nouvelle-Orléans. Le récit est émaillé de réflexions, comme “Les Américains, peuplade totalement paranoïaque par ignorance et mépris de l'étranger, appréhendent la guerre sous forme de tourisme inversé. Une occasion non pas de voir du pays, mais d'importer le leur en terrain conquis.” Les sourires se complètent par des scènes moins drolatiques, et n'ont jamais empêché d'esquisser des thèmes sérieux. Entre autres ici, la rentabilité artificielle de la presse française. Si la publicité les aide à vivre, au nom de la pluralité médiatique, les journaux sont sous perfusion financière afin de ne pas sombrer dans un coma profond. Quelques sujets sombres sont également abordés. Mis en valeur par l'écriture stylée de Michel Embareck, un suspense impeccable.

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