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25 juillet 2014 5 25 /07 /juillet /2014 04:55

À Chicago, le docteur Jennifer White est âgée de soixante-quatre ans. Elle fut chirurgienne orthopédique. Son mari James, brillant avocat, est décédé un an plus tôt dans un accident de voiture. Leur fille Fiona a vingt-quatre ans. Âgé de vingt-neuf ans, leur fils Mark est un avocat toujours fauché, n'ayant pas hérité du talent paternel. Magdalena, aide-soignante, vit avec Jennifer. Car, si elle a été un des meilleures de sa spécialité médicale, le docteur White est aujourd'hui atteinte de démence sénile. Alzheimer, en langage courant. Malgré la surveillance, il lui arrive de sortir de chez elle dans de mauvaises conditions. Ou d'avoir des crises d'agressivité dues à la maladie. Elle est suivie par Carl Tsien, médecin qui fut un de ses collègues, et participe à des séances collectives autour de la mémoire. Géré par sa fille, le compte en banque de Jennifer montre qu'elle est très riche. Connaissant son frère Mark, Fiona veille à ce qu'il ne puisse accéder à cette fortune, qu'il dilapiderait.

Amanda O'Toole est une voisine et amie de longue date de Jennifer et James White. Elle est retraitée de l'enseignement depuis une douzaine d'années. Son mari Peter l'a quittée voilà quelques années, pour refaire sa vie en Californie. Jennifer White est restée proche de la septuagénaire Amanda, marraine de Fiona. Les disputes entre amies n'étaient pas rares, au point que Jennifer considérait parfois Amanda comme déloyale envers elle. Ça avait commencé plusieurs années plus tôt, en particulier lors d'une sortie champêtre des deux couples avec les enfants. Petite altercation pleine de sous-entendus, qui aurait pu nuire à l'harmonie entre Jennifer et James. Amanda vient d'être assassinée chez elle. On l'a amputée de quatre doigts d'une main. Une relation assez tumultueuse, une opération dont Jennifer fut coutumière, il n'en faut pas plus pour qu'elle soit suspectée. L'inspectrice Luton ne semble pas admettre que la maladie empêche Jennifer de se souvenir.

Sur le carnet de Jennifer, soit on lui écrit des faits récents, soit elle note des éléments de sa vie. Il y a des messages de sa fille, des rapports de Magdalena. Mais rien concernant le jour supposé de la mort d'Amanda. L'état de Jennifer se dégrade, son témoignage devient plus relatif que jamais. Qu'elle possède encore son bistouri et ses lames servant à opérer n'est pas une preuve décisive. État agité de Jennifer, oublis fréquents, hygiène réduite, prise incertaine des médicaments : Fiona songe à vendre la maison et à placer sa mère en gériatrie. Jennifer se croit encore parfois lucide sur son cas. Mais elle pense que son mari est toujours vivant, n'identifie pas facilement ses enfants ou Magdalena. Quand elle est orientée vers un établissement médicalisé, la policière Luton vient encore l'interroger, sans avertir ses enfants. Quelle est encore la vérité pour l'esprit affaibli de Jennifer ?…

Alice LaPlante : Absences (Éditions 10-18, 2014) – Coup de cœur –

Qui a tué l'amie et voisine Amanda, pourquoi et comment ? Ce n'est pas cet aspect de l'intrigue criminelle qui retient l'attention ici. Ce qui fascine, c'est que toute l'histoire est racontée par Jennifer White, atteinte de sénilité, avec la progression de la maladie que ça suppose. Ayant été une femme de caractère et une chirurgienne hors-pair, son esprit reste encore assez vif pour ne pas se réfugier dans le renoncement. Jusqu'à un certain point.

Il y a des moments d'ironie dans son récit, d'autres plus pathétiques – sans être mélos. Elle reçoit la policière dans sa chambre de clinique psy comme si elle était encore médecin en rendez-vous, et rien n'apparaît délirant dans cette scène. Son regard sur ses enfants n'est pas affectueux, car c'est un sentiment plus nuancé qui l'a toujours habitée. Une certaine froideur, peut-être due à son métier, qui s'exprima également au décès de sa propre mère : “Comme si des termites rongeaient mes émotions. Grignotant d'abord les bords, puis s'enfonçant plus profondément jusqu'à tout détruire. Me privant de la chance de lui faire mes adieux.” Ce qui contribue à aggraver son état actuel, sans doute.

Une situation médicale, où le rôle des deux enfants n'est pas neutre. Gérer au mieux (le moins mal possible) la protection d'un parent n'est pas facile. Ce n'est compréhensible que par ceux qui le vivent, alors que les regards des autres ou de la personne malade peuvent croire à une rapacité financière, par exemple. On sait combien les “aidants” sont mal aidés psychologiquement. Ça figure en filigrane dans ce roman. Si la part de suspense n'est pas oubliée, la mort d'Amanda devant s'expliquer, c'est la vision de l'affaire par la narratrice diminuée mentalement qui offre toute sa force à ce livre. Une fiction, certes, mais de vrais cas comparables existent.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 04:55

Veuf de Suzanne, le policier Mehrlicht élève seul son fils ado. Âgé de cinquante-deux ans, il dirige un service criminel au commissariat parisien du 12e. “Son visage anormalement vert lui donnait un air de batracien, que renforçaient ses deux gros yeux gonflés et noirs. Quelques fils s'échappaient de son crâne en guise de chevelure, et achevaient d'en faire une grenouille à cheveux.” Son équipe se compose de Sophie Latour, bretonne rousse qui préserve son obscure vie privée et de Mickael Dossantos. Sportif connaissant par cœur le Code Pénal, ce dernier fraya naguère avec l'extrême-droite. Ex-amis qui pourraient nuire à son métier, il le sait, d'où sa rectitude actuelle. Mehrlicht se voit attribuer un nouveau stagiaire “beau et con à la fois”, Guillaume Lagnac. Il est ordinaire que Mehrlich tourmente les nouveaux venus. Là, il devrait même se méfier de ce fils d'un haut-fonctionnaire, qui entend lui tracer une belle carrière dans son sillage.

Mehrlicht est un habitué de l'hôpital Saint-Antoine, où son ami Jacques est traité dans le service cancérologie. En ce 1er novembre, un autre patient vient d'y être empoisonné. Un vieux monsieur aurait “vu la Faucheuse, toute vêtue blanc, comme un ange. C'était l'Ange de la Mort, dans sa robe blanche.” La meurtrière serait donc une brune en noir, infiltrée parmi les visiteurs, puis déguisée en infirmière. On découvre que le poison est un cocktail d'aconit et d'amanite vireuse, produits peu courants. En voulant protéger le vieux témoin, Dossantos frôle la mort face à la tueuse qui rôde à l'hôpital. Mehrlicht connaissant bien ses classiques en matière d'empoisonneuses, il trouve celle-ci atypique. Ça se confirme quand une famille est assassinée par la même personne, près des Champs-Élysées. La baby-sitter employée depuis deux ans est sûrement la coupable. Elle s'appellerait Morgane Grandier. Sauf qu'il n'existe personne de ce nom.

Si le commissaire Matiblout et le service de Mehrlicht gardent cette double enquête, c'est grâce à l'intervention de papa Lagnac. Bonne aubaine pour la carrière de son fils. On voit paraître sur Internet des articles bien informés sur ces affaires, titrant “La France a peur”. S'agissant de cas d'empoisonnements, ça risque de créer la panique dans le public. Le portrait de la suspecte est diffusé dans les médias. Ce qui ne l'empêche pas de défier la police, se montrant devant une caméra de l'Arc-de-Triomphe. On recense d'autres crimes à lui attribuer, celui du couple Beaufert et de la famille Charpeau, dix victimes au total. Pendant ce temps, un ministre spécule sur des ouvrages de bibliophiles fort rares. Son vendeur à face de rat n'aime pas ces transactions. Il va falloir qu'à contre-cœur Mehrlicht, ses adjoints et son stagiaire, s'expatrient dans un bled perdu du Limousin pour retrouver éventuellement la trace de la Némésis, pour faire cesser sa vendetta karmique...

Nicolas Lebel : Le jour des morts (Marabout, 2014) – Coup de cœur –

Après “L'heure des fous” (2013), voici le deuxième roman de Nicolas Lebel. Son premier titre était une sympathique comédie policière, plutôt réussie. Ici, l'auteur s'avère encore plus convaincant. Peut-être d'abord, parce qu'il ne cherche pas à imiter ces suspenses aux chapitres courts, censés être plus rythmés. Il obtient un tempo tout aussi vif en alternant les scènes, offrant une construction homogène au récit. Ce procédé traditionnel a fait ses preuves, et tout indique que Nicolas Lebel souhaite s'inscrire dans la forme classique des meilleurs polars. C'est ainsi que nous suivons donc l'enquête, mais aussi une part plus privée de la vie de Mehrlicht, Latour, Dossantos, Matiblout et Lagnac-fils.

Si le mystère criminel plane, la tonalité est globalement souriante, parfois mordante dans l'humour. Le plus bel exemple est sans doute ce reportage-télé sur la pluie, un moment d'anthologie qui témoigne de l'inanité de certaines infos. Mehrlicht reste caractériel, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Il sait se montrer humain, avec son ami cancéreux ou en face de l'aubergiste Mado. Notons encore qu'il s'asseoit sur la loi Evin, assumant de prendre cette liberté. Chevronné, Mehrlicht ne cache pas son aversion envers les jeunes cadors diplômés mais inexpérimentés et sourds à ses conseils. Voilà une solide intrigue à la narration fluide et enjouée, capable de nous captiver passionnément.

On chronique aussi ce roman chez l'Oncle Paul, chez Pierre, chez Emotions (Gruznamur), chez Jacques Teissier, chez Du bruit dans les oreilles, chez Foumette, chez Passion Thrillers.

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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 04:55
Maurizio de Giovanni : La méthode du crocodile (Ed.10-18, 2014) – Coup de cœur

L'inspecteur Giuseppe Lojacono est Sicilien d'origine. Voilà environ un an qu'il a été muté au commissariat San Gaetano, à Naples. Une sanction qu'il doit à la calomnie d'un mafieux l'ayant accusé de complicité. Son épouse et leur fille Marinella ont dû être mises à l'abri dans l'Île. À cause de sa femme, Lojacono n'a actuellement plus de contact téléphonique avec Marinella. Il végète au bureau des plaintes, avec le brigadier Giuffrè, écarté de toutes les enquêtes. Qu'on ironise en le surnommant Montalbano l'agace prodigieusement. Le soir, il dîne à la trattoria de Letizia. Elle n'est pas insensible au charme de ce quadragénaire aux yeux bridés, qui lui donnent l'air d'un Chinois.

Cette nuit-là, Lojacono est de service quand un jeune de seize ans est abattu dans la cour de son immeuble. Fils unique d'une infirmière de milieu modeste, Mirko Lorusso faisait un peu de trafic de drogue auprès d'ados de son âge, pour le compte du petit caïd Antonio. Ce jeune à scooter n'était pas sérieusement un délinquant. Sur place, Lojacono remarque la douille du projectile qui a tué Mirko, ainsi qu'un mouchoir en papier humide. C'est la substitut du procureur Laura Piras qui est chargée de l'affaire. Lojacono est vite écarté de l'enquête par son supérieur. Letizia connaît la mère de Mirko, et estime qu'il s'agit d'une famille honnête. Lojacono ne croit pas que la Camorra soit impliquée dans ce cas.

Âgée de quatorze ans, Giada de Matteis appartient à un milieu aisé. C'est en rentrant chez elle après son cours de violon, en début de nuit, qu'elle est abattue. La méthode étant similaire, il ne peut s'agir que du même assassin. Les médias se sont déjà emparés de cette affaire, donnant un surnom au tueur : le Crocodile. À cause des mouchoirs humides de larmes. Pour Lojacono, c'est surtout quelqu'un de très bien préparé, utilisant la même méthode de chasse que les crocodiles. Si le policier assiste aux obsèques de Giada, il est toujours exclu de l'enquête, tandis que Laura Piras met la pression sur Di Vincenzo, son supérieur. Le brigadier Giuffrè est convaincu que Locajono serait plus compétent.

Donato Rinaldi est un étudiant de vingt-trois ans, fils d'un médecin réputé qui a beaucoup d'influence sur lui. Pas question de rater ses examens pour une amourette. Néanmoins, ce soir-là il est sur le point de sortir, quand le Crocodile l'abat dans le garage de la maison. Le père ne le découvrira qu'au matin. Comme Lojacono, Laura Piras ne croit pas dans la piste mafieuse. La substitut finit par associer l'inspecteur sicilien à l'enquête officielle.

Lojacono a noté que les trois jeunes victimes étaient des enfants uniques élevés par un seul parent. Pendant ce temps, dans sa chambre d'hôtel, un vieux monsieur – quasiment anonyme dans cette ville grouillante de vie – continue à écrire une sorte de longue lettre racontant son périple meurtrier napolitain. Son ultime cible pourrait être la petite Stella...

Maurizio de Giovanni : La méthode du crocodile (Ed.10-18, 2014) – Coup de cœur

Maurizio de Giovanni s'est fait connaître en France avec sa série publiée chez Rivages/Noir, ayant pour héros le commissaire Ricciardi. Ici, il s'agit des enquêtes à Naples d'un second policier, Giuseppe Lojacono (gentiment appelé Peppuccio, par la restauratrice Letizia). Étant Sicilien, ses collègues se moquent en le nommant Montalbano, personnage créé par Andrea Camilleri. De la part de l'auteur, un hommage au Maître, à n'en pas douter. Il a été victime d'une dénonciation calomnieuse, mais ce qui le perturbe principalement, c'est de ne plus avoir de contact avec sa fille. Il en cauchemarde, d'autant que l'affaire criminelle en cours concerne également des jeunes des mêmes âges que Marinella.

Le fait qu'il soit en position de faiblesse, confiné dans un bureau, inutile au service, en proie à des états d'âme, rend évidemment sympathique ce policier. La magistrate Laura Piras, qui s'implique dans son métier suite à une déception sentimentale, est aussi plutôt attachante malgré sa dure carapace de pro. Par ailleurs, on suit la rédaction de la lettre du vieux monsieur, clé essentielle de ces crimes. Même si l'on ne connaît pas Naples, l'auteur nous situe les quartiers en fonction des classes sociales qui y résident. La Camorra ne peut pas être totalement absente d'une histoire se déroulant dans cette ville, bien sûr. Sans doute bien servie par la traduction, la fluidité narrative de Maurizio de Giovanni est un régal. En effet, les courtes scènes très vivantes s'enchaînent avec harmonie. Un polar authentique, de fort belle qualité.

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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 04:55

Luke Paige est originaire de Grenville, une bourgade sans aucun charme d'Alabama. Il n'y est plus retourné depuis qu'un drame secoua sa famille, une vingtaine d'années plus tôt. Après ses études supérieures, il est devenu enseignant au Clarkston Collège. Il n'a jamais changé d'établissement. Il a été marié à Julia Bates, qui a repris son métier d'infirmière depuis leur divorce, et vit à Chicago. Il possède une petite notoriété en tant qu'écrivain sous son nom complet, Martin Lucas Paige. Ses livres traitent d'épisodes marquants dans l'histoire des États-Unis. Luke admet n'avoir jamais eu la carrière qu'il espérait en tant qu'auteur, sans doute faute d'un talent puissant. Il se contente d'être juste publié.

Au moins a-t-il échappé définitivement à la ville étriquée de son enfance. Certes, il était proche de sa mère, Ellie. Il lui semblait qu'elle n'était pas véritablement heureuse. Car son père Doug fut un personnage fantasque, qui n'accorda guère d'attention à Luke. Il tenait une boutique, le Variety Store, toujours plus ou moins au bord de la faillite. Il subvenait à peine à leurs besoins. C'est Ellie qui encouragea son fils à faire de brillantes études. Elle avait un album familial baptisé “Le voyage de Luke”, recensant les épisodes méritoires de sa vie. Tel ce jour où il fit un discours remarqué dans son école, un exposé s'inspirant de formules trouvées dans un livre de référence, à vrai dire. Trop rustre, peu cultivé, son père ne s'intéressait pas à cet album, selon le souvenir de Luke.

Alors qu'il donne une conférence dans un musée, une femme aborde Luke. Visiblement, elle cherche à avoir une conversation avec lui. Il s'agit de Lola Faye Gilroy, aujourd'hui âgée de quarante-sept ans. Elle fut au cœur de l'affaire meurtrière qui se déroula jadis. Elle était la maîtresse de son père. Informé, Woody Gilroy, le mari de Lola Faye, abattit un jour Doug Paige, avant de se suicider. Du moins, telles furent les conclusions logiques du shérif Tomlinson. Lola Faye n'avait pas d'alibi sérieux. Luke non plus, parti se balader dans la région en voiture. Les faits restaient peu contestables. Native comme son mari d'un bled dans la montagne, Plain Bluff, Lola Faye n'avait déjà pas une réputation excellente. Le drame faisant bientôt d'elle une paria, elle dut quitter Grenville.

Suite au crime, la mère de Luke tomba dans la dépression. D'autant que, alors qu'ils devaient payer les dettes de Doug Paige, les trente mille dollars que son père avait réussi à préserver des créanciers étaient introuvables. Cet argent, avait-il prévu de le dépenser en s'en allant avec Lola Faye ? Bien que suivie médicalement et protégée par son fils, Ellie Paige décéda quelques temps plus tard. Malgré la sympathie de leur voisin, le bijoutier Klein, et l'amour que la jeune Debbie Todd éprouvait pour Luke, c'était l'occasion pour lui de réaliser ses rêves. Égoïstement, peut-être. Même si Lola Faye, avec ce prénom de bouseuse, est loin d'être aussi cultivée que lui, leur rencontre prend la forme d'un bilan...

Thomas H.Cook : Dernière conversation avec Lola Faye (Points, 2014) – Inédit – Coup de cœur –

Qu'il s'agisse d'un roman noir, aucun doute. Car cette longue conversation évoque la vie d'une poignée de personnes dans une ville modeste du sud des États-Unis. Grenville ne possède aucun attrait aux yeux du héros. Dans un décor dénué d'intérêt, sa population est trop terre-à-terre, vit trop simplement, à l'image de ses parents ou de Lola Faye. Même le drame qu'il a traversé dépasse la mesure de cette bourgade tranquille. Le temps a passé, les deux protagonistes survivants de l'affaire ont vécu chacun une existence sûrement moins satisfaisante qu'ils l'auraient souhaité. Après s'être renseignée avec précision via Internet, Lola Faye vient faire le point sur de possibles “apparences trompeuses”.

Pour autant, ce n'est pas exactement l'aspect criminel qui prime ici. Avec la subtilité qu'on lui connaît, Thomas H.Cook suggère qu'une autre version de l'histoire rendrait davantage responsable tel ou tel. Il s'amuse même avec la notion de “films noirs”, puisque subsistent des ombres et que Lola Faye est idéale dans le rôle de la femme fatale. Meurtre, suicide, argent disparu, décès prématuré de la mère du héros, jamais ni le sordide ni le mélo n'ont leur place dans le récit. Toutefois, le thème principal est ailleurs, en filigrane.

Ce dont nous parle l'auteur, c'est de l'ambition parfois excessive, de la réussite sociale et personnelle. Être un brillant étudiant, viser une carrière supérieure, pourquoi pas ? Mais, ce ne doit pas être au détriment de soi-même et des autres. Être aveuglé par son but, au point de mépriser ses origines, ça ne rend sûrement pas heureux, épanoui. La psychologie est un des points forts de ce roman (inédit), comme généralement chez cet auteur. Cette longue et riche “dernière conversation avec Lola Faye” nous offre aussi une réflexion sur la vie de chacun d'entre nous. Oui, à l'évidence, Thomas H.Cook est un grand écrivain.

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 04:55

Début 1993, Oliver Cross débute comme ambulancier à la Station 18 de Harlem. Il compte de nouveau tenter l'examen d'entrée en médecine. Ce qui lui vaudra d'être surnommé “Le Légiste” par ses collègues. Ollie admet être moins combatif que sa petite amie Clara, déjà admise en médecine. Chez les urgentistes new-yorkais, il va devoir s'accrocher. D'abord, éviter d'être éjecté comme le jeune Phelps, venu du Tennessee rural, jamais inséré dans le groupe. Sauver un vieil asthmatique dominicain, ne pouvoir rien faire pour une fille tomber d'un immeuble, écarter un clodo alcoolo d'un restaurant propre, appeler les flics si des toxicos mineurs les menacent, tel est le quotidien de leurs interventions. Ollie a de la chance d'opérer en duo avec le solide Gene Rutkovski. Cet ex-militaire est un urgentiste expérimenté, fonceur mais bien moins brutal que leur collègue LaFontaine.

Après quelques erreurs pardonnable, Ollie finit par être mieux apprécié dans leur groupe, quand il réussit à mâter un chien très méchant. Il réalise que savoir doser son altruisme est indispensable dans ce job. D'autant qu'Harlem dans ces années 1990 reste un quartier violent, où l'on ne respecte guère les ambulanciers de la minable Station 18. Comme le flic Pastori, il convient parfois de férocement rappeler à l'ordre des petits voyous. Imaginer rester indifférent à ce qui les entoure est impossible. Surtout quand il s'agit de découvrir un cadavre dans sa vermine, ou même de calmer un jeune suicidaire d'un milieu clean. Après “Le Légiste”, Ollie risque d'être surnommé “La Mère Teresa de Harlem” s'il montre trop d'empathie. À la Station 18, l'ambulancier confirmé Reggie Verdis joue déjà ce rôle de perpétuel Bon Samaritain. Il est vrai qu'il faillit emprunter une voie plus religieuse.

Sa relation avec Clara devient tendue, car elle éprouve de l'animosité pour Rutkovski, et ne comprend guère que c'est un métier où il faut s'impliquer à fond. De son côté, s'il reste discret sur sa vie privée, Rutkovski a sa part de problèmes avec son ex-quatrième épouse. Il conseille à Ollie de ne pas s'éterniser dans ce job, s'il veut une vie équilibrée. Entre Mitch Green, boxeur du niveau de Mike Tyson qu'il faut maîtriser, et un concert des Fugees qui vire très vite à l'émeute, peu de répit pour les urgentistes en cet été caniculaire.

Ce n'est pas le mordant LaFontaine qui calme l'ambiance au boulot. Quand Rutkovski et Ollie interviennent chez une junkie venant d'accoucher d'un bébé sans vie, c'est le début des ennuis. “Mort-né. Une toxico accro au crack séropositive qui a continué à prendre de la méthadone pendant sa grossesse. Tu t'attendais à quoi ?” Sauf que le scénario est autrement interprété par la hiérarchie et par les médias. En espérant que Rutkovski soit réintégré, Ollie fait désormais équipe avec le bienveillant Verdis...

Shannon Burke : 911 (Sonatine Éd., 2014) – Coup de cœur –

Shannon Burke utilisait un contexte new-yorkais proche dans son premier titre paru en français, “Manhattan Grand-Angle” (Série Noire, 2007). Cette fois, se servant de sa propre expérience d'ambulancier à New York, il va très loin dans le réalisme. D'abord, le Harlem décrit ressemble d'assez près à l'enfer : “Des rues sales, des stations de métro délabrées, des poubelles qui débordent, des rats, des terrains vagues un peu partout... Les districts les plus violents étaient le 32e à West Harlem et le 34e à Washington Heights. C'était précisément la zone que notre unité quadrillait, et nous en étions fiers.” Dans de pareilles conditions, une sérieuse force de caractère est indispensable pour tenir. Des extraits de la formation des ambulanciers, cités dans le récit, indiquent qu'on essaie de les préparer. Les cas décrits par l'auteur sont nettement plus “parlants”, bien évidemment.

Cette histoire est puissante, sans lyrisme excessif, par la tonalité de son témoignage. Chez les urgentistes, existe un panel de comportements. Ça va du plus soucieux des autres comme Verdis, au plus cynique tel que LaFontaine (qui affirme “Pour préserver l'objectivité et la distance professionnelle qui s'imposent, le mieux pour un ambulancier, c'est de détester ses patients”). Et des pros vraiment compétents comme Rutkovski, pouvant finir par éprouver des états d'âme négatifs. Plus qu'une vocation, leur métier devient addictif chez la plupart de ces ambulanciers, primordial tout en étant conscients qu'ils ne sauvent pas tant de gens. Parce que dans cette population, soit de purs toxicos, soit de pauvres mal soignés, beaucoup sont à la frontière de la misère avec un pied dans la tombe.

S'il avait cherché à nous apitoyer, Shannon Burke serait passé à côté de son sujet. Bien au contraire, il montre que vivre à Harlem en ce temps-là, c'est accepter d'être en marge. Y compris pour ces urgentistes mal considérés de tous. Toute la dimension sociale du roman noir, dans cet univers vécu où règne l'incessante présence de la mort. C'est remarquable !

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 04:55

Une petite ville d'Ontario, au Canada, sur la rive du lac Kissinan, en 1980. Leland King, dit Lee, est de retour après avoir passé dix-sept ans en prison. C'est surtout parce que sa mère n'en a plus pour longtemps à vivre que ce quadragénaire revient ici. Il y retrouve sa sœur Donna, mariée au pasteur Barry, de l’Église du tabernacle galiléen. Le couple a deux enfants d'environ sept ans, plus le fils de Donna âgé d'à peine dix-huit ans, Pete. Celui-ci est employé dans une station-service, après avoir quitté le lycée.

En prison, Lee a appris le métier de menuisier, profession qui lui plaît vraiment. Grâce au pasteur Barry, il dispose d'un petit logement, et il a été engagé par l'entrepreneur Clifton Murray. Lee préférerait s'occuper plus de menuiserie que de charpentes. Néanmoins, il sympathise vite avec son collègue Bud. Helen, la serveuse de l'Owl Café où Lee prend ses habitudes, ne tarde pas à l'attirer. Femme d'expérience, elle le surnomme Œil-de-velours.

Retraité de la police locale, Stan Maitland vit avec son chien Cassius à Echo Point, non loin du lac. Sa fille est mariée avec l'actuel chef de la police, homme strict ne supportant pas que son beau-père se croit encore enquêteur. Pourtant, ayant découvert le corps de la jeune Judy Lacroix après son suicide, Stan trouve que c'est suspect. Il reste informé grâce à son ami et ex-collègue Dick. Il interroge la sœur de Judy, qui lui confirme que cette fille était gravement souffrante. Certes, une récente déception amoureuse peut expliquer le geste fatal de Judy. Stan remonte la piste jusqu'à Colin Gilmore, un petit voyou qui a pour QG le relais routier North Star. L'ancien policier est rapidement éjecté de ce bar, et doit subir le vif mécontentement de son gendre.

Bien qu'ils n'appartiennent pas aux mêmes milieux religieux et scolaires, Pete est tombé amoureux de la jeune Emily, admirable pianiste. Ce qui suscite la jalousie de Roger et de ses violents amis, du même lycée qu'elle. Emily n'est autre que la petite-fille de Stan, et la fille du chef de la police. Ce dernier tient à l'œil Lee, et cache peu son aversion pour Pete. Sans doute est-ce le retour de son oncle sorti de prison, autant que cet épisode romantique, qui incitent le garçon à se poser des questions sur ses propres origines. Car il ne sait rien de son père. Pete reste en retrait vis-à-vis du pasteur Barry, dont la croyance lui paraît excessive. Il se demande pourquoi l'homme d'église a engagé une certaine Mrs Adams, avec laquelle Pete fut intime à une récente époque.

De son côté, Lee s'est remis à boire quelque peu d'alcool, Helen n'hésitant guère elle aussi à en abuser. Il a renoué avec un de ses amis de jeunesse, le fêtard Speedy. Celui-ci le met en contact avec Colin Gilmore, mais Lee n'a pas envie de s'associer aux affaires louches de ce type, au risque de glisser sur une mauvaise pente. Un accident mortel lié à un chantier de Clifton Murray va remettre en cause la bonne volonté de Lee. Stan Maitland est venu en aide à Lee en cette occasion, réalisant que celui-ci n'est pas le monstre qu'il conduisit jadis en prison. Si Pete a été proche de son oncle, les révélations que Lee lui confie sur le passé ne seront pas sans conséquences...

Matt Lennox : Rédemption (Éd.Albin Michel, 2014) – Coup de cœur –

Un roman remarquable, magnifique...

On n'a presque envie de n'ajouter ni commentaire, ni superlatif. Peu importe l'étiquette qu'on voudra lui attribuer, polar noir ou autre, ce livre possède cette force qui n'appartient qu'aux grands romans. Un homme qui sort d'une longue peine de prison et revient dans sa ville, voilà le postulat le plus ordinaire qui soit. Pour captiver sur ce sujet, il est donc indispensable de concevoir une intrigue supérieure, et de la maîtriser. C'est effectivement le cas de cette histoire, si justement nuancée.

Lorsqu'on évoque une population issue du quotidien, ayant une vie plutôt simple, la notion de bons et de méchants s'efface ou devient plus relative. Des préjugés contre un ancien condamné existent. Le pieux entrepreneur Murray n'est pas si correct qu'il l'affiche. Les obsessions soupçonneuses de l'ex-flic Stan peuvent agacer, de même que l'attitude de son gendre. La bande autour de Colin Gilmore inspire une méfiante antipathie. On est perplexe concernant des gens trop bienveillants comme le pasteur Barry et son Église du tabernacle galiléen. Pourtant, malgré les défauts de chacun, l'auteur invite ses lecteurs à observer ce microcosme avec tolérance et humanisme, sans les accabler.

Outre le cas de Lee, dont on verra si ce nouveau départ est rédempteur ou non, on suit aussi celui du jeune Pete. Il traverse une étape cruciale de sa vie, probablement un point de non-retour vers la maturité. Pour l'oncle et le neveu, l'expérience n'est pas exempte de dureté... Un reflet de la vraie vie, cruelle parfois, où nul n'est jamais héroïque.

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29 avril 2014 2 29 /04 /avril /2014 04:55

Lee est âgé d'une vingtaine d'années. Sa sœur Claire et son mari Graeme restent sa seule famille. Il était ado quand leurs parents décédèrent dans un accident de voiture. Lee a rapidement mal tourné. La délinquance l'a bientôt mené en prison. Il sut faire face à un dur comme le nommé Morris. Il semble même qu'il ait causé la mort de quelqu'un, là-bas. Employé par le caïd Marcel, le repris de justice Josef est un truand vieillissant, qui a toute sa vie été trop tourmenté pour se montrer brillant. Il a repéré Lee à sa sortie de prison, lui faisant miroiter une existence facile s'il bossait pour lui. La première mission importante du jeune malfaiteur consistait à intervenir chez la famille Stella, mêlée au trafic du caïd Marcel. Guère impressionnés, ils lui ont tiré dessus, puis ils ont déposé son corps dans un motel miteux, avec la valise de Lee contenant l'argent de Marcel, pas plus de 6000 $.

Wild est un médecin généraliste quinquagénaire aux yeux bleus, mais à l'allure fatiguée. Morphinomane, il a plusieurs fois tenté de décrocher, sans succès. Sa dépendance lui a fait commettre une erreur médicale. Wild vient de tout quitter, fuyant les suites judiciaires de cette affaire. Il s'est arrêté dans ce même motel minable où Lee gît, gravement blessé. Si le médecin peut nettoyer la plaie, il est incapable de retirer la balle du corps. La patronne du motel les obligeant à s'en aller, Wild envisage de se rendre chez son vieux maître, le Dr Sherman, qui saura opérer Lee. Sur le trajet, une première halte oppose le duo à deux étudiants, un frère et une sœur, qu'ils doivent menacer. Rien ne garantit leur silence. Wild et Lee font étape dans un second motel, où leur véhicule est remarqué par une patrouille de police. Malgré l'état de santé de Lee, le duo doit s'enfuir au plus vite.

De son côté, Josef remonte la piste. 6000, c'est une broutille, mais le caïd Marcel n'aime pas se faire doubler. Le vieux Josef apprend que Lee a une sœur, s'adresse aux Stella, interroge la patronne du motel où on déposa le corps sanglant du jeune homme, découvre qu'un docteur s'occupe du blessé... La morphine dérobée par Wild est utile pour calmer les douleurs de Lee, tandis que le duo continue le voyage dans un wagon de marchandise. Dans une gare de triage, Wild est arrêté tel un vagabond par un agent de sécurité. Bien que faible, Lee intervient pour le sauver avant l'arrivée de la police. Vaille que vaille, le duo arrive jusqu'à la maison du Dr Sherman. Il est trop tard pour que celui-ci puisse les aider. Plein d'angoisse, Wild n'a d'autre choix que d'essayer d'extraire le projectile du corps de Lee...

Chris Womersley : La mauvaise pente (Éd.Albin Michel, 2014) – Coup de cœur –

Le Destin, beaucoup de fictions traitent ce sujet. La première qualité d'un roman noir consiste à nous montrer, soit comment le Destin avance vers une inexorable fatalité, soit la possible lueur de rédemption qui sauvera le (ou les) héros. Il ne suffit pas de nous dire que ceux-ci se sont lancés dans une fuite éperdue, encore faut-il nous révéler d'où ils viennent. Et, peut-être, quelle est “la faute” qui les a entraînés dans leurs mésaventures. Ces circonstances (car il n'y a jamais de raison unique) ne peuvent pas être identiques pour un médecin drogué, un jeune voyou, et un truand déclinant. Une fiche de police ne suffirait pas à décrire tout cela. Aussi faut-il fouiller dans leurs vies, revenir sur le passé respectif de chacun, explorer même leurs cauchemars, pour les connaître tant soit peu.

C'est là que réside le talent de Chris Womersley, dans cette écriture maîtrisée qui donne une force au contexte et un réalisme crédible à ses personnages. Par exemple, il décrit ce motel comme une frontière entre banlieue et campagne, entre la civilisation et l'incertain. Ou bien, quand le docteur est arrêté par un vigile, son incapacité à se défendre s'avère poignante. Et puis Josef, affligé d'un tic qui l'amène à gratter son tatouage, un détail fait pour être retenu. Sans compter l'expérience carcérale de Lee, qui lui revient en mémoire tel un bilan négatif tandis que son état de santé empire. L'auteur ne tombe pas dans la facilité qui eût été de passer d'un rapport conflictuel entre Lee et le Dr Wild, qui se serait transformé en confiance complice. Non, chacun garde son propre état d'esprit.

Au fil du récit, leurs portraits s'étoffent, ce qui ajoute une intensité grandissante à leur périple. Sombre histoire, oui. Mais s'il s'agit d'un noir suspense où l'échec est très présent, l'écriture de Chris Womersley reste longtemps porteuse d'un espoir. Un roman de qualité supérieure, assurément proche de l'excellence.

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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 04:55

En 1996, dans le Kentucky, entre Pirtle County et Lake Holloway. Âgé de vingt-trois ans, Cole Prather est le fils de Lyda Skaggs. Voilà de nombreuses années que Lyda ne tient le coup que grâce à des médicaments. Elle se les procure comme elle peut, ce qui lui permet de faire bonne figure. Lyda a un autre enfant, Fleece Skaggs, demi-frère aîné de Cole. Son mari légitime semblant l'avoir abandonné, elle eut ensuite un bébé d'un autre homme. Pourtant le père de Fleece, Bethel Skaggs, revint malgré tout. Cole croit se souvenir du jour où ce Bethel Skaggs fut abattu en public, sans que ça suscite d'émotion parmi la foule présente. Près du lac, la Loi et la Justice restent des notions relatives. Même aujourd'hui, nul n'irait dénoncer le trafic de drogues de Mister Greuel, par exemple.

D'une démarche claudicante, ayant été peu scolarisé, Cole Prather alla habiter chez son oncle Ronnie quand il était ado. Depuis, il effectue de petits jobs dans le secteur, en partie sur les chantiers de son oncle. Cole voudrait devenir plongeur sous-marin professionnel, peut-être du côté de la Louisiane. Il sort avec l'étudiante Shady Beck, sans qu'elle soit sa petite amie. Fille d'un pédiatre-gentleman-farmer et d'une maman qui l'a couvée, Shady a été un temps la copine de Fleece Skaggs. Elle ne dédaigne pas la drogue, aime fréquenter des garçons quelque peu coriaces, elle qui a été élevée du côté huppé de Lake Holloway. Encore que, si elle cherche à acquérir de l'expérience, “la vraie vie” version Lyda Skaggs lui apparaît bien peu attrayante. Néanmoins, elle traîne avec Cole dans les ruines de l'ex-séminaire St Jérôme ou à la carrière, où l'on se procure aisément de la drogue.

Fleece, le demi-frère, qui fait du trafic de drogue pour Mister Greuel, a disparu avec un lot important. Sa voiture carbonisée laisse planer le mystère. Lyda pense pourtant qu'il ne les a pas abandonnés. Bien qu'affaibli par une maladie de plus en plus invalidante, Lawrence Greuel veut savoir où sont passés Fleece et la drogue. Il ne compte pas sur son dégénéré de fils Spunk pour l'y aider, mais incite Cole à le retrouver. Depuis trente-quatre ans, le caïd Greuel a pour adjoint Arley Noe, qui sera peut-être un jour son successeur. Celui-ci ne montre aucun sentiment envers personne. Pas même à l'égard de Fleece, dont on peut se demander pourquoi Mister Greuel lui a accordé tant de confiance. Seule Lyda pourrait sans doute apporter une réponse à cette question.

Cole cherche des indices sur son demi-frère, sans mener une véritable enquête. Frère Gil Ponder, le prédicateur local, ne serait pas d'un grand secours pour Cole. Tandis que l'état de santé de Greuel empire, le jeune homme finit par approcher les trafiquants de la bande du chevronné Crutchfield. Pas hostile, il apporte quelques clés à Cole : “Je connais les gars dans ton genre. Le frère et le fils dévoué. Tu appartiens à une espèce qui remonte au temps de la Bible. Même si cette longue lignée ne m'aide pas vraiment à comprendre cette espèce. Ses motivations.” L'heure des choix sonnera bientôt pour Cole...

Kirby Gann : Ghosting (Seuil, 2014) – Coup de cœur –

Il semble que Donald Ray Pollock, Grand prix de Littérature policière 2013, Trophée 813 et Prix Mystère de la critique 2013 pour “Le Diable, tout le temps”, ait été sincèrement élogieux envers ce roman. On comprend son enthousiasme, car “Ghosting” est un roman fascinant. L'intrigue présente une facette noire du terroir américain, au cœur d'une contrée rurale déshéritée, où la vie ne paraît pas comporter de véritables règles : chacun s'en sort comme il peut. Les “maris” de Lyda Skaggs, les sermons trop optimistes du prédicateur, les chantiers bricolés par l'oncle Ron-Ron, un gardien de locaux en ruines dépassé, un vieux trafiquant malade qui ne contrôle plus grand chose, Shady compensant la dette de Cole envers son cousin, et tant d'autres scènes nuancées permettent de cerner cet univers. Une ambiance assez fantomatique, des existences “au ralenti” pour des gens confinés dans leur monde.

Si Cole est au centre de l'histoire, précisons que d'autres protagonistes jouent également un rôle majeur. Rien ne prête réellement à sourire par ici, et l'humanisme est rare parmi ces gens ténébreux. Ce n'est pas le premier roman nous décrivant une étape décisive dans la vie d'un jeune campagnard américain, en effet. Ce qu'il convient de souligner, c'est la construction habile et maîtrisée du récit. Progressivement, nous faisons connaissance avec cette population, et c'est ainsi que nous allons découvrir ce qu'ils taisent. Plutôt que des secrets, ce sont leurs raisons d'assumer un mode de vie peu reluisant, un climat lourd, ou de quitter un jour la région sans explication. Un noir suspense riche en finesse, envoûtant car terriblement crédible. À ne pas manquer.

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