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27 septembre 2013 5 27 /09 /septembre /2013 04:55

Oscar Wilde avait du talent, un nom réputé, une position sociale élevée, un esprit brillant et de l'audace intellectuelle. Adulé, il prenait son plaisir là où il lui plaisait, sans se soucier des sentiments des autres, ni de sa famille. Fin mai 1895, arriva la chute brutale, avec la ruine et le déshonneur. À cause de ses mœurs, Oscar Wilde fut condamné à deux ans de travaux forcés. Le même jour, la perpétuité pour Sebastian Atitis-Snake passa inaperçue, alors qu'il avait empoisonné son épouse et se faisait passer pour fou. Celui qu'on désigna à la vindicte générale, ce fut uniquement Oscar Wilde. Et si on le retrouve, deux ans plus tard sous de nom de Mr Melmoth à la terrasse d'un bistrot de Dieppe, ruiné mais sauf, Oscar Wilde n'en a pas moins été confronté entre-temps aux pires avanies.

Dès son incarcération à la prison de Pentonville, il pénètre en enfer. Si sa santé faiblit vite, ce sont les humiliations qui le touchent plus que tout. Son transfert à Wandsworth ne va pas améliorer son état. D'autant que son gardien est particulièrement cruel. Ce dernier meurt étrangement, avant qu'Oscar Wilde sot transféré dans les geôles de Reading. C'est là qu'il purgera l'essentiel de sa peine, sous le matricule C.3.3. Les règles sont appliquées strictement ici, surtout celle du silence. Ce qui est le plus difficile pour le fin causeur Oscar Wilde. Il parvient à échanger quelque peu avec le gardien Stokes, ainsi qu'avec le Docteur Maurice. Oscar Wilde et le médecin ont un ami en commun, Conan Doyle. La sympathie a ses limites, à travers le règlement de la prison, fait pour isoler chaque détenu.

Le gardien Braddle n'a aucune intention d'inclure C.3.3. parmi ses “protégés” ─ même si le directeur de la prison rejette cette vérité, certains sont mieux traités. Oscar parvient à établir le contact avec le prisonnier de la cellule voisine. Achindra Acala Luck est Indien. Cet ancien soldat fut au service de l'érudit orientaliste Richard Burton (1821-1890). Oscar s'interroge sur le jeune Tom Lewis, qui n'a sans doute pas sa place dans cet enfer. Il croise ponctuellement celui qui fut condamné le même jour que lui, Sebastien Atitis-Snake. Ce dernier, qui n'est pas fou selon le Dr Maurice, n'a pas l'intention de mourir à Reading. Il a écrit au ministre pour réviser son cas. Le jour où on apprend le décès de la mère d'Oscar, le gardien Braddle fait une chute mortelle dans les coursives de la prison.

Difficile d'admettre un suicide ou un accident, même si cette version suffirait au directeur. Les faits se sont produits devant la cellule d'Oscar. Plusieurs détenus font de possibles suspects. Présents aussi, le jeune Tom Lewis, l'aumônier et le médecin, apparaissent peu soupçonnables. Bien qu'ayant joué au détective avec Conan Doyle, Oscar ne peut guère aider le directeur. Surtout pas quand l'Indien de la cellule voisine prétend, avec fourberie, avoir tué le gardien. Oscar est bientôt affecté au jardin de la prison. Ça convient mieux à sa santé, et ça lui permet d'observer l'activité. Spontanément, le vrai assassin du gardien avoue son crime. Ce qui, pour autant, ne lève pas le mystère dans cette affaire...

Gyles Brandreth : Oscar Wilde et le mystère de Reading (Éd. 10-18)

Ce sixième roman – inédit 2013 – de la série ayant pour héros Oscar Wilde est probablement celui qui nous rapproche le plus de ce personnage. Bien sûr, son intelligence et sa finesse d'esprit séduisent dès que l'on s'intéresse à lui et à son œuvre. Ici, c'est la période la plus noire de sa vie qui est retracée. Douloureuse épreuve, sûrement davantage causée par ceux qui le jalousaient, que par l'accusation d'homosexualité. Jugement absurde, s'il en fut. Le début de la fin, car Oscar Wilde est conscient d'être devenu un paria. Il garde toute sa dignité, face au système pénitentiaire atroce. Afin d'accentuer la perte de leur identité, outre l'anonymat dû à leur matricule, les détenus sont masqués d'un bonnet couvrant.

Intrigue criminelle, où Oscar Wilde mène l'enquête au cœur des geôles de Reading ? Oui, dans une certaine mesure. Émule de Sherlock Holmes, il n'oublie pas l'adage du détective créé par son ami Conan Doyle : “Une fois éliminées toutes les impossibilités, l'hypothèse restante, aussi improbable qu'elle soit, doit être la bonne.” Des morts et une énigme, dont les détails seront éclaircis finalement. Toutefois, c'est bel et bien l'ambiance dans laquelle baigne Oscar Wilde, à son corps défendant mais sans trop perdre sa lucidité, qui donne de la force à cette histoire. Un épisode à la fois convaincant et plutôt touchant de cette série.

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 04:55

En Argentine, Estero del Muerte (le Marécage du Mort) est un village endormi, où vivote une population agricole autour de la culture cotonnière. Le bazar La Agrícola est le seul commerce local, où l'Ours – chef de gare et postier – passe son temps avec le patron. Aux environs, se trouve la ferme de la famille Hordt. Âgé de dix-huit ans, le jeune Miroslavo y habite avec son père, d'une rudesse méprisante, et sa mère au caractère éteint. Leur ouvrier sourd “Vingt Pesos” est un Toba. C'est avec ce vieil Indien que Miro a développé sa nature contemplative. Un jour, le garçon voit arriver à la ferme un duo d'inconnus. Ils vont abattre Hordt et sa femme. Miro a peut-être entendu les coups de feu, sans comprendre comment le double meurtre a été perpétré. Quelque peu schizophrène, Miro culpabilise, se demandant si c'est lui qui a tué ses parents.

Avec l'aide de “Vingt Pesos”, Miro nettoie les traces sanglantes et enterre les cadavres. Le jeune homme fait de l'auto-stop pour quitter le village, tandis que l'Indien retourne à sa petite vie. Toutefois, la disparition de la famille Hordt a été signalée. Venu de Noguera, le commissaire Velarde interroge les rares habitants du coin, dont l'Ours qui les a prévenus. Gros propriétaire et usurier, en conflit avec Hordt, Don Francisco Uría n'est pas de ceux que le policier inquiétera. Si Velarde a une conception personnelle de la loi, il ne s'attaque pas aux notables. Quand, par ailleurs, il apprend qu'un braquage de transport de fonds se prépare dans son secteur, Velarde n'irait pas soupçonner l'avocat Maciel. C'est pourtant lui qui prépare le coup, avec ses deux comparses. Il n'hésitera pas à buter celui qui a averti la police, ni à modifier ses plans en conséquence.

Miro a été pris en auto-stop par Hansen, sexagénaire à l'allure robuste. C'est un trafiquant d'armes, qui transporte sa marchandise dans un cercueil blanc d'enfant. Tous deux vont loger à Barranqueras, dans un hôtel appartenant à la belle Lucrecia. Hansen doit juguler les crises spasmodiques de son jeune protégé, espérant en faire son partenaire. Pour sa part, Miro “avait décidé de se laisser porter, les évènements le conduiraient où que ce soit. Cet Hansen, vulgaire et grossier, dangereux et imprévisible, s'était imposé comme un Moïse qui l'entraînait vers son destin.” Le commissaire Velarde a retrouvé les corps des parents Hordt. Maltraitant la jeune Milka, d'Estero del Muerte, ainsi que “Vingt Pesos”, le policier véreux suspecte Miro d'être l'assassin. Tandis qu'il traque Miro et Hansen, c'est une fusillade avec la bande de Maciel qui oblige le duo à fuir la région...

Miguel Ángel Molfino : Monstres à l'état pur (Ombres Noires, 2013)

L'axe central du récit, c'est le parcours du jeune Miro, son “éducation au crime” jusqu'à un final pétaradant. Il suit une sorte de voie royale afin d'appartenir à la race des desperados. Toutefois, c'est en priorité une magnifique galerie de portraits que nous a concocté l'auteur. Dans une région aussi insolite que la province argentine du Chaco, ils semblent pulluler, ces personnages singuliers. Les gens modestes du village d'abord, issus d'origines internationales. Le couple Hordt, certes victimes, mais on ne s'avisera pas de les plaindre. Il y a aussi ces policiers (car Velarde n'est pas le seul méchant de sa corporation) ou cet avocat, pour lesquels la loi n'est qu'une vague notion, qu'ils adaptent selon leur propre version. Et puis Hansen, brave type dans le fond, peut-être le moins monstrueux de tous. Oui, il fait un usage fréquent de son arme, juste une question de survie.

Par les décors, on est tenté de parler de western, ou de road-story. Pourquoi pas, mais en réalité, c'est le chassé-croisé des protagonistes qui apparaît excitant dans la narration. Un petit monde s'agite sous nos yeux et, malgré leur noirceur d'âme, ces héros cyniques nous font largement sourire. En outre, on devine l'attachement de Miguel Ángel Molfino à cette région. Un roman étrangement fascinant car, dès les premières pages, on sent qu'on va prendre du plaisir à suivre cette histoire. Une fois encore, la collection Ombres Noires a déniché un auteur fort convaincant.

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 04:55

À Libreville, capitale du Gabon, certaines enquêtes sont confiées à la P.J., et d'autres à la Gendarmerie. Les policiers Pierre Koumba et Jacques Owoula sont les principaux limiers de la P.J., sous les ordres du colonel Lambert Essono. On les charge par exemple de mettre la main sur les escrocs ayant dérobé le chéquier d'un ex-ministre, pompant tout le fric qu'ils peuvent. Ou d'une affaire de vidéos diffusées sur Internet, montrant deux mineures, qui se sont suicidées ensuite. Ou encore d'un accident de voiture ayant causé la mort d'une femme et de son bébé. Dans ce dernier cas, Owoula mène une enquête énergique, afin de repérer l'automobile incriminée. Pour les vidéos du web, plus difficile de glaner une piste, le coupable jouant probablement avec les IP. Quant aux escrocs de l'ancien ministre, la plus grande banque de la ville est alertée, et signalera quand se présentera un chèque.

Du côté des gendarmes, on s'occupe généralement de crimes sensibles, politiques ou qui peuvent concerner la sécurité du pays. C'est à Louis Boukinda et Hervé Envame que leur supérieur et le Procureur de la République, proches de la famille présidentielle, confient les cas délicats. Le meurtre du journaliste Roger Missang, retrouvé sur la plage non loin des bâtiments gouvernementaux, est assurément à traiter avec précaution. Abattu par balle, après avoir été ligoté, torturé et mutilé, le journaliste d'investigation publiait des articles polémiques. Si la presse est libre au Gabon, il y a des sujets sur lesquels il est préférable de ne pas fouiner. Même la franc-maçonnerie, thème qu'il comptait bientôt aborder, reste de ceux qu'on n'étale guère. Toutefois, si on a déposé le cadavre si près de la Présidence, il peut aussi bien s'agir d'un complot, sachant que les élections sont dans un an.

Détail essentiel, Roger Missang a été exécuté avec une arme de pro. La même qui servit à tuer Pavel Kurka, chef de la sécurité du ministre de la Défense. Ce qui signifie que le crime peut cibler politiquement Baby Zeus, successeur possible à la tête du pouvoir. La presse internationale et locale commence à exiger des réponses sur la mort de leur collègue. Côté flics, Koumba et Owoula ont réussi à attraper un des escrocs au chéquier. Ce n'est qu'un lampiste au service d'un énigmatique Docteur. Si ce dernier a fui son QG, en traînant dans certains quartiers, c'est une piste que les policiers pourront suivre. Concernant les vidéos pédophiles, ils avancent lentement, jusqu'à ce qu'une femme leur indique le nom d'un suspect. C'est au Port-Môle qu'on va le retrouver. Quant au meurtre de Roger Missang, les enquêteurs de la gendarmerie ne négligent aucune hypothèse...

Janis Otsiemi : African tabloïd (Éditions Jigal, 2013)

Le Gabon ayant été un des pivots de la Françafrique, c'est un pays que nous pensons un peu connaître, fut-ce superficiellement. La dynastie Bongo, le pétrole et autres matières premières, l'Afrique équatoriale et sa forêt luxuriante, tout ça n'est pas faux. Mais il est sans doute plus judicieux de laisser un Gabonais évoquer son pays, et présenter sa vaste métropole, Libreville. Batékés, Fangs, et un grand nombre d'ethnies y cohabitant, c'est un subtil jeu (non sans connotations politiques) que de préserver l'unité nationale dans cette ville et sur tout le territoire. Les arcanes du pouvoir y sont aussi obscurs qu'ailleurs. Quant au peuple, il n'ignore pas la corruption qui gangrène ses élites, car le produit des richesses du Gabon aboutit forcément au sommet du pays. Outre qu'il s'agit d'un très bon polar, Janis Otsiemi se montre brillant pour suggérer le contexte sociopolitique gabonais.

Deux équipes d'enquêteurs ne sont pas de trop pour résoudre les cas criminels en cours. Là-bas comme en France existe la classique rivalité des services : “L'affaire avait sûrement fait sourire les bangandos (voyous). Si les flics et les gendarmes se bastonnaient pour des broutilles au lieu de leur courir après, ça ne pouvait être qu'une bonne chose pour eux.” Tout en suivant ces affaires sensibles, on n'oublie pas de nous parler de la population. Par exemple, avec le portrait de Maryline, petite amie du gendarme Boukinda, par ailleurs marié. Et si toute l'Afrique est coutumière des trafics, ils n'en restent pas moins illégaux. Bien qu'utilisant des termes typiques, l'auteur ne force pas la dose. Ce qui nous permet de vérifier que Janis Otsiemi, dont le talent est certain, maîtrise toujours mieux ses intrigues. Quatrième titre publié aux Éditions Jigal d'un auteur africain à ne pas manquer.

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 05:15

Mickey Bolitar est un ado sportif d'environ seize ans, 1.92 m pour 90 kilos. Il est aussi passionné de basket que son oncle Myron, ex-pro. C'est chez ce dernier que vit Mickey, à Kasselton, depuis qu'il a récemment perdu son père dans un accident de voiture. Sa mère est suivie en service psychologie depuis le drame. Habitué de missions risquées, Myron Bolitar protège son neveu. Toutefois, il reste des antagonismes entre eux. En quelques semaines, Mickey s'est créé sa petite bande. Avec Ema Beaumont, une jeune gothique grassouillette tatouée. Elle ne laisse personne savoir où elle habite, peut-être à cause d'un père violent. Et puis Arthur Spindel, dit Spoon, élève binoclard qui ne cherche guère à s'attirer la sympathie par ailleurs. Être ignoré, il s'en accomode très bien.

Enfin, il y a la belle Rachel Caldwell, dont les parents sont plutôt absents. Elle est la petite amie de Troy Taylor, cador de l'équipe de basket, et fils du commissaire de police. En grande partie à cause d'elle, Mickey et Troy ne peuvent que se détester. Ennuyeux, car Mickey passe ces jours-ci les sélections pour entrer dans l'équipe de basket. C'est par une étrange vieille dame, la femme chauve-souris, que Mickey pense en découvrir davantage sur la mort de son père. Étrangeté, l'ambulancier intervenu lors de l'accident ressemble à s'y méprendre au Boucher de Lodz. Impossible en apparence, puisque ce nazi de sinistre mémoire serait un vieillard, alors que l'ambulancier était assez jeune. La femme chauve-souris pourrait appartenir à une mystérieuse organisation, le refuge Abenoa, dont le symbole est un papillon. Mickey ne comprend guère les activités masquées de ces gens.

Les quatre amis ont déjà été mêlés à une action mouvementée. Cette fois-ci, Rachel a été blessée légèrement dans une fusillade qui a causé la mort de sa mère. Mickey, Spoon et Ema tentent de lui rendre visite à l'hôpital, afin d'en apprendre davantage. Pas facile, car le commissaire Taylor se trouve dans les parages. Mickey s'entend mieux avec un autre policier, M.Waters, le père d'un copain. À l'initiative de son oncle Myron, Mickey rencontre la célèbre actrice Angelica Wyatt, qui possède une propriété à Kasselton. D'autant plus impressionnant pour Mickey que sa mère et la star furent autrefois amies de jeunesse.

Quand l'adolescent retourne chez la femme chauve-souris, il remarque une tombe et des quantités de photos. Il est dans la maison quand elle est incendiée, peut-être par le Boucher de Lodz. Le commissaire Taylor arrête Mickey, accusé du sinistre. S'il est libéré sous caution, il se voit exclu de l'équipe de basket. Alors que Rachel est rentrée chez elle, Mickey rencontre le père de celle-ci, qui apparaît fort nerveux. L'ado réalise qu'il y a un trucage concernant la photo du Boucher de Lotz, ce qui éclaircit encore moins la question. Mickey finit par découvrir le principal secret de son amie Ema, avant d'aller fouiller dans les dossiers du commissaire Taylor...

Harlan Coben : À quelques secondes près (Fleuve Noir, 2013)

Les hard-rockeux préféraient sûrement Kurt Cobain à Harlan Coben. Les purs adeptes du roman noir n'aiment pas cet auteur. Certains amateurs de polars hésitent à se prononcer sur les romans d'Harlan Coben. On juge son succès troublant, on admet son savoir-faire, on voit mal où serait son originalité. Pour ces lecteurs, il s'agit plutôt d'indifférence que de dénigrement. Il n'empêche que, depuis “Ne le dis à personne” et bien qu'il n'ait jamais été récompensé par un Prix littéraire français, les livres d'Harlan Coben séduisent un public.

Il y a bien une raison, voire plusieurs. La première, c'est bien sûr le style simple et fluide de la narration. Surtout, l'auteur entretient en permanence un climat de mystère. Il porte ici autant sur l'affaire en cours, que sur les éléments biographique de la famille de Mickey. Au risque, il est vrai, de charger les fins de chapitres avec des accroches du genre “Mais Rachel se trompait. Je n'allais pas la revoir le lendemain matin parce que, entre-temps, tout aurait changé.” Autre motif d'intérêt pour les lecteurs : dans “À découvert” (disponible chez Pocket), Mickey a vécu une première aventure. “À quelques secondes près” est une suite à la fois indépendante du premier titre, et complémentaire. Et d'autres épisodes suivront, à n'en pas douter. Bonne manière de fidéliser, évidemment.

Une histoire d'ados détectives amateurs, c'est toujours distrayant. Plus ils sont impliqués, plus l'affaire devient excitante. Quand s'ajoutent au contexte énigmatique et dangereux, des questions personnelles autour du héros, ça renforce d'autant plus l'intrigue. Le savoir-faire d'Harlan Coben est indéniable. On suppose que cette nouvelle série connaîtra un beau succès, une fois encore.

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19 septembre 2013 4 19 /09 /septembre /2013 05:38

Shale est une petite ville du Midwest, dans un paysage atypique des États-Unis, comme à l'écart du monde et du temps. C'est là que vit Pierre Hunter, barman de vingt-quatre ans. Il se sent en osmose avec cette région. Né de parents âgés désormais décédés, Pierre s'est souvent senti tel un intrus vis-à-vis des autres gens. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des amis. Il y a Roland et Carrie Miles, un couple conflictuel, ils se connaissent depuis leur jeunesse. Et Keith Lyon, le cuisinier du club qui emploie Pierre, le Valet de Carreau. Et sa collègue serveuse Charlotte Blonde, qui est brune. Des habitués du bar, aussi. Pourtant il reste solitaire, intrus. Ce qui, lors d'une soirée de nouvel an, alors qu'il avait un peu trop bu, risque de lui causer de vagues ennuis avec la Justice. Le stage de psychologie contre l'alcool qu'il doit effectuer ne changera guère l'état d'esprit de Pierre.

En patinant imprudemment sur le lac gelé, il a frôlé la mort. C'est une jeune femme du nom de Stella Rosmarin qui est venue à son secours. Peut-être parce qu'il émane d'elle un aura de secret, Pierre se sent rapidement attiré par Stella. Il est assez mûr pour ne pas confondre sexe et amour, pour comprendre la relation sentimentale naissante entre elle et lui. Chacun ayant son univers, ni Stella, ni Pierre n'envisagent la vie commune. Et puis, cet été il a prévu un voyage seul en auto-stop jusqu'en Californie. Passant dans l'Utah, il rencontre une jeune femme complexée, Linda. Celle-ci lui offre son caillou porte-bonheur. Après un petit séjour à L'Ouest, la route du retour vers Shale va s'avérer plus agitée. Le nommé Shane Hall, qui le prend en auto-stop, va tenter de lui jouer un mauvais tour.

Grâce au caillou de Linda, Pierre parvient à régler la situation. Et même, il récupère le pactole de Shane, soixante-dix-sept mille dollars probablement gagnés malhonnêtement. Rentré chez lui, le désintéressé Pierre ne tient pas à garder tout cet argent alors que Linda en a besoin. Il lui envoie illico cette somme. Shane Hall s'est bientôt remis de l'incident qui l'a opposé à Pierre. Il contacte Ned Anderson, dont le bizness officiel est la location de voitures. En réalité, c'est un caïd dealer qui baigne dans divers méfaits. Avec sa bande, ils peuvent retrouver la trace de Pierre. Le barman n'ignore pas ce danger, aussi prend-il quelques cours d'arts martiaux. Il raconte ses mésaventures à ses amis et à Stella, afin que nul ne soit surpris si Shane et ses complices arrivent à Shale. Affrontement inévitable, d'autant qu'un deus ex machina a conditionné les évènements autour de Pierre...

Tom Drury : la contrée immobile (Éd.Points, 2013)

Il y a une raison pour laquelle Tom Drury a choisi ce décor particulier. Il fallait une région intemporelle, pour se rapprocher de l'esprit de ces contes d'autrefois, situés dans des pays improbables. Car cette histoire, aussi noire soit-elle, reste empreinte de la poésie ou du merveilleux que l'on trouvait dans les vieux contes. Toutefois, Pierre est un jeune homme ordinaire, pas un Prince Charmant. Ensorcelé, victime d'un sortilège à cause du secret de Stella, qui préférerait d'ailleurs qu'on ne lui fasse aucun mal. Nous autres lecteurs, nous sommes aussi emportés par le même charme magnétique, fascinant.

Car l'intelligence de Tom Drury consiste à pimenter son récit sans alourdir ses effets, tout en souplesse. Malgré leur insignifiance, les chamailleries de Roland et Carrie ou le rôle du conseiller anti-alcoolisme servent le contexte. L'anecdotique braquage raté qui eût lieu à Shale en 1933 ne paraît pas indispensable non plus, et pourtant si. On aurait tort de croire à une nonchalance narrative. Bien au contraire, il s'agit là d'un roman (d'un conte criminel à suspense, bien sûr) magnifiquement écrit. À découvrir absolument !

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 04:55

Agente littéraire à Londres, Elsie Thirkettle s'occupe des intérêts d'Ethelred Tressider, peu connu parmi les auteurs de polars, romancier utilisant plusieurs pseudos. À vrai dire, Elsie “s'occupait” de Tressider, car celui-ci s'est envolé depuis quelques temps. Peut-être crise de la cinquantaine, envie de goûter aux plaisirs du monde avec sa conquête du moment. Il semble bien qu'après un détour par Goa, en Inde, Tressider ait actuellement échoué dans un hôtel médiocre du Val de Loire, en France. C'est là qu'en ce mois de décembre, Elsie le retrouve, à court d'argent depuis qu'elle a supprimé ses cartes de crédit. L'hôtel a accueilli des philatélistes venus pour une foire aux timbres, mais la plupart sont déjà repartis. Elsie est folle des meilleurs chocolats, ce qui lui fait un point commun avec Davidov, client russe de l'établissement. S'il est réellement philatéliste, c'est surtout un riche homme d'affaires.

Il ne jouit pas d'une parfaite réputation, Davidov. La ville indienne de Yacoubabad a été polluée, causant sept cent morts, à cause d'une de ses usines. Ce qui lui ferme les portes de quelques investissements qu'il avait programmé. Présent dans cet hôtel, Jonathan Gold est un militant écologiste qui lui voue une haine féroce. Par contre, Elsie se laisserait volontiers séduire par Gold, qui reste plein de froideur. Le meurtre de Jonathan Gold, qui a été poignardé, entraîne une enquête. Avec interdiction pour les clients de quitter l'hôtel. Pour Elsie, Davidov s'avère le suspect logique. Mais peu après, le Russe décède d'une crise cardiaque. Peut-être y a-t-il un lien avec cette enveloppe qu'il a retrouvée vide dans le coffre-fort de l'hôtel, ou pas du tout. Vérification faite, la mort de Davidov n'est pas si naturelle. Il a été empoisonné avec des chocolats fins, son péché mignon.

Elsie a glané clandestinement quelques indices dans la chambre du Russe, mais ne sait en tirer parti. Herbert Proctor, autre client, frôle aussi l'empoisonnement, avant qu'un lavage d'estomac y remédie. En fait, ce fouineur cherchait un moyen de quitter l'hôtel. Dans la clientèle confinée ici, il y encore une poignée d'Anglais et une famille de Danois. Elsie n'a pas oublié cette histoire embrouillée autour d'un timbre rare valant une fortune, une affaire prenant son origine au Danemark. Bizarre qu'un diplomate danois comme Pedersen séjourne dans cet hôtel miteux, d'ailleurs.

Proctor s'arrange pour faire le mur, pris en filature par Elsie. Elle se demande ce qu'il manigance avec cette clé de consigne, à la gare. Elle n'est pas prête à croire que ce soit un détective à la recherche du fameux timbre rare. Tressider n'a pas tout dit à Elsie. Il est là pour accomplir une nébuleuse mission, à laquelle lui-même ne comprend rien. L'enquêteur français supplie Elsie : “À l'avenir, par pitié, restez en dehors des enquêtes de police... Par pitié, ne portez pas d'accusation contre les autres clients à moins d'avoir quelque chose qui ressemble vaguement à une preuve.” Elle acquiesce, mais ne continue pas moins à suspecter chacun. Une vidéo sur YouTube la met sur une piste intéressante...

L.C.Tyler : Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire (Sonatine Éditions, 2013)

En utilisant la formule “comédie policière”, on risque de transmettre l'idée qu'on parle d'un petit roman léger, agréable mais peu inspiré, cherchant les effets amusants au détriment d'une vraie intrigue. Ce serait oublier l'inventivité enjouée de tant d'auteurs anglais. Avec ce deuxième titre, L.C.Tyler fait preuve d'une belle virtuosité pour marier suspense et humour. C'est à deux voix, celles d'Elsie et de Tressider, qu'on nous raconte ce drôle de séjour dans un hôtel français. Énigme en lieu clos, ou presque, dans la tradition du polar britannique, donc. L'auteur sourit de quelques références à Agatha Christie, Elsie ayant tendance à se prendre pour Miss Marple (plus féminine qu'Hercule Poirot, quand même).

L'écrivain Tressider nous gratifie de ses réflexions sur divers moyens d'occire une victime, sur l'usage (largement répandu dans les romans) de plusieurs poisons ou (plus rare) du poignard, compare les meurtres réels avec les crimes fictionnels. Après moult rebondissements, c'est forcément lors d'une réunion des principaux protagonistes qu'est exposée l'explication finale. L.C.Tyler joue ironiquement avec les codes et conventions de la littérature policière classique. C'est une comédie policière délicieusement excitante qu'il nous a concoctée ici, pour notre plus grand plaisir.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 04:55

Jean-Baptiste Le Goff est capitaine de police à la PJ de Versailles. Séparé de son épouse et de leur fille Marie, ce quadragénaire habite dans Paris, rue de la Croix-Nivert. Depuis peu, il a fait la connaissance de la serveuse Julie, peut-être espoir d'un nouveau départ. Le Goff est chargé de l'enquête concernant la disparition dans l'Essonne de Lucas, treize ans. Il va interroger les parents, mi-sévères mi-absents, ainsi que les voisins, leur fils, et le principal du collège. Il semble s'agir d'une fugue. Malgré une semaine de recherches intensives, pas de trace de Lucas. L'ado est séquestré par un couple vivant en marge. Jean-Claude Pichon et sa femme Monique sont finalement plutôt embarrassés par la présence de Lucas. Par ailleurs, on vient de retrouver dans le même secteur le cadavre d'un enfant Rom âgé de dix ans. La victime a été maltraitée, avant d'être étranglée et déposée là.

Le nommé Besson croit avoir vu quelque chose de suspect dans les environs. Témoignage incertain, car cet homosexuel a des soucis à cause de ses amours contrariées. Son petit ami Albert, qui se fait également appeler Bruno, a récemment disparu. Grâce à un copain habitué des lieux parisiens gays, Besson retrouve bientôt son ex. Retrouvailles tendues, car Bruno/Albert se planque. Chez les Pichon, il est temps d'éliminer Lucas. L'ado parvient à s'enfuir après avoir assommé son ravisseur. Hospitalisé, dès qu'il est remis du choc, le jeune Lucas repère rapidement la maison où il fut retenu. Les Pichon ont déguerpi sans tarder, prenant la direction du Cotentin où l'épouse a de la famille. Ces piteux Bonnie and Clyde sont arrêtés du côté de Barneville-Carteret et renvoyés à la PJ versaillaise. Parmi les relations de Pichon, se dessine la piste d'un énigmatique Claude.

Le Goff ne néglige pas le cas de Besson, qui n'a assurément pas dit toute la vérité. Celui-ci refusant de se montrer coopératif, on lui offre un petit séjour en cellule. Il finit par donner une version assez complète de son témoignage. Ce qui permet d'arrêter Bruno/Albert. Si ce dernier est un petit voleur, il n'a pas le profil du criminel. Après une quinzaine de jours, l'affaire est relancée par la découverte d'un cadavre. Âgé de dix-huit ans, le marginal Yves Tétois fréquentait certainement des homosexuels. Le Goff n'oublie pas le classieux Claude, ce quinquagénaire qui joue à être “invisible”. Suivant ses pressentiments, le suspect reste prudent. Quand le policier déniche un indice solide, ce “Claude” ne tarde pas à menacer la famille de Le Goff. Un amateur d'art fortuné fut l'amant de celui que cherche l'enquêteur. Mais c'est l'intuitive Clothilde qui sera déterminante pour éclairer la vérité...

 Marie-Laure Banville : Achève, et prends ma vie (Pascal Galodé Éd.) – Coup de cœur

Il existe une tradition dans le polar, celle du “suspense malin”. Il se situe au croisement entre le pur roman d'investigation, axé autour de l'enquêteur face à un lot de suspects, et l'intrigue détaillant les multiples facettes, toutes importantes, d'une affaire criminelle. Il ne convient pas seulement d'alimenter une énigme solide et de suivre les protagonistes. Un auteur doit se montrer habile, ruser avec les faits présentés, guider ses lecteurs sur des voies parfois détournées, sans jamais réellement s'éloigner de son sujet. Quand l'exercice est réussi, on peut parler de “suspense malin”. C'est le cas ici.

Sachant qu'il s'agit d'un premier roman, il faut souligner la maturité d'écriture de Marie-Laure Banville. C'est avec fluidité qu'elle nous entraîne dans les méandres de cette histoire, et avec aisance qu'elle navigue dans les décors parisiens et de proche banlieue, autour de l'Yvette. Malgré des meurtres sordides ou le cas perso du policier, elle ne tombe jamais dans le piège d'une tonalité trop dramatique. Au contraire, le couple Pichon prête à sourire, de même que les affres sentimentales de Michel Besson. D'autres personnages s'avèrent singuliers, dont la vieille mère menteuse du principal suspect. Le dénouement eût pu être un peu plus vif. Ce n'est pas un sérieux défaut, puisqu'on a pris un vrai plaisir à suivre le récit. On ne peut que souhaiter lire d'autres romans à venir de cette auteure.

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14 septembre 2013 6 14 /09 /septembre /2013 04:55

Ce vigneron bourguignon est un gastronome. Ou plutôt un maniaque de la bonne cuisine, un “tatillon de la papille”. Un jour, il abat sa femme, qu’il estime mauvaise cuisinière depuis trop longtemps. Elle manquait autant de talent culinaire que de goût vestimentaire. Cacher le cadavre n’est pas un problème : les caves du vigneron sont vastes et équipées. A son ouvrier Christian, un peu simplet, il dit que son épouse est partie au Rwanda. L’humanitaire, c’était la passion de sa femme. Il finit par se convaincre qu’elle y effectue vraiment une longue mission.

A Macon, le vigneron croise par hasard une jeune paumée, Aline. Cette fille, il devine que c’est une cuisinière douée, l’aubaine du gourmet. Elle est réticente quand il veut l’engager, mais accepte. Au début, il doit la mater, l’adapter à ses horaires et à ses désirs gustatifs. Au besoin, une torgnole la remet dans le droit chemin. Christian va aider Aline pour le jardin. On y cultivera légumes et plantes nécessaires aux mets à venir. Puisqu’on collecte des vêtements pour le Rwanda, le vigneron charge Aline de trier ceux de son épouse, avant de les expédier.

Les artichauts à la barigoule ratés, ce n’est pas plus appétissant que de la pâtée pour chiens. A cause de ce plat infect, le vigneron s’énerve. Il sort son flingue, visant la jeune cuisinière. Il ignore que, si tout le monde a un passé, celui d’Aline fut très particulier… La pulpeuse Vanessa avait des projets au Portugal. Avec son amante, elles braquèrent un caviste afin d’avoir le fric pour le voyage. Elle claquèrent cet argent dans un hôtel de Macon. Finalement, Vanessa fila seule vers Lisbonne, abandonnant sa compagne. Cette dernière fut embauchée par le vigneron, qui exploita ses capacités culinaires. Elle économisa son salaire pour rejoindre Vanessa. En triant les vêtements de la femme de son patron, elle fit une belle trouvaille...

Chantal Pelletier : Tirez sur le caviste (Éd.Pocket, 2013)

Excellente initiative que cette édition en format poche de ce polar vif, caustique et amoral de Chantal Pelletier. Bien qu'il s'agisse d'un roman assez court (soixante-dix pages), cette scénariste confirmée donne une solide structure à son intrigue. Le portrait de ce gastronome égoïste est un régal : “J’avais effectivement tendance à être un peu intransigeant avec la nourriture, ce qui me paraissait normal (…) je mangeais quatre fois par jour, je ne voyais pas pourquoi il aurait fallu que je cauchemarde des milliers de fois par an.” Quant au cordon-bleu qu’il déniche, ce n’est pas exactement la jeune femme soumise qu’il imagine. Ce suspense offre un vrai plaisir de lecture.

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