Au Quai des Orfèvres, le commandant Gorin est chef de groupe à la Criminelle. Il est assisté du fidèle Garnier et du
jeune Pensec, peu endurci mais plein de bonne volonté. Policier efficace âgé d’une quarantaine d’années, Philippe Gorin apparaît taciturne de nature. Le récent décès de sa mère a accentué son malaise intérieur. Côté cœur, Gorin vit depuis
un an avec la belle Évelyne. Tous deux s’entendent à merveille, même si elle a un peu bousculé les habitudes de célibataire de Gorin. Néanmoins, la principale passion du policier reste son métier
: “Chaque affaire, rencontre, défaite ou victoire le régénérait, lui faisant franchir des paliers successifs dans la compréhension des autres. Il y puisait son
énergie.”
Alors qu’il vient de recevoir personnellement une lettre anonyme codée, Gorin est chargé d’enquêter sur le meurtre d’un inconnu. Non loin du Sacré-Cœur, l’homme a été tabassé à mort. Les policiers ignorent encore qu’Antoine Louvain, critique littéraire, avait improvisé une filature à travers Paris. Il suivait un grand rouquin suspect aux airs de moujik, un rustaud ayant rencontré des personnes élégantes, dont une très belle femme et une sorte de Lord. Le rouquin était un russe nommé Vadim Smirnoff. Vu l’importance de sa mission en cours, il a préféré éliminé un gêneur tel que Louvain, avant de s’envoler vers Khabarovsk. Une ville proche de la Chine, où Vadim entretient des contacts pour un projet aussi secret que risqué.
Un schizophrène s’est évadé d’un hôpital psychiatrique, faisant plusieurs victimes, avant de rejoindre la femme qui l’a incité à s’échapper. Elle a préparé un refuge provisoire pour ce malade mental dangereux. Elle le baptise Faust, prenant elle-même le pseudo de Némésis. Le monstre va vite passer à l’action. Le cadavre d’un SDF est découvert décapité sur l’Île-aux-Cygnes, îlot de la Seine au centre de Paris. “Salut Gorin ! T’as le bonjour de Faust !” Tel est le message que le tueur a laissé sur les lieux, aussi incompréhensible que la lettre anonyme pour Gorin. Le cadavre de Louvain est identifié, ce qui n’offre guère de pistes aux enquêteurs. Il était trop solitaire pour avoir des ennemis l’exposant à une mort si brutale.
La belle commissaire Laura Antonelli est aujourd’hui un des piliers de la DCRI, au même titre que son collègue Marbot de la DGSE, un homme aux allures de Lord. S’apercevant que Vadim est recherché par la Crim’, Laura renoue avec Gorin, bien qu’une certaine tension persiste entre eux. Elle ne lui révèle rien de l’affaire qui relie son service avec le Russe. Le plus délicat est de ne pas se laisser prendre de vitesse par Gorin, dont elle connaît la ténacité. En effet, tandis que Faust rôde toujours autour du policier, s’en prenant bientôt à sa compagne Évelyne, Gorin va devoir s’éloigner de Paris pour approcher de la vérité, bien aidé par Pensec. Peut-être fera-t-il aussi la lumière sur un aspect plus personnel ?…
Apparu dans “La femme que j’aimais”, Gorin est un personnage complexe, flic pur et dur, mais aussi un homme tourmenté : “Tout le monde convenait qu’il était probablement l’un des meilleurs limiers qu’ait jamais eu la Crim’, mais son caractère renfermé, sa difficulté à communiquer avec ses collègues, ses brusques sautes d’humeur, l’avaient marginalisé. Peu nombreux auraient été ceux prêts à le soutenir en cas de coup dur. La rumeur l’accusait même de faire preuve, parfois, de plus de compassion pour les criminels qu’il arrêtait que pour ses collègues policiers.”
Le voici qui s’occupe d’une affaire meurtrière terriblement mystérieuse. Si Gorin n’en possède pas les clés, le lecteur est mieux informé que lui. Car on ne nous cache pas l’évasion de Faust, la filature de Louvain, le voyage de Vadim, le rôle de chaque protagoniste, bien d’autres péripéties singulières et énigmatiques. Il s’agit davantage d’un roman d’aventures, avec ses multiples méandres et son atmosphère où planent tant de questions, plutôt qu’une enquête classique balisée. Il convient de se laisser porter par l’action, d’en suivre les héros même s’ils obéissent à de sombres motivations. Un palpitant suspense, dans la grande et belle tradition du genre.