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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 06:02

 

Née en 1938, Sandra Scoppettone connaît une belle notoriété en France depuis les années 1995-1999, grâce à sa série de suspenses ayant pour héroïne Lauren Laurano. Il ne faudrait pas occulter d’autres titres, tout aussi intéressants. Par exemple, "La mort dans l’art", roman fut initialement publié sous la signature de Jack Early, de même que "Petite musique de mort" et "Donato père et fils". Autre noir suspense très intense bien que moins connu, "De peur et de larmes" mérite également d’être apprécié.

SCOPPETTONE-1"La mort dans l’art" : New York, au début des années 1980. Ex-policier, Fortune Fanelli est détective privé. Divorcé, il élève seul ses deux enfants, dans son quartier natal de SoHo. Il est contacté par Charles Horton, qu’il ne connaît pas. C’est le cadavre de Jennifer, nièce d’Horton, qu’on vient de trouver dans la vitrine d’une boutique de SoHo. La jeune fille était à la recherche de son frère Patrick, 15 ans. Ce dernier, disparu depuis quelques semaines, avait fui sa famille. Horton engage Fanelli pour retrouver son neveu.

Le père de Jennifer et Patrick est un homme dur et glacial. Son épouse lui est trop soumise. C’est à cause de cette rigidité que leurs enfants ont quitté le New Jersey pour New York. Ni la proviseur, ni les parents n’ont compris que Jennifer prenait de la cocaïne. Fanelli remarque la pure beauté de Patrick. Un physique attirant les homos, mais l’adolescent détestait les gays. Son oncle Charles en fait partie. Tout comme Robert Sheedy, l’artiste peintre qui recueillit le jeune garçon à New York. Ce qu’ignorait Patrick. Homos, pas pédophiles, Horton ou son ami Sheedy n’auraient pas fait de mal à Patrick. C’est plutôt du côté des galeries d’art que Fanelli doit enquêter. Quand il se fait sérieusement assommer, le privé soupçonne le nommé Doug Fanner. Il a confirmation que c’est un dealer de drogue, et qu’il possédait la clé de la boutique où Jennifer fut découverte. On trouve le corps de Fanner dans la galerie d’art de Sarah Barber, dont il fut un moment l’amant. Mais c’est à l’Eurogallery que Fanelli déniche la vérité…

Quatre atouts principaux : une véritable histoire de détective privé; le décor new-yorkais (de l’époque) décrit avec affection; l’homosexualité évoquée sans caricature ni tabou; un humour fort agréable (fantasmant sur Meryl Streep, Fanelli tombe amoureux de son sosie). Notons encore le regard de l’auteur sur le monde artistique de New York, aussi commercial que souvent superficiel.

SCOPPETTONE-2"De peur et de larmes" : Âgée de 42 ans, Lucia Dove est shérif en Virginie. Avec son adjoint Jack Fincham, elle enquête sur la disparition d’une ado, Julie Boyer. Celle-ci avait ses secrets. Elle fréquentait Buster Clark, un voyou. Et puis, elle correspondait par Internet avec un jeune homme de Floride, Lyle Taylor. D’ailleurs, celui-ci se trouve dans les parages. Interrogé par la police, Taylor nie d’abord. Il finit par admettre avoir rencontré Julie. Maladroit, il n’a pas su la retenir. Mais il n’avoue pas l’avoir enlevée ou tuée.

Le cadavre de Julie est retrouvé. Mike, ex-mari de Lucia Dove, appartient au FBI. Leurs rapports restent conflictuels. Selon lui, plusieurs meurtres non élucidés ressemblent à celui de Julie – dont un en Floride, près de chez Lyle Taylor. Lucia et Jack se rendent dans cette région. Pour eux, c’est l’occasion de s’avouer leurs sentiments amoureux mutuels. Jack ne veut plus vivre avec Bonnie Jo, sa femme alcoolique. Peu après leur retour, Jack découvre son épouse pendue chez eux. Il croit à un suicide, mais cela semble être un meurtre. Jack est vivement suspecté. Devinant que Lucia et Jack sont amants, Mike défend cette hypothèse. Deux sœurs sont assassinées, selon la même méthode que pour Julie et les précédentes. Des indices accusent Jack de ces trois récents meurtres. Il est déstabilisé, mais se dit innocent. On apprend que Bonnie Jo avait un amant, l’introuvable Bernard Zanville…

Si l’on peut envisager longtemps la culpabilité de tel ou tel suspect, la réalité apparue en filigrane s’impose progressivement. C’est dire que la narration est maîtrisée. Les personnages sont réellement décrits avec subtilité. Loin des thrillers formatés ou aseptisés, cette histoire apparaît vivante et crédible.

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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 06:15

 

Retour sur le roman de Jake Lamar publié en septembre 2009, Les fantômes de Saint-Michel (Éd.Rivages). Un très bon suspense !

Paris, fin de l’été 2001. Sexagénaire, Marva Dobbs est une célébrité parisienne, icône de la communauté afro-américaine. Ex-chanteuse, elle s’est installée en France au début des années 1960. À cette époque, Marva a épousé Loïc Rose, un Breton natif de Camaret, vivant avec sa mère dans la capitale depuis la guerre. Il est devenu un brillant avocat fiscaliste. Marva a créé un restaurant, le Soul Food Kitchen, aujourd'hui une institution fréquentée par le Tout-Paris, et par une clientèle de touristes Noirs américains. Le couple a une fille, Naima, âgée de vingt-trois ans. Elle poursuit des études de cinéma à New York, où elle vit avec un étudiant sérieux, Darvin.

LAMAR-2009Après des vacances avec Loïc en Bretagne, Marva rentre à Paris plus tôt que prévu. Voilà quelques mois, elle a engagé un employé de vingt-huit ans, Hassan. Elle a eu une ardente liaison avec ce jeune cuisinier. Mais elle a compris qu’il est temps que cesse la relation entre eux. Quand Marva arrive dans son restaurant, l’inspecteur de police Lamouche est sur place. Il recherche Hassan, disparu depuis quelques jours. On le suspecte d’être l’auteur de l’attentat visant le siège du WORTHEE, organisme culturel américain, acte criminel ayant causé une victime. Marva ne croit guère à la culpabilité d’Hassan. Toutefois, quand elle organisa leur buffet du 4-Juillet, elle se souvient qu’il s’intéressait de près à la configuration de l’immeuble du WORTHEE.

Où chercher Hassan ? Tout juste Marva sait-elle qu’il a quatre compagnes, sept enfants, et qu’il vit à Montreuil avec son cousin Ramzy. Troublée, fatiguée, elle est victime d’un grave accident de voiture. Loïc Rose téléphone immédiatement à Naima, afin qu’elle rentre de New York. Elle aurait préféré revoir Paris, la fontaine de la place Saint-Michel, et ses parents dans d’autres circonstances. À peine de retour, elle apprend que sa mère a disparu à son tour. Elle a quitté l’hôpital en pleine nuit, accompagnée d’un homme qui ne peut qu’être Hassan. Ancien flirt de Naima, Juvenal est prêt à l’aider si elle en a besoin. Quand le manager du restaurant est assassiné, les soupçons se portent encore sur Hassan. Jeremy Hairston et lui s’entendaient très mal, Marva soutenant plutôt son jeune amant que son manager. À Montreuil, dans l’appartement d’Hassan, Naima fait la connaissance de Marie-Christine, qui offre un alibi au suspect.

L’ombre de l’Autorité plane sur cette affaire. Cleavon Semple, vieux baroudeur Noir qui fut un proche de Loïc, est recontacté par l’énigmatique Harvey Oldcorn. C’est un jeu pervers entre frères ennemis que mène cet agent de l’Autorité, partisan de la manière forte pour défendre la suprématie américaine. Le quartier Saint-Michel, visé par les attentats de 1995, va être le théâtre d’un règlement de compte autour de sa fameuse fontaine…

Lamar-DédicaceVoilà un polar mouvementé qui ne manque pas de qualités. Ce sont d’abord les personnages, détaillés avec soin, qui retiennent l’attention. Tous expriment un vécu qui sonne juste ou apparaissent dans des scènes crédibles. Certes, le policier français Lamouche n’est guère brillant, mais pas antipathique non plus. La méthode utilisée pour dévoiler certaines précisions, à travers les Mémoires de Cleavon Semple, dénotent d’une habile construction du récit. Le contexte des afro-américains, de leur histoire face aux Blancs, est évidemment évoqué. Sans défendre unilatéralement les uns plutôt que les autres : Les Blancs affirment unanimement que le racisme n’existe pas, mais ils restent entre eux. Les Noirs, eux, n’arrêtent pas de se plaindre du racisme, mais s’agglutinent dans les mêmes quartiers, tout comme les Blancs. Cette obsession raciale, les Américains la transportent dans leurs gènes. Un véritable apartheid mental.

L’auteur cite aussi quelques tragiques évènements de l’histoire française et de la répression politique, qu’il est bon de ne pas oublier. Plus souriant, Jake Lamar s’amuse de notre prononciation approximative de la langue anglaise, ou de nos comportements négatifs : Un Français commence toujours par vous opposer cette déclaration de capitulation totale et inconditionnelle, comme si vous lui demandiez de défier les lois de la gravitation : C’est impossible ! De belles touches d’humour, complétant une intrigue au suspense animé, dans la bonne tradition.

[Signalons juste un petit problème "technique" agaçant : les nombreux mots "en français dans le texte" sont à la fois en italique et suivis d'un astérisque. Résultat lourdingue, gênant la lecture.]

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 06:10

 

Dans Le mystère de la maison Aranda (10-18 Éd., 2010), Jerónimo Trístante nous entraînait à Madrid vers la fin du 19e siècle. Cette première enquête de son héros Victor Ros, qu’on retrouve dans L’affaire de la Veuve Noire (Éditions Phébus, 2010), s’avère tout simplement impeccable.

Le sous-inspecteur Victor Ros Menéndez rentre à Madrid au printemps 1877. Âgé de 27 ans, ayant démontré ses capacités à Oviedo, il intègre la Brigade Métropolitaine au commissariat de la Puerta del Sol. Don Armando Martínez vient de mourir. C’est grâce à l’influence de ce policier que Victor a choisi de renoncer à la délinquance. Ce retour est teinté d’une certaine amertume : La vérité, c’est qu’il se sentait perdu; il s’était fabriqué une façade qui impressionnait les autres, celle d’un jeune homme séduisant, brillant, à la mentalité moderne, novatrice, mais au fond, par bien des aspects, il était plongé dans un océan de doutes. Il se sentait orphelin de sa mère et de don Armando, et Madrid s’était beaucoup agrandi, beaucoup trop. Partisan d’une plus grande liberté, Victor n’apprécie guère le conservatisme et l’instabilité politique régnant dans son pays.

TRISTANTE-1018Trois prostituées ont été assassinées de manière identique depuis un mois. Amie de Victor, Lola s’inquiète de ces crimes touchant des consœurs. Le sort de ces femmes n’intéressant personne, le policier va mener une enquête officieuse. Il apprend qu’une vieille portant une horrible verrue a recruté les victimes, pour un homme de la haute société. Difficile d’en découvrir davantage. D’autant qu’une autre affaire plus importante est attribuée à Victor et à son partenaire. Elle concerne la famille de don Augusto Alvear, un aristocrate désargenté. Celui-ci n’est autre que le père de Clara, 20 ans, dont Victor est secrètement amoureux. Récemment mariée à Donato Aranda, Aurora (sœur aînée de Clara) vient de tenter d’assassiner son époux. Cet acte pourrait se justifier par la réputation de leur maison, qu’on dit ensorcelée, où deux meurtres furent autrefois commis.

Un exemplaire maléfique du livre de Dante, La Divine comédie, serait associé à ces crimes. Victor n’est pas longtemps dupe de cette mise en scène. Il interroge hors de la maison la domestique Nuria, ainsi que le majordome et sa mère, afin de se faire une idée plus précise de l’histoire de cette maison Aranda. Le jeune policier trouve aussi l’occasion de se rapprocher de Clara, suffragette aux idées plus libérales que celles de sa famille. Victor a sympathisé avec don Alberto, comte du Razès, un dandy passionné d’affaires policières. C’est surtout l’aspect scientifique des investigations qu’il développe, ce qui intéresse et intrigue à la fois Victor. Quand le cadavre décomposé d’une femme est retrouvé, il apparaît qu’elle a été assassinée de la même façon que les prostituées. Or, celle-ci faisait partie de la noblesse. Désormais, Victor est autorisé à enquêter officiellement.

Hernández, l’ami de cœur d’Aurora, pourrait être suspecté de jouer un vilain rôle dans ce dossier. Victor ne doute pas de la sincérité de Donato Aranda, le mari blessé. Parmi les fréquentations de sa jeune épouse, un homme peut avoir une influence néfaste. À moins que la maison, avec son lourd passé, soit réellement maudite ? Il est vrai qu’elle recèle un secret. Pendant ce temps, l’assassin des prostituée sévit toujours. Victor le démasquera, peut-être un peu trop tard…

Concernant un roman de belle qualité tel que celui-ci, il y a fort peu de choses à ajouter. On sent parfaitement le contexte d’une Espagne rétrograde, freinant la modernité, enracinée dans ses pesantes traditions. Le partenaire et le supérieur de Victor ne sont pas antipathiques, mais n’ont pas la fougue du jeune policier idéaliste. Sa relation avec l’angélique Clara est-elle possible, considérant la différence de milieux sociaux ? Classiquement, deux affaires criminelles s’entrecroisent, mais le lien énigmatique entre elles reste à cerner. Reconstitution documentée et intrigue habile sont les deux atouts majeurs de cet excellent suspense.

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24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 06:04

 

Inutile de préciser que le Prix du Quai des Orfèvres n’a pas toujours offert aux lecteurs un choix convaincant. Toutefois, celui de 2004, Les sarments d’Hippocrate de Sylvie M.Jema fit partie de ces bons suspenses qui se lisent avec grand plaisir. Retour sur une intrigue criminelle en milieu hospitalier, qui mérite l’intérêt.

JEMA-2004À 57 ans, le professeur Desseauve est le patron du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital, dans une ville de Normandie. Depuis deux mois, il reçoit des lettres anonymes. Le lieutenant de police Stéphane Brandoni est chargée de l’affaire. Stéphane est la sœur de Cécile, interne dans ce service. Peu après, Cécile trouve le cadavre de Bénédicte, secrétaire et maîtresse de Desseauve. On hésite entre meurtre, suicide, et mort naturelle. Le légiste choisit cette dernière explication, tout en émettant un doute. Desseauve admet que Bénédicte était enceinte de lui. Krügel, le mari, en est informé. Il accepte très mal la situation.

C’est encore Cécile Brandoni qui découvre le corps du professeur, tué dans son propre bureau. Deux personnes s’étaient disputées peu avant avec lui, dont l’époux de la secrétaire. Peu d’indices pour Stéphane Brandoni et son collègue Pujol, qui inculpent leur suspect idéal : Krügel. Mécontent, l’auteur des lettres anonymes vient se dénoncer à la police. Mais la libération logique de Krügel est suspendue. Il se savait trahi par sa femme adorée. Celle-ci était allergique aux anxiolytiques. Il lui en fit absorber par ruse, causant sa mort sans prendre de risque. L’assassin du médecin, lui, explique ses actes par une vengeance justifiée. Marc Tobati, du même service, est assassiné. C’est de nouveau Cécile qui le trouve. Heureusement, son compagnon Salvador est là pour aider moralement Cécile. Stéphane est écartée de l’enquête, mais son ami Pujol reste en contact. Celui qui s’est dénoncé va retourner en psychiatrie. Mme Desseauve, épouse du professeur, s’aperçoit que sa fille Clara et elle-même partagent le même jeune amant…

L’auteur respecte les règles de l’art dans ce solide roman de forme classique. Grâce à un très bon rythme et plusieurs rebondissements, on suit cette histoire avec grand plaisir. On notera la précision des détails sur le service hospitalier, JEMA-2008ainsi que l’hypocrisie bourgeoise liée à certains milieux. Ambiance et portraits sont fort réussis, avec une dose d’humour. Les plus perspicaces identifieront le principal assassin, sans que cela nuise à l’intérêt du récit. Voilà un roman policier dans la meilleure tradition.

Sylvie M.Jema a publié depuis Pouzzolane et fleur de thé (Fayard, 2008), ainsi présenté : « Saint-Cyprien les Roches, un village d'Auvergne profonde et meurtrière. Au clocher, la Marie-Bernadette sonne le glas des morts violentes. Le médecin n'en délivre pas moins les permis d’inhumer, et le curé prononce les absoutes... Une Anglaise dévouée à la défense des animaux agresse ses voisins. Un ancien légionnaire fouille dans l'histoire des familles. La bonne du curé sent le soufre... Qui a dit que l'on s'ennuyait à la campagne ? En rupture de vie parisienne et de hiérarchie, une jeune policière retrouve son amie d'enfance, gendarme. Pourront-elles exhumer les secrets enfouis dans ce terroir âpre dont Alexandre Vialatte disait justement qu'il exhale une odeur de bure et de mystère ? »

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 06:15

 

Dans la collection Polars en Nord, Roland Sadaune a publié l’an dernier Pélicans-les-Bains. Il revient avec un nouveau titre, Le loup d’Abbeville (Ravet-Anceau, 2010), sombre suspense très convaincant.

Écrivain quadragénaire, Sylvain Target est très marqué par le décès subit de son père Rémy, instituteur retraité âgé de 69 ans. Il s’est noyé en bordure du port de Saint-Valéry-sur-Somme. Sylvain s’interroge, tout autant que l’artiste peintre Martineau, qui a découvert le corps. Rémy ne fréquentait jamais la plage où on l’a trouvé. Il ne portait pas de veste, malgré la fraîcheur du petit matin. Ses vêtements sont secs, alors l’accès aux lieux l’aurait obligé à se mouiller à cause de la marée. En outre, la maison de l’ex-instituteur n’est pas fermée à clé. Sa commère de voisine a entendu des éclats de voix la veille au soir. Un message sur le répondeur téléphonique de Rémy Target émane d’un nommé Duquesne, que son fils Sylvain ne connaît pas. Agent immobilier arrogant, l’oncle Francis Target affiche de l’indifférence vis-à-vis de la mort de son frère aîné. Marin-pêcheur, l’oncle Gilbert Target se montre beaucoup plus amical avec son neveu.

SADAUNE-PolarNord_2010Sylvain rentre chez lui, à Abbeville, avec quelques documents appartenant à son père. Des cahiers de souvenirs, ainsi que le plan d’un terrain. Sylvain n’a jamais entendu parler de cette parcelle fantôme qu’il a du mal à situer précisément. Son logement ayant été visité, se sachant suivi en voiture, Sylvain sent planer une menace autour de lui. Le peintre Martineau est assassiné avant d’avoir pu rencontrer Sylvain, alors qu’il avait des photographies à lui confier. L’atypique policier Leray, qui a déjà auditionné Sylvain, est chargé de l’enquête. 47 ans, taille moyenne, il était vêtu d’un costume gris foncé, d’un polo noir et d’une parka gris clair. Le visage émacié, la courte brosse brune, les yeux anthracite et les lèvres minces justifiaient-ils ce surnom de Capitaine Wolf, attribué par il ne savait plus qui ni à quelle occasion ? Un loup célibataire qui ne fumait, ni ne buvait. Voire un loup blanc, avec un parcours rempli d’embûches…

Les policiers retrouvent les photos du peintre, ce qui les me sur la piste d’un 4x4 pick-up, véhicule que Sylvain a déjà remarqué lui aussi. Le type qui le prend en filature dans une voiture blanche n’est pas le plus dangereux. Il est au service de l’oncle Francis. Par contre, Sylvain est bientôt visé par un tir venant du 4x4 pick-up. Dans les cahiers de son père, il constate que Rémy s’intéressait à la généalogie. Ce qui est le métier de ce Duquesne, qui l’avait contacté. Sylvain ne découvre rien de nouveau sur l’énigmatique parcelle de terrain. Le policier Leray interroge les oncles de Sylvain. En particulier, le marin-pêcheur Gilbert, qui a possédé un 4x4 très semblable à celui recherché. Ce qui mène Leray chez un garagiste country agressif et peu honnête. Finalement, le policier obtient le nom du client ayant acquis le véhicule. On comptera encore quelques meurtres dans cette affaire, avant de savoir qui est le commanditaire, quelle est sa motivation…

Voilà un polar vrai de vrai déployant ses mystères et ses péripéties, tandis qu’un assassin continue à éliminer les témoins gênants. L’ambiance sombre et tourmentée nous indique bien qu’il ne s’agit pas d’un ordinaire roman d’enquête. Le policier évolue dans la noirceur et sous la pluie, n’hésitant pas à bousculer quelques règles. Il doit outrepasser la confusion régnant dans cette affaire, et ne pas trop céder à une violente latente, afin d’arriver à faire la lumière. C’est une histoire criminelle idéalement maîtrisée que nous a concocté ici l’expérimenté Roland Sadaune. Bien dessinés, les personnages conservent des contours flous. La tension est dense, permanente. Et si l’on vous dit que c’est dans le 4e cahier de son père que Sylvain trouve l’explication, ça vous aide à comprendre ? Sans doute pas, puisque c’est tout le contexte de cette intrigue qui en fait la force. Encore un excellent suspense noir de ce prolifique auteur de talent.

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22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 06:05

 

A Brest, Gaétan Letrusel est le reporter de choc du Quoréo, grand quotidien régional. La mort d’un inconnu pendant son jogging passerait inaperçue, si l’on ne relevait des traces de cyanure. L’épouse de cet homme a eu un accident de voiture le même jour, ce qui complique son identification. Gaétan contacte son ami policier Gérard, qui peut bientôt le renseigner. La victime est Jacques-Michel Loiseau, cadre chez CréditFric. SEGALENCredit-2010Cette société appartient au groupe bancaire CCB, qui ne tarde pas à faire pression pour minimiser l’affaire. Gaétan apprend que Loiseau négociait la cession de CréditFric à des investisseurs étrangers. La signature était prévue le lendemain de sa mort.

Si l’accord était secret, une personne bien informée a pu éliminer Loiseau pour bloquer la transaction. Car ça ne sera pas sans conséquences pour les employés. Mais l’homme étant aussi un séducteur, l’hypothèse d’un mari jaloux n’est pas à exclure. D’ailleurs, un indic anonyme affirme que Loiseau avait rendez-vous avec une femme. La voiture vue sur les lieux est celle de Dangard, le DRH de CréditFric. Il a un solide alibi. Tout en suivant le dossier des victimes de l’amiante, Gaétan s’intéresse aux rouages de CréditFric et du CCB. Leurs détestables méthodes bancaires l’exaspèrent. Leur attitude concernant le personnel ne vaut guère mieux. Le projet de cession inquiète. Une grève se prépare.

Grâce à une standardiste complice, Gaétan suit les évènements au sein de CréditFric. L’épouse de Dangard a bien rencontré son amant Loiseau ce jour-là, profitant de l’absence et de la voiture du mari. Cocufié et écarté de la négociation, le DRH avait un double mobile. Les interrogatoires de police l’ayant secoué, Dangard se dispute avec sa femme. Sa mort devra être éclaircie par la Justice. Le cas d’un ex-salarié de CréditFric peut expliquer le meurtre de Loiseau...

L’intrigue criminelle n’est pas primordiale. Néanmoins, l’enquête sert de fil conducteur à cette histoire. Sont abordées ici les pratiques des groupes financiers, méprisant autant leurs clients que leurs employés. Laurent Ségalen dénonce les méthodes pernicieuses du crédit à la consommation. L’esprit coopératif des banques est oublié, seul le profit importe. L’endettement de la clientèle est très rentable. Ce réquisitoire argumenté peut sembler un peu démonstratif, mais pas faux. Gaétan Letrusel, dont le nom est (presque) l’anagramme de celui de l’auteur, est un héros dynamique et sympathique.

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21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 08:00

 

Maïté Bernard rencontre Gabriel Lecouvreur. Elle publie Même pas Malte (Éd.Baleine, 2010), un épisode des aventures du Poulpe. Petit résumé de cette intrigue pleine de suspense et d’action !

BERNARD-Poulpe2010Qu’est-ce qui peut sortir Gabriel Lecouvreur de sa morosité continuelle ? Peut-être la perspective de revoir la flamboyante rousse Brigid Waterford. Neuf ans plus tôt, le Poulpe et l’aventurière ont partagé les péripéties d’une même affaire. À Toulon, Brigid vient de découvrir le cadavre d’une femme. Entre les jambes de la défunte, un vase historique afghan censé se trouver au Musée Guimet. C’est là que Gabriel re-contacte Brigid, aujourd’hui âgée de 36 ans, dont le charme reste ravageur. Autant que celui de son arrière grand-mère Brigid O’Shaunessy, qui inspira à Dashiell Hammet le personnage du Faucon Maltais. L’original du vase figure bien dans l’expo du musée. Il est moche, mais d’une inestimable valeur. Brigid retrace pour Gabriel l’historique des fouilles archéologiques en Afghanistan, qui mirent au jour ces trésors dont le vase fait partie.

Brigid a dérobé à Laure Brenner (le cadavre) son argent, sa carte bancaire et les clés de son appartement de Barcelone. Elle est sûre qu’il y a du fric à glaner, et demande à Gabriel de jouer à l’ange gardien. Ayant renâclé pour le principe, il l’accompagne en Espagne. Comme il s’en doutait, l’adresse de Laure Brenner est fausse. Par contre, les tatouages que Brigid a remarqué sur le corps de Laure Brenner leur offre une piste. À Cadaques, ils interrogent un tatoueur polynésien qui ne se souvient pas de la jeune femme. Il les envoie chez son collègue tahitien Titi, près de Barcelone. Bien que celui-ci ne soit guère causant, il lâche le nom du journaliste Isidore Balard, qui lui a aussi posé des questions sur Laure Brenner. Retour à la grisaille parisienne pour Gabriel et Brigid.

Effectivement, Isidore a enquêté sur le mari de Laure, Max Brenner. Mêlé à des trafics mafieux d’œuvres d’art, celui-ci serait mort en 1995. Des trésors afghans ont assurément été détournés par Max Brenner, qui laissa une fortune à sa veuve. Brigid jubile : Je savais bien qu’il y avait de l’argent à trouver dans cette histoire. Si j’arrive à mettre la main sur les comptes de Laure Brenner, je suis riche. Le journaliste leur confie ses documents sur le couple. Gabriel et Brigid bousculent Fabrice Micheli, collectionneur égocentrique qu’ils supposent être le commanditaire du faux vase afghan. Il finit par leur donner un nom et une adresse, du côté de Séville.

Maïté BernardGabriel se demande s’il doit persévérer, pour les beaux yeux de sa rousse amie : Les femmes ! Cette manie du "Tout ou rien" ! Cette religion de l’absolu ! Il n’allait tout de même pas tomber amoureux rien que pour faire plaisir. Pourtant, il continue à suivre Brigid d’Andalousie à Londres, explorant le repaire de pilleurs d’œuvres d’art, visitant le palais d’une duchesse qui observe une relative légalité dans ses achats de pièces rares, questionnant un gigolo facile à secouer, rencontrant un petit Sikh qui va les aider à trouver le coupable…

Certains épisodes du Poulpe sont militants, s’inscrivant dans la réalité sociale de l’époque. Le trafic des biens culturels fait tout autant partie des faits de société actuels. Sans s’écarter de l’esprit du personnage, Maïté Bernard choisit donc une version qui fait la part belle à l’aventure, aux péripéties multiples et agitées. C’est évidemment Brigid-la-séductrice qui mène la danse, mais Gabriel n’en est pas moins un témoin fort impliqué dans cette affaire. Dès qu’il s’agit de remuer les récalcitrants, d’obtenir d’utiles informations, le Poulpe met la pression. Démanteler un tel réseau sans trop s’exposer aux mauvais coups, pas si simple. Finalement, entre la blonde Chéryl et sa rousse partenaire, devra-t-il choisir ? Il ne suffit pas d’être extrêmement attachante pour capter le cœur du Poulpe. On suit avec grand plaisir cette aventure mouvementée, entraînante et palpitante à souhaits.

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 06:26

Romancier et scénariste de BD, José-Louis Bocquet publia dans la Série Noire "Sur la ligne blanche" (1993), "Point mort" (1994), "Karmann blues" (1996), ainsi que beaucoup d'autres livres chez divers éditeurs. En 2010, il a publié "Les lumières de la ville ne s'éteignent jamais" (Le Masque). Retour sur un de ses très bons titres, sorti en 2002 : "Les chênes rouges" (Le Masque).

BOCQUET2002Bretagne, forêt de Brocéliande. Vincent, jeune maçon, découvre un œil qui le regarde lors du décoffrage d’un pilier en béton. Pour l’enquête, le capitaine Chenevez (flic peu conformiste) rejoint à Kernéant les lieutenants Cattala (jeune femme assez froide) et Morin (authentique noir breton). Selon le Dr Gorry, la légiste, le corps de la victime serait déchiqueté dans ces piliers. Des indices permettent d’identifier la disparue : Sonia, une universitaire de la région. Elle paraît avoir déménagé, mais tout prouve qu’il s’agit d’elle. Les soupçons du policier se portent sur la famille du maçon. Malgré "l’omerta bretonne", il va établir les circonstances de la mort de Sonia.

Mais des détails essentiels manquent. Les témoignages de Pascaline – amie de Sonia – et de Langeac – l’éditeur de la victime – laissent penser que c’est moins simple. Pourquoi Sonia a-t-elle contacté le sulfureux journaliste Jacky Malgorn ? Si les légendes régionales racontées par le guide Gwendal intéressent le policier, il s’interroge sur la personnalité de La Baudrière, hobereau local, et de son régisseur Yann Lansson. Son ami des R.G. le renseigne sur le détestable passé du châtelain. Au cours de l’Histoire, l’autonomie bretonne a connu des pages noires. Il y fut mêlé. Le cadavre de Pascaline est retrouvé. On peut s’inquiéter pour Jacky. Un ancien activiste d’extrême gauche habite par ici sous un faux nom. Chez lui, on récupère le journal de Sonia. Elle y parle de réunions secrètes nocturnes au cœur de la forêt. Des fachos tirent sur les policiers, Morin est blessé. Le "rassemblement païen" visé par le groupuscule pourrait bien être la rave party qui débute dans le secteur...

« Il m’a fallu dix ans pour oser prendre comme héros de mes livres les gens enracinés là où je vis. Je ne voulais pas être faux » (*) dit Bocquet. En effet, décor et personnages sonnent juste. On le croit quand il précise : « Je suis un descriptif plus qu’un imaginatif» (*Dimanche Ouest-France, 28/07/2002.). Car il se sert des réalités passées et présentes pour installer l’ambiance de cette excellente histoire. On part d’une affaire criminelle insolite pour en arriver à l’ambiguïté de la cause Bretonne, entre politique et culture. Un sujet déjà traité, mais que Bocquet sait pimenter à sa façon. La narration fluide progresse à un bon rythme. Un très bon roman, à redécouvrir.

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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ClaudeBySadauneClaude Le Nocher, by R.Sadaune

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