Née en 1938, Sandra Scoppettone connaît une belle notoriété en France depuis les années 1995-1999, grâce à sa série de suspenses ayant pour héroïne Lauren Laurano. Il ne faudrait pas occulter d’autres titres, tout aussi intéressants. Par exemple, "La mort dans l’art", roman fut initialement publié sous la signature de Jack Early, de même que "Petite musique de mort" et "Donato père et fils". Autre noir suspense très intense bien que moins connu, "De peur et de larmes" mérite également d’être apprécié.
"La mort dans l’art" : New York, au début des années 1980.
Ex-policier, Fortune Fanelli est détective privé. Divorcé, il élève seul ses deux enfants, dans son quartier natal de SoHo. Il est contacté par Charles Horton, qu’il ne connaît pas. C’est le
cadavre de Jennifer, nièce d’Horton, qu’on vient de trouver dans la vitrine d’une boutique de SoHo. La jeune fille était à la recherche de son frère Patrick, 15 ans. Ce dernier, disparu depuis
quelques semaines, avait fui sa famille. Horton engage Fanelli pour retrouver son neveu.
Le père de Jennifer et Patrick est un homme dur et glacial. Son épouse lui est trop soumise. C’est à cause de cette rigidité que leurs enfants ont quitté le New Jersey pour New York. Ni la proviseur, ni les parents n’ont compris que Jennifer prenait de la cocaïne. Fanelli remarque la pure beauté de Patrick. Un physique attirant les homos, mais l’adolescent détestait les gays. Son oncle Charles en fait partie. Tout comme Robert Sheedy, l’artiste peintre qui recueillit le jeune garçon à New York. Ce qu’ignorait Patrick. Homos, pas pédophiles, Horton ou son ami Sheedy n’auraient pas fait de mal à Patrick. C’est plutôt du côté des galeries d’art que Fanelli doit enquêter. Quand il se fait sérieusement assommer, le privé soupçonne le nommé Doug Fanner. Il a confirmation que c’est un dealer de drogue, et qu’il possédait la clé de la boutique où Jennifer fut découverte. On trouve le corps de Fanner dans la galerie d’art de Sarah Barber, dont il fut un moment l’amant. Mais c’est à l’Eurogallery que Fanelli déniche la vérité…
Quatre atouts principaux : une véritable histoire de détective privé; le décor new-yorkais (de l’époque) décrit avec affection; l’homosexualité évoquée sans caricature ni tabou; un humour fort agréable (fantasmant sur Meryl Streep, Fanelli tombe amoureux de son sosie). Notons encore le regard de l’auteur sur le monde artistique de New York, aussi commercial que souvent superficiel.
"De peur et de larmes" : Âgée de 42 ans, Lucia
Dove est shérif en Virginie. Avec son adjoint Jack Fincham, elle enquête sur la disparition d’une ado, Julie Boyer. Celle-ci avait ses secrets. Elle fréquentait Buster Clark, un voyou. Et puis,
elle correspondait par Internet avec un jeune homme de Floride, Lyle Taylor. D’ailleurs, celui-ci se trouve dans les parages. Interrogé par la police, Taylor nie d’abord. Il finit par admettre
avoir rencontré Julie. Maladroit, il n’a pas su la retenir. Mais il n’avoue pas l’avoir enlevée ou tuée.
Le cadavre de Julie est retrouvé. Mike, ex-mari de Lucia Dove, appartient au FBI. Leurs rapports restent conflictuels. Selon lui, plusieurs meurtres non élucidés ressemblent à celui de Julie – dont un en Floride, près de chez Lyle Taylor. Lucia et Jack se rendent dans cette région. Pour eux, c’est l’occasion de s’avouer leurs sentiments amoureux mutuels. Jack ne veut plus vivre avec Bonnie Jo, sa femme alcoolique. Peu après leur retour, Jack découvre son épouse pendue chez eux. Il croit à un suicide, mais cela semble être un meurtre. Jack est vivement suspecté. Devinant que Lucia et Jack sont amants, Mike défend cette hypothèse. Deux sœurs sont assassinées, selon la même méthode que pour Julie et les précédentes. Des indices accusent Jack de ces trois récents meurtres. Il est déstabilisé, mais se dit innocent. On apprend que Bonnie Jo avait un amant, l’introuvable Bernard Zanville…
Si l’on peut envisager longtemps la culpabilité de tel ou tel suspect, la réalité apparue en filigrane s’impose progressivement. C’est dire que la narration est maîtrisée. Les personnages sont réellement décrits avec subtilité. Loin des thrillers formatés ou aseptisés, cette histoire apparaît vivante et crédible.